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La construction des indicateurs pour les instances de la CSS de l’association

Le modèle d'analyse socio-spatial associatif est construit à partir du modèle de la FSS. Il reprend donc l’articulation en quatre instances. La mobilisation de travaux de recherche, menés dans différentes disciplines, permet de définir des indicateurs pour chacune d'elles. Les différents éléments retenus sont présentés ci-après et intégrés au modèle d'analyse.

Michel Adam (2005) a développé un modèle d’analyse qu’il appelle le « carré magique » qui permet une approche globale de l’association. Chaque pôle du carré permet une lecture spécifique du projet associatif, des fondements idéologiques aux bénéficiaires de l’action, en passant par les choix d’organisation et les modes de production.

Ce « carré magique » peut être mis en relation avec le modèle de la formation socio-spatiale. En effet, ce sont bien les quatre instances de la formation socio-spatiale qui sont mobilisées :

L’instance idéologique renvoie au pôle appartenance qui traite des fondements même du

projet associatif, aux valeurs du collectif.

L’instance politique renvoie au pôle gouvernance qui interroge l’organisation interne de

l’association et son niveau de démocratie.

L’instance économique renvoie au pôle production qui va permettre notamment de situer

l’association par rapport au champ concurrentiel.

L’instance géographique à travers le pôle utilisation des services ou des biens qui renvoie, par

le biais des utilisateurs et bénéficiaires, à la localisation géographique de l’action associative et de sa production.

Schéma n°4 : Les quatre pôles de l’association Source : Adam 2005

Schéma n°5 : Les rapports des pôles au projet Source : Adam 2005

Au moment de sa création, la mobilisation des fondateurs va se faire, selon les cas, soit sur des critères idéologiques, soit à partir des besoins des bénéficiaires, soit dans une perspective de production de biens ou de services. De nombreuses typologies ont été élaborées depuis celles de Arnold M. Rose174 en 1954. Elles ont mixé ces différents niveaux et ont montré combien les différents éléments sont liés et produisent des configurations spécifiques (Forsé175, 1984 ; Worms176, 2001).

Chaque couple (instance-pôle) renvoie à des disciplines spécifiques (économie, géographie, sociologie, science politique, psychologie...) qui ont contribué à l’élaboration de nombreux classements et typologies. Il ne s’agit pas de faire un état exhaustif de ces productions mais de présenter, à présent, les travaux utilisés pour construire le modèle d’analyse socio-spatial et ses indicateurs.

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Arnold M. Rose (1954) distingue les associations d’expression qui agissent pour leurs membres et les associations d’influence sociale qui veulent réaliser un changement dans leur entourage.

175

Michel Forsé (1984) dans une étude qui fait référence sur l’évolution des associations de 1960 à 1982, a utilisé vingt catégories en référence tantôt au domaine d’activité tantôt à la qualité des membres. Il distingue vingt catégories : sports, religion, écoles privées, politique, domaine socio-éducatif, défense du patrimoine, recherche et formation professionnelle, domaine artistique, anciens étudiants, parents, emploi et développement économique, relations sociales, loisirs, services sociaux, aînés, environnement, propriétaires et locataires, droits civils et sociaux, domaine professionnel, radios indépendantes.

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Jean-Pierre Worms (2001)dans un article sur les liens sociaux propose trois catégories :

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Les associations qui offrent des services et organisent des activités collectives de nature publique s’adressant à de larges segments de la population. (secteur médico-social, socio-culturel…)

-

Les associations qui représentent et défendent les intérêts sectoriels de leurs membres et en assurent la promotion. (parents, élèves, propriétaires, locataires, regroupements professionnels, association commerciales…)

-

Les associations formées pour défendre une orientation politique ou une cause. (environnement, droit des femmes, développement économique et social…)

Schéma n°6 : Formation socio-spatiale et pôles associatifs ©JP Loredo

Quels indicateurs pour identifier les instances de la superstructure ?

