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régionalisés ou les groupes d’intérêt de la région ?

1.2.3. Permanence dans la sélection du personnel politique

L’examen des évolutions dans la composition de l’assemblée

socioprofessionnelle en Aquitaine fait également apparaître une grande permanence dans la composition de l’assemblée, non plus en ce qui concerne les groupes accédant au statut représentatif, mais au niveau des individus qu’elles désignent pour occuper leurs sièges. Les spécificités de la procédure de composition de l’assemblée tendent à produire un certain nombre de rigidités face aux objectifs de rajeunissement de l’assemblée ou de parité homme-femme dans les désignations, et plus largement à limiter le renouvellement des individus occupant les sièges de conseillers au CESER.

Les données sociodémographiques récoltées par Patrick Moquay et Jacques Palard sur les conseillers du Comité économique et social d’Aquitaine en 1989

sont ici fort précieuses : elles permettent de souligner la continuité d’un certain nombre de caractéristiques individuelles des conseillers de l’assemblée (en terme de genre, de classes d’âge, de niveau de diplôme ou d’activité professionnelle), qui ont pu être perçues comme des obstacles à sa représentativité régionale. L’affirmation de 1989 selon laquelle « à sa forte prédominance masculine, on doit ajouter que le Comité économique et social d’Aquitaine est avant tout une assemblée d’âge mûr »295 est encore très largement valable aujourd’hui : malgré une féminisation de l’assemblée en progression constante, notamment grâce aux nominations dans les organismes du collège 2 et 3, la parité homme-femme dans les CESER reste loin d’être atteinte. Le recensement effectué en 2007 à l’occasion d’un rapport du Conseil économique et social confirme que cette tendance ne se limite pas au cas Aquitain, dont le nombre de femmes est d’ailleurs supérieur à la moyenne nationale de 16,4 % (375 femmes sur 2 282 conseillers)296. Le graphique ci-dessous présente l’évolution du nombre de femmes dans l’assemblée depuis le premier CoDER de 1964 :

Graphique 4 : Evolution de la parité dans les CES d'Aquitaine

Sources : données de l’auteur

Dictionnaire des politiques territoriales, Paris, Presses de Sciences Po, 2011, p. 52 57. p 53

295 J. PALARD et P. MOQUAY, La société régionale en dialogue : le Conseil économique et social d’Aquitaine. 1974-1989 : l’innovation apprivoisée, op. cit., p. 49.

Si la féminisation des effectifs a progressé, le rajeunissement des conseillers tel que préconisé par les circulaires ministérielles et les injonctions préfectorales aux organismes mandataires est quant à lui quasi inexistant. La mandature 2007-2013 était marquée par une prédominance assez nette des hommes dans la tranche d’âge des 45-64 ans, et une forte surreprésentation des conseillers de plus de 64 ans. Déjà fortement affirmée dans la composition de 1988, où ils représentaient plus deux tiers des effectifs, les individus entre 45 et 64 ans ne constituaient plus que 45% de la mandature 2007-2013. La part des personnes de plus de 64 ans, en revanche, avait sensiblement augmenté, puisqu’elle représentait 47% de l’assemblée en 2007 contre un peu moins d’un tiers en 1988. Les moins de 44 ans, quant à eux, constituent une minorité dans la composition de 1988 comme de 2007 : d’un peu moins de 10%, ils passent dans la mandature de 2007 à 3% des effectifs totaux297.

L’absence de parité et la moyenne d’âge élevée de l’assemblée ne recèlent cependant pas une surprise majeure compte tenu de la procédure de nomination de ses membres : dans leur très grande majorité, les conseillers sont élus ou désignés au sein des structures régionales à qui ont été attribués les sièges par le premier arrêté préfectoral de nomination. La composition de l’assemblée, et tout particulièrement son faible taux de féminisation, reflète ainsi assez directement les caractéristiques sociodémographiques des membres de certains groupes, et les différents formes d’inégalités de genre à l’intérieur même de leurs instances de direction. La parité représente un défi important pour les organisations patronales ou agricoles, dans la mesure où leurs adhérents sont majoritairement masculins et où leurs instances dirigeantes n’ont que très tardivement souscrit à des objectifs de parité. Dans le CESER Aquitaine, comme d’ailleurs dans l’ensemble des assemblées régionales, le collège 1 est celui qui totalise les plus faibles taux de féminisation298 : elles n’ont représenté qu’1% des effectifs totaux jusqu’au

