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Les critères de la représentativité : le jeu des représentativité : le jeu des

d’intermédiation entre les groupes d’intérêt et la Région

1. Le CESER comme instrument de sélection des interlocuteurs légitimes

1.1.2. Les critères de la représentativité : le jeu des représentativité : le jeu des

équilibres

Régis par un cadre juridique flexible et une procédure qui laisse un fort degré d’autonomie aux services préfectoraux dans sa mise en œuvre, chaque renouvellement de mandature constitue une occasion de réévaluer de redéfinir les critères de sélection de ce qui constitue un groupe représentatif, ou plutôt un interlocuteur légitime et pertinent. Les critères de sélection ainsi produits délimitent une série de barrières à l’entrée dans le dispositif, qui portent à la fois sur les caractéristiques des groupes susceptibles d’obtenir un ou des sièges (leur secteur d’activité, le type d’intérêt qu’ils défendent, leur territorialisation, leur audience…) et sur les individus qui peuvent occuper ces sièges (genre, âge, appartenance à une minorité visible…). La répartition des sièges entre les organismes sélectionnés, quant à elle, obéit à des logiques informelles d’équilibres

inter et intra collèges dans l’assemblée, décrites par Jacques Palard et Patrick Moquay comme le résultat d’« une alchimie a priori mystérieuse »259. En effet, le poids respectif des groupes d’intérêts au sein du CESER n’est globalement pas en relation avec l’audience des organisations (si tant est qu’elle soit mesurable) : la représentativité des groupes et sa quantification s’avèrent régie par des logiques ésotériques pour l’observateur extérieur, car spécifiques à chaque collège de l’assemblée. La composition finale nominative des CESER prend donc en compte une multitude de contraintes hétérogènes, et définit la représentativité des organismes à partir de critères à géométrie variable selon les groupes.

1.1.2.1. Les variables de composition du collège

salarial : traduire la représentativité nationale à l’échelon régional

Le degré d’autonomie du préfet dans la délimitation de la composition est ainsi assez fortement contraint en ce qui concerne le collège des activités salariées (collège syndical ou collège 2). La sélection des organisations y est très fortement encadrée par la reconnaissance juridique du caractère représentatif des syndicats, au niveau national. Avant la réforme de 2008 qui a mis fin à la représentativité irréfragable des cinq centrales historiques principales, le collège 2 était donc exclusivement composé de ces organisations labellisées comme représentatives nationalement, auxquelles s’ajoutaient l’UNSA et la FSU. Malgré une série de recours administratifs émanant notamment de l’union syndicale Solidaire (ou SUD) pour obtenir des sièges dans certains CESER, en région Bretagne notamment, la composition du second collège de l’assemblée est longtemps restée cantonnée à sept organisations. Depuis 2008, peuvent être représentées dans les CESER les organisations qui, à l’échelle nationale, répondent aux principes généraux rénovés de la représentativité, à savoir principalement basés sur leur audience électorale. Seule la pondération des sièges se base sur les audiences régionales de ces organisations, aux élections professionnelles les plus récentes. Telle qu’observées lors du renouvellement des assemblées en 2013, les

compositions des deuxièmes collèges ont été quasiment inaltérées par la réforme de la représentativité syndicale. En vertu de leur audience électorale, les cinq centrales historiques sont toujours dépositaires du monopole de représentativité jusqu’en 2016. Seul changement notable, en vertu d’une décision du Conseil d’Etat de 2009, SUD figure maintenant au sein des organisations ayant vocation à être représentées dans les CESER au même titre que l’UNSA et la FSU. La répartition des sièges entre ces huit confédérations obéit également à des critères relativement rigides : elle doit refléter les résultats aux élections du secteur privé et des trois fonctions publiques au niveau de la région260. A partir des chiffres ré-agrégés au niveau régional, tous secteurs confondus, les sièges sont répartis à la proportionnelle à la plus forte moyenne261. Néanmoins, subsiste une marge de manœuvre minimale dans la provision qui prévoit de maintenir la représentation d’une organisation qui « représenterait un pourcentage significatif uniquement dans l’un des secteurs (privé ou les trois fonctions publiques) »262.