Dans certaines associations, la superstructure est dominante. Elle renvoie aux valeurs et finalités du projet (pôle appartenance), aux buts et objectifs de l’association (pôle gouvernance).

Pour Martine Barthélemy (2000), les associations sont à restituer dans un espace politico-idéologique structuré par trois dimensions :

La dualité des traditions laïque et catholique. Ces deux courants de pensée ont conduit leurs adeptes à s’engager dans la vie sociale. Des mouvements de jeunesse sont nés ainsi que des associations qui visaient l’implication dans la vie de la cité. Qu’il s’agisse des mouvements de parents d’élèves, des associations familiales ou des mouvements pour les droits des femmes - pour ne donner que quelques exemples - cette dimension a conduit à des revendications différentes, parfois totalement opposées, et doit être prise en compte dans l’analyse.

L’opposition politique Gauche / Droite. Cette opposition se construit en référence à des systèmes de valeurs. Le positionnement associatif est aujourd'hui plus ou moins affirmé politiquement selon l’objet. Le projet suppose néanmoins un minimum de valeurs partagées entre les membres.

L’opposition entre « radicalité » et « gestion des intérêts sociaux ». Cette dimension renvoie à trois attributs différents : les modalités de l’action collective, la situation de l’association et de ses acteurs dans les rapports sociaux, le rapport au politique. En fonction de cette dimension, Martine Barthélemy distingue quatre grands groupes d’associations :

-

Les associations « d’expression d’intérêts communs » qui reposent sur la sociabilité et le localisme.

-

Les associations « d’action sociale » qui s’attachent au traitement des inégalités.

-

Les associations de « défense d’intérêts communs » qui s’investissent dans des revendications catégorielles.

-

Les associations de « lutte » qui se mobilisent sur un mode contestataire et qui visent le changement social.

La dimension politique renvoie d’une part au fonctionnement interne de l’association et tout particulièrement aux différentes instances dirigeantes, d’autre part aux relations de l’association avec les pouvoirs publics dans les différentes échelles territoriales mobilisées.

Les statuts de l’association renseignent sur le fonctionnement de ces instances dirigeantes et le niveau de démocratie interne. L’inscription historique permet de mesurer le taux de rotation des dirigeants et leur implication locale (cumul de présidence, mandat électif…).

En ce qui concerne les relations avec les pouvoirs publics, les choses sont plus complexes. De tout temps, ces relations ont oscillé entre autonomie et institutionnalisation, promotion et répression (Bardout, 2001). Cette crainte des corps intermédiaires est toujours sous-jacente

dans les relations actuelles entre le pouvoir et les associations. Les associations sont encore considérées comme les représentantes de l’intérêt particulier lequel s’opposerait à l’intérêt général. François Rangeon (1986b) rappelle que l’intérêt général est considéré comme relevant d‘une instance extérieure et supérieure à l’État – le peuple ou la nation – le pouvoir d’État n’étant que le dépositaire de cet intérêt.

La France est considérée comme une « société gouvernée par l’État »177 où le pouvoir a cherché « à intégrer institutionnellement les groupes d’intérêt par le biais d’une représentation

fonctionnelle formelle, afin de subordonner les activités jugées plus ou moins indésirables de ces groupes à une définition plus démocratique de l’intérêt public » (Palard, 2001).

La décentralisation a compliqué les rapports entre les collectivités locales et le milieu associatif. Au plan communal, les relations ont toujours été fortes, surtout en milieu rural, et nombres d’élus sont issus des cadres associatifs. Mais cette fonction propédeutique au politique qu’occupaient les associations est en perte de vitesse. Jean-Yves Boullet et Jérôme Ferret (1995) notent que la baisse des grands enjeux collectifs portés par les associations conduit à une forme de privatisation du milieu associatif local, ce qui débouche sur le tarissement du recrutement associatif des élites politiques. De ces mutations, entre le politique et la dynamique associative, émergent de nouveaux lieux où s’élaborent de nouvelles façons de penser et de faire politique. « Dans cette ré-articulation des rapports du civil et du politique,

c’est la notion même d’espace public qu’il faut ré-interroger » (Ion, 2001).

