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Quelques particularités du régime fiscal et douanier dans les régions d‟Outre-mer

1. Le brevet de technicien supérieur : du cadre national à la situation en Guadeloupe

1.2. Présentation socio-économique de la Guadeloupe

1.2.4. Quelques particularités du régime fiscal et douanier dans les régions d‟Outre-mer

Le socle commun de législation nationale sur lequel repose le droit applicable dans les régions

de l‟Outre-mer comporte des modulations appréciables dont les réglementations fiscale

(Bélorgey, 2002) et douanière sont des exemples. Nous en présentons quelques exemples ici,

en rapport avec l‟enseignement en sciences de gestion présent dans certains BTS, dont la

deuxième (l‟octroi de mer) s‟ancre profondément dans l‟histoire du territoire.

Un régime de TVA différent de l’Hexagone

Les départements d‟Outre-mer– en ceci considérés comme des pays tiers – constituent des

territoires d‟exportation

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par rapport à l‟Hexagone et par rapport aux autres États membres de

l‟Union Européenne. La Guadeloupe et la Martinique forment un territoire fiscal unique, alors

que la Guyane, Mayotte et la Réunion sont considérés comme des territoires d‟exportation

entre eux et vis-à-vis de l‟ensemble antillais, formé par la Guadeloupe et la Martinique. De

plus, la TVA « n‟est provisoirement pas applicable dans les départements de la Guyane et de

38 Ainsi, les biens exportés de l‟Hexagone vers les départements d‟Outre-mer entrent dans les statistiques du commerce extérieur français.

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Mayotte » (article 294 du CGI

39

). De ce fait, les expéditions de bien de l‟Hexagone vers les

départements d‟outre-mer, de Guadeloupe, de Martinique et de La Réunion vers l‟Hexagone

ou un autre département d‟Outre-mer, hors de l‟ensemble antillais, sont exonérés dans le

cadre des dispositions prévues pour les exportations. À l‟inverse, l‟introduction dans

l‟Hexagone de biens en provenance des départements d‟ Outre-mer ou l‟introduction dans un

département d‟ Outre-mer (sauf la Guyane et Mayotte) de biens en provenance de l‟Hexagone

ou d‟un autre département d‟outre-mer, hors marché unique antillais sont taxés sous réserve

des exonérations prévues.

À ce régime particulier s‟ajoutent des taux différents : le taux normal est fixé à 8,5% (contre

20% dans l‟Hexagone), le taux réduit est de 2,10% (contre 5,5% dans l‟Hexagone), le champ

d‟application de ces taux étant le même que dans l‟Hexagone (article 296 du CGI

40

).

La TVA non perçue récupérable

À ces premiers éléments concernant la TVA, s‟ajoutent des exonérations particulières à

l‟importation. Ces exonérations couvre des matériels d‟équipement, en particulier destinés à

l‟industrie hôtelière et touristique et sont listés dans le Code Général des Impôts (Annexe 4,

article 50 undecies) formant un inventaire « à la Prévert ». Par ailleurs, un allègement fiscal

aux modalités très particulières, la taxe à la valeur ajoutée non perçue récupérable

41

(TVANPR), s‟ajoute à cette exonération : certains biens neufs d‟investissements exonérés de

TVA ont cependant droit à déduction comme si la TVA avait été effectivement acquittée. La

justification présentée par la France à l‟union européenne pour justifier ce régime tenait à la

nécessité de « couvrir les surcoûts générés par l‟importation des produits, en termes de coûts

de transport et de stockage

42

» (Kroes, 2007).

39

Code général des Impôts. Voir :

https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006069577&idArticle=LEGIAR TI000027978194, consulté le 11 mai 2017.

40

Voir :

https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006069577&idArticle=LEGIAR TI000028419532, consulté le 11 mai 2017.

41

Voir : http://bofip.impots.gouv.fr/bofip/793-PGP.html, consulté le 27 novembre 2016.

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Un fruit de l’histoire : l’octroi de mer

L‟octroi de mer constitue une imposition spécifique à la Guadeloupe, la Guyane la

Martinique, ainsi qu‟à Mayotte et à la Réunion, dont l‟origine remonte à la période coloniale

(Baert, 2015). Profondément « associée à l‟histoire de ces territoires » (Aglaé, n.d), cette

imposition a d‟abord été créée en Martinique, où elle est perçue des 1670, puis supprimée par

l‟État pendant la Révolution et l‟Empire. Elle est ensuite rétablie en 1819 en Martinique et

ensuite étendu dans les autres régions de l‟Outre-mer citées ci-dessus de 1825 à 1878.

L‟octroi de mer a fait depuis l‟objet de nombreux débats et de remaniements, notamment dans

la période récente afin de tenir compte des règles communautaires européennes. Portant à

l‟origine sur les seules opérations d‟importations de biens (octroi de mer externe), elle a été

étendue depuis aux livraisons de biens fabriqués localement (octroi de mer interne), dans des

limites étroitement encadrées, au nom d‟un principe d‟égalité prôné par l‟Europe. Ainsi les

biens fabriqués localement bénéficient de taux zéro ou réduits pour maintenir leur

compétitivité : la décision du Conseil n°940/2014/UE

43

, qui régit le régime d‟octroi de mer

actuellement en vigueur autorise « l‟instauration d‟un différentiel de taux entre les biens

produits localement (octroi de mer interne) et les biens identiques importés (octroi de mer

externe) afin de permettre aux économies ultramarines de compenser les handicaps structurels

auxquelles elles doivent faire face »

44

.

