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Le directeur de l’assemblée : interface avec les services de la interface avec les services de la

de la Région : interactions avec l’exécutif régional

2.2.1. Le directeur de l’assemblée : interface avec les services de la interface avec les services de la

région

Les interactions et liens de coopération entre services des CESER et services de la Région ne se réduisent pas à l’attribution et à la gestion des moyens de fonctionnement de l’assemblée. La mise en pratique des procédures de consultation (sous le régime de la saisine ou de l’auto-saisine) repose sur une coordination informelle entre la haute hiérarchie201 de la Région et les instances de direction du CESER. L’émission des avis et des rapports de l’assemblée consultative implique

200 G. GOURGUES, « Les Conseils Economiques et Sociaux Régionaux et la démocratie participative », art cit. p 22

201 Pour reprendre les termes utilisés pour désigner le Président de Région et son cabinet, la DGS, et les DGA par S. GARDON et E. VERDIER, « Entre travail politique et action administrative : les directions générales des services en

en amont un travail d’interface avec l’exécutif régional dans la gestion de l’agenda politique et dans l’organisation des travaux des commissions, dont le directeur général est la figure pivot. En d’autres termes, il est le facilitateur et le médiateur permettant l’insertion des travaux du CESER dans l’élaboration des politiques publiques régionales. On montrera qu’à l’instar des fonctions du DGS ou des DGA dans l’exécutif régional, la fonction de directeur administratif du CESER est

marquée par une importante porosité entre positions politiques et

administratives202 : entre directeur de cabinet et chef de service, le directeur négocie le positionnement stratégique de l’assemblée sur l’agenda politique régional à travers ses interactions avec les différents pôles de la régulation politique de la Région.

La position d’un directeur général de CESER peut être définie, en premier niveau d’analyse, par la comparaison avec celle d’un DGS régional telle que Gardon et Verdier l’ont décrite203. En effet, il s’agit dans les deux cas d’emplois discrétionnaires aux contours flous, caractérisés par un lien particulier de confiance entre ces directeurs et leur président. Malgré une évidente disparité entre les fonctions d’un DGS de Région et d’un directeur de CESER ( ne serait-ce que par la taille de la masse salariale sous leur responsabilité ou par le champ de leurs missions respectives), ces deux emplois de direction relèvent des « métiers flous » qui sont progressivement apparus dans la fonction publique territoriale : ils sont caractérisés par une définition vague ou succincte de leurs missions, par des positions d’emploi pouvant recourir à la voie du détachement ou à l’embauche contractuelle, et par des parcours individuels parfois influencés par la sphère politique204. Ce sont également des fonctions fortement marquées par la porosité des frontières entre travail politique et administratif, où la distinction formelle entre « des élus qui élaborent et des administratifs qui mettent en œuvre ne résiste pas, loin s’en faut, à l’examen des pratiques »205. La délimitation des missions d’un directeur de CESER reste ainsi relativement vague : ni l’observatoire des

202 D DEMAZIERE et P LE LIDEC, « Le travail politique », Sociologie du travail, avril 2008, vol. 50, no 2.

203

métiers de la fonction publique territoriale ni les forums du CNFPT ne listent la position de directeur de CESER dans leurs fiches métier. En Aquitaine, même les documents mis à disposition des conseillers économiques et sociaux qui présentent l’administration de l’assemblée et les fonctions du personnel permanent s’avèrent muettes sur la position du directeur des services administratifs206.

Le flou autour de la définition de leurs missions ressort bien dans la grande diversité du titre même de ces acteurs, appelés selon les régions directeurs des

services, directeurs délégués, secrétaires généraux, ou encore, plus succinctement,

simplement directeurs. Ces différences dans les appellations n’impliquent pas nécessairement une grande diversité d’une région à l’autre dans les attributions formelles du directeur, mais traduisent plus largement des arbitrages et des représentations différentes de la division du travail politique et administratif entre chaque Président et son directeur. Ainsi l’élection d’un nouveau président, accompagnée ou non d’un nouveau directeur administratif, a donné lieu à un changement de titre dans un certain nombre de régions. Pour reprendre la terminologie usitée par Jean-Louis Breteau, directeur du conseil économique et social en Aquitaine de 1978 à 2004, la relation entre le président de l’assemblée et son directeur des services forme un « attelage » dont le fonctionnement délimite les responsabilités respectives, et trace la frontière entre travail politique et administratif du directeur. En Rhône-Alpes par exemple, le directeur souligne le travail de co-définition réalisé avec le président de l’assemblée Bruno Lacroix après son élection, en vertu d’une conception spécifique des missions du directeur et de la lisibilité de l’appellation : « nous on a fait le choix de délégué général par