1.1.2.2. Les variables de composition du collège

patronal : représenter des secteurs d’activité économique

La composition du collège des activités non salariées (le collège patronal, ou premier collège) est régie par des variables sensiblement différentes. Contrairement au collège deux, sa composition doit explicitement refléter les principaux secteurs d’activité économique de la région263, en termes d’emploi mais également de poids économique264. L’exercice est par essence tout relatif, compte tenu de la difficulté à faire correspondre exactement un secteur économique avec une organisation professionnelle, mais offre la possibilité de représenter les

260 Circulaire interministérielle (Ministre de l’Intérieur, Ministre de la Réforme de l’Etat, de la décentralisation et de la fonction publique, Ministre du travail, de l’emploi de la formation professionnelle et du dialogue social) n° INTK13 001 97 C du 27 juin 2013 relative aux modalités de renouvellement des Conseils économiques, sociaux, et environnementaux de 2013, p 4.

261 Ibid, p 6. Ce n’était pas le cas dans les précédentes mandatures, où la jurisprudence et les circulaires soulignaient que le pouvoir préfectoral n’était pas tenu d’appliquer une stricte proportionnalité.

262 Ibid p 9

263 L’arrêté préfectoral de composition regroupe d’ailleurs les nominations par grands secteurs économiques : entreprises et activités industrielles, métiers/artisanat, agriculture, services/activités libérales/économie sociale et solidaire.

264 La circulaire INTA0100228C relative au décret d’application n° 2001-731 du 31 juillet 2001 transmet même en pièce jointe les tableaux régionaux de l’INSEE contenant les données sur la masse salariale et la valeur ajoutée des différents

branches à côté des structures interprofessionnelles patronales. La composition du premier collège des CESER peut ainsi, davantage que dans le collège salarial, différer dans sa composition d’une Région à l’autre : à simple titre d’exemple, on peut signaler que le collège un en Rhône-Alpes accueille un nombre nettement plus grand de représentants des fédérations régionales des branches qu’en Nord-Pas de Calais, et que, contrairement au collège aquitain, on n’y trouve pas de représentant de l’ostréiculture. Il n’en reste pas mois que partout siègent de droit les organismes consulaires (Chambres régionales de Commerce et d’Industries CCI, Chambres régionales d’Agricultures CRA et Chambres régionales des métiers), la répartition des sièges entre ces trois organismes prenant en compte les résultats des élections au sein des chambres respectives. Cependant, les différentes circulaires relatives à la composition indiquent que les scores électoraux ne sont pas le seul critère déterminant la pondération des sièges accordés aux organismes consulaires : tout d’abord, parce qu’elles consacrent la surreprésentation des organisations agricoles (CRA comprise) à hauteur du quart du collège un265. Ensuite et principalement, parce que les arbitrages du préfet dans le premier collège procèdent d’une logique d’équilibre entre différentes composantes, davantage que d’une logique de représentativité. Puisque ce collège a vocation à représenter des secteurs d’activité (agriculture, industries, professions libérales, artisanat…266), la prise en compte de l’audience des organisations qui le composent ne peut se poser dans les mêmes termes que pour les confédérations syndicales généralistes. La répartition des sièges obéit donc au principe d’équilibres entre les différentes composantes à l’intérieur du collège : équilibre entre organisations consulaires et organisations professionnelles patronales, mais aussi entre organisations agricoles et le reste du collège, ou entre organisations patronales interprofessionnelles et branches…

265 Circulaire INTA0100228C relative au décret d’application n° 2001-731 du 31 juillet 2001 p7

266 Le code des collectivités territoriales précise ainsi : « Les représentants des entreprises et des activités professionnelles non salariées sont désignés soit par les chambres régionales de commerce et d'industrie, les chambres régionales d'agriculture, les chambres régionales des métiers ou les conférences régionales des métiers ou les chambres de commerce et d'industrie, les chambres d'agriculture, les chambres de métiers, soit par les organisations, syndicats ou

