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2. L’interaction verbale et son contexte

2.3 La politesse linguistique et les actes de langage

2.3.1 La politesse linguistique

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une intervention provocatrice chevauchant la parole de l’enseignante. Comme dans l’exemple précédent, on observe ici que le nœud de tension69 met en danger la place sociale des interactants70. Ne se jouent donc pas seulement des rapports de pouvoir institutionnel dans la classe mais aussi des rapports de face, à la fois en face à face et devant témoin.

2.3 La politesse linguistique et les actes de langage

2.3.1 La politesse linguistique

Dans la lignée des travaux de Goffman et de sa description du travail de figuration, j’ai convoqué la théorie de la politesse qui occupe une place centrale dans mon étude pour éclairer la rupture, la montée en tension et sa réparation. Si les conceptions théoriques de la politesse linguistique sont variées, la théorie que j’adopte est celle du modèle de Penelope Brown et Stephen Levinson (1978, 1987) réaménagé par Catherine Kerbrat-Orecchioni (1992). Ce modèle distingue les actes menaçants (Face Threatening Acts : FTAs) qui ont des effets négatifs produits sur la face et/ou le territoire, des actes flatteurs (Face Flattering Acts : FFAs) qui ont des effets positifs sur la face et/ou le territoire. Les premiers peuvent être eux-mêmes adoucis par des procédés de politesse. La politesse est considérée comme négative quand l’individu évite de commettre des FTAs ou les compense, les adoucis, et la politesse est considérée comme positive quand il produit des FFAs éventuellement renforcés.

Je soulignerai encore que, hors contexte, aucun énoncé ne peut être qualifié de poli ou d’impoli. Ainsi Catherine Kerbrat-Orecchioni (2010, p. 38) pose que des chercheurs comme Bruce Fraser et William Nolen (1981) ou encore Bruce Fraser (1990)

« ont proposé une définition alternative de la politesse, en termes de conformité d’un comportement aux attentes normatives des participants dans une situation donnée : sera jugé poli tout énoncé « approprié » et impoli tout énoncé inapproprié ».

Autrement dit, la politesse n’est pas seulement déterminée par le lexique ou encore la syntaxe mais par la contextualisation de l’énoncé lui-même. De fait, hors contexte, aucun énoncé ne peut être qualifié de « poli » ou d’« impoli » comme le montre d’ailleurs les récentes études conduites sur les joutes verbales. Ce dernier point est essentiel pour mon analyse au sein de

69 L’élève qui reproche à l’enseignante d’avoir provoqué une erreur orthographique ou l’élève qui ne cesse pas de se taire.

70 Mise en danger de la qualification à enseigner pour l’enseignante dans le premier exemple, et de la qualification d’un élève par rapport au reste de la classe dans le second exemple.

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laquelle le contexte pédago-didactique et la situation potentiellement conflictuelle qui y sont étudiés occupent une place centrale. Enfin, si Penelope Brown et Stephen Levinson (1978) ou encore Derek Bousfield (2008) reconnaissent le lien entre leur modèle et les travaux gricéens71, Derek Bousfield (2008) lui-même admet que de nombreux échanges se caractérisent par la volonté de ne pas coopérer. Ainsi, Manuel Jobert (2010) synthétisant les travaux de Derek Bousfield décrit comment il distingue l’impolitesse directe (on record impoliteness) et l’impolitesse indirecte (off record impoliteness). Si l’impolitesse directe est constitutive de menaces ou d’attaques directes à la face d’autrui, l’impolitesse indirecte est constitutive d’implicatures (menaces ou attaques indirectes). De même que si certains interactants ne souhaitent pas communiquer d’autres adoptent des comportements neutres (ni polis, ni impolis) (Watts, 2003). Ces différents éléments d’analyses sont particulièrement éclairant en ce qu’ils permettent de comprendre comment certaines stratégies de résolution de tension peuvent se révéler être efficaces. Mais aussi comment certaines peuvent se révéler inefficaces en termes de relation interdiscursive et de relation interpersonnelle. Une tension non résolue conduit à créer un passif interactionnel négatif pour la relation interpersonnelle elle-même. Au contraire, une tension résolue dans la dynamique d’une relation interpersonnelle est de fait bénéfique pour l’interaction pédago-didactique dans sa globalité et plus seulement dans un de ses moments interactionnels… Finalement, cela m’a permis de comprendre comment une intention de non négociation, une absence de volonté d’attention conjointe sur une relation existante et en devenir, pouvait être au cœur d’une relation en tension entre un enseignant et ses élèves. Je reviendrai sur ces points plus avant dans mon propos.

