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direction du Conseil Régional

2.1.1. Les avis ou la faiblesse juridique de la consultation

L’outil principal par lequel le CESER participe à l’élaboration de l’action publique régionale est le vote des avis, les saisines (obligatoires ou non) du Conseil régional constituent donc le premier champ d’activité des représentants socioprofessionnels172. C’est dans cette procédure de saisine que la dépendance des CESER vis à vis de la représentation politique apparaît de la façon la plus flagrante. Cette dépendance s’exprime, en premier lieu, dans la définition de l’agenda de l’assemblée, bien évidemment, puisque la consultation obligatoire est indexée sur l’activité législative du Conseil Régional et que la saisine facultative est émise par le Président de Région. Elle est sensible, aussi, dans l’organisation pratique des travaux, les avis devant être rédigés et votés dans l’intervalle de temps relativement court qui sépare la communication de la liste des textes prévus pour délibération, et la tenue du vote au Conseil régional. Enfin, elle est prégnante dans la coordination entre les services des deux assemblées, car les CESER sont également totalement tributaires des services de la Région pour tout ce qui concerne la transmission des projets ou schémas sur lesquels ils doivent émettre l’avis de saisine. On le voit, le vecteur premier d’insertion des représentants socioprofessionnels dans le cycle de la décision est soumis à de fortes contraintes et largement soumis au bon vouloir du législateur régional.

Cependant, c’est également lors de cette procédure de saisine que les interactions entre les conseillers et les élus politiques d’une part, et entre les instances dirigeantes du CESER et l’exécutif régional d’autre part, sont les plus nombreuses. Au-delà de la faiblesse du rôle juridique dévolu aux avis de l’assemblée, la procédure de saisine permet que se noue un véritable échange politique entre le décideur public et les représentants d’intérêts organisés. Pour reprendre la définition de l’échange proposée par Nay et Smith, la procédure de saisine encadre un certain nombre de « transactions par lesquelles les groupes d’acteurs [ici les représentants d’intérêts organisés] parviennent à négocier leur

présence dans un jeu commun »173, « faisant valoir leur statut […] et mobilisant des idées et des représentations justifiant la légitimité de leur engagement ».

Dans ses grandes lignes, et tel que présenté dans la majorité des CESER sur leurs supports de communication et de présentation de l’institution, le cycle de production d’un avis de saisine suit six étapes principales. Les services du Président de Région émettent une lettre de saisine adressée au Président du CESER (1), dans le cas d’une saisine obligatoire sur le budget et grandes orientations stratégiques de la Région, comme dans le cas d’une saisine facultative à l’initiative du Président de Région. Après transmission aux services de la présidence (2), la saisine est transmise au bureau du CESER pour examen et attribution aux quatre commissions respectives de l’assemblée(3). La commission choisie au sein du bureau, dite commission de synthèse, rédige ensuite un projet d’avis dans lequel elle intègre les éventuelles contributions des autres commissions sur le sujet (4). Le texte est ensuite examiné en séance plénière, débattu, et parfois amendé, puis voté par l’ensemble des membres (5), en présence d’élus du Conseil régional ou des directeurs des services qui les représentent. Transmis au Président de Région (6), l’avis pourra enfin (quoi que très rarement dans le cas d’une saisine) faire l’objet d’une diffusion extérieure174. Les premières et dernières étapes de cette procédure relèvent essentiellement des services de l’assemblée dans leur rôle de coordination avec l’exécutif régional. C’est donc la phase de rédaction du projet d’avis en commissions, puis l’étape de délibération et de vote du texte en assemblée plénière, qui concentrent l’essentiel de l’activité des conseillers et de leurs interactions avec les élus régionaux.

Sans entrer dans une description détaillée des modalités de rédaction de l’avis lui-même, ou des tractations formelles et informelles autour du texte qui se jouent en amont du vote (voir encadré ci-après), l’activité des conseillers dans l’élaboration d’un avis de saisine mérite d’être explicitée. En effet, il s’agit d’une activité extrêmement encadrée par la procédure et par un ensemble de normes

172 J. PALARD et P. MOQUAY, La société régionale en dialogue : le Conseil économique et social d’Aquitaine. 1974-1989 : l’innovation apprivoisée, op. cit., p 136

informelles régissant les relations entre les différents groupes d’intérêts, et avec les élus. L’élaboration d’un avis relève en un sens de l’exercice de style, il est contraint par un format rigide, par les règles d’élaboration de la synthèse des points de vue différents qui composent le CESER, et par les modalités de restitution auprès des élus à la tribune de l’assemblée plénière. La procédure de saisine implique néanmoins que les élus ou, en cas d’indisponibilité, les Directeurs généraux adjoints (ou DGA) des services compétents, répondent aux questions et aux interventions des conseillers du CESER à deux reprises : lors d’une réunion de présentation des dossiers avant la rédaction des projets d’avis, et lors de la séance plénière et des délibérations qui précèdent le vote. Bien que dégagés de toute obligation de prendre en compte les préconisations des avis du CESER, les décideurs politiques sont amenés à répondre à des questions et interpellations préparées sur des points précis de leurs programmes d’action publique.

