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configurationnelle des recensions

II.3.1. Plan de texte et enchaînements séquentiels

La linguistique textuelle définit le texte comme une unité sémantique et pragmatique configurationnelle. En d’autres termes, le lecteur perçoit le texte comme une unité d’ensemble, comme un tout qui n’est pas seulement la somme de ses parties. Cette unité peut s’analyser dans une perspective sémantique ou dans une perspective pragmatique. « Deux types d’opérations font d’un texte un tout configuré : l’établissement d’une unité sémantique (thématique) globale et (au moins) d’un acte de discours dominant » (Adam 2015 : 204). Ces deux perspectives présentent la particularité de ne pas être nécessairement linéaires. Le texte peut être résumé sur le plan sémantique par un titre, ce qui suppose l’existence d’une macro- structure sémantique. Par ailleurs, le texte est une suite plus ou moins hiérarchisée d’actes de langage. On peut donc sur le plan pragmatique le résumer par un macro-acte de langage. Mais ces deux opérations qui consistent à subsumer le texte de façon très schématique par un titre ou un macro-acte de langage ne s’appuient pas uniquement sur la linéarité du texte. Il en ressort par conséquent que le texte possède à la fois une dimension linéaire et une dimension configurationnelle :

221 La difficulté d’appréhender la configuration des textes réside dans ce que J.-J. Richer nomme le dépassement

d’une conception additive de la totalité textuelle et nécessite le recours à la notion de genre : « Pour sortir de l’impasse théorique résultant d’une conception du texte comme addition de séquences et pour élaborer une autre voie de conceptualisation de la totalité textuelle se présente alors le concept de genre » (Richer 2004 : 124).

Nous devons insister sur le fait que tout texte se présente comme une combinaison du linéaire (contraint en grande partie par la linéarité orientée des énoncés et des textes qui ont un début et une fin) et de deux modes non linéaires de construction du sens : la perception d’un tout de sens qui fait l’unité du texte (dimension configurationnelle) et la perception de réseaux complexes de sens (dimension réticulaire) (Adam 2015 : 223).

C’est sans doute dans cette double dimension que réside la profondeur du texte et la difficulté à pouvoir l’analyser La dimension linéaire du texte peut se schématiser sous la forme d’un plan de texte, qui est une structure essentielle dans la cohésion textuelle, en particulier en l’absence de séquences prototypiques. La dimension configurationnelle du texte peut, quant à elle, être appréhendée avec l’effet de dominante222. Cet effet peut être obtenu soit par une séquence enchâssante (critère formel), soit par une séquence plus présente que les autres (critère quantitatif), soit par une séquence par laquelle on peut résumer le texte (critère qualitatif) (Adam 2015 : 216).

Plusieurs chercheurs se sont interrogés dans leurs travaux sur le fonctionnement des recensions et ont, à ce titre, cherché à dégager un certain nombre de régularités structurelles et compositionnelles. C’est le cas notamment de R. Gläser, qui, dans le cas de la recension scientifique anglophone reconnaît une certaine homogénéité macrostructurelle :

Die Makrostruktur der wissenschaftlichen Rezension ist weitgehend vereinheitlicht, obwohl die invarianten Inhaltselemente des Textkörpers (Darstellung des Inhalts und der Methoden; Wertung des Inhalts und der Darstellungsform) auch subjektive Variationen und Akzentuierungen des Rezensenten zulassen (Gläser 1990 : 113).

À partir de ce constat d’une macrostructure à la fois homogène et soumise à des variations dites subjectives, R. Gläser énumère les composantes que l’on peut rencontrer dans les recensions scientifiques223 et établit trois formes fréquentes de plans de texte typiques, représentés dans le tableau ci-dessous.

222 Certaines critiques ont été formulées à l’égard de cet effet de dominante dans la mesure où il n’est pas

toujours facile à déterminer. Les critères formels, qualitatifs et quantitatifs relèvent davantage d’une appréciation interprétative que d’une preuve irréfutable de l’effet de dominante. Déterminer la structure configurationnelle des textes est en ce sens beaucoup plus exigeant que déterminer leur structure compositionnelle : « Mais comment peut-on superposer deux superstructures qui sont caractérisées par des nombres et des types différents de macro-propositions ? Qu’est-ce qui permet de déterminer que l’une domine l’autre ? » (Roulet 1991 : 121).

223 Ces composantes, au nombre de huit, constituent des segments textuels relativement délimités : „Solche

Komplexe, denen ein relativ abgeschlossenes Textsegment entsprechen kann, sind : Anlaß der Veröffentlichung (z.B. Forschungsauftrag, Konferenz); Gegenstand und Ziel des Buches; Vorstellung der Person des Autors; allgemeiner Kommentar des Rezensenten zum Forschungsstand und dementsprechende Einordnung der Neuerscheinung; referierender Abriß des Inhalts; Diskussion der Methode(n); Wertung des Buches nach Inhalt und Forschung; Hinweis auf Möglichkeiten des praktischen Nutzens“ (Gläser 1979 : 117).