rapport à une pratique : antérieurement, ils appelaient ça directeur de cabinet. Très vite, on s’est aperçus avec Bruno Lacroix que ça ne correspondait pas à une réalité et que même juridiquement c’était un terme abusif …On a pris le terme de délégué général, pour plusieurs raisons : la première, parce que c’est un terme assez usité, dans les organismes socioprofessionnels, délégué général du MEDEF, de ceci, de cela…C’est donc un terme reconnu, qui en plus fait référence à une double délégation, qui est propre à notre fonction, qui est celle que l’on tient du président de la Région (c’est une délégation de signature, que l’on tient du

président, du directeur général des services), et une délégation, j’allais dire que je tiens implicitement, de mon rôle auprès du Président ». L’influence du président

de l’assemblée est déterminante dans la délimitation du champ d’intervention d’un directeur de CESER à plusieurs niveaux : elle dépend certes de la conception que le président développe de son propre mandat, mais également de sa disponibilité (puisqu’il exerce par définition d’autres mandats représentatifs, voire une activité professionnelle) et de ce qu’on appellera ses compétences juridico-administratives. Un des directeurs que nous avons interrogé souligne ainsi que les différences de pratiques « ne sont pas seulement liées au directeur lui-même, mais à toute une

conjonction de faits […] selon le degré d’implication d’un président, sa disponibilité, ses besoins, entre un président qui, quand il doit faire une intervention publique, la réfléchit lui-même beaucoup et quelqu’un qui assume une présidence mais s’il n’y a pas de cabinet qui lui écrit les discours, qui lui écrit l’édito, ne sait pas faire. ». L’ancien secrétaire général du CESER Aquitaine

attribue l’évolution des pratiques depuis son départ au degré d’investissement des présidents de l’assemblée : « en l’absence du président, j’étais obligé de négocier

notamment avec le Conseil Régional, soit avec le Président directement, soit avec le DGS pour des raisons administratives, ou le directeur de cabinet. ». Il a

effectivement occupé ses fonctions avec des présidents qui avaient tous une activité professionnelle patronale ou agricole et cumulaient des responsabilités consulaires ou patronales importantes, et ont donc laissé à leur secrétaire général un degré d’autonomie fort sur les orientations stratégiques de l’assemblée. Ce dernier en est venu, en vertu de sa longévité à ce poste, à incarner l’assemblée pour nombreux de ses interlocuteurs.

La comparaison avec la position de DGS régional atteint ses limites dans le sens où la fonction de directeur du CESER est moins marquée par le caractère discrétionnaire du recrutement. S’il arrive que certains présidents de CESER soient associés à un nouveau directeur à leur élection207, il n’existe pas de tradition

207 Cela a été notamment le cas pour les deux derniers présidents du CESER Aquitaine : l’élection de Jean-François Gargou a coïncidé avec un changement à la direction de l’assemblée, après le départ à la retraite du secrétaire général précédent. Ce directeur a quitté ses fonctions sur la demande du président quelques mois avant son échec électoral en 2007 devant l’actuel président, Luc Paboeuf. Ce dernier est donc entré en fonction en même temps qu’un nouveau

généralisée de changement du personnel de direction à chaque changement de présidence dans les CESER. Les embauches contractuelles ou par détachement ne sont d’ailleurs pas effectuées au vu de relations construites de longue date avec le président ou d’autres protagonistes de la régulation régionale : l’un des directeurs contractuel indique ainsi qu’il « connaissait un peu de vue le président

nouvellement élu […], sans le connaître bien, en tous les cas on n’avait pas de relation amicale ou professionnelle ». Certains directeurs sont donc amenés à

travailler avec des présidents différents au long de leur carrière, et à renégocier la délimitation de leurs missions. C’est ce qui fait dire à l’un des directeurs interrogés qu’il a « changé de métier quand [il a] changé de président ».

