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II.1.2. Quelle(s) fonction(s) pour la recension ?

II.1.2.2. Application des actes textuels constitutifs Formules « performatives » explicites

Reprendre ici l’appellation de formules « performatives » explicites permet de faire écho à la formulation de K. Brinker (2010 : 92) et de pouvoir éprouver son utilité en tant qu’indicateur générique direct. Mais il s’agit là, en fait, de verbes et de formules avec une force illocutoire, qui cumulent – toujours selon K. Brinker (2010 : 91) – un double rôle : ils seraient à la fois la marque d’un acte de langage et la marque de la fonction textuelle.

En appliquant au corpus les différentes théories évoquées précédemment, on peut tout d’abord confirmer l’existence des problèmes liés à l’échelle de la fonction textuelle. Une première lecture des recensions, permet de façon empirique d’associer la fonction de ces textes aux deux premières fonctions de bases relevées par K. Brinker et que l’on peut paraphraser comme lui par :

Ich [der Emittent] informiere dich [den Rezipienten] über den Sachverhalt X (Textinhalt) (Brinker, 2010 : 98).

Ich [der Emittent] fordere dich [den Rezipienten] auf, die Einstellung (Meinung) X zu übernehmen/die Handlung X zu vollziehen (Brinker 2010 : 102).

A priori, les recensions journalistiques sont des textes à fonction informative ou à fonction

d’appel. Si l’on suit le raisonnement de K. Brinker, ces fonctions pourraient être marquées directement par des formules performatives explicites. Ainsi, à la fonction informative correspondrait une série de verbes indexant directement la fonction textuelle :

In direkter Perspektive kann die informative Textfunktion indiziert werden durch explizit performative Formeln mit den Verben informieren, mitteilen, melden, eröffnen, berichten, benachrichtigen, unterrichten usw (Brinker 2010 : 98).

Cependant, ce marqueur direct n’est pas un indicateur aussi fiable que le prétend K. Brinker, du moins en ce qui concerne les recensions. Ainsi, suite à un relevé au sein du corpus à partir des formulations les plus fréquentes fournies par K. Brinker pour les deux fonctions informatives et évaluatives, on identifie une cinquantaine d’occurrences correspondant à ce qui pourrait être des « formules perfomatives explicites ». Ce chiffre n’est pas significatif, dans la mesure où le relevé n’a été effectué qu’à partir de la liste de verbes proposée par K. Brinker. On peut donc supposer que d’autres verbes similaires peuvent s’ajouter à cette liste et donc apparaître en plus grand nombre. Mais il n’en reste pas moins que les occurrences relevées ne sont, dans aucun des cas, caractéristiques du travail du recenseur.

[1.] Musik und Rhythmus des Textes sind prachtvoll, eine antiquarische Verfremdung. Sie passt zu dem, wovon er erzählt, dem Grausamen, Erhabenen und Göttlichen. Er fordert uns auf, laut zu rezitieren, zu lesen, wie in vormodernen Zeiten. So entsteht ein seltener Effekt: größtmöglicher Abstand und seltsame Präsenz (Nordhofen, zeit208, 06.06.12., nous soulignons).

[2.] In beiden Erzählsträngen lässt Bakker vieles unausgesprochen und verlangt vom Leser, zwischen den Zeilen zu lesen (Lüthi, nzz209, 05.05.12., nous soulignons).

En [1] et [2], on retrouve les verbes auffordern et verlangen, décrivant un acte illocutoire de nature exercitive et classés par K. Brinker parmi les marqueurs de la fonction d’appel. C’est effectivement la fonction qu’ils occupent ici, mais la perspective est différente, le recenseur et/ou le lecteur sont les destinataires de cet acte illocutoire. La paraphrase de K. Brinker pourrait être reformulée de la façon suivante :

Er [der Autor] fordert mich/uns [den Rezensenten/den Leser] auf, die Handlung X zu vollziehen.

L’action X correspond ici à réciter à haute voix le texte [1], à lire entre les lignes [2]. Les indices constitués par les formules illocutoires correspondant à la fonction informative opèrent ce même renversement comme en [3], [4] et [5], avec les verbes informieren,

berichten, eröffnen :

[3.] Luzidin ist eine Droge aus dem Labor des 24-jährigen Wiener Autors Lukas Meschik. Über ihre Wirkung und Nebenwirkungen informiert der fast 600 Seiten starke (Beipack-)Roman «Luzidin oder Die Stille», ein Koloss an Sprach- und Bildermacht (Waldinger, nzz, 23.06.12., nous soulignons).

[4.] Kühn konstruiert, elegant erzählt: Sten Nadolny beobachtet sich selbst und berichtet in seinem Roman „Weitlings Sommerfrische“ von einer Zeitreise in die eigene Jugend (Lüdke, zeit, 14.06.12., nous soulignons).

[5.] Allerdings entwickelt der Autor die Handlung nicht chronologisch, sondern eröffnet das erste Kapitel mit einem Brand, der 1794 im Städtchen Sulz ausbricht und von Schreiber Grau als späte Rache für Hannikels Hinrichtung vor sieben Jahren gedeutet wird (Eichmann- Leutenegger, nzz, 14.03.12., nous soulignons).