Tableau 16 : Les trois formes les plus fréquentes de plans de texte (Textbaupläne) dans les recensions scientifiques (Gläser 1979 : 118)

A B C

1. Anlaß der

Veröffentlichung 1. Forschungsstand Betrachtungen zum im Allgemeinen

1. Themenangabe

2. Themenangabe 2. Vorstellung des Autors 2. Wertung

3. Methoden der Bearbeitung

des Themas 3. Themenangabe 3. Inhaltsangabe

4. Einordnung der Neuerscheinung in die Methodendiskussion 4. Kommentar zum behandelten Thema 4. Forschungsstand

5. Hinweis auf den

Nutzerkreis 5. Referieren des Inhalts 5. Schlußfolgerungen für weitere Arbeiten

6. Wertung

On constate que les plans de textes mentionnés dans le tableau ci-dessus présentent les enchaînements thématico-fonctionnels les plus fréquents. Il est à noter que toutes les étapes du plan de texte ne sont pas nécessairement réalisées et que la démarche de R. Gläser ne permet que de formaliser des tendances, de définir des attentes. Reprenant cette méthode, S. Adam (2007) postule à son tour l’existence d’un plan de texte stéréotypé. Elle part du constat empirique d’une certaine régularité de la macrostructure qui oppose pourtant une certaine résistance à toute tentative de formalisation. Elle résout cette tension entre régularité et variabilité en ayant recours aux concepts de scénographie et de scène générique :

Cette tension entre variabilité compositionnelle et schéma fixe sous-jacent se trouve résumée dans l’opposition entre « scénographie » (mise en scène libre et originale du dire) et « scène générique routinière » (superstructure commune à tous les représentants d’un genre) telles que la définit D. Maingueneau (Adam 2007 : 193).

La variabilité du plan de texte s’explique donc par une certaine marge de manœuvre dont dispose le recenseur. En s’inspirant du modèle de R. Gläser, S. Adam modélise à son tour le plan de texte typique d’une recension scientifique :

Tableau 17 : Variabilité du plan de texte des recensions scientifiques (Adam 2007 : 193)

Composante Fonction première Réalisation

1. Introduction générale Informative Facultative

2. Présentation/Définition du thème/intention de l’ouvrage de base Majoritairement informative Obligatoire

4. Discussion évaluative des contenus Évaluative Facultative

5. Conclusion évaluative Évaluative Très fréquente

Alors que le modèle de R. Gläser ne permettait que de mentionner les étapes les plus fréquentes d’un plan de texte et de proposer trois types d’enchaînements, le modèle de S. Adam propose d’associer à chaque composante une fonction soit informative, soit évaluative, ainsi qu’un degré de réalisation (facultatif, obligatoire, très fréquent). Alors que dans le premier modèle, il n’y avait que la présence du sujet qui était récurrente, on observe ici que c’est la présentation du sujet et la présentation détaillée des contenus qui sont obligatoires. Autrement dit, la recension scientifique est un type de texte essentiellement informatif. Même si le modèle de S. Adam permet une approche plus fine des plans de texte, il semble cependant que les deux modèles considèrent certes le texte comme un ensemble, mais comme un ensemble linéaire. Ces modèles s‘attachent de manière excessive à la structure de surface des textes. Or, il a été démontré que des périodes descriptives et des séquences explicatives pouvaient à la fois relever de l’information et de l’évaluation. Une composante détaillant les contenus peut tout à fait, notamment par effet d’enchâssement ou de prédominance, relever de la fonction informative ou évaluative. Dans le cas présent, il ne s’agit certes pas de recensions scientifiques, mais la tâche consiste ici également à identifier une macrostructure récurrente. À l’instar de S. Adam, il convient de faire appel aux concepts de scène générique et de scénographie pour expliquer la tension entre le cahier des charges imposé par le genre textuel et la liberté dont dispose le recenseur. Mais contrairement aux tentatives faites pour modéliser le plan de texte sous-jacent de la recension scientifique, il faut renoncer à parler de composantes fonctionnelles, qui ne prennent pas assez en considération l’organisation configurationnelle des recensions. Il en ressort que deux types de questionnements se posent :

• Quels sont les macro-actes qui prédominent dans les recensions et comment se concrétise l’effet de dominante ?

• Existe-t-il des enchaînements ou des enchâssements typiques dans les recensions ?

