• Aucun résultat trouvé

Le rôle particulier des pratiques de contrôle dans la structuration du social Les initiatives sociales qui visent directement ou indirectement les comportements des acteurs

COHABITENT INFLUENCES VISIBLES ET INVISIBLES

2.2 La dualité des assemblages de contrôles

2.2.1 Le rôle particulier des pratiques de contrôle dans la structuration du social Les initiatives sociales qui visent directement ou indirectement les comportements des acteurs

à l’intérieur de l’organisation forment un type de pratiques particulières que sont les pratiques de contrôle. Elles ont un rôle particulier dans la structuration du social, car elles cherchent à faire faire quelque chose à autrui, à influencer un comportement. On peut aussi dire qu’elles ont une visée performative (Feldman et Pentland, 2003). Pour pouvoir mieux cerner ce rôle particulier, la thèse s’appuie sur une revue des travaux en comptabilité-contrôle ayant eu recours à la théorie de la structuration de Giddens ces vingt-cinq dernières années (Englund et Gerdin, 2011a). L’idée est d’étendre ensuite les conclusions de cette revue à des pratiques de contrôle autres que des pratiques de comptabilité et de contrôle de gestion.

La revue évoque trois conceptualisations différentes du contrôle de gestion et de la comptabilité. Dans la première approche, le contrôle est vu comme une modalité de structuration à part entière. Les logiques comptables représentent des schémas interprétatifs mis à disposition des acteurs et associés à des valeurs. Le contrôle de gestion représente une ressource dans l’exercice du pouvoir par certains groupes dans l’organisation. Dans la deuxième approche, l’accent est mis sur les artefacts de comptabilité et de contrôle et leur portée structurante. Enfin dans la troisième approche, le contrôle est analysé à la fois à travers ses artefacts et à la fois comme un élément structurel. Le tableau 4 suivant (d’après Englund et Gerdin, 2011, p. 499) récapitule ces trois conceptualisations34

. La revue montre que selon les problématiques traitées, on va trouver des auteurs qui vont s’intéresser soit aux modalités

34 La revue ignore curieusement la dimension pratique de ce dernier et met plutôt l’accent sur les artefacts du contrôle. Or le

contrôle au sens général aussi bien qu’au sens de contrôle de gestion, c’est aussi comme on l’a vu un ensemble de pratiques. La terminaison anglo-saxonne en « ing » du terme « accounting » souligne encore plus ce point.

de structuration issues de l’engagement répété des acteurs dans les pratiques comptables et de gestion soit aux pratiques et artefacts correspondants. La troisième approche est retenue dans des articles dont la problématique impose de prendre en compte les deux versants du processus de structuration. C’est ce que cette thèse tente de faire, ayant relevé l’intérêt – pour la problématique considérée – d’une approche du troisième type. On trouve des conclusions similaires chez d’autres auteurs utilisant d’autres grilles d’analyse théoriques. C’est le cas notamment des travaux inspirés de Feldman et Pentland (2003) sur les routines organisationnelles. Selon cette approche, les routines ont un caractère ostensif c’est-à-dire un impact sur les représentations et par voie de conséquence, un caractère performatif c’est-à- dire un impact sur les actions des individus donc sur le réel.

Conceptualisations de la comptabilité

Approche adoptée dans les études

La comptabilité comme structure La comptabilité est analysée comme une propriété structurelle

La comptabilité comme artefact La comptabilité est analysée comme un système formel incluant des systèmes informatiques, des rapports, des règles, des techniques (ex. ABC)

La comptabilité comme interaction entre des structures et des artefacts

La comptabilité est analysée de manière interchangeable comme une propriété structurelle et un système formel

Tableau 4: Les trois conceptualisations de la comptabilité dans la littérature s’appuyant sur la théorie de la structuration (adapté d’Englund et Gerdin, 2011, p. 499)

Au-delà de la manière de conceptualiser la comptabilité et le contrôle de gestion, la revue détaille, comment la comptabilité et le contrôle sont en lien avec chacune des dimensions de la structuration. Elle montre que les pratiques de contrôle de gestion touchent aux structures de signification en donnant corps, en précisant et en recyclant les concepts de profit, de coût, de retour sur investissement, de délai, de hiérarchie. Ces concepts forment ainsi le prisme à travers lequel les acteurs voient la réalité. Autrement dit, « les concepts, valeurs, théories, idéaux sur lesquels les systèmes de contrôle (de gestion) sont basés représentent les propriétés structurelles du contrôle (de gestion) » (Macintosh et Scapens, 1990, p. 462). Les publications sur lesquelles s’appuient Englund et Gerdin sont exclusivement issues de revues

