1. Le brevet de technicien supérieur : du cadre national à la situation en Guadeloupe
1.2. Présentation socio-économique de la Guadeloupe
1.2.3. L‟Emploi en Guadeloupe
Nous présentons maintenant quelques aspects marquant de l‟emploi en Guadeloupe, au
travers d‟un regard sur la population active, sur le chômage et son halo – qui rend mieux
compte de la réalité du marché de l‟emploi. Nous montrerons également comment des
dispositifs comme le revenu de solidarité active (RSA) et l‟emploi public jouent le rôle
d‟amortisseurs sociaux.
Page 50 sur 603
Un regard sur la population active en Guadeloupe
En 2015
32, la population active de la Guadeloupe représente 123 000 personnes, dont 103 000
salariés (Tableau 1.6).
Effectif total Répartition (en %) Part de
femmes
(en milliers) Ensemble Femmes Hommes (en %)
Non-salariés 20 16,5 10,2 23 31,4
Salariés 103 83,5 89,8 77 54,5
Dont :
Cadres 9 7,1 6,7 7,5 47,8
Profession intermédiaire 27 21,7 24,8 18,5 58
Employés qualifiés 23 18,3 25,2 11,3 69,5
Employés non qualifiés 20 16,4 26,6 6 82
Ouvriers qualifiés 16 13,1 2,3 24,1 9,1
Ouvriers non qualifiés 8 6,9 4,1 9,6 30,7
Non déterminé 0 0 0 0,1 0
Ensemble 123 100 100 100 50,7
Données provisoires.
Tableau 1.6 : population active de la Guadeloupe – répartition par statut d’emploi et
groupe socioprofessionnel des personnes en emploi selon le sexe
Source : Demougeot (2016a)
La proportion de salariés (83,5% de la population active) est plus faible que dans l‟Hexagone
(88,5%) alors que la proportion de femmes parmi les salariés y est supérieure (54,5% contre
50%). Parmi les salariés, les cadres sont nettement moins nombreux en Guadeloupe que dans
l‟Hexagone (9% de la population active contre 15,2%), mais la proportion des femmes y est
plus importante (47,8% contre 40,3%). La part des ouvriers et employés qualifiés ou non est
supérieure en Guadeloupe (54,7% de la population active), contre 49,1% dans l‟Hexagone
(tableau 1.7).
32 Nous aurions souhaité prendre l‟année 2014 comme année de référence, plus centrale dans notre étude. Cependant, la rénovation des enquêtes sur l‟emploi en 2014 en Guadeloupe ne porte totalement ses fruits pour les données étudiées ici qu‟en 2015. Les bases de calcul deviennent alors les mêmes entre l‟Hexagone et la Guadeloupe.
Page 51 sur 603
Effectif total Répartition (en %) Part de
femmes
(en milliers) Ensemble Femmes Hommes (en %)
Non-salariés 2 968 11,5 8,1 14,7 33,9
Salariés 22 834 88,5 91,9 85,3 50,0
Dont :
Cadres 3 935 15,2 12,8 17,6 40,3
Profession intermédiaire 6 238 24,2 25,5 22,9 50,9
Employés qualifiés 3 785 14,7 22,8 7,1 75,0
Employés non qualifiés 3 526 13,7 22,4 5,6 78,8
Ouvriers qualifiés 3 514 13,6 3,4 23,1 12,0
Ouvriers non qualifiés 1 780 6,9 4,8 8,8 33,6
Non déterminé 56 0,2 0,2 0,2 46,4
Ensemble 25 802 100,0 100,0 100,0 48,2
Données provisoires.
Tableau 1.7 : population active de l’Hexagone – répartition par statut d’emploi et
groupe socioprofessionnel des personnes en emploi selon le sexe
Source : INSEE (2016)
En résumé, la population active de la Guadeloupe se caractérise par plus d‟emplois
non-salariés et peu qualifiés que dans l‟Hexagone, ainsi que par une proportion plus importante de
femmes dans les emplois de cadre, et globalement dans la population active.