297 Il faut bien entendu prendre en compte un effet générationnel dans l’évolution de ces chiffres, et les analyser à la lumière de la norme de deux mandats successifs de six ans chacun dans l’assemblée : la mandature nommée en 2007 a reconduit près de 40% des conseillers de la mandature précédente, ce qui explique la part importante des conseillers de plus de 64 ans. En l’absence de données précises sur l’état civil de l’ensemble des conseillers depuis 1964, on se bornera ici à observer une nette prédominance des classes d’âges élevés au détriment des moins de 44 ans, et à souligner la difficulté à satisfaire aux critères de rajeunissement promus par les circulaires ministérielles.

renouvellement de 2007, où la pression de l’autorité préfectorale a permis d’atteindre environ 6% de femmes du collège patronal dans l’assemblée. Les organisations syndicales, quant à elles, connaissent une difficulté assez similaire dans la faiblesse de la part des adhérentes aux différentes confédérations. Les données disponibles299 indiquent des taux de féminisations chez les salariés syndiquées assez disparates selon les confédérations, qui traduisent bien souvent la nature de l’implantation syndicale de chaque centrale : forte présence du secteur tertiaire pour la CFDT, des grandes entreprises et du secteur public pour la CGT et la CGT-FO, des catégories cadres à la CGC… Le taux de féminisation supérieur de leurs délégations au CESER (les femmes du collège 2 représentent un peu plus du dixième des membres de l’assemblée) reflète néanmoins l’introduction « d’actions positives » en faveur de la parité ou d’une plus grande mixité, particulièrement au sein de la CFDT et de la CGT (les autres centrales s’étant montrées fortement réticentes à toute forme de coercition en la matière)300. Le troisième collège, quant à lui, totalise des taux de féminisation un peu inférieurs au deuxième collège en Aquitaine (7,6% des conseillères appartiennent au collège 3, contre 11% au collège 2 dans la mandature de 2007) : ce nombre relativement bas de conseillères parmi les représentants de la vie collective reflète mal les récentes évolutions dans la féminisation des adhérents et de l’accès aux responsabilités du monde associatif301. La progression de la mixité dans les instances dirigeantes des organismes du collège trois est néanmoins très inégale selon les groupes302, et le respect de la parité y est de surcroît fortement limité par le fait que ces organismes ne disposent

299 Les données sur lesquelles on se base ici sont extraites d’un rapport d’enquête et d’un questionnaire adressé aux individus syndiqués par le Conseil économique et social en 2000 dans le cadre de l’élaboration d’un de ses rapports (Ibid.)

300 Rachel SILVERA, « Le défi de l’égalité hommes/femmes dans le syndicalisme », Mouvements, 15 janvier 2006, vol. 43, no

1, p. 23‑ 39.

301 Une récente étude de Muriel Tabariès et Viviane Tchernonog a permis de compléter les données de l’enquête permanente sur les conditions de vie des ménages menée par l’INSEE en 2004. Elles y soulignent un taux plus élevé de femmes présidentes (38 % contre 31 % en moyenne) et de femmes dirigeantes (49 % contre 46 %) dans les associations les plus récentes (surtout celles créées après 1990), cette progression féminine s’expliquant également par une ouverture des associations et notamment de leurs instances dirigeantes à des catégories socioprofessionnelles plus diversifiées en particulier professions libérales, employés et étudiants. Muriel TABARIES, Viviane TCHERNONOG, Gouvernance des associations. La montée des dirigeantes : évolutions structurelles, évolutions sociétales ?, Matisse CNRS, mars 2004,

http://matisse.univ-paris1.fr/associations/femmes_associations.pdf [consulté le 26 mars 2012]

302 « En 2005, les hommes sont très majoritairement présidents d’associations en lien avec la chasse et la pêche (97 %), le sport (83 %) ou la vie professionnelle et l’engagement militant (80 %). Les présidences féminines progressent dans l’humanitaire (47 %), la santé (44 %), la culture et les loisirs (38 %), mais aussi la défense d’intérêts économiques : 12 % en 2003 mais 30 % en 2005. D’une manière générale, c’est dans le secteur de l’action sociale que les femmes ont le plus investi les instances dirigeantes ». Conseil économique et social, La place des femmes dans les lieux de décision :

généralement que d’un siège unique à l’assemblée : dans ces conditions, le genre de l’individu désigné peut difficilement intégrer les injonctions à la féminisation de l’assemblée et satisfaire aux autres exigences (électorales, territoriales, mais aussi purement pratiques) de la procédure de nomination. Enfin, le collège 4 demeure le collège le plus féminisé dans l’ensemble des CESER de France (près de 40% de femmes en 2007303), indiquant bien à quel point la nomination des personnalités qualifiées sert à rétablir les déséquilibres issus de la nomination interne des conseillers des trois premiers collèges.