organisations anglo-saxonnes35

. Mais on a aussi en France un courant puissant qui insiste sur les liens entre contrôle et représentations (Lorino, 1995). Les pratiques de contrôle jouent aussi au plan des structures de légitimation en forgeant et en recyclant des images de rationalité, d’amélioration et des objectifs considérés comme valables pour l’organisation par rapport à certains buts organisationnels (la marge plutôt que le volume par exemple). Enfin, à travers les pratiques de contrôle, des acteurs ou groupes d’acteurs exercent un pouvoir. En cela, les pratiques de contrôle (re)constituent les relations de domination notamment par le biais des valeurs et idéaux qu’elles promeuvent. Cette relation qu’entretient le contrôle de gestion avec l’idée de pouvoir est présente dans quasiment tous les travaux en contrôle adoptant une grille de lecture sociologique quelle qu’elle soit. Selon les cas, les travaux revus insistent sur l’une ou l’autre dimension. Les plus aboutis montrent que les trois dimensions de la structuration sont présentes conjointement et soulignent en cela le caractère véritablement idéologique des démarches de comptabilité et de contrôle de gestion.

Les pratiques de comptabilité et de contrôle de gestion sont des pratiques de contrôle fortement institutionnalisées c’est-à-dire fortement ancrées dans les références mobilisables par les acteurs au-delà des frontières d’une organisation, d’un secteur d’activité ou d’un pays donné (Hasselbladh et Kallinikos, 2002 ; Burns et Scapens, 2000 ; Barley et Tolbert, 1997 ; Mouritsen, 1994). Comme indiquée plus haut, la thèse propose d’étendre le raisonnement tenu ci-dessus concernant la comptabilité et le contrôle de gestion à toutes pratiques de contrôle qu’elle qu’en soit la source même si elles sont parfois moins codifiées et souvent moins institutionnalisées. Par extension des constats précédents, on peut considérer que toute pratique de contrôle, signale ou promeut, les intérêts, les valeurs et la vision du réel et des comportements à observer par les parties visées par le contrôle. En s’établissant comme une modalité de structuration, elle forme une sorte d’injonction performative. À travers ces pratiques de contrôle, les relations de dépendance et d’autonomie fondant la domination dans un contexte donné se cristallisent. Les groupes visés intègrent ces pratiques dans leur manière d’appréhender cognitivement la réalité et d’analyser ce qui est bien ou mal ainsi que leurs droits et obligations vis-à-vis de la source du contrôle. C’est ce que font notamment les managers qui, situés stratégiquement, tentent « de façon réflexive, par des procédures sélectives de « filtrage d’information », de régir les conditions générales de reproduction du système pour le conserver tel qu’il est ou au contraire pour le transformer » (Giddens, 1984,

p. 77). Il semble important de souligner que dans le contexte d’interdépendance grandissant qui caractérise les organisations aujourd’hui (Macintosh, 1994, p. 119), chaque acteur se trouve en interaction avec de multiples contreparties. Or ces contreparties multiples vont toutes potentiellement chercher à exercer sur lui une influence visant au moins à régler leur interaction mutuelle. Diverses modalités de contrôle émanent de ces multiples sources. C’est donc une somme de modalités de structuration qui compose l’expérience que chacun a du réel au sein de l’organisation. Les acteurs interprètent de manière compétente les modalités de structuration correspondant aux multiples pratiques de contrôle et les injonctions correspondantes. Ces modalités de structuration particulières qui correspondent aux pratiques de contrôle sont nommées dans cette thèse les modalités de contrôle36

. Les pratiques de contrôle et les modalités correspondantes font partie de l’assemblage de contrôle.

À partir des idées développées ci-dessus, la thèse propose une représentation de la structuration des pratiques de contrôle. Les pratiques de contrôle y sont représentées sous forme de cadre. Calquées sur la représentation fournie précédemment concernant la dualité du structurel, deux flèches matérialisent et constitution des modalités de contrôle par l’engagement répété des acteurs dans les pratiques de contrôle (flèche ascendante) et l’instanciation37

dans les pratiques de contrôle des modalités de contrôle (flèche descendante). Trois rectangles se chevauchant matérialisent les trois dimensions structurelles encodées38 conjointement dans les modalités de contrôle (signification, légitimation, domination). Le tout forme une représentation simplifiée de la structuration des pratiques de contrôle.

Notre compréhension de la logique de structuration est que les parties visées par le contrôle vont interpréter ces modalités de contrôle pour définir leurs actions. C’est à ce niveau que se nouerait le contrôle invisible. Les modalités de structuration constituées par les pratiques de contrôle correspondraient alors aux influences invisibles mises en avant par de nombreux auteurs (section 1.4).

36 D’une certaine manière, ces modalités qui contribuent à établir des normes de comportement au travail par leur caractère

performatif, se constituent aussi progressivement en une « norme » (Englund et Gerdin, 2008, p. 1128) sur la façon de contrôler dans un contexte donné, à un moment donné.

organisations

Schéma 7: Constitution des modalités de contrôle

2.2.2 Des pratiques de contrôle visibles et leurs artefacts ne pouvant être détachés

Outline

Documents relatifs