Ce sont précisément les mécanismes du travail de figuration décrit par Goffman qui se matérialisent dans la problématique de la politesse. Celle-ci se situe au cœur de mon objet d’étude en ce qu’elle se localise dans la relation interpersonnelle72 et se manifeste au sein de la relation interdiscursive73. Je reviendrai sur ces deux relations plus loin dans ma synthèse. Cependant je noterai ici que je considère que les deux relations sont elles-mêmes en situation d’influence réciproque puisque la seconde régule la première grâce aux mécanismes de compensation en cas de tension tout autant que la seconde illustre la première. La politesse linguistique s’observe au sein de la relation interdiscursive qui elle-même régule la relation

71 Travaux qui reposent sur une certaine universalité des règles de pragmatique, et plus précisément sur la description du principe de coopération interactionnelle et des maximes conversationnelle visant une interaction réussie.

72 En tant que relation sociale existante entre des personnes.

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interpersonnelle (Watzlawick, Helmick Beavin et Jackson, 1972 ; Kerbrat-Orecchioni, 1992). Elle contribue donc à la relation sociale. Dans ce contexte, la « négociation » est alors constitutive de

« tout processus interactionnel susceptible d’apparaitre dès lors qu’un différend surgit entre les interactants concernant tel ou tel aspect du fonctionnement de l’interaction, et ayant pour finalité de résorber ce différend afin de permettre la poursuite de l’échange. » (Kerbrat-Orecchioni, 2009, p. 103).

Cette négociation pouvant intervenir de façon préventive lorsque l’un des interactants anticipe une potentielle tension, un « nœud interactionnel de conflit potentiel » (Moïse, Meunier et Romain, 2015[doc36]). Dans ce prolongement, j’envisage la négociation, et tout procédé de coopération interactionnelle, par rapport au rôle qu’ils jouent dans la construction positive (favorable, anticipant ou dépassant le nœud de tension) de la relation interpersonnelle et de la relation interdiscursive entre les interactants.

Un point ici est à repérer : le nœud de tension, en tant que point de cristallisation du discours initiant un moment potentiel de rupture, informe sur une difficulté interactionnelle qui va (ou pas, ou peu, ou prou) être dépassée et/ou résolue. Ce moment appelle, souvent, la réalisation de procédés de réparation. Cependant ce même moment peut prendre des formes différentes qui elles-mêmes renseignent sur la réparation proposée par le même locuteur. Autrement dit, une injonction de (ne pas) faire peut-être peu ou prou ménagée pour la face des interactants et, de fait, contenir en elle-même un outil de négociation policée (ménagée pour la face). Je citerai ici des exemples que j’ai déjà évoqués ou sur lesquels je reviendrai plus loin dans mon propos. Chacun de ces exemples revêt la caractéristique de rendre compte d’un nœud de tension présent dans le discours des enseignants, qui peut être amorcé en amont dans le discours de l’élève, qui interrompent le fil discursif de leur séance de cours. Cela soit pour réagir à une contestation d’une élève suite à une demande que l’enseignante vient de refuser (ex 1), soit pour relever des comportements considérés comme déviants d’élèves (échanges en aparté : ex 2 ; commentaire verbal ou non verbal d’un élève sur une intervention de l’enseignant lui reprochant un comportement : ex 3, 4 et 5)74 :

Ex 1 :

En préparation de l’organisation de la fête de fin d’année du collège, l’enseignante explique aux élèves qu’il ne sera pas possible de se changer dans la salle qu’ils ont choisie. L’enseignante poursuit en fournissant en expliquant à ses élèves qu’il faut laisser la salle à des élèves plus jeunes.