Ceci est d’autant plus vrai dans le cas des saisines obligatoires, puisqu’elles s’appliquent essentiellement sur les grandes orientations budgétaires et stratégiques de la Région et, à ce titre, sollicitent l’attention de l’ensemble des intérêts représentés au CESER. Ainsi, l’élaboration des quatre avis portant sur le budget de la Région175, et essentiellement l’avis sur le budget primitif, donnent lieu à des échanges nourris et suivis entre les conseillers et les décideurs publics. Ainsi le président de la Commission Finances Régionales et Territoires, en charge des avis budgétaires, signale-t-il en réunion : « nous ne sommes jamais autant écoutés

que sur le budget. On pourra nous dire que ça [un point du projet d’avis] ne relève pas de nos compétences, mais la presse et les élus l’auront entendu, c’est notre rôle de conseiller ». A propos de l’avis budgétaire, un autre conseiller souligne que

« c’est une plate-forme, une opportunité de faire passer des idées »176. Le caractère transversal des documents budgétaires motive un certain nombre de remarques en rapport direct avec les intérêts des organismes mandataires : ainsi, par exemple, le collège syndical et le groupe CGT feront remarquer de façon assez virulente en séance plénière que les organismes paritaires n’ont pas étés consultés lors du financement d’une grande agence régionale pour l’innovation, interpellant

directement le DGA concerné. Le financement polémique d’un projet d’infrastructure sportive d’envergure, dont les lignes budgétaires n’étaient pas intégrées au budget primitif, ont également fait l’objet de remarques appuyées de plusieurs conseillers en commissions et en assemblée plénière, par la voix du représentant du comité régional olympique applaudi par ses pairs.

Au-delà de la tribune qu’offre le CESER en séance plénière, dans un certain nombre de cas se nouent des interactions régulières entre certains conseillers et les directeurs des services de la Région : c’est là encore le cas pour les saisines budgétaires, tant par leur relative publicisation que par le caractère régulier de cette activité. Le Président de la Commission Finances Régionales et Territoires, ainsi que le rapporteur sur les questions budgétaires, font tous deux état d’une collaboration poussée avec la direction des finances : lors de déjeuners informels, ils discutent les principaux points des orientations budgétaires avec le DGA, avec qui ils ont des rapports de forte proximité. « On a cette procédure entre nous, on

déjeune à la cantine de la Région … on se connaît bien, on s’appelle par nos prénoms maintenant ». Le rapporteur précise que « quelque fois [le DGA] corrige des éléments techniques, mais sans intervenir sur le fond », en collaboration avec

le Président de la Commission, qui a par ailleurs occupé lui aussi les fonctions de DGA financier en Aquitaine. L’intensité de ces interactions n’est bien sûr pas généralisable à l’ensemble des saisines, mais montre bien comment cette procédure permet à certains conseillers de gagner un accès privilégié auprès des décideurs et des metteurs en œuvre régionaux.

Encadré 2 : Le cycle d’élaboration des avis

Le cycle d’élaboration des avis

En Aquitaine, l’usage veut que les quatre commissions soient réunies dans l’hémicycle régional pour une séance de présentation des textes débattus par les Vice-présidents en charge du dossier ou plus souvent par leurs directeurs délégués et leurs équipes. Cette réunion des quatre commissions a une fonction strictement informative, les conseillers se bornant à ce stade à demander des points de clarification avant la rédaction du projet d’avis, souvent par le biais du rapporteur de la Commission en charge du dossier. Les observations en séance témoignent de l’intérêt des conseillers du CESER pour cette étape : en règle générale rempli aux deux tiers, l’hémicycle pose de nombreuses questions préparées sur la base des

documents transmis à l’avance par les services de la Région, et il peut arriver que certains conseillers interpellent les élus sur des points précis ou rappellent les conclusions de précédents rapports sur le sujet traité.

A la suite de cette réunion des quatre commissions, le CESER dispose de deux semaines environ pour rédiger les projets d’avis avant sa séance plénière (qui elle-même se tient une semaine avant la plénière du Conseil régional). Les commissions de l’assemblée se réunissent alors sur trois ou quatre demi-journées, en fonction du nombre d’avis que le bureau leur a attribué et de la conduite concomitante ou non d’une auto-saisine. La plupart du temps, chaque commission est en charge d’un ou de plusieurs avis, et elle communique une courte contribution sur les avis traités au sein des autres commissions. Une fois rédigés, les projets d’avis sont communiqués à l’ensemble des conseillers pour le dépôt d’amendements éventuels. Les commissions et leurs rapporteurs sont libres d’intégrer ces amendements avant la séance plénière et, en cas de désaccord, le déposant peut réitérer sa proposition avant le vote de l’assemblée.

La lecture des avis dans leur intégralité et les propositions d’amendements sont effectués en séance plénière, en présence des Vice-présidents ou des élus en charge du dossier. Ces derniers assistent également à la phase de délibération avant le vote, et répondent aux différentes interventions préparées par les groupes ou les conseillers à titre individuel. S’il arrive parfois que les Vice-présidents du Conseil régional n’assistent pas à la séance plénière, force est de constater que les DGA témoignent d’une bonne connaissance du fonctionnement de l’institution et identifient les membres de l’assemblée dont l’organisme mandataire ou la fonction au CESER est en relation avec l’activité de leur service.

2.1.2. L’auto-saisine : une marge