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Tous les auteurs s’accordent pour dire que la société rurale s’est profondément transformée. Les évolutions démographiques, la baisse du nombre d’agriculteurs et l’arrivée de nouveaux habitants provoquent un brassage des valeurs, des comportements, des attentes. Les modes de vie ont tendance à s’uniformiser avec ceux de la ville, même si les espaces ruraux continuent d’offrir quelques spécificités. De nouvelles relations sociales s’instaurent au sein des sociétés rurales, résultat d'interrelations nouvelles et d’attentes sociales en transformation (qualité de vie, alimentation saine, convivialité, promotion du patrimoine, de l’environnement…).

Les diagnostics de territoires mettent régulièrement en évidence l’importance des associations comme acteurs sociaux et économiques des espaces ruraux. A côté des collectivités locales, figurent des entreprises (agriculteurs, artisans, commerçants, PME parfois) mais dans le secteur des services à la personne et aux familles ou des loisirs, il n’y a souvent que le milieu associatif. Ce dernier s’est développé sur les manques de l’offre publique ou sur l’initiative d’habitants désireux d’innover face aux pratiques locales.

L’arrivée de nouvelles populations (cadres, professions intermédiaires) cherchant à s’intégrer dans le tissu local, ainsi que le retour (ou l’arrivée) de nombreux retraités prêts à s’engager dans du bénévolat ont favorisé le développement de cette vie associative (Houée, 1996).

Nombreux sont les services ou actions que les associations ont permis de développer, parfois sans le soutien des élus locaux souvent plus prompts à récupérer l’action qu’à la devancer. Ainsi les associations sont-elles particulièrement présentes dans le domaine :

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Des loisirs,

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De l’enfance et de la jeunesse

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Des services aux personnes (aide et soins à domicile…),

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De l’action sociale (handicap, action caritative…)

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Du sport

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De la protection du patrimoine

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De l’action culturelle et socioculturelle

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De la défense de l’environnement

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Du tourisme

Ces services et actions reposent sur la mobilisation d’un bénévolat important. Certaines associations ont un rôle de « lanceur d'alerte »152 ou jouent les mouches du coche, d’autres sont de véritables instances de contre-pouvoir, d’autres enfin travaillent en collaboration avec les collectivités publiques dont le soutien est indispensable pour le maintien et le

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« En partant d’intérêts jugés "particuliers", et éventuellement en s’opposant violemment entre elles ou à la

profession agricole sur le partage ou l’appréhension du même espace, ces associations mettent en évidence les problèmes fondamentaux, les collusions et les non transparences de la décision publique. Elles jouent un rôle essentiel de "lanceur d’alerte" » (CNVA, 2003, Bilan de la vie associative 2000 - 2002)

développement du projet associatif. Cette aide se manifeste de différentes façons : subvention, mise à disposition de personnel, de matériel ou de locaux.

Les associations ont souvent eu, en milieu rural, une vocation globale. Ce phénomène était lié à la dimension communautaire des espaces ruraux mais aussi à l’implication de la profession agricole qui a contribué au développement d’une véritable « économie sociale » agricole et rurale où étaient mélangées les questions de solidarité, de développement, de coopération, d’organisation professionnelle (Cordellier, 2001).

Au-delà des services, les associations jouent un rôle très important d’animation locale et de développement du lien social. Elles assurent le lien entre les générations et entre les habitants, qu’ils soient autochtones ou venus d’ailleurs. Certaines se sont même données comme objet unique celui de l’accueil des nouveaux habitants. « Toutes les enquêtes soulignent l’importance

accordée à la famille, au voisinage, la participation à la vie associative, l’attachement à la commune, aux formes de convivialité » (Houée, 1996).

Si l’engagement associatif est une caractéristique de la société rurale, peut-on, en regard des éléments d’uniformisation évoqués préalablement, parler aujourd’hui d’associations « rurales » ? Si oui, quelles en sont les caractéristiques ? En quoi se différencient-elles des associations « urbaines » ?

Le CNVA, dans son bilan 2004-2007, a classé les départements français en trois catégories (urbains, ruraux, intermédiaires)153. L'analyse met en évidence quelques caractéristiques au niveau des créations. Cette approche départementale, si elle produit un lissage des données infradépartementales entre les aires urbaines et les espaces ruraux, permet néanmoins de dégager quelques tendances et suscite quelques commentaires (graphique n°6) :

une densité de création plus forte dans les départements ruraux. L'étude infradépartementale permettrait de mesurer l'impact du lissage inhérent à la méthodologie employée.

les associations sportives et de loisirs se développent plus dans les départements ruraux. L'action de ces associations s'inscrit dans la proximité, ce qui conduit souvent à créer beaucoup de petites associations locales. Ce dynamisme associatif est donc peut-être davantage lié aux caractéristiques des espaces ruraux qu'à une capacité entrepreneuriale supérieure. Seule une étude du nombre d'adhérents et de l'organisation interne des associations permettrait d'affiner l'analyse.