1.1.2.3. Les variables de composition du collège associatif : permettre la plus grande diversité possible

Le choix des organismes représentant la vie collective dans le troisième collège (ou collège associatif) est quant à lui beaucoup plus libre : la jurisprudence et les règlements ou circulaires d’applications sont pratiquement muets sur les critères de sélection des groupes d’intérêts ayant vocation à y siéger. A l’exception du secteur de l’environnement auquel est dévolu un nombre fixe de sièges, il n’existe pas de spécifications en termes de domaine d’activité pour les groupes représentés dans ce tiers de l’assemblée. La circulaire ministérielle relative à la composition des CESR de 2001 précise que les préfets disposent « d’une réelle marge de manœuvre pour prendre en compte les demandes qui [leur] sont présentées, dès lors qu’elles [leur] paraissent légitimes ou dignes d’intérêt »267. On le voit, la logique qui prévaut ici est celle du plus grand pluralisme possible et de la plus grande diversité matériellement atteignable, puisque la question de la représentativité d’un groupe est abandonnée au profit du critère plus flou encore de « l’intérêt », ou de l’originalité du groupe (par son activité, la cause ou la catégorie sociale qu’il défend, ou encore son investissement sur un problème public spécifique…). Il en résulte une très grande fragmentation de ce collège, où il est rare qu’un groupe représenté dispose de plus d’un siège. La possibilité de partager un même siège par accord entre deux organismes accroît encore davantage ce phénomène de fragmentation, qui rend les positionnements collectifs difficiles dans le troisième collège. Relativement contrastées d’un CESER à un autre, les compositions du collège vie collective sont marquées par l’extrême hétérogénéité des groupes en présence. Les organisations mandataires diffèrent tant par le type d’intérêt catégoriel ou sectoriel représenté (de la Fédération des Conseils de Parents d’Elèves à la fédération régionale de la chasse), que par le statut des groupes (une majorité d’associations loi 1901, mais également des organisations professionnelles de l’industrie culturelle, des Parcs Naturels, des universités, des organismes de protection sociale, des mutuelles…). Ils diffèrent enfin en termes

d’inscription territoriale : certains sont des structures régionales rattachées à de grandes fédérations nationales (la Ligue de Protection des Oiseaux, les Centres d’Information sur les droits des Femmes et des Familles), d’autres des groupes spécifiques à un territoire ou une Région (en Aquitaine par exemple, l’institut Basque et l’Institut occitan, ou le Réseau Aquitain Histoire et Mémoire de l’Immigration, organisations strictement régionales ou même infra-régionales, disposent d’un siège dans le troisième collège). Cette importante hétérogénéité peut permettre dans certains cas la nomination de ce que l’un de nos interlocuteurs appelle des « faux-nez » : des conseillers nommés dans le troisième collège malgré une très forte proximité de leurs organisations avec les groupes du collège patronal ou syndical. Ainsi dans le CESER Aquitaine, la fédération des jeunes chambres économiques, dont le statut d’association loi 1901 justifie formellement l’inscription dans le collège trois, défend des intérêts qui relèvent bien davantage du collège patronal. De la même façon, l’Union Nationale des Etudiants de France (UNEF), organisation pourtant syndicale, siège dans le troisième collège depuis 2013.

Finalement, les sièges du troisième collège et ceux des personnalités qualifiées (ou quatrième collège), sont utilisés comme variable d’ajustement pour rétablir les déséquilibres résultant des nominations dans les deux autres collèges268. Ces siègent offrent notamment une marge de manœuvre aux préfets pour satisfaire aux exigences de parité, lorsque les désignations par les organisations patronales, agricoles et parfois syndicales ne respectent pas les injonctions à la féminisation de l’assemblée. Un autre cas de figure assez courant est celui de la nomination d’un ancien conseiller du premier ou second collège dans le troisième collège ou comme personnalité qualifiée, au titre non plus de son activité professionnelle mais d’un de ses engagements associatifs. Ce fut par exemple le cas en Aquitaine pour l’un des conseillers du premier collège nommé par le secteur bancaire : aujourd’hui retraité, il siège toujours au CESER dans le troisième collège, au titre de son engagement associatif auprès des personnes handicapées. Ce fut également la

268 On trouve ainsi dans la circulaire d’application relative au renouvellement des Conseils économiques et sociaux de 2001 la phrase suivante : « J’attire votre attention sur le fait que le troisième collège peut vous offrir l’opportunité d’accroître

solution retenue pour l’un des présidents de commission, rédacteur prolifique, dont la non-reconduction aurait fortement perturbé les travaux de l’assemblée. A l’expiration de son mandat associatif, il a ainsi été reconduit au CESER, mais en tant que personnalité qualifiée.