Graphique 5 : Part des femmes par collèges dans les mandatures d'Aquitaine

Sources : données de l’auteur

La difficulté à abaisser la moyenne d’âge des conseillers en dépit des injonctions ministérielles et préfectorales répétées tient également aux contraintes systémiques qui pèsent sur la procédure de désignation des conseillers. Tout d’abord parce que la sélection interne des membres des groupes mandatés au CESER favorise les individus qui y occupent une position dominante ou un statut permanent dans les instances de décisions, et qui ont donc déjà construit une carrière ou accumulé une expérience au sein de leurs organisations. Pour des raisons pratiques liées à la disponibilité des individus, il y a également une assez nette tendance à nommer des conseillers ayant atteint l’âge de la retraite dans un

certain nombre d’organismes tous collèges confondus. L’âge moyen des conseillers de l’assemblée est par ailleurs indissociable des taux de renouvellement de l’assemblée : la norme étant généralement d’effectuer deux mandats consécutifs de six ans chacun, et le taux de renouvellement ne dépassant généralement pas les 50% de l’assemblée, il y a un effet mécanique d’élévation de l’âge des conseillers sur deux ou trois mandatures consécutives. La difficulté à atteindre la parité et le rajeunissement des effectifs ont d’ailleurs tendance à se cumuler : les femmes nommées à l’assemblée ont parfois fait preuve d’une grande longévité dans l’assemblée socioprofessionnelle, leur organisme peinant à leur trouver une successeuse au sein de leurs rangs. Ainsi la représentante des femmes chefs d’entreprise dans la mandature de 2007 fait partie de l’assemblée depuis 1973, et a donc effectué sept mandats consécutifs. Cette dernière impute sa longévité à la volonté de conserver un siège pour son organisation dans la composition malgré le manque de candidates à sa succession : « Moi ça fait un moment que j'aurais dû

être remplacée. […] Maintenant le poste y est et si quelqu'un veut le prendre... à chaque renouvellement on risquait de le perdre, comme c’est arrivé en Côte d'Azur. Elles l'ont perdu parce qu’il y avait une personne qui était là comme moi depuis longtemps […], et à force de discutailler, elles ont perdu le poste parce que elles n'ont pas envoyé de candidat au Préfet à temps ». Une autre conseillère fait

état de la même dynamique : « à la prochaine mandature, je m’en vais, je suis la

seule femme [de la délégation au CESER] et ils [les membres de son union régionale] s’arrachent les cheveux car il faut désigner une femme pour me remplacer ! ».

L’étude des niveaux de diplôme et de l’activité professionnelle des membres du CESER permet de compléter le profil type du conseiller. Si le délégué au CESER est en premier lieu un homme (91% des conseillers nommés depuis 1964 sont de sexe masculin), de plus de 44 ans (la moyenne d’âge de l’assemblée aquitaine en 2012 était de 64 ans), on peut ajouter que son niveau de diplôme est relativement élevé : près des deux tiers des conseillers ont un niveau de diplôme supérieur ou égal à Bac + 3, et les titulaires d’un diplôme universitaire ou de grandes écoles de niveau Bac + 5 représentent plus de 15% de l’assemblée. Enfin,

on signalera une part importante de conseillers titulaires d’un doctorat (15% des effectifs totaux), imputable au nombre significatif d’universitaires et de médecins même en dehors de la représentation des établissements d’enseignement supérieur et de recherche et des professions libérales304. La répartition des conseillers par catégories socioprofessionnelles, sur la base de la nomenclature INSEE, dessine une assemblée quelque peu en décalage avec les proportions que l’on pourrait attendre d’une assemblée désignée sur la base de l’occupation professionnelle de ses membres : en effet, on trouve dans la mandature de 2007 près de la moitié des conseillers dans la catégorie des cadres et des professions intellectuelles supérieures (contre 16% en 1988), et une nette minorité des ouvriers, employés et agriculteurs (mois de 5% pour chaque catégorie). Si les artisans commerçants et chefs d’entreprise représentent 15% des individus, principalement issus du collège 1, les collèges 2 et 3 qui en 1988 totalisaient une part importante d’employés et d’ouvriers sont aujourd’hui davantage composés d’individus appartenant aux professions intermédiaires305, chiffre qu’il faut d’ailleurs mettre en relation avec le nombre d’enseignants du primaire et du secondaire dans le collège syndical et associatif. Enfin, on signalera que 43% des conseillers déclarent être retraités, et 4% ne pas exercer d’activité professionnelle principale. Au final, l’assemblée économique et sociale présente les mêmes caractéristiques que les assemblées politiques, régionales ou nationales306 : faible représentation des femmes,

