• Aucun résultat trouvé

1991-2010 : Du développement territorial à la compétition organisée

1.2 Le développement territorial : un changement de gouvernance

Ce rapide historique des politiques de développement rural montre comment le local s'est imposé comme référence, au fur et à mesure que l'État décentralisait et que la crise économique s'intensifiait. Les termes développement rural et développement local, bien que n'étant pas synonymes, sont très souvent associés. Si le premier renvoie à une dimension socio-spatiale, le second serait davantage lié à la méthodologie, au processus, au périmètre d’action.

Banalisé à outrance, le terme développement local finit par désigner l’ensemble des actions menées sur un territoire, quels qu’en soient les acteurs et les objets. Selon la perspective choisie, cette généralisation excessive a vidé le concept de son sens ou lui en donne au contraire une multitude. Le concept de développement local se situe au carrefour des extrêmes. Il met l’accent sur le local à l’heure de la mondialisation, sur les ressources de petits groupes humains, quand on s’interroge sur la taille du territoire pertinent, dans le cadre de la construction européenne. Il oscille entre autonomie locale et pression de l’État. Ainsi le développement peut être endogène, exogène, autocentré, intégré, ascendant, descendant et aujourd'hui durable.

Le développement local est un processus qui s’inscrit dans le temps et intègre l’ensemble des activités sur un territoire déterminé. « Il n’y a pas de modèle de développement unique,

exportable et labellisé, mais plutôt des trajectoires qui mettent en jeu un processus de

103

Le lecteur peut consulter les scénarios élaborés par ce groupe de travail sur le site dédié de la DATAR : http://territoires2040.datar.gouv.fr/spip.php?rubrique49&revue=1

transformation sociale dans lequel interviennent et s’imbriquent des facteurs économiques, culturels, politiques, écologiques, etc. » (Pecqueur, 1994).

« La contradiction majeure du développement local réside dans l’opposition entre les deux

types de valeurs qu’il prétend faire coexister : d’une part, celles de compétition, d’efficacité économique, d’esprit d’initiative, d’individualisme et d’autre part celles de solidarité, d’entraide, de concertation » (Weissberg, 2005). La politique des pays, par exemple, n’échappe pas à ce

paradoxe, que ce soit de façon endogène (entre les communes), ou exogène (avec les autres

pays).

La DATAR en donnait, en 1990, la définition suivante : « C’est une démarche fédérative de

mobilisation des acteurs d’une zone géographique autour d’un projet d’ensemble, économique, social et culturel, visant à créer une dynamique durable sur un territoire. »

Dominique-Paule Decoster (2002) le définissait ainsi : « Le développement local est un

processus collectif d'innovation territoriale inscrit dans la durabilité. Ce processus s'enracine dans un territoire pertinent, il y fédère et organise en réseau les acteurs économiques, sociaux, environnementaux et culturels pétris d'une culture commune de projet dont la finalité est le bien-être collectif et la centralité : l'être humain. »

Compte tenu de ces éléments, donner une définition du développement local n’est pas tâche aisée. A partir de ces différentes approches, le développement local peut être qualifié de la manière suivante :

-

Il concerne un territoire de proximité.

-

C’est un développement transversal, global, qui s’appuie sur des potentialités endogènes.

-

Il repose sur la mobilisation des acteurs. C’est une démarche partenariale et collective.

-

Il se situe au carrefour du local et du global, de l’ascendant et du descendant.

-

C’est un projet, la question du processus est donc posée.

-

Il s’inscrit dans le temps long.

-

Il vise l’amélioration de la vie quotidienne des habitants. La dimension territoriale.

La question du territoire est au cœur du développement local. Pendant longtemps, la question de l’espace pertinent a été au centre du débat. Pour certains, il convenait de repenser le découpage du territoire national, les communes et les départements n'apparaissant plus pertinents pour engager des projets, notamment dans le cadre des politiques européennes. Pour d’autres, il fallait trouver cette dimension magique du « point trop grand, point trop petit », taille idéale où les capacités d’intervention (financières notamment) iraient de pair avec des relations sociales fortes, source de cohésion sociale et territoriale. Cette réflexion est revenue au premier plan de l’actualité avec le projet de réforme des collectivités locales en cours de discussion.

Tous les critères ont été utilisés par les pionniers du développement local pour définir le territoire pertinent :

-

Géographique, (physique, climatique,…)

-

Économique, (zone de production, de marché,…)

-

Historique, (le pagus104, la province, le comté,…)

-

Sociologique, (le sentiment d’appartenance, l’identité,…)

-

Socio-politique, (la circonscription électorale, le canton,…)

-

Socioculturel

« De plus en plus, les acteurs du développement local ont tendance à minimiser tous ces

éléments qui, certes, ont leur importance, mais qui peuvent être dépassés. Par contre, ils attachent une importance croissante au territoire de l’action, c’est à dire au territoire du projet » (Gontcharoff, 1994). C’est bien dans cette logique que se situent les démarches pays et

LEADER.

Un développement global, au carrefour de l’économique, du social et du culturel

Si tous les acteurs sont d’accord sur cette formule, force est de constater que l’accent est souvent porté sur l’économique. Les services, l’habitat, les transports sont autant d’éléments qui interviennent et obligent à développer une pensée systémique. Les travaux du Collectif Ville Campagne sur l'accueil de nouvelles populations dans les territoires ruraux confirment cette nécessité d'une approche globale.

Développer une approche globale n’est pas facile quand les acteurs pensent sectoriel et que les financements sont rattachés à des lignes de crédits thématiques.