L‟objectif premier de l‟octroi de mer est de protéger la production du territoire, en rendant les

produits locaux plus compétitifs que les produits importés. Mais il bénéficie surtout aux

collectivités locales auxquelles il est reversé via un système de dotation globale, constituant

pour ces collectivités des recettes fiscales qui représentent « plus du quart de leurs recettes de

fonctionnement »

45

. Ainsi, l‟octroi de mer permet à l‟État d‟assurer une part importante des

dépenses de politiques publiques locales de ces régions.

Cette importance de l‟octroi de mer dans la vie économique et sociale des territoires où il est

perçu fait qu‟il constitue un enjeu politique important, d‟autant que les Régions

46

sont en

charge de la fixation de ces taux, dans les limites permises par la loi. Par exemple, le 19

43 Cette décision a été transposée en droit français par une loi du 29 juin 2015, votée à l‟unanimité par les Députés et les Sénateurs. Le dispositif d‟octroi de mer est prorogé jusqu‟au 31 décembre 2020.

44

Voir : http://www.douane.gouv.fr/articles/a11711-fiscalite-douaniere-dans-les-departements-d-outre-mer, consulté le 12 mai 2017.

45 Voir le rapport de l‟Observatoire des Finances Locales en 2007, Annexe 3, p. 68 : https://www.collectivites-locales.gouv.fr/files/OFL2007_10.pdf, consulté le 12 mai 2017.

46

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novembre 2015, l‟assemblée du conseil régional de Guadeloupe sous la présidence de

Victorin Lurel, avait arrêté une révision à la hausse de certains taux d‟octroi de mer. Cette

annonce a fait la une de l‟actualité locale durant près de trois mois et a préoccupé aussi bien la

population que le monde économique guadeloupéen. Ce qui a été dénoncé c‟est le risque

d‟une répercussion d‟une hausse des taux d‟octroi de mer sur les prix, provoquant un débat

autour du choix de la défense de la production locale contre la cherté de la vie. Peu après son

élection, le nouveau Président du Conseil régional de Guadeloupe, Ary Chalus, annonce au

mois de janvier 2016 la programmation d‟« une étude sur l‟impact économique, social et

territorial du dispositif d‟octroi de mer »

47

. Lors de la plénière du Conseil Régional sur

l‟octroi de mer qui suit, les conseillers régionaux votent à l‟unanimité une nouvelle grille

tarifaire d‟octroi de mer répondant « à la triple exigence de contribuer à garantir le pouvoir

d‟achat des ménages et des entreprises, de protéger efficacement la production locale et

d‟assurer des recettes suffisantes aux communes » selon le site Internet de la Région

48

.

Cependant les effets concrets et l‟efficacité de l‟octroi de mer sont fortement discutés. Par

exemple, Mathouraparsad (2016) s‟interroge dans une note de l‟ATOM

49

sur les effets d‟une

éventuelle suppression du différentiel de taxation entre l‟octroi externe et l‟octroi interne en

Guadeloupe. Plus polémique, Bouzou, économiste français, affirme en 2011 que la

suppression de l‟octroi de mer ne serait pas grave, car « les produits coûteraient moins cher

aux consommateurs »

50

et ajoute que « cette taxe imbécile a vécu »

51

. Marc Vizy, conseiller

de François Hollande pour l‟Outre-mer et ancien directeur de Cabinet de Victorin Lurel à la

Région Guadeloupe affirme, de manière plus modérée, qu‟il s‟agit « d‟une taxe utilisée faute

de mieux »

52

, rejoignant en cela Harnotin et Vlody (2013) qui affirmaient qu‟« il n‟existe

aucune alternative crédible de compensation par des recettes budgétaires ou fiscales, au cas où

l‟octroi de mer viendrait à disparaître ou à baisser significativement. »

47 Voir : http ://outremers360.com/politique/guadeloupe-pour-sa-premiere-seance-pleniere-ary-chalus-sattaque-au-dossier-de-loctroi-de-mer/, consulté le 6 avril 2017.

48 Voir : http://www.regionguadeloupe.fr/actualites-et-agendas/toute-lactualite/detail/actualites/pleniere-sur-loctroi-de-mer-les-conseillers-regionaux-approuvent-les-nouveaux-tarifs/#, consulté le 6 avril 2017

49 L‟Atelier d‟Analyse des économies d‟Outre-mer (voir : http://atom-eco.fr/) est une association type loi de 1901 produisant des notes et documents sur les économies d‟Outre-mer.

50

Source : http://www.lescrutateur.com/article-crise-le-modele-economique-des-dom-en-question-88798485.html, consulté le 12 mai 2017.

51

Voir : http://la1ere.francetvinfo.fr/guadeloupe/2016/01/21/l-octroi-de-mer-ary-chalus-abroge-la-deliberation-prise-par-victorin-lurel-324345.html, consulté le 6 avril 2017.

52

Voir : http://la1ere.francetvinfo.fr/guadeloupe/2016/01/21/l-octroi-de-mer-ary-chalus-abroge-la-deliberation-prise-par-victorin-lurel-324345.html, consulté le 6 avril 2017.

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Ainsi, loin d‟être de simples adaptations à la marge des dispositifs en vigueur dans

l‟Hexagone, certaines spécificités légales et réglementaires des Outre-mer jouent un rôle

considérable dans la vie économique, sociale et politique de ces territoires, alors même que

leur efficacité économique reste relativement discutée. Nous verrons, au chapitre 3, comment

les professeurs de BTS interrogés dans le cadre de notre étude gèrent la prise en compte de

ces régimes particuliers dans leur activité. Pour le moment, nous nous tournons vers la place

du BTS dans l‟enseignement supérieur en Guadeloupe.