Les rapports association – pouvoir politique sont éminemment des relations où les enjeux de pouvoir sont omniprésents. Qu’elles soient considérées comme gestionnaires de service ou d’activité, comme écoles de la citoyenneté ou instances de contre-pouvoir, les associations interpellent toujours les pouvoirs publics et les élus issus de la démocratie représentative. Le pouvoir d’une association réside selon les cas dans :

-

Sa représentativité

-

Sa situation de monopole

-

Sa capacité de mobilisation. (membres, usagers, réseaux, mais aussi médias)

-

Sa capacité technique (personnel qualifié, logistique...)

-

Sa capacité d’expertise (connaissances pointues, personnel spécialisé…)

-

Les capacités individuelles de ses dirigeants (charisme, notabilité, réseaux...)

-

Son indépendance financière vis à vis des subventions publiques

L’analyse doit repérer ces différents niveaux pour définir les modalités de relations aux pouvoirs publics.

Si les associations peuvent s’appréhender sous l’angle économique en terme de production de biens ou de services, ou sous l'angle politique par l’engagement dans le champ de la lutte sociale, il existe des associations « qui sont désirées pour elles-mêmes et dans lesquelles, pour

177

Le politologue Jack Hayward parle d’Etats gouvernés par la société (modèle anglo-américain) et de sociétés

reprendre la caractéristique centrale du don, le lien social importe plus que le bien ou le service fourni. Mieux encore : dans lesquelles le bien ou le service est justement le lien lui-même »

(Caillé, 2001).

Dès lors, comment prendre en compte cette dimension relationnelle ? Certes, cette question est essentielle au regard de la capacité de traduction de l’association. Alain Caillé distingue deux catégories d’associations :

-

les associations de plein droit ou associations pour soi, centrées sur le lien.

-

les associations de plein fait ou associations pour autrui, qui adoptent le statut de la loi 1901, mais sont en fait là pour compenser les défaillances de l’État et du Marché.

Ces différences de socialité renvoient à des conceptions très différentes de « faire société ». L’une qualifiée de socialité primaire basée sur une personnalisation des rapports qui privilégie la personne, avant la fonction, l’autre de socialité secondaire qui renvoie à la notion d’individu et où l’exigence de l’efficacité fonctionnelle est le principe dominant. La première fonctionne à l’interconnaissance et au don, la seconde à la loi impersonnelle et à la fonctionnalité (Caillé, 2001). Ceci rappelle la distinction que Max Weber fait entre communalisation (relation sociale basée sur les affects ou le respect de la tradition) et la sociation (forme de relation sociale dans laquelle l’activité des hommes est motivée par la raison, rationnelle en finalité ou en valeur). On retrouve également ces notions chez Tönnies entre communauté « Gesellschaft » (modèle de la corporation ou de l’État) et société « Gemeinschaft » (modèle de l’association libre et contractuelle) (Barthélemy, 2000).

-

Le Marché constitue le domaine de la socialité secondaire privée.

-

L’État celui de la socialité secondaire publique.

-

Le Ménage celui de la primarité privée (la famille. On parle aussi de socialité

primaire privée. La famille est considérée comme la première association primaire).

-

L’association (de plein droit) représentant le pôle de la socialité primaire publique. Alain Caillé distingue également une forme associative plus contemporaine, qu’il nomme les

associations hybrides, et dont la caractéristique est qu’elles ne recrutent de manière claire et

exclusive, ni sur la socialité primaire ni sur la socialité secondaire. « Elles se présentent comme

des associations composites, recrutant des publics qui ne sont pas unifiés a priori par une appartenance primaire ou secondaire instituée, et dont les membres sont au départ mutuellement indifférents les uns aux autres. » Il range dans cette catégorie notamment :

-

Les associations d’économie solidaire proches du pôle privé, dont l’objet est de porter remède aux insuffisances économiques du Marché et de l’État.

-

Les associations de militance morale, proches du pôle public, qui sont à l’État et à l’administration ce que les associations de l’économie solidaire sont au Marché.