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P. : je suis désolée mais ce ne sera pas possible (Corpus Oral-Vitrolles-EM&EE)

Ex 2 :

Alors que l’enseignante questionne les élèves sur le travail effectué en cours, l’un d’eux regarde par la fenêtre. L’enseignante va s’adresser à lui et à l’issue de son intervention ce dernier ne regarde plus par la fenêtre et se repositionne face à l’enseignante qui poursuit le questionnement de la classe.

P. : M./ si on a besoin d’aide tu ne pourras pas nous aider (Corpus Interactions-MRS-EE).

Ex 3 :

Dans ce troisième exemple, l’élève tourne le dos à l’enseignant et parle avec son voisin de classe. L’enseignant commence par l’interpeller par son prénom. L’élève cesse alors de parler avec son camarade et reprend la position attendue (face à l’enseignant). Cependant, elle le fait tout en levant les yeux au ciel. L’enseignant poursuit alors la remontrance.

P. : A./ ben oui mais tu te retournes↑/ je suis en train d’expliquer comment il faut faire/ et toi tu te retournes/ donc moi/ je me dis/ elle ne m’écoute pas/ donc c’est mon job aussi de te dire/ retourne toi/ et écoute/ […]

(Corpus Interactions-MRS-CM2). Ex 4 :

Dans ce quatrième exemple, l’enseignante s’adresse à un élève qui est identifié par un élève d’une autre classe comme l’ayant frappé au visage. L’élève ne se reconnait pas comme l’auteur du coup porté. Comme nous le verrons plus loin, l’échange, dont est extrait cette intervention, est long. Tout au long de sa construction, l’enseignante attaque et menace l’élève qui réfute les accusations formulées à son encontre.

P. : tu l’as pas touché/ tu l’as pas touché + donc il s’est fait mal tout seul […] EH ben/ c’est moi/ alors/ c’est forcément moi qui l’ai frappé

(Corpus Interactions-MRS-CM2) Ex 5 :

L’enseignante s’adresse à un élève qui est en train de parler avec un camarade alors qu’elle-même est en train de présenter le travail à réaliser. Après l’intervention de l’enseignante, l’élève cesse de parler et l’enseignante poursuit sa présentation.

P. : tais-toi !

(Corpus Interactions-MRS-CM2)

Le nœud de tension émergeant dans le discours de l’enseignant peut coexister avec le procédé de réparation, de négociation. C’est la politesse linguistique qui entre alors en jeu ici en tant que procédé adaptatif plus ou moins ménageant de régulation de la relation interdiscursive (en tant que procédé de négociation d’un différend) qui peut prendre différentes formes. Si l’impolitesse linguistique est propice à attiser la tension (ex 4 et 5) et à entretenir une relation interpersonnelle tendue, la politesse linguistique va au contraire ménager, de façon plus ou moins intense, les faces en présence (ex 1, 2 et 3). En cela, elle va pacifier d’une certaine

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manière la relation interpersonnelle et la poursuite de la relation interdiscursive entre enseignant et élèves.

A ce stade et en accord avec le psychologue social Picard, je considère la politesse comme un enjeu. Mais aussi comme un outil en termes de réussite de la relation interactionnelle sociale :

« toute rencontre sociale recouvre des enjeux importants dont les principaux peuvent se ramener à deux catégories fondamentales : des enjeux relationnels impliquant les acteurs et les images d’eux-mêmes qu’ils désirent faire connaitre ; et des enjeux sociaux dans lesquels la communauté, en tant qu’entité, est concernée. » (Picard, 2010, p. 83)

La politesse favorise donc les relations interactionnelles sociales mais aussi le ménagement des menaces à la face.

Dans le cadre de l’analyse de l’interaction verbale, j’emploie le terme « menace » ou « menaçant » pour référer à tout ce qui peut venir remettre en cause les faces des interactants en présence. Autrement dit, il ne s’agit pas à proprement parler de « menace » en tant qu’acte performatif comme cela peut être le cas dans l’exemple suivant :

P. : si tu ne t’excuses pas/ je te renvoie de mon cours (Corpus Interactions-MRS&Vitrolles-Collège)

Dans cet exemple, en venant au tableau, l’élève a donné un coup à une élève qui était en train d’écrire. Il a continué à avancer sans s’arrêter et sans s’excuser. Ici, la menace en tant qu’acte de langage est bien présente (au-delà de la menace à la face). En effet, si l’élève ne s’exécute pas, il menacé d’un renvoi.