Cet état de fait est lié à la coexistence de trois types de profils professionnels assez contrastés dans les postes de direction des CESER : on l’a dit, les modes de recrutement peuvent opérer par l’accession statutaire aux grades de la haute fonction publique territoriale, mais également par le détachement des grand corps d’état ou le recrutement contractuel. Aussi une grande partie des directeurs sont-ils des fonctionnaires territoriaux, attachés principaux, directeurs territoriaux ou même parfois administrateurs. Parmi eux, certains ont accédé à la fonction après avoir occupé des positions de chargés de mission ou d’étude au sein du CESER, quand d’autres terminent leur carrière à la tête du CESER après un parcours au sein de la collectivité régionale comme directeurs de services ou DGA. A ce profil de fonctionnaire, on peut opposer les fonctionnaires d’Etat détachés, et le cas minoritaire des contractuels reconduits à leur poste tous les trois ans. Ces profils, marqués par une moins grande longévité à la direction de l’assemblée, avec des parcours parfois plus marqués par la sphère politique, assoient leur légitimité à la tête des services de l’assemblée selon des modalités particulières. A l’expertise professionnelle de fonctionnaires valorisant leur connaissance de l’assemblée ou de la collectivité régionale, l’un d’entre eux fait valoir la complémentarité de sa t-il un échange qu’il a eu avec le président de l’assemblée motivant son départ à la retraite : « J’ai dit « […] Jean-François (Gargou), on va travailler ensemble un mois mais après je crois qu’on n’aurait pas fait un bon attelage » ». Son successeur, comme le précise un des membres de l’équipe, « a été entre guillemets remercié, c’est-à-dire que son président avait indiqué son souhait, pour incompatibilité d’humeur ou l’idée qu’il se faisait de son travail, qu’il parte et rejoigne son corps d’origine ». Interrogé sur le renouvellement de son contrat au renouvellement de l’assemblée en 2013, l’actuel directeur délégué du CESER Wilfried Gournon souligne : « je ne suis pas fonctionnaire donc régulièrement la question se posera de est-ce que ça continue ou pas, est-ce que je souhaite continuer et est-ce qu'on

« légitimité de la haute fonction publique» avec la « légitimité des partenaires

sociaux » de son président. Il précise la source de cette légitimité : « moi j’ai un passé professionnel assez complet : j’étais directeur général des services d’une grande ville, j’ai été cadre dirigeant de la caisse des dépôts et consignation, si vous voulez j’ai aussi, si j’ose dire, sans prétention, ma propre légitimité issue de mon parcours et de mon expérience personnelle ». Un autre, dont le parcours a été

fortement marqué par des engagements syndicaux et une proximité politique avec des élus de la région comme membre de leur cabinet, souligne qu’il y a « forcément une tension qui est différente avec des gens de mon profil par rapport

à quelqu’un qui a passé un concours […] mais qui n’a pas de passé d’engagement ». Au sein de l’assemblée, il estime avoir dû, conformément à son

rôle « d’agent public qui est soumis à un devoir de réserve », faire la démonstration « de ne pas apparaître comme l’homme d’un collège ou d’une

organisation », notamment en s’efforçant, « quels que soient [ses] partis pris militants et affinitaires particuliers, à n’avoir pas d’expression publique ».

Entre travail politique et action administrative, la délimitation fonctionnelle des emplois de direction d’un CESER s’est mise en place sur fond de technicisation croissante de la régulation politique régionale, liée aux transferts de compétences et aux capacités de financement croissantes de la Région208. La division formelle entre un président de CESER qui assume les orientations stratégiques du CESER et incarne l’influence de l’assemblée consultative par sa relation avec son homologue politique (le président de région), tandis que son directeur se cantonne à la gestion logistique et administrative quotidienne avec ses interlocuteurs de l’exécutif régional (le DGS et les différents DGA), ne correspond pas ou plus aux pratiques des acteurs. On voit bien que l’insertion du CESER dans la fabrique des politiques publiques régionales, à travers l’interaction avec un exécutif régional où l’imbrication des registres techniques et politiques est forte, rend illusoire une stricte séparation entre travail politique et administratif dans le binôme formé par le président du CESER et son directeur. Le rôle d’un directeur de CESER est finalement résumé en ces termes par l’un d’entre eux : « je suis un peu équidistant

entre un directeur de cabinet et un directeur général des services, c’est une fonction qui mêle un peu de ces deux dimensions de chef d’une administration et d’animation d’un cabinet, de la réflexion de l’institution », soulignant bien par là

la porosité du registre administratif et politique qui caractérise sa position.

Malgré les disparités entre régions, dues notamment à la renégociation constante du partage des responsabilités entre présidents et directeur, il est possible de dégager quatre grands axes fonctionnels dans l’activité d’un directeur de CESER. Sur la base des entretiens menés avec les équipes permanentes dans trois CESER différents, un premier élément commun émerge autour de la fonction d’encadrement : le directeur est à la tête d’une équipe administrative plus ou moins fournie, dont il décide, avec la DRH régionale, du recrutement, gère l’avancement, et encadre l’activité en général. Compte tenu du caractère consultatif du CESER, son directeur n’exerce pas de responsabilités opérationnelles à strictement parler, à l’exception précisément du management de son équipe. L’exercice de la dimension d’encadrement est cependant influencé par les spécificités de l’activité d’un CESER : une grande partie de cette activité d’encadrement suppose que le directeur, en tant que directeur des publications de l’assemblée, valide l’ensemble de la production écrite de l’assemblée. Il supervise donc les chargés de missions ou d’étude de chaque commission dans le soutien plus ou moins intense qu’ils apportent aux rapporteurs dans la rédaction des projets d’avis et d’études. Cette fonction d’encadrement va assez souvent jusqu’à la correction et la reformulation des procès-verbaux de bureau ou des projets d’avis : « je vois très souvent (les