L’ensemble de ces marqueurs ne renvoit donc pas au travail du recenseur, mais à celui de l’auteur. À ce titre, il est intéressant de noter que les fonctions de bases ont été élaborées pour les textes non-littéraires. Or, d’après le recenseur, le texte littéraire peut tout aussi bien servir à informer et convaincre que le texte non-littéraire. Tout du moins, les mêmes formules

208 Désormais l’abréviation zeit sera employée pour désigner l’hebdomadaire allemand Die Zeit. 209 Désormais l’abréviation nzz sera employée pour désigner le quotidien suisse Neue Zürcher Zeitung.

peuvent servir de marqueur à ces fonctions. Ainsi, il est possible, de la même manière que pour la fonction d’appel, de reformuler la paraphrase correspondante :

Er/Sie [der Autor/die Figur] informiert mich/uns [den Rezensenten/den Leser] über den Sachverhalt X (Textinhalt).

Il convient d’ajouter ici le personnage comme locuteur potentiel à l’origine de l’acte illocutoire, car comme en [6], cette action peut être considérée depuis la perspective du personnage. Cette occurrence montre que l’acte textuel réalisé par le recenseur est bien celui d’informer, mais cet acte n’est pas marqué par les indices relevés à partir de la liste de K. Brinker.

[6.] „Alles dreht sich, diese Welt dreht sich immer schneller und ich kann nichts dagegen tun." Das teilt ein Mann auf dem Weg in den Abgrund mit, in der Mitte von Drago Janèars beeindruckendem Roman Nordlicht von 1984, der nun in neuer Übersetzung vorliegt (Zeyringer, stand210, 11.02.12., nous soulignons).

Les actes de langage décrits dans ces circonstances peuvent être signalés par d’autres marqueurs que ceux relevés par K. Brinker, comme en [7] avec l’expression unser Geduld mit

Informationen strapazieren. Le recenseur n’est pas limité à une liste close de verbes, mais

peut imaginer toutes sortes de formulations concurrentes.

[7.] Melodische Bögen, rhythmische Gliederungen sind ihr fremd, tapfer stolpert sie von Hauptsatz zu Hauptsatz und strapaziert unsere Geduld mit Informationen wie diesen: „An der Böblinger Straße parkte Emil den Audi hinter einem alten Toyota“. Später heißt es: „Zwischen zwei vertrockneten Rasenstücken bog er rechts ein und stellte den Wagen in der Alexanderstraße ab“. Und dann: „Ihr schwarzer Golf stand neben Peters rostigem Fiat in der Einfahrt“ (Greiner, zeit, 08.03.12., nous soulignons).

Il n’en reste pas moins, que l’ensemble de ces formulations peut contribuer à signaler le genre de texte211 dont il est question ici, à défaut d’indiquer la fonction textuelle. Effectivement, en décrivant un acte illocutoire attribué au personnage ou à l’auteur, le recenseur réalise lui- même un acte illocutoire, mais non signalé. Cet acte accompli par le recenseur consiste tantôt à décrire, tantôt à rapporter, commenter ou encore résumer, pour n’en citer que quelques uns. Cet enchâssement de l’acte illocutoire marqué dans l’acte illocutoire non marqué s’explique sans doute par la nature de l’activité du recenseur. Un texte commente un autre texte en

210 Désormais l’abréviation stand sera employée pour désigner le quotidien autrichien Der Standard.

211 Par conséquent, l’intérêt que représentent ces formulations sera exploité dans le troisième chapitre de cette

étude consacré à l’énonciation, dans la mesure où ces formulations nécessitent une analyse davantage en termes de polyphonie discursive que de fonction textuelle.

signalant les actes de langage que ce dernier accomplit, mais sans pour autant signaler ceux qu’il accomplit lui-même.

Quant au dernier élément de la paraphrase (Sachverhalt X) désignant le contenu de l’acte illocutoire et représenté par un X, il correspond fréquemment dans les occurrences à un segment représentant un discours autre sans intégration syntaxique, c’est-à-dire simplement en mention, la plupart du temps entre guillemets. Autrement dit, le recenseur représente l’acte illocutoire par le recours à un verbe-indice, mais également par la représentation d’un discours autre (issu du texte source) en mention. En [7], ce procédé est particulièrement bien visible puisqu’il est repris ensuite par la formule es heißt, puis le recenseur renonce même à l’usage d’un verbe à force illocutoire qui est sous-entendu avec und dann. L’occurrence [7] pourrait être schématisée de la façon suivante :

Er [der Autor] informiert [strapaziert unsere Geduld mit Informationen] uns [den Rezensenten und den Leser] über den Sachverhalt X und es heißt X und dann X.

Le symbole X représente à chaque fois un passage cité en mention. Le travail du recenseur est donc d’expliciter les actes illocutoires de l’auteur, tout en les évaluant, ici en ayant recours à la formule péjorative unsere Geduld strapazieren.

Il n’y a qu’une seule occurrence dans le corpus où le verbe illocutoire ne se réfère pas à l’auteur, mais à l’activité du recenseur. Cependant, ce verbe renvoie à l’activité d’un autre recenseur :

[8.] Dabei fragt Georg Diez selbst: „Wer spricht da? ... Wer denkt so?“ Seine Antwort ist eine pure Unterstellung, da er nichts von seinen Behauptungen belegen kann: „Durch den schönen Wellenschlag der Worte scheint etwas durch, das noch nicht zu fassen ist (!). Das ist die Methode Kracht" (Malchow, spieg212, 18.02.12., nous soulignons).

Ici, la description de l’acte illocutoire (Georg Diez fragt X) fonctionne selon le même procédé. Le recenseur explicite l’acte illocutoire d’un autre locuteur pour en rendre compte et pour l’évaluer. La seule particularité réside dans le fait que l’autre locuteur n’est pas l’auteur, mais un autre recenseur. Cette dernière occurrence confirme l’idée selon laquelle l’activité du recenseur peut être subsumée à l’aide de paraphrases glosant un acte illocutoire, même si cet acte illocutoire ne renseigne pas sur la fonction textuelle des recensions.