Pour répondre à la première question, il semble nécessaire d’avoir recours à ce qui a été associé plus haut à des compétences du recenseur. Ces quatre compétences sont, en effet, des actes de discours indirects, à savoir :

- reconstituer l’objet (absent) du discours - rendre accessible un contenu

- inciter à la lecture/achat ou au contraire décourager la lecture/l’achat - donner un avant-goût une prélecture

Ainsi, lorsque le recenseur cite le texte source ou narre l’intrigue, on peut considérer qu’il veut donner un avant-goût de la lecture. Par ailleurs, tout jugement évaluatif et tout discours argumentatif visant à convaincre le lecteur peut être considéré comme la volonté d’inciter le lecteur à la lecture ou à l’achat du livre. Ainsi, si un texte peut se résumer par un macro-acte de discours, il existe quatre types de macro-actes dominants dans les recensions.

En ce qui concerne la seconde question, il convient de chercher des combinaisons de séquences ou de périodes typiques, qui formeraient un tout différent de la somme de leurs parties, un peu à la manière de l’exemplum de la rhétorique qui consiste à enchâsser une séquence narrative entre deux séquences argumentatives. Dans cet enchaînement séquentiel spécifique, la séquence narrative est ainsi entièrement au service d’une visée argumentative. Pour les recensions, il a précédemment été montré que certains modes de mise en discours étaient privilégiés par certaines stratégies du recenseur. Mais certaines combinaisons ou enchaînements de séquences pourraient créer des effets de dominante susceptibles de modifier ce rapport privilégié entre telle stratégie et tel mode de mise en discours.

II.3.1.1.

Enchaînement descriptif + argumentatif

On a pu constater que les opérations descriptives dans les recensions servent avant tout à reconstituer l’objet du discours et que les séquences argumentatives servent à inciter le lecteur à la lecture du roman ou au contraire à l’en dissuader. Dans la recension [67], on peut identifier une macro-structure en deux parties. Dans la première partie (lignes 2 à 11), ce sont les opérations descriptives qui dominent. Elles visent effectivement à reconstituer l’intrigue du roman et sont marquées par des termes métadiscursifs tels que : Gila Lustiger schreibt

über (l. 3), Kurioser Hintergrund (l. 8). La seconde partie (lignes 11 à 18) est, quant à elle,

dominée par des opérations argumentatives. La rupture entre les deux parties est marquée par la thèse défendue par le recenseur : Doch so richtig kommt dieses Kammerspiel nicht in

Schwung (l. 11). Dans cette seconde partie, des restrictions sont apportées qui correspondent

au moment P.arg 4 de la séquence argumentative prototypique (structure en zwar… doch, l. 12-13). Malgré cette macro-structure en deux temps, c’est la seconde partie qui domine l’ensemble. A posteriori, on peut considérer que la première partie est au service de la seconde. Les arguments et les restrictions apportées dans la partie argumentative ne sont recevables que si le lecteur sait de quoi parle le recenseur. Ainsi, le macro-acte de discours

susceptible de résumer cette recension consiste effectivement à déconseiller la lecture de ce roman.

[67.] Die letzten Dinge

„Alles wie gewohnt", doch seit Onkel Pauls Tod, seit seinem Siechtum und Krebsleiden ist nichts mehr wie gewohnt. Gila Lustiger schreibt über zwei Schwestern, die nach langer Zeit im Haus ihrer Mutter aufeinandertreffen, um das Nötige zu regeln, um den Onkel noch einmal zu sehen - und um ihre Beziehung zu ihm zu klären. Lisa hat eine abgebrochene Schauspielausbildung und arbeitet inzwischen als Therapeutin. Tanja hat Karriere in einem Unternehmen gemacht, ist mit einem Langweiler verheiratet und kompensiert ihr schlechtes Gewissen mit großzügigen Geldspritzen, die Onkel Pauls Pflegerin zugutekommen. Kurioser Hintergrund: Gleich nach seiner Diagnose entscheidet der Patient, nicht im eigenen Haus, sondern in der Obhut seiner Schwester zu sterben, weil die ihn wenigstens „in Ruhe" lasse. Wenn das am Ende einer langen Beziehung steht, darf man Pauls Ehefrau Anne gründlich bemitleiden. Doch so richtig kommt dieses Kammerspiel nicht in Schwung. Zwar werden Familiengeheimnisse gelüftet (mehr als Affären-Geständnisse sind allerdings nicht drin), doch wirkt das meiste davon seltsam matt. Einzig die Hoffnung, auf dem Totenbett müsse sich eine Katharsis ereignen, hält die Spannung, denn Versöhnung ist im Leben schon schwer genug, weshalb soll sie ausgerechnet auf dem Sterbebett gelingen? So gipfelt dieser Roman in der Erkenntnis, dass es einem Sterbenden wichtiger sein kann, seine Lieben nach der Uhrzeit zu fragen, als mit ihnen letzte Dinge zu klären - Dinge, die noch nicht mal den Leser etwas angehen (teut, faz, 06.01.12., nous soulignons).