Des potentialités endogènes

Les élus locaux ont cru longtemps au miracle exogène. Tous ont rêvé de cette grande entreprise, qui viendrait s’installer et qui sauverait, avec ses centaines d’emplois, leur territoire d’une mort annoncée. La raison l’emporte aujourd’hui et le raisonnement s’inverse. La question économique tourne autour des potentialités locales. Il s’agit donc pour les responsables du développement d’identifier les ressources et de proposer des axes de développement. Cette recherche des potentialités économiques105 endogènes est présente dans tous les diagnostics préalables aux pays. Leur utilisation dans le cadre d’un projet de développement suppose la mise en réseaux des acteurs économiques, sociaux, culturels et politiques. Sur ce point, les territoires ne sont pas égaux.

Des espaces emboîtés

Les actions de développement menées au niveau local doivent s’articuler avec les interventions des différentes collectivités territoriales, mais aussi avec celles des structures chargées de la mise en place ou de l’accompagnement de ces différentes mesures. L'État et l’Europe ont

104

Canton rural de la Gaule romaine.

105

Il s’agit des potentialités économiques au sens large, c’est à dire les PME, PMI, l’artisanat, le commerce, les services mais aussi les potentialités culturelles, environnementales, etc. qui pourraient servir de support à des activités économiques (tourisme,..).

produit des découpages et des espaces d’intervention particuliers. Si certains périmètres se sont effacés, englobés par d’autres plus grands, la plupart cohabitent plus ou moins bien.

Cet empilement de strates, ce « mille-feuilles » territorial, rend plus difficile le repérage pour les élus, les acteurs locaux et donc pour la population, qui la plupart du temps ignore l’existence même de ces structures. Se pose également la question de la répartition des pouvoirs entre ces différents niveaux, du jeu des acteurs dans cette dialectique du global et du local, de l’ascendant et du descendant. Ces différents constats sous-tendent la volonté du gouvernement de réformer les collectivités locales en 2010.

Le développement local dépend de la cohérence entre le global et le local

La réussite des actions de développement local dépend du niveau de cohésion entre les initiatives locales et les dispositifs descendants. Les dérives sont permanentes entre, d’un côté, la tentation d’intervention de l'État, soucieux de mettre en œuvre une politique publique de développement106, et, de l'autre, celle du local, tenté d’élaborer un « projet alibi », pour récupérer au maximum les financements extérieurs, sans se poser la question du sens, de l’intérêt général et des objectifs en terme de développement.

Les lois de décentralisation ont établi l’indépendance des collectivités locales et l’absence de hiérarchie entre elles. Néanmoins, les acteurs du développement local notent que « les

instances politiques d’un niveau géographiquement supérieur ont souvent profité des procédures qu’elles proposaient pour imposer ou fortement suggérer des découpages territoriaux aux acteurs locaux » (Gontcharoff 1994). Chaque niveau inférieur résiste plus ou

moins fortement à ces pressions. De nombreuses « dérives » témoignent de l’autonomie des collectivités locales et illustrent le poids des élus dans la mise en œuvre de ces projets de développement. La dimension politique ne doit pas être sous-estimée dans l’approche des questions de développement local, tout particulièrement en ce qui concerne les pays et les procédures Leader.

La question du projet

Quel que soit l’angle d’attaque, la démarche de développement local trouve son sens dans le concept de projet. C’est lui qui définit le périmètre d’action, la cohérence des objectifs. Il prévoit les outils de mobilisation des acteurs et la gestion du partenariat. L’art de combiner les outils sectoriels pour les mettre au service d’un développement global, c’est encore le projet.

Le projet détermine le type de développement qui sera mis en œuvre, mais surtout il préfigure la place des acteurs et de la population dans son ensemble. C’est le processus démocratique qui se retrouve au centre de la démarche de projet. La réussite des actions de développement local suppose l’émergence de ce « citoyen acteur de développement » (Teisserenc 1994).107

106

Si pendant longtemps l'État était soucieux de la cohérence nationale et de l'égalité des citoyens, force est de constater qu'aujourd'hui la notion de compétitivité territoriale prend le pas sur celle d'équité territoriale.

107

L’acteur émergeant de la communauté-société a un profil qui n’est ni celui de l’acteur de masse de la société industrielle ni celui de l’acteur stratégique de la société de transition mais le citoyen acteur de développement. Ce dernier hérite de l’acteur stratégique des moyens d’investissement qui le rendent capable d’entrer dans des jeux interactifs et diversifiés. Acteur de soi, de son devenir et de la réalisation immédiate de ses capacités, sa faculté à occuper la scène des rapports collectifs est fonction des capacités existantes de négociation, d’expression et de confrontation de valeurs. (Teisserenc 1994)

Cette dynamique du projet sera fonction de la volonté politique, des capacités d’animation des techniciens chargés de sa mise en œuvre, mais aussi de la capacité de mobilisation des acteurs locaux notamment associatifs.

Le choc des temporalités.

Tout projet de développement local doit concilier des temporalités parfois contradictoires :

-

Le temps du projet

-

Le temps des acteurs

-

Le temps de la procédure

Ces temporalités renvoient aussi à des espaces différents ce qui complexifie encore la gestion du projet et sa lisibilité.

Améliorer la vie des habitants du territoire

La finalité de tout projet de développement local reste l’amélioration de la vie quotidienne des habitants. Bien entendu, l’emploi reste le souci premier des élus locaux, mais aujourd’hui, la question des services (culture, loisirs, transport, santé,…) ainsi que la prise en compte de l’environnement, sont des facteurs clés de l’attractivité et de « l'habitabilité »108 d’un territoire, qu’il s’agisse de stopper une hémorragie démographique ou d’attirer de nouveaux habitants.

Cette prise en compte d’un développement plus global est reprise dans le concept de développement durable.