Deux autres critères permettent de différencier ces différentes formes de socialité :

Les modalités d’adhésion. Dans la socialité primaire il s’agit d’une adhésion prescrite, qualifiée

parfois de « naturelle » ; dans la socialité secondaire d’une adhésion volontaire ; dans les associations hybrides d’une adhésion volontariste.178

L’objet associatif. Si les associations primaires étaient le plus souvent des associations sociales

totales qui concernaient les dimensions économiques, techniques, sociales, … aujourd’hui les formes hybrides tendent à être plus « spécialisées, monofonctionnelles, organisées autour d’un

objectif unique, exigeant ainsi de leurs adhérents de plus en plus de compétences mais de moins en moins de mobilisation » (Caillé, 2001).

Ainsi les différentes formes de socialité peuvent être mises en relation avec les pôles et les instances de la formation socio-spatiale.

Le tableau ci-après reprend l'ensemble des indicateurs retenus pour les instances de la superstructures. Pour des questions de plan, ces indicateurs sont construits à partir des travaux de recherche qui viennent d'être présentés, mais aussi à partir des différents éléments exposés dans les autres chapitres179.

178

Pour signifier que l’objet étant le don de son temps à des « étrangers » il va infiniment moins de soi que toutes les formes d’adhésion associative antérieures.

179

Tout particulièrement le chapitre 6 sur les mondes associatifs.

Schéma n°7 : Formation socio-spatiale, pôles et socialités

Objet déclaré Valeurs Objet déclaré relation au pouvoir

Primaire Animation locale

Secondaire Changement social

Hybride Citoyenneté

Sur soi Commercial

Sur autrui Création

Laïque Défense

Catholique Developpement individuel

Gauche Developpement local

Droite Protection patrimoine, milieu

Radicalité Rencontre

Gestion des intérêts sociaux Sport amateur

Prescrite Para-public

Volontaire Privé

Volontariste Engagement politique

Citoyenneté Liens personnels avec les élus

Concurrence Ancienneté des dirigeants, turn over

Convivialité, échange Hiérarchie

Efficacité Niveau démocratique

Engagement Sensibilité à l'opinion

Famille Personnes morales

Imagination Personnes physiques

Individualité Militantisme

Introspection, initiation Consumériste

Marché Espace public

Participation Espace privé

Performance Indépendance Présence d'élus au CA

République Public

Responsabilité Privé

Ruralité Niveau d'indépendance Faible

Science financière Forte

Traditions, culture locale Bénévoles

Travail Mise à disposition de fonctionnaires

Longue Action collective

Courte Lobbying

Moyenne Marchandisation

Fédéral Politique

Thématique D'action publique

Positionnement Adhésion Instance Politique SUPERSTRUCTURE Instance Idéologique Socialité Centration Tradition Influence politique Objectifs Dirigeants Positionnement Fonctionnement interne Adhérents Registre d'action Financement Moyens humains Mode d'action Réseau Valeurs Temporalité projet Réseau Espace d'action

Tableau n°14 : Indicateurs pour les instances de la superstructure de la combinaison socio-spatiale associative © JP Loredo

Quels indicateurs pour identifier les instances de l'infrastructure ?

Les dimensions idéologiques et politiques sont importantes mais comment rendre compte, au-delà de la simple notion d’activité, de la dimension marchande au sens de la production de biens et de services qui est aussi une dimension essentielle pour analyser les associations ? Les nombreux travaux menés dans le cadre d’une définition du « Tiers secteurs » peuvent y contribuer. Ils conduisent à situer l’association par rapport à trois pôles : l’État, le Marché, et les Ménages (la famille).

Pestoff (1992) pour définir l’espace propre aux entreprises sociales et à la démocratie civile introduit trois autres dimensions : Formel / Informel ; Public / Privé ; Lucratif / Non lucratif (l’association peut être informelle, dans le cas où elle n’est pas déclarée). Ce qui donne le schéma suivant :

Etat