Mais il peut s’agir aussi (et c’est le plus souvent le cas) de discrédit voire de disqualification à l’image de soi ou d’autrui, au domaine de compétences de soi ou d’autrui, etc., c’est-à-dire à une menace au sens goffmanien, comme dans les extraits suivants :

Ex 1 : P. : tiens-toi correctement

(Corpus Interactions-MRS&Vitrolles-Collège)

Dans ce premier extrait75, l’élève est remis en cause dans son positionnement corporel, il est disqualifié dans sa position/posture d’élève. Il ramasse une règle qui est tombée au sol alors que les élèves sont en train de réaliser un exercice en autonomie. L’acte de langage est l’injonction de faire.

Ex 2 : P. : oh mon dieu E. a travaillé/ S. a travaillé/ demain il pleut des grenouilles! (Corpus Interactions-MRS-CM2)

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Dans ce second extrait76, c’est la qualité même d’élève qui n’est pas implicitement reconnue, voire qui est remise en cause. Ainsi par menace, j’entends la menace portée à la face de l’autre, c’est-à-dire à sa dimension narcissique, à ses qualités subjectives ou encore professionnelles (risque de discrédit, de disqualification, etc.), et qui entame par conséquent la qualité de la relation entre les interlocuteurs. C’est cette menace à la face qui est constitutive du nœud de tension amorçant la montée en tension verbale en classe qui a retenu mon attention. L’étude de la verbalisation de cette menace m’intéresse particulièrement. Tout comme le fait d’observer dans quelle mesure la politesse linguistique ou l’impolitesse linguistique y trouve sa place. Autrement dit, je considère que le différend émergeant dans un échange peut permettre, s’il est ménagé, de faciliter voire d’enrichir son devenir, et au contraire, s’il n’est pas ménagé de conduire à l’échec de l’échange. C’est la mise en mots de ce différend en termes de ménagement des faces qui sera déterminant pour le devenir d’une interaction coopérative.

Ainsi, la politesse a un rôle central, non pas dans le contenu informationnel de l’échange lui-même, mais au niveau de la relation interdiscursive et plus largement de la relation interpersonnelle qu’il s’agit de gérer (Kerbrat-Orecchioni, 1992). En effet, d’après George Lakoff (1975, p. 64), qui a été le premier à envisager la politesse dans sa dimension pragmatique (Eelen, 2001), la politesse est « un moyen de minimiser le risque de confrontation dans un discours ».

A travers la notion de politesse, je prends en compte tout ce qui va permettre de valoriser ou ménager la face de l’autre tout comme la propre face du locuteur, à travers notamment des marqueurs plus ou moins attendus en fonction des contextes. Alors que par la notion d’impolitesse je prends en compte, dans le contexte scolaire notamment, la menace portée à la face de l’autre et/ou de l’énonciateur lui-même à travers le recours à des menaces à la face et à une absence de ménagement, comme dans l’extrait suivant77 constitutif d’une injonction de faire exclusive :

P. : tais-toi !

(Corpus Interactions-MRS-CM2)

Ou encore à un ménagement feint ayant finalement pour effet d’exacerber, de mettre en lumière la menace elle-même tel que dans le cas de l’ironie dans l’extrait suivant78 où une enseignante

76 Voir l’exemple dans son intégralité p. 50.

77 Voir l’exemple dans son intégralité p. 82.

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est convaincue de la responsabilité d’un élève qui aurait frappé un autre élève pendant la récréation. Cela alors qu’aucun adulte n’a assisté à la scène :

P. : tu l’as pas touché/ tu l’as pas touché + donc il s’est fait mal tout seul […] EH ben/ c’est moi/ alors/ c’est forcément moi qui l’ai frappé

(Corpus Interactions-MRS-CM2).

Dans la lignée des travaux de Penelope Brown et Stephen Levinson (1978, 1987), le système de la politesse linguistique a été décrit à son tour par Catherine Kerbrat-Orecchioni (2010) qui a identifié trois autres types de réalisation de ces menaces ou ménagements portés à la face des interactants. J’illustrerai les cinq réalisations en empruntant à Catherine Kerbrat-Orecchioni ses propres exemples (2010, p. 39) :

- la politesse réalisée dans un contexte où certains marqueurs sont attendus et donc formulés « Je voudrais une baguette de pain »,

- l’impolitesse marquée par l’absence d’un marqueur de politesse attendu ou par la production d’un marqueur d’impolitesse comme dans l’énoncé « Je veux une baguette de pain ».