II.3.1.2.

Enchaînement narratif + descriptif

Un autre type d’enchaînement récurrent dans les recensions est celui de périodes ou séquences narratives et descriptives. Dans la recension [67] dont la macrostructure vient d’être analysée comme une succession descripto-argumentative à dominante argumentative, on trouve l’enchaînement à une plus petite échelle entre une période narrative et une période descriptive. Le début de l’article (l. 2-3) commence par une période narrative avec un ancrage temporel (seit Onkel Pauls Tod) qui renvoie au cadre diégétique du récit. La mention même de l’oncle Paul, posé comme un élément connu, renvoie au récit. Mais la deuxième phrase de l’article est de nature descriptive et renvoit de manière explicite au plan de la recension (Gila

Lustiger schreibt). Les périodes ou séquences narratives dans les recensions sont supposées

proposer une prélecture du roman. Mais ici, le critère quantitatif permet d’affirmer que c’est la description qui domine. La période narrative est ici au service de la description et permet sans doute de rendre la description de l’intrigue plus vivante en plongeant le lecteur par intermittences dans la narration.

II.3.1.3.

Enchaînement argumentatif + narratif

Dans la recension [68] qui est essentiellement composée de périodes argumentatives, descriptives et narratives, c’est à nouveau l’argumentatif qui prédomine. Le macro-acte de discours de cette recension consiste effectivement à déconseiller la lecture de ce roman. Mais l’enchaînement qui est particulièrement intéressant ici est celui de la période argumentative et narrative (l. 7-9). Tandis que dans la recension [67], la première partie reconstituait l’intrigue et permettait ainsi de valider ou d’invalider l’argumentation, ici, l’argumentation est illustrée à partir d’une période narrative qui a la particularité d’être une citation extraite du roman. Pout étayer son argumentation, le recenseur a directement recours au texte source. Il est évident que ce qui domine ici est l’argumentation. La narration n’est pas au service d’une prélecture, mais plutôt de l’argumentation.

[68.] Laue Verschwörung

Verschwörungstheorien erfreuen sich in Russland einiger Beliebtheit. Warum also nicht einen Agentenroman wagen, der die Perestroika als KGB-Operation präsentiert und aus einer Verbindung von Geheimdienst und Kirche „orthodoxe Volkswehren" erblühen lässt? Ebendas tut die Journalistin Sonja Margolina in ihrem Romandebüt. Statt eines Krimis oder Thrillers gelingt ihr jedoch nur eine „Gebrauchsanleitung" für geheimdienstliches Vorgehen. Atmosphäre, Personenzeichnung und Dramaturgie bleiben blass, die Dialoge holpern über Sentenzen, aufgesetzten Jargon und naive Sprache. „Also, sei brav und gehorche deinen Lehrern" - so redet hier der KGB mit Hooligans. Da stürmt die Organisation dann eine Ausstellung, was an die realen Ereignisse um die „Verbotene Kunst 2006“ erinnert. Kaum verschwindet eine Künstlerin, wird schon von Mord gesprochen – nur hat sogar die Journalistin in der Rolle der Ermittlerin an Aufklärung kein Interesse. Stattdessen stürzt sie sich in eine Affäre mit einem Geheimdienstler, um nach einem Anschlag auf sein Leben mit ihm in den Hafen später Elternschaft einzusegeln. Der Verlag preist die Fiktion als nah an der Realität – doch wie plausibel das ist, darüber nachzudenken lädt der Roman nicht ein (pöhl, faz, 12.01.12., nous soulignons).

II.3.1.4.

Bilan provisoire sur les enchaînements

séquentiels

Il a été montré qu’un texte avait une macro-structure sémantique que l’on pouvait résumer par un titre. Il a également été affirmé que les recensions [67] et [68] étaient toutes les deux à dominantes argumentatives. Pourtant, si l’on compare les deux titres choisis pour les résumer, on constate que Die letzten Dinge ne laisse pas présager du contenu évaluatif de l’article tandis que Die laue Verschwörung en revanche résume de façon satisfaisante la recension.

Effectivement, le recenseur explique que le roman raconte l’histoire d’une conspiration, mais que le récit n’est pas une entière réussite.

Ces brèves analyses confirment l’idée qu’il ne faut pas partir de la fonction. En ce sens, la notion d’actes textuels est moins performante dans la mesure où elle ne permet pas de comprendre les effets de dominante et les différentes stratégies textuelles mises en œuvre par le recenseur. Le repérage des modes de mise en discours et l’analyse des enchaînements séquentiels permettent en revanche une compréhension plus fine du texte dans sa macrostructure sémantique et pragmatique. Une question reste cependant à élucider concernant la structure configurationnelle des recensions, à savoir celle de la présence obligatoire ou non des différents éléments qui les composent.