surreprésentation des classes âgées, des diplômés et des catégories

socioprofessionnelles dominantes. Sa composition, faite d’organismes souvent axés sur la représentation de la profession, fait néanmoins apparaître ces caractéristiques sur un mode légèrement atypique : la prédominance du secteur

304 Ainsi ces deux professions sont fortement présentes chez les délégués du troisième et quatrième collège : le nombre de médecins est lié à la représentation du secteur sanitaire et social et aux associations en rapport avec les questions de santé publique, quand les universitaires sont sollicités en vertu de leur expertise (environnementale, économique, démographique…) en tant que personnalités qualifiées.

305 Les pourcentages retenus pour les catégories socioprofessionnelles résultent des 92 réponses au questionnaire administré aux conseillers du CESER Aquitaine (pour 119 conseillers).

306 Voir par exemple Louis CHAUVEL, « L’âge de l’Assemblée (1946-2007). Soixante ans de renouvellement du corps législatif : bientôt, la troisième génération », La Vie des idées, 22 octobre 2007.ISSN : 2105-3030. URL : http://www.laviedesidees.fr/L-age-de-l-Assemblee-1946-2007,81.html, [consulté le 16 juillet 2014] Abel FRANCOIS et Emiliano GROSSMAN, « Qui sont les députés de la V° République ? », 22 octobre 2007. ISSN : 2105-3030. URL : http://www.laviedesidees.fr/L-age-de-l-Assemblee-1946-2007,81.html [consulté le 16 juillet 2014], ou Éric

privé notamment contraste assez fortement avec la répartition professionnelle des assemblées politiques.

Le renouvellement de l’assemblée n’échappe pas à cette règle : on constate dans les mandatures successives des instances de représentation des intérêts une assez forte longévité des conseillers, et des taux de renouvellement qui excèdent rarement les 50%. Souvent dénoncée comme faisant obstacle à la représentativité de l’assemblée307, l’enchaînement des mandats est néanmoins une condition importante du fonctionnement de l’assemblée : les économies d’apprentissage rendues possibles par la présence de conseillers doublant ou triplant leur mandat sont nécessaires au processus de rédaction des avis et des rapports en début de mandature. Malgré les réformes de la procédure de composition, l’évolution des critères de représentativité, et les transformations des relations entre l’Etat et les groupes d’intérêt, les conseils économiques et sociaux régionaux sont finalement caractérisés par une importante permanence de leur personnel politique. Ceci est imputable aux importantes barrières à l’entrée dans l’assemblée constituées par la multitude de critères produits par la négociation, et qu’il faut satisfaire pour conserver les différents équilibres internes. Il existe finalement sur le territoire régional un nombre fini d’organismes en capacité de négocier leur présence dans la composition de l’assemblée, et une réserve limitée d’individus au sein de ces groupes susceptibles de vouloir et de pouvoir satisfaire aux différents critères de la procédure de nomination. La conséquence principale des fortes contraintes qui pèsent sur la désignation des individus réside dans l’extrême longévité d’une minorité de conseillers qui occupent des positions de pouvoir dans l’assemblée, plus que dans la faiblesse de ses taux de renouvellement. La figure ci-dessous présente l’ancienneté en nombre de mandats pour chaque mandature, à compter de la nomination en 1964 du CoDER (qui ne prend en considération que les représentants socioprofessionnels de cette assemblée mixte). Tous les conseillers de cette première mandature sont donc considérés comme débutants, ou primo-entrants à l’assemblée. De façon générale, sont considérés comme primo-primo-entrants

307 A titre d’exemple, on citera un conseiller pour qui ce n’est pas tant l’âge avancé des membres de l’assemblée qui pose problème, mais le manque de renouvellement des représentants de certains organismes : « il ne faut pas y rester ad vitam aeternam au