Le chômage en Guadeloupe
Comparativement à l‟Hexagone, la Guadeloupe connait des taux de chômage structurellement
plus élevés. Ainsi, en 2014, première année où les comparaisons sont possibles sur les mêmes
bases de calcul
33, le chômage s‟élève, en moyenne annuelle, à 23,7% en Guadeloupe chez les
15 ans ou plus, ce qui plus de deux fois le taux observé dans l‟Hexagone (9,9 %), mais
également plus qu‟en Guyane (22,3 %) et à la Martinique (19,4%). D‟après la Chambre de
Commerce et d‟Industrie des Îles de Guadeloupe (2015), sur 128 400 demandeurs d‟emploi
de catégorie A dans les départements français d‟Amérique, 48% sont en Guadeloupe, 34,4%
de la Martinique et 17,5% de la Guyane.
Par ailleurs, si toutes les classes d‟âge sont touchées par le chômage, les jeunes connaissent le
taux le plus élevé : 56,3% des moins de 25 ans sont au chômage (contre 23,4% dans
33 Voir : https://www.insee.fr/fr/statistiques/1288168, consulté le 9 mai 2017. L‟INSEE applique depuis cette enquête annuelle les mêmes méthodes de calcul dans l‟Hexagone et dans les DOM. Voir https://www.insee.fr/fr/statistiques/1288168#sources, consulté le 9 mai 2017.
Page 52 sur 603
l‟Hexagone
34), quand ce taux chute à 25,2% pour les 25-49ans (9,3% dans l‟Hexagone) et
13,9% pour les 50-64ans (6,9% dans l‟Hexagone). Le tableau 1.8 détaille les principales
caractéristiques du marché de l‟emploi en Guadeloupe.
Taux d‟activité (En %) Taux d‟emploi (En %) Taux de chômage (En %) Nombre d‟actifs en emploi Nombre de chômeurs Nombre d‟inactifs Ensemble 15 ans ou plus 50,8 38,8 23,7 123 700 38 300 156 800 15 - 64 ans 63,3 48,1 23,9 122 000 38 300 93 100 15 - 24 ans 25,3 11,1 56,3 5 300 6 900 36 100 25 - 49 ans 79,9 59,7 25,2 72 000 24 200 24 300 50 - 64 ans 61,4 52,8 13,9 44 700 7 200 32 700 Hommes 15 ans ou plus 54,5 42,6 21,8 60 800 17 000 65 000 15 - 64 ans 66,9 52,1 22,1 59 800 17 000 37 900 Femmes 15 ans ou plus 47,9 35,7 25,4 62 900 21 400 91 700 15 - 64 ans 60,3 44,8 25,6 62 200 21 400 55 100
Tableau 1.8 : une jeunesse très touchée par le chômage en Guadeloupe
(Treyens et Tantin Machecler, 2015)
Treyens (2014) a mis en exergue un autre élément essentiel caractérisant l‟accès à l‟emploi en
Guadeloupe : le niveau du diplôme. Ainsi « 77% des titulaires d‟un diplôme du premier cycle
ou du deuxième cycle universitaire occupent un emploi contre seulement 33% des non
diplômés. Les titulaires du CAP/BEP (57,3%) et les bacheliers (50,2%) se positionnent entre
les deux ».
Le halo du chômage en Guadeloupe
Par ailleurs, la définition du chômage fournie par le bureau international du travail ne tient pas
compte de certaines situations intermédiaires qui entrent, alors dans le halo autour du
chômage que l‟INSEE définit ainsi :
« Certaines personnes souhaitent travailler mais sont « classées » comme inactives, soit parce qu‟elles ne sont pas disponibles rapidement pour travailler (deux semaines), soit parce qu‟elles ne recherchent pas activement un emploi. Ces personnes forment ce qu‟on
appelle un « halo » autour du chômage35 ».
34 Voir Tableaux de l'Économie Française, Édition 2016, Insee Références.
https://www.insee.fr/fr/statistiques/1906672?sommaire=1906743, consulté le 9 mai 2017.
35 Voir : https://www.insee.fr/fr/statistiques/1406290?sommaire=1406356#documentation-sommaire, consulté le 07 mai 2017.
Page 53 sur 603
Le halo du chômage constitue une zone floue dans laquelle des personnes qui aimeraient
trouver un emploi gravitent entre inactivité et chômage « avec toute une graduation de
situations » (Cézard, 1986, p.78). Treyens et Tantin Machecler (2015) estiment qu‟en 2014 ce
halo est constitué en Guadeloupe de 63 375 personnes, soit 38 342 chômeurs au sens du BIT,
25 033 inactifs dont 3 000 personnes en recherche d‟emploi mais non disponible, 13 823
personnes disponibles mais sans recherche d‟emploi et 8 210 personnes non disponibles et
sans recherche d‟emploi. Ces chiffres, rapportés au taux réel d‟emploi de 48,1% pour les
15-64 ans (tableau 1.13) donne une meilleure image de la situation critique de l‟emploi en
Guadeloupe.