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Méthodologie : « La classification des départements en trois catégories « rural »,« urbain », « intermédiaire »

s’appuie sur la définition des aires urbaines proposée par l’INSEE. À partir de cette définition, chaque commune de France a été classée dans la catégorie « dominante rurale » (espace à dominante rurale selon l’INSEE) ou « dominante urbaine » (zone urbaine, commune monopolarisée, commune multipolarisée selon l’INSEE). La population relevant de chacune de ces catégories dans chaque département a ensuite été calculée. Ainsi, les 29 départements dont moins de 18 % de la population (moyenne nationale) réside en zone rurale ont été classés « urbains » ; les 30 départements dont plus de 40 % de la population réside en zone rurale ont été classés « ruraux » et les 33 départements dont 18 à 40 % de la population réside en zone rurale ont été classés « intermédiaires ». Les départements d’Alsace-Moselle ne permettant pas le traitement par activités, ils n’ont pas été incorporés à ce chapitre. Les départements d’Outre-mer et les collectivités territoriales de Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon ne répondant pas aux critères de définitions des aires urbaines de l’INSEE, ils n’ont également pas été incorporés à cette partie de l’étude. » CNVA, Bilan de la vie associative 2004-2007, p 124

les associations culturelles sont plus importantes dans les départements urbains, à l'exception des associations liées au patrimoine ou au tourisme plus souvent créées dans les départements ruraux. Les espaces ruraux connaissent de nombreuses initiatives d'envergure, notamment au niveau des festivals dont l'audience dépasse souvent le cadre local. Dans ce cas, les associations mobilisent des financements importants, de la commune à l'Europe. La situation est plus difficile pour des associations liées à la pratique culturelle au quotidien, qui peinent du fait des faibles moyens financiers des communes et du nombre souvent réduit d'adhérents.

Les secteurs « commerce, activité économique, emploi » et « logement, habitat, cadre de vie » sont sensiblement identiques sur l'ensemble des départements. De faibles écarts apparaissent. Ainsi les associations de commerçants – artisans, à vocation économique sont légèrement plus nombreuses dans les départements ruraux. Inversement, les associations d'aide aux chômeurs sont un peu plus nombreuses dans les départements urbains. Le nombre de chômeurs est une réalité plus urbaine que rurale, l'exode des jeunes vers les villes étant toujours une réalité.

De même, de façon assez logique, les associations de locataires et copropriétaires sont un peu plus importantes dans les départements urbains (+1%), et les associations de défense de l'environnement dans les départements ruraux (+0,7%).

Le CNVA met en évidence, au niveau des créations, des différences à l'échelle départementale. La base de données constituée pour ce travail de thèse, sur un terrain de recherche situé dans deux départements classés « ruraux », permettra de mesurer, au niveau infradépartemental, s'il existe des spécificités entre les aires urbaines et les espaces ruraux.

Les associations illustrent bien, à leur manière, les évolutions constatées par de nombreux auteurs :

 Tout d’abord la disparité des services et équipements, entre les aires urbaines et les espaces ruraux, que les associations essaient de compenser. L’action associative tend à offrir des services quasi identiques.

Graphique n° 6 : Taux de création pour 1000 habitants selon le type de départements. (données 2005) - Source : CNVA (2007)

 Des pratiques sociales qui s’uniformisent tant au niveau des loisirs que des pratiques sportives.

La sur-représentation des associations de chasse et de pêche, si elle traduit bien une réalité culturelle forte du milieu rural, ne dit rien des pratiquants qui peuvent être urbains. La localisation de ces associations est avant tout liée au foncier (terrain de chasse) ou à la ressource naturelle (rivière).

Les espaces ruraux sont l’objet d’une forte patrimonialisation avec une volonté de restauration et de protection. La sauvegarde des traditions culturelles locales (langue, savoir-faire) est aussi très présente.

La revendication d’une qualité de vie se traduit par de nombreuses associations de défense de l’environnement et de vigilance quant aux travaux d’aménagement du territoire qui pourraient être engagés (aboutissant parfois à la mise sous contrôle des élus).

Les associations sont l'image (Adam, 2005) ou le miroir (CNVA, 2007) de la société. Les projets qu'elles développent sont directement liés aux caractéristiques du milieu. Ainsi, il n'y a pas à proprement parler d'associations rurales ou urbaines, mais des associations qui se développent dans des espaces ruraux ou urbains. Ce sont les caractéristiques du substrat qu'elles vont trouver qui vont orienter l'action collective. Si les associations se nourrissent (plus ou moins bien, selon les cas et leurs savoir-faire) du terrain sur lequel elles essaient de prospérer, elles le modifient en retour. L'action associative est d'autant plus visible et déterminante qu'elle se développe dans des espaces ruraux ou l'offre publique est souvent réduite, voire inexistante. Les associations sont révélatrices des nouvelles ruralités qui se construisent (Regourd, 2004a). En tant qu'acteur local, elles sont placées au cœur des nouveaux enjeux des politiques publiques de développement rural.

« Les théories restent de strictes représentations du réel, des vues de l'esprit, des grilles de lecture appliquées sur le monde. Il s'agit d'outils modifiables, améliorables, interchangeables, mais néanmoins indispen-sables pour notre connaissance des territoires du quotidien. »

Di Meo, 1996

Chapitre 3

La résonance territoriale :