- la non politesse réalisée par l’absence normale de certains marqueurs conventionnels (par exemple l’absence de ménagement portée à la face des soldats lorsqu’un supérieur formule un ordre ou encore l’énoncé « Une gauloise filtre » adressé au marchand de tabac),

- l’hyperpolitesse réalisée par la convocation de marqueurs excessifs de politesse (par exemple des salutations considérées comme exagérées « Pourriez-vous avoir l’amabilité de me donner une baguette ? »),

- la polirudesse qui réunit la pseudo-politesse et la pseudo-impolitesse qui viennent complexifier l’analyse et que Catherine Kerbrat-Orecchioni (2010). Elle cite alors comme exemple un extrait du débat de l’entre-deux tours de l’élection présidentielle de 2007 où Nicolas Sarkozy prononcé l’énoncé suivant : « Mme Royal ne m'en voudra pas, mais à évoquer tous les sujets en même temps, elle risque de les survoler et de ne pas être assez précise ».

Il est intéressant de repérer que ce classement des différentes réalisations des menaces et/ou des ménagements à la face dépasse justement le clivage entre politesse et impolitesse en proposant un continuum de ces différents procédés de ménagement ou de menace. Je reviendrai plus avant dans mon propos sur ces notions et notamment sur celle de polirudesse que j’ai plus particulièrement étudiée dans le cadre des courriels universitaires. Cette notion de politesse linguistique est un outil central pour mon analyse en ce que je l’articule avec celle de coopération dans le cadre de la description et de l’analyse de la montée en tension. Je considère

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que toute interaction verbale79 repose par postulat sur le principe de coopération et sur le ménagement des faces, en d’autres termes sur la recherche de l’accord (Détrie, 2016). Par conséquent, je m’inscris dans le prolongement des travaux de Geoffrey N. Leech (1983) qui a explicitement articulé le principe de coopération décrit par H. Paul Grice (1979) (selon lequel les partenaires de l’interaction adoptent des comportements verbaux coopératifs, un contenu commun et partagé) et le principe de politesse (en termes de relation, où chacun cherche à ménager la face de l’autre et sa propre face), les considérant comme d’authentiques facteurs régissant l’interaction dans son aspect pragmatique. Selon cet auteur, le manquement au principe de coopération s’expliquerait par le recours au principe de politesse.

C’est pourquoi, la coopération peut conduire dans certains cas à menacer la face d’autrui. De ce fait le principe de politesse deviendrait premier et le principe de coopération secondaire. Le premier viserait alors à renoncer à la production de menace et à ménager les faces. En 2016, j’ai ajouté à ces deux principes, celui de principe de négociation (Romain et Rey, 2017a[doc17]) sur lequel je reviendrai un peu plus loin dans cette synthèse et qui a émergé lors d’une analyse réalisée sur la médiation scolaire entre pairs et sur l’intention affirmée par les médiateurs de parvenir à trouver une résolution de la tension entre élèves médiés par une négociation de la relation interpersonnelle à venir.

Ce principe de négociation prend en compte l’articulation entre une coopération transformée à la suite d’un nœud de tension (Moïse, Meunier et Romain, 2015[doc36]) et le recours à la politesse afin d’assurer la négociation du moment de rupture : le principe de coopération de H. Paul Grice ne peut plus alors être respecté du fait de l’émergence d’une menace portée à la face. Cela conduit à une transformation de la coopération initiale par les interactants (ou l’un d’entre eux au moins) afin d’entrer en adéquation avec la politesse linguistique nécessaire à la réparation du moment de rupture. S’il y a négociation via la politesse linguistique cela veut dire nécessairement qu’une nouvelle coopération prend forme, orientée toujours vers un comportement coopératif. Ce comportement coopératif80 s’est transformé par accommodation (nécessité interactionnelle d’ajustement, conscient). Finalement, le temps de la négociation de la rupture devient momentanément le but de la communication et non pas un moyen de

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