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Adapter la collecte et l’analyse des données à l’étude d’un processus

L’INFORMATION-CONTROLE À TRAVERS UNE MÉTHODOLOGIE QUALITATIVE

SECTION 2. LA MÉTHODE DE RECHERCHE 2.1 Une étude de cas à visée compréhensive

2.3 Adapter la collecte et l’analyse des données à l’étude d’un processus

Comme il a été précisé plus haut la contribution visée est de proposer des idées nouvelles concernant les changements que connaissent les assemblages de contrôles lorsque des technologies de l’information sont utilisées dans une activité donnée. L’étude comprend donc un volet changement qui a de fortes implications pour son design. C’est à la fois le processus et les résultats de ce processus qui focalisent l’attention dans cette recherche. D’un point de vue théorique, la démarche est éclairée par le modèle diachronique de changement du social tel que présenté au chapitre 2 (Barley et Tolbert, 1997). Du point de vue empirique, on sait que l’on a affaire à un type de processus qui s’étend probablement sur plusieurs mois ou plusieurs années. Cette affirmation repose sur l’idée que des usages doivent se développer pour que des changements puissent apparaître. Or l’implémentation de ce type d’outils est souvent progressive. Les intégrateurs recommandent le plus souvent de ne pas procéder à un big-bang (Campo et al., 2004). Schématiquement, on commence au départ par peu de données puis des besoins s’expriment et on ajoute des données et des fonctionnalités à la base de données. Par ailleurs, il est fréquent que des résistances s’expriment et ralentissent le développement des usages (Wagner et al., 2011). Enfin, il faut aussi reconnaître que les progiciels complexes sont rarement pleinement opérationnels du jour au lendemain. Ainsi, la mise en place d’une base de données dans une entreprise établie, suppose la plupart du temps, la reprise dans la base de données de l’historique des données antérieures. Lors de l’étude préliminaire, plusieurs sources nous avertissent que ce processus demande à lui seul plusieurs mois. Avant que des changements apparaissent en matière de contrôle, il faut donc en passer par une phase d’une durée significative où la technologie et des usages de cette technologie, se déploient dans l’organisation. Or, sauf dans des cas particuliers124, il n’est pas possible pour le chercheur d’être présent tout au long de ce processus de changement. On peut le regretter en affirmant « qu’il n’y a rien d’aussi bien que d’être là en temps réel125

» (Langley, 2009, p. 414) et dans le même temps mettre en œuvre des stratégies et des méthodes qui permettent d’aborder tout de même le processus de changement puisqu’une présence en temps réel n’est pas envisageable pour le chercheur. La stratégie retenue est en fait une combinaison de différentes stratégies (Pozzebon et Pinsonneault, 2005) qui est opérée parmi celles mises en évidence par Langley (1999). L’objectif étant de clarifier les mécanismes par lesquels les

124 C’est le cas notamment des études de type ethnographiques.

125 A ceci on peut objecter que lorsque l’unité d’analyse est, par exemple, l’organisation entière ou un secteur, il est

assemblages de contrôles se trouvent modifiés voire de faire émerger une forme (pattern) de changement, on recourt essentiellement à un cadrage temporel large126 de ce changement et à des descriptions en profondeur.127

À ce stade de la recherche, il faut souligner aussi que l’on travaille essentiellement à partir des données dans une logique inductive. Ceci rapproche notre démarche – bien qu’incomplètement – d’une troisième128

forme de stratégie de type « grounded » sans pour autant que le travail concerne une multitude de cas comme il est recommandé dans ce type de stratégie quand ce sont des processus qui sont étudiés.

Pratiquement, on a d’abord dégagé des données, une chronologie représentant les moments clés de la technologie en nous reposant sur des faits (décision d’adoption, changement de version, etc.). On a ensuite évolué vers une chronologie reposant, en plus des faits objectifs ci-dessus, sur l’inflexion des pratiques et l’apparition de nouveaux usages et ceci en s’attachant plus particulièrement à deux groupes d’acteurs (la R&D et les Opérations). Une troisième chronologie est ensuite proposée à l’issue du travail d’analyse dans une logique de différentiation (Llewellyn, 2003). Il s’agit d’une chronologie de l’évolution de l’assemblage de contrôles lui-même. Cet effort de cadrage temporel (Pozzebon et Pinsonneault, 2005 ; Langley, 1999) est calqué sur les démarches empiriques fines (Jarzabkowski, 2008) ou larges (Briand, 2004 ; Briand et Bellemare, 1999) prises en référence. Les pratiques de collaboration et les pratiques venant supporter la collaboration (c’est-à-dire ici les pratiques de contrôle) sont ensuite inventoriées sur chaque phase de la chronologie. On regarde attentivement les actions dans lesquelles les acteurs s’engagent et on regarde aussi certaines traces formelles (Englund et Gerdin, 2008, p. 1132) comme le produit d’actions antérieures signifiantes pour notre étude129

. Ceci est réalisé à la fois par le biais de la codification thématique (section 4.3.1) et à la fois par le biais de descriptions extensives sur le principe de l’analyse en mode écriture (section 4.3.2). On dispose à l’issue d’un inventaire complet des pratiques de contrôle

126 Traduction par l’auteur de « temporal bracketing » (voir aussi note suivante). 127 Traduction par l’auteur de « thick descriptions and narratives »

128 Langley distingue sept stratégies pour théoriser à partir de données processuelles et classent ces stratégies en trois familles

que sont les stratégies ancrées dans les données (grounded), les stratégies d’organisation et les stratégies de réplication. Le recours au récit (narratives) fait partie au même titre que la réalisation de représentations visuelles (visual mapping) des stratégies d’organisation des données notamment où domine l’idée d’extraire des formes, des mécanismes. Le troisième groupe se caractérise par des possibilités de réplication des méthodes élevées. Il correspond essentiellement à un travail d’élaboration de chronologie et de mise en évidence à partir de ces chronologies, de la manière dont certaines actions conduisent à des changements du contexte et comment ces changements dans le contexte conduisent à des changements des actions dans les périodes suivantes. Pour Pozzebon et Pinsonneault (2005), si l’on met de côté la septième stratégie de Langley qui repose sur des données quantitatives, on peut envisager un cadrage temporel fin axé sur une multitude d’actions étudiées en détail ou un cadrage temporel large permettant de couvrir des périodes plus longues sans rentrer dans le même niveau de détail des pratiques.

129 La procédure ISO par exemple est une institution qui sert de référence aux actions dans le domaine du développement de

développement de produits

aussi bien administratif que social, de leurs évolutions et du récit de l’introduction des principales pratiques liées à la technologie.

Pour parachever le design de la recherche sous l’angle temporel, le choix est fait de se fixer sur une technologie qui a été adoptée récemment. Il ressort en effet de la littérature (Orlikowski, 2000 ; Hayes et Walsham, 2001 ; Barley, 1986) que cela favorise le recueil de données de qualité. La technologie n’est alors en effet pas encore une évidence, certaines conduites sont encore visibles comme des réminiscences du système social ancien et de ses structures. On pourrait dire que « ces (grandes) institutions ressemblent aux étoiles dont nous recevons la lumière, mais dont l’astrophysique calcule qu’elles moururent voilà longtemps » (Serres, 2012).

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