chargés de mission), je parle avec eux, je valide tous les textes qui se produisent. Soit nous en parlons pour éventuellement trouver une orientation, soit je fais de la simple validation, de la relecture, pour dire ok, pas ok, rajouter ceci, enlever cela…tout en respectant l’esprit de la commission puisque je n’assiste pas à toutes leurs réunions. ». Un deuxième point de délimitation fonctionnelle du métier de

directeur s’articule autour de ce que l’un des directeurs interrogé appelle une mission « de planification et de programmation » : le directeur anticipe et gère la charge de travail des agents et des commissions de l’assemblée en fonction du calendrier législatif, effectue les relances pour la transmission des documents

programmatiques régionaux entre les services du conseil régional et les chargés d’étude, intervient dans les réponses aux sollicitations croissantes extérieures au conseil régional, identifie et coordonne la présence des élus pendant les séances plénières avec leurs collaborateurs, discute avec l’exécutif régional des besoins humains et matériels mis à disposition de l’assemblée, etc.

A ces fonctions d’ordre administratif s’ajoutent deux autres composantes qui témoignent de l’imbrication du registre technique et politique des positions de direction dans l’institution régionale. Le troisième pôle dans les activités du directeur consiste en une fonction « d’animation et de réflexion » qui s’apparente davantage aux missions d’un collaborateur d’élu ou d’un directeur de cabinet209 : il s’agit de « fournir les éléments qui permettent la décision individuelle ou

collective […], faire des suggestions sur les évolutions possibles de l’institution et de ses modes de travail, c’est être dans l’encadrement mais aussi dans l’impulsion, être un passeur de ballon en quelque sorte » (un directeur de CESER). Enfin, tous

nos interlocuteurs ont mentionné l’aspect relationnel et surtout informel de leur fonction (selon l’un d’entre eux, « on ne sait pas toujours ce que fait un directeur

et son rôle n’est pas forcément de rendre tout explicite de ce qu’il fait, c’est en tous cas ma pratique »). Le directeur de l’assemblée joue en effet un rôle crucial

d’interface entre de multiples dimensions : des arbitrages entre deux organisations mandataires partageant un siège à la coordination en externe avec le SGAR210 au moment des nominations des conseillers et du renouvellement de l’assemblée, le directeur de l’assemblée remplit une mission de régulation à forte dimension relationnelle. C’est cependant dans le rôle d’interface entre l’assemblée et le conseil régional que se révèle l’essentiel du travail politique du directeur du CESER : ses interactions avec les pôles exécutifs de la régulation politique de la région influencent fortement les modalités d’insertion du CESER dans la fabrique des politiques régionales.

En effet, à travers son rôle d’interface avec le conseil régional et les multiples interactions nouées avec la DGS ou les services respectifs, le directeur du CESER est une figure essentielle de la définition du champ de la saisine de l’assemblée. Plus largement, il s’impose ainsi aux côtés du président comme un acteur central dans la formulation des stratégies organisationnelles de l’assemblée pour maximiser leur influence sur la fabrique des politiques publiques (ce que Guillaume Gourgues appelle « combattre l’intermittence d’un rôle juridiquement faible »211). Les interactions avec la haute hiérarchie régionale sont nombreuses, essentiellement dans le cadre de la coordination de la consultation de l’assemblée sur l’agenda législatif du conseil régional et la définition du périmètre de saisine obligatoire. Dans l’une des régions où nous avons mené des entretiens, le directeur confirme que ses interlocuteurs principaux sont « essentiellement le DGS et le

cabinet, les deux. Le cabinet est plus sur des questions d’organisation : présence du président, organisation des séances, tout ça. Le DGS c’est plus le fond des dossiers. Mais autant le DGS que les DGA ou même les directeurs de services : par exemple tout à l’heure j’ai un déjeuner avec le nouveau directeur de l’enseignement supérieur et de la recherche, on fait un déjeuner de travail avec mes deux chargés d’étude qui suivent ces dossiers-là et lui et son collaborateur ».

Ces interactions consistent finalement en une co-construction de la saisine du CESER avec l’exécutif : l’un des directeurs interrogés fait état du caractère routinier de son intervention dans la définition de ce qui relève ou non de la saisine obligatoire : « On a mis un système au point, quand un DGA ou un directeur a un

doute [sur le caractère obligatoire de la saisine], il me contacte directement. On me dit « est-ce qu’on doit saisir là-dessus, ou est-ce que tu veux être saisi ? », finalement on fait comme ça ». Dans une autre région, on admet même qu’un