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La structuration comme processus dynamique…

L’INFORMATION ET CONSTITUTION DES ASSEMBLAGES DE CONTRÔLES

3.2 Usages de la technologie et institutionnalisation du contrôle

3.2.1 La structuration comme processus dynamique…

L’idée de structuration du social telle qu’elle est mise en avant par Giddens n’est « qu’implicitement temporelle, puisqu’il [Giddens] ne traite habituellement du temps que comme une hypothèse de fonds plutôt qu’un sujet d’attention particulière » (Barley et Tolbert, 1997, p. 100). D’autres confirment la difficulté à appréhender le changement avec les seuls outils mis au point par Giddens (Burns et Scapens, 2000 ; Boland et al., 1998) et cherchent à tendre vers un modèle diachronique de la structuration qu’il s’applique aux systèmes sociaux

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développement qui suit présente les différentes étapes du processus tel qu’il a été vu par Barley et Tolbert (1997). Le modèle diachronique de la structuration (ou encore d’institutionnalisation) du social proposé par Barley et Tolbert (1997) comprend quatre moments clés. Le premier moment correspond à l’encodage des structures dans les modalités de structuration (que les auteurs appellent scripts111

). Le second correspond à la mise en usage112

plus ou moins consciente des modalités de structuration en pratique par les acteurs. Le troisième moment est celui de la réplication ou de la révision des modalités de structuration compte tenu de la compétence propre aux acteurs de sélectionner, filtrer les conduites alternatives. Le quatrième moment est celui de la reconstitution (en cas de réplication) ou de la constitution (en cas de révision ou de pratiques alternatives) des structures, qualifié par les auteurs de moment d’institutionnalisation. Le modèle d’action (« pattern » ou « script ») se dégageant des pratiques se détache progressivement des acteurs et du contexte où il est utilisé. Le modèle de Barley et Tolbert représente un outil précieux pour comprendre la transformation des assemblages de contrôle et constitue une base méthodologique importante pour l’analyse de données empiriques (voir Chapitre 3). C’est pourquoi ce modèle a été significativement repris par Burns et Scapens (2000) pour mener à bien justement ce type de réflexion en contrôle. On reprend ci-dessous en l’adaptant (schéma 15) le modèle de Barley et Tolbert qui représente ces quatre moments ainsi que le moment de révision des pratiques qui est à l’origine de tout changement du social dès lors que la nouvelle pratique est répétée et constitue pour ses auteurs et la communauté concernée de nouvelles modalités de structuration (le terme modalité remplace dans cette adaptation le terme de scripts employés par Barley et Tolbert).

111 Barley et Tolbert jugent le concept de modalité trop abstrait et lui préfère le concept de script qui fait référence à des

modèles d’actions qui sont observables. Burns et Scapens (2000) dans le contexte du contrôle de gestion évoquent en lieu et place des modalités et des scripts, le concept de routines doublé de celui de règles. Pour Englund et Gerdin (2008) mais aussi Van der Steen (2011), ce niveau intermédiaire mérite d’être clarifié. Ils soulignent les risques attachés à chacune des approches (scripts ou modalités). Nous nous en tenons ici à ce stade au concept de modalités. Une première discussion est proposée au chapitre 3 par rapport à l’opérationnalisation de ces concepts puis au chapitre 6 au plan théorique.

Schéma 15: Modèle séquentiel d'institutionnalisation (Barley et Tolbert, 1997, p.101)

Le modèle de Barley et Tolbert permet un déplacement de regard par rapport à notre schéma des conséquences des usages des technologies pour le contrôle qui n’intègre pas la dimension temporelle. Il permet d’affirmer un ordre pour l’étude des changements avec un premier accent à mettre sur ce qui touche aux processus, aux pratiques et un deuxième, par voie de conséquences, sur les structures qui correspondent à ces pratiques renouvelées ou modifiées. 3.2.2 …..non linéaire

Ces modèles évoquent un changement à caractère linéaire. Leur manière d’utiliser la théorie de la structuration de Giddens « accorde au temps un rôle central où les interactions entre structures et agence suivent un chemin linéaire et récursif suivant un ordre progressif ». (Busco et al., 2007). Les travaux qui critiquent cette approche mettent en avant que la réalité d’une technologie (l’ERP chez Quattrone et Hopper, 2006) ou d’un système de contrôle (le Balanced Scorecard chez Busco et al., 2007) est diverse selon la place qu’on occupe dans le réseau d’acteurs et le type d’interactions qu’on peut avoir avec ces objets et le moment. Nous choisissons cependant d’adopter l’angle de vue proposée par Orlikowski (2000) qui consiste à considérer que les systèmes sociaux peuvent dans une certaine mesure se trouver stabilisés à un instant t. Le dispositif méthodologique présenté au chapitre 3 présente la manière dont est effectuée une forme de cadrage temporel en même temps que la manière dont la diversité de l’objet technologique est prise en compte. Cet aspect du changement est discuté ensuite sur à partir des résultats empiriques, dans le chapitre 6.