Le RSA : un amortisseur social
Les dispositifs nationaux d‟aide aux populations fragiles ont progressivement été déployés
dans les Outre-mer: « L‟égalité sociale s‟est construite ces soixante-dix dernières années
au-delà des clivages politiques », comme l‟indiquait madame Bareigts, alors ministre des
Outre-mer, devant la commission des lois du Sénat
36lors des discussions sur la loi de
programmation relatif à l‟égalité réelle Outre-mer en décembre 2016. L‟importance prise par
ces dispositifs, constitue un indicateur de la situation sociale dans ces territoires. Ainsi, en
Guadeloupe est mis en place un revenu de soutien temporaire à l‟activité (RSTA) à la suite du
mouvement social de 2009, constitué d‟une une aide maximale de 100 euros versée à tous les
individus dont les revenus d‟activité sont inférieurs à 1,4 fois le SMIC (Donné et Thibault,
2011). Le RSA, quant à lui, est déployé dans les départements d‟Outre-mer en janvier 2011
un an et demi après son entrée en vigueur dans l‟Hexagone. Il s‟y substitue au revenu
minimum d‟insertion, à l‟allocation de parent isolé et à l‟ensemble des dispositifs de retour à
l‟emploi associés, et coexiste avec le RSTA jusqu‟au 31 mai 2013. Les effets des deux
dispositifs sont questionnés, d‟autant plus que le mode de calcul de ces deux dispositifs pour
déterminer les foyers bénéficiaires diffère (Donné et Thibault, 2011). A l‟heure actuelle, le
RSA demeure un dispositif majeur en Guadeloupe : le nombre d‟attributaires du revenu de
solidarité active (RSA) est en Guadeloupe de 98 000 personnes en 2014, soit 24% de la
population totale contre 7,2% de la population totale dans l‟Hexagone (Tantin-Machecler,
2017).
36
Page 54 sur 603
Le poids de la fonction publique
Ernst et Dorothée (2011), dans une enquête INSEE sur l‟emploi dans la fonction publique,
font un focus particulier sur la situation dans les quatre régions d‟Outre-mer (Guadeloupe,
Guyane, Martinique et Réunion). L‟emploi public atteint 29,3% du total des emplois en
Guadeloupe (41,1% en Guyane, 30,6% en Martinique) contre 20,2% pour l‟Hexagone. La
répartition entre les trois fonctions publiques est également très différente (graphique 1.10).
Graphique 1.10 : répartition, en pourcentage de l’emploi public, entre les trois fonctions
publiques
Légende : FPE, fonction publique d’État ; FPT, fonction publique territoriale ; FPH, fonction
publique hospitalière
Source : Ernst et Dorothée (2011), données complémentaires. Voir :
https: //www.insee.fr/fr/statistiques/1281042, consulté le 11 mai 2017
L‟importance de la fonction publique d‟État peut partiellement s‟expliquer en Guyane par
proportion élevée de professeurs due à la jeunesse de la population. En revanche, le poids de
la fonction publique territoriale en Guadeloupe et en Martinique trouve son explication dans
le recrutement de personnels contractuels, progressivement titularisés, dans les collectivités
territoriales, en particulier les communes :
« Depuis les années 2000, les effectifs communaux ont augmenté plus rapidement qu‟en France métropolitaine, absorbant une part croissante des recettes de fonctionnement, ce qui conduit à aggraver la rigidité des charges de structure. Plus récemment, les exécutifs ont dû faire face à une demande d‟emploi local accrue par la hausse du chômage, ainsi que par les
effets des accords signés à la suite des mouvements sociaux de l‟année 2009. »37
37 Synthèse du rapport thématique sur la situation financière des communes des départements d‟outre-mer. Voir:https://www.ccomptes.fr/content/download/1667/16606/version/2/file/Synthese_situation_financiere_DOM .pdf, consulté le 11 mai 2017. 0 10 20 30 40 50 60
Guadeloupe Martinique Guyane Total métropole
Page 55 sur 603