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Au-delà des mécanismes, des résultats difficiles à unifier sur la nature des conséquences des technologies pour le contrôle

L’IMBRICATION SOCIALE ET TECHNIQUE DU CONTRÔLE QUI LAISSE DES QUESTIONS EN SUSPENS

1.3 Au-delà des mécanismes, des résultats difficiles à unifier sur la nature des conséquences des technologies pour le contrôle

A notre connaissance, dans le champ du contrôle organisationnel, seules Leclercq (2008), Brivot (2008), Dambrin (2005) et Orlikowski (1991) ont proposé des résultats sur la relation entre les technologies et les formes de contrôle. On peut citer aussi dans une moindre mesure Boitier (2008) et Scapens et Jazayeri (2003). Les questionnements de départ de ces études diffèrent sensiblement du nôtre. Les résultats apparaissent difficiles à unifier. La plus ancienne de ces études (Orlikowski, 1991) s’élève contre une littérature dominante à l’époque, qui annonce la fin de la bureaucratie et l’empowerment grâce aux technologies. Elle met au contraire en évidence à la suite d’une étude ethnographique dans une firme de services un renforcement du contrôle administratif avec respectivement la mise en place d’un contrôle des comportements et la potentialisation du contrôle des résultats autrefois impossible. Leclerq (2008) conclut à une neutralité des technologies par rapport au contrôle administratif en s’appuyant sur une série d’études de cas. Pour Dambrin (2005), la technologie n’est pas neutre. L’idée est que la technologie produit une illusion de renforcement du contrôle

administratif. Cette dernière conclusion est obtenue sur base d’un cas où les objectifs et les mesures associées réalisées avec la technologie sont très imparfaitement liés. L’ensemble des acteurs est conscient de ces failles du système de contrôle de gestion et participe quand même à cette forme de “mascarade” très sophistiquée. Sur le plan du contrôle social, Brivot (2008) entrevoit une forme d’intensification du contrôle par les pairs, Orlikowski souligne une augmentation de la dépendance entre acteurs qui peut être assimilée à une augmentation du contrôle social comme le renforcement du contrôle qualifié d’interactif par Boitier (2008). Leclercq et al. (2013) relèvent une forme d’adaptation des groupes à l’arrivée de la technologie dans un de ces cas86

. Une tendance intéressante dans ces études concerne un risque de déplacement des buts. Ce risque sous-tendrait certains usages des technologies. Il y a déplacement des buts (Dambrin, 2005) quand on met en place une technologie dans un but précis87 et que la bonne alimentation de la technologie devient le but principal. Le cas type concerne le manager qui ne peut pas superviser les visites qui sont faites sur le terrain par sa force de vente. Il choisit de surveiller que des comptes-rendus de visites sont bien “postés” dans la base CRM (Dambrin, 2005). Des objectifs chiffrés concernant les interactions avec la technologie sont souvent assignés (comme le pourcentage de visites ayant fait l’objet d’un compte-rendu informatisé). Ceci ressemble à un contrôle des résultats (dans la firme de service juridique étudiée par Brivot, on parle de contrôle de la qualité), mais c’est en fait un contrôle des comportements intermédiés impliquant une technologie et une démarche “consentie” de mise en transparence du travail. Le concept de supervision indirecte est proposé (Dambrin, 2005) pour décrire le type de contrôle auquel on aboutit. On retrouve ce phénomène aussi chez Brivot (2008) où il est entretenu non pas par les managers, mais par les pairs. Un autre résultat est que l’autocontrôle se trouve renforcé des suites de la mise en place de la technologie (Leclercq, 2008 ; Brivot, 2008; Boitier, 2008; Dambrin, 2005 ; Orlikowski, 1991). Il est question d’allers-retours avec un contrôle administratif (les mesures qui viennent d’être évoquées) qui nourrit l’autocontrôle (Dambrin, 2005) ou l’autorationalisation douce des acteurs (Brivot, 2008). Ces propositions sur un éventuel lien entre contrôle administratif et contrôle intériorisé font écho à notre vision du contrôle sans pour autant que le rôle exact de

86 C’est le cas Eurobank (p 93, Leclercq et al. 2013). On souligne une difficulté rencontrée dans l’exploitation des travaux de

Leclercq (20008). Les moyens de contrôle étudiés sont la supervision, la direction par objectif et le contrôle concerté. Derrière ces moyens, on réalise qu’il ne faut pas voir le triptyque habituel comportements, résultats, social. Si la supervision correspond bien au contrôle des comportements et la direction par objectif au contrôle des résultats, son contrôle concerté ne correspond pas au contrôle social tel que nous l’avons défini ou tel qu’il est développé au départ chez Barker (1993). Leclercq associe le contrôle concerté au dressage (l’un des trois moyens de contrôle chez Foucault). Ce faisant, l’idée de

technologies de l’information

la technologie soit précisé. Les études qui sont rapportées ici doivent être complétées si on veut parvenir à statuer sur le lien qu’entretiennent les technologies avec les assemblages de contrôles. Ceci est nécessaire en raison de leur nombre assez limité, de la relative disparité des résultats (renforcement ou illusion de renforcement) et du fait qu’elles n’abordent pas vraiment les contrôles comme étant liés. La disparité des cas étudiés ne facilite pas les choses puisque l’on est d’un côté dans une relation manager-contrôlé simple et de l’autre dans des firmes de services, mais où la technologie diffère sensiblement (outil de productivité d’un côté et base de connaissances de l’autre) ou sur des unités d’analyse différentes (l’entreprise chez Boitier, 2008). Ces limites sont résumées ci-dessous. Ceci justifie la recherche d’apports théoriques complémentaires dans la littérature en management des SI (section 2).

1.4 Conclusion

Malgré un effort certain de compréhension du phénomène technologique, on ne trouve pas dans la littérature en contrôle assez d’éléments pour comprendre ce qui se passe pour les assemblages de contrôle quand une technologie est appropriée et pour dépasser les limites identifiées. Le tableau 10 ci-dessous reprend les principales limites en quatre grandes catégories. Les deux premières concernent le corpus de connaissances disponibles. Le troisième reflète le conflit existant entre la question de recherche formulée ici et l’approche dominante des technologies utilisée dans la littérature. La quatrième rappelle la relative insuffisance en terme de prise en compte des pratiques et de la matérialité de la technologie. Les éléments à même d’unifier les résultats déjà disponibles restent à identifier dans d’autres littératures.

1 Les résultats concernant les conséquences des technologies pour le contrôle sont disparates (métier, adéquation technologie-contrôle, diffusion des outils de gestion) et privilégient les systèmes d’information financiers et de gestion (section 1.1 et 1.2)

2 Il y a peu d’études concernant les liens entre les technologies et les différentes formes de contrôle ou les assemblages de contrôles (section 1.3)

3 Dans l’approche dominante des technologies dans le champ du contrôle, il n’est pas possible de parler des effets de la technologie sur le social (section 1.1 et 1.2)

4 Les pratiques sont insuffisamment prises en compte ainsi que la matérialité (Section 1.1.3) Tableau 10 : Synthèse des limites identifiées au regard de la question de recherche

SECTION 2.

SE CONCENTRER SUR LES USAGES POUR

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