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CONCLUSION

L’introduction générale de ce travail a permis de préciser l’interrogation qui est au centre de ce travail de recherche à savoir dans quelle mesure les technologies de l’information sont associées à des changements pour les ensembles de contrôles opérant dans les organisations. Au chapitre 1, un portrait volontairement large a été dressé de ces ensembles ou assemblages balayant les deux catégories de pratiques de contrôle que sont les pratiques de contrôle social et les pratiques de contrôle administratif ainsi que les modalités de structuration qu’elles contribuent à établir. Cette première étape a été suivie dans le présent chapitre d’une revue de littérature. Cette revue a eu pour but de préciser ce qui est connu concernant la nature des technologies de l’information et le niveau auquel des effets des technologies peut être constaté et quelle est la nature de ces effets. Il en ressort que la littérature en contrôle apporte des éclaircissements par rapport à cette préoccupation tout en présentant certaines limites. En synthèse, elle s’avère marquée par une forme de bipolarisation entre une vision déterministe de la relation entre contrôle et technologie et une vision plus sociologique axée sur la définition même de l’objet technologique et la compréhension des mécanismes liant technologie et contrôle. Grâce à ce dernier type de travaux, on prend conscience du fait que les technologies ne sont porteuses de changements qu’en tant que construction sociale c’est-à- dire en tant qu’artefact matériel complexe avec lequel des communautés d’acteurs s’engagent en pratique. On prend conscience du rapport étroit qu’entretiennent les générations d’artefacts actuels (qui permettent de générer, stocker, manipuler, transmettre de l’information) avec les logiques comptables à l’oeuvre dans les organisations. On prend aussi conscience du potentiel de désencastrement-réencastrement des contextes sociaux que représentent les applications des technologies actuelles dès lors que les acteurs développent effectivement des usages autour de la technologie. La revue de la littérature en système d’information porte notre réflexion plus loin et permet d’articuler notre vision des assemblages de contrôle avec les apports conceptuels proposés par Orlikowski (2011, 2007, 2000, 1992). On embrasse ainsi une vision structurationniste de la technologie, compatible avec notre approche du contrôle. Suivant cette vision, les usages de la technologie peuvent soit reproduire soit réviser les modalités structurelles en vigueur et constituer dès lors des structures émergentes. Les usages ont aussi potentiellement des conséquences sur l’exécution et le résultat des processus de travail et sur la technologie elle-même. La grille d’analyse qui en découle (schéma 13 et 14) pour l’étude sur le terrain des conséquences de l’appropriation pour les assemblages de

contrôle comporte un volet de repérage des évolutions au plan des pratiques de contrôle social et administratif, des pratiques contrôlées, des résultats de ces pratiques. Elle comporte aussi un volet d’analyse des évolutions correspondantes au plan structurel auquel on assimile le contrôle invisible. Si elle remet les usages au centre de l’analyse, cette grille d’analyse n’en souligne pas moins l’existence de facteurs conditionnant ces usages. L’idée est que toute évolution du social résultant des usages d’une technologie, ne peut se comprendre sans référence aux conditions évolutives de développement de ces usages. La notion de conditions d’usage est précisée pour faciliter notre étude empirique113

. Finalement, les deux revues de littérature nous renseignent assez largement sur les mécanismes qui font que les technologies peuvent être associées à des changements dans la sphère sociale et dans la sphère du contrôle en particulier. En revanche, elles ne livrent que peu de résultats directement exploitables concernant les modifications observées en elles-mêmes. Le contrôle administratif apparaît tantôt renforcé, tantôt renvoyé à un rôle plus cérémoniel. Le contrôle social n’est vraiment abordé que dans une étude où on voit qu’il change d’objet. Quant à l’évolution des relations entre contrôle social et contrôle administratif, elle n’est pas véritablement adressée dans ces deux littératures. Dans toutes ces études, en revanche, il y a l’idée d’une intervention plus grande de l’autocontrôle. Ceci justifie encore plus la conduite de nouvelles études empiriques pour préciser à la fois les mécanismes à l’œuvre et la nature des conséquences en matière de contrôle.

Les grilles de lecture théoriques élaborées dans les deux premiers chapitres de cette thèse permettent d’envisager l’apport d’une contribution empirique sur cette « rencontre » entre assemblages de contrôles et technologies de l’information. La démarche méthodologique pour parvenir à cette contribution est détaillée dans le chapitre suivant (chapitre 3). C’est une approche interprétative qui s’appuie sur les fondements théoriques qui viennent d’être présentés. L’idée générale est d’étudier l’appropriation d’une technologie dans une organisation et les évolutions concomitantes au plan des pratiques et des modalités de contrôle et de tenter de lier ces différents phénomènes par l’interprétation.

CHAPITRE 3: DÉMARCHE EMPIRIQUE

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