• Aucun résultat trouvé

1. Le brevet de technicien supérieur : du cadre national à la situation en Guadeloupe

1.2. Présentation socio-économique de la Guadeloupe

1.2.1. La géographie et la démographie de la Guadeloupe

Après cette présentation institutionnelle et générale du BTS en France, nous présentons

quelques traits caractéristiques dans le point suivant du territoire de l‟étude qu‟est la

Guadeloupe ainsi qu‟une description du paysage du brevet de technicien supérieur sur cette

région.

1.2. Présentation socio-économique de la Guadeloupe

Nous commençons cette présentation par un regard sur la situation géographique et politique

de la Guadeloupe puis un aperçu de la situation démographique de la Guadeloupe. En effet,

cette dernière est marquée par une transition rapide d‟une population jeune, en croissance

démographique, vers une population plus âgée à la fois pour des raisons de migration et de

diminution de la natalité. Ensuite, nous tournons alors vers une présentation rapide de

l‟économie de la Guadeloupe et de sa population active. En effet, nous pensons que ces

éléments peuvent influencer les choix des étudiants de BTS sur leur avenir professionnel.

Enfin, nous présenterons quelques éléments relatifs aux particularités dans le domaine fiscal

et douanier de la Guadeloupe, dont nous pensons qu‟ils peuvent interférer avec les prescrits

du diplôme.

1.2.1. La géographie et la démographie de la Guadeloupe

Nous débutons par quelques repères géographiques et politiques sur la Guadeloupe afin de

situer et d‟appréhender le fonctionnement de cette région ultrapériphérique européenne.

Ensuite, nous précisons quelques éléments sur les évolutions démographiques de la

Guadeloupe dont le vieillissement de la population et le phénomène migratoire des jeunes

guadeloupéens en sont des faits marquants.

1.2.1.1. Quelques repères géographiques et politiques

La Guadeloupe est une région monodépartementale de l‟Outre-mer français de 1628 km²,

situé à 6 700 km de l‟Hexagone, environ 200km de la Martinique (45 minutes d‟avion, 3 à 5

heures de bateau) et 1400 km de la Guyane (voir Annexe 2). Sur le même territoire se

superposent une région et un département qui se distinguent par leurs compétences, élément

13 En 2017, ces débats se retrouvent dans la réforme du dispositif d‟Admission Post-Bac dans l‟enseignement supérieur. Nous y reviendrons dans le chapitre 5.

Page 37 sur 603

récemment renforcé par la récente loi NOTRe qui a supprimé la clause générale de

compétence des départements et des régions

14

.

Par ailleurs, la Guadeloupe est intégrée au sein de la communauté européenne, en tant que

région ultrapériphérique européenne, selon l‟article 349 du Traité sur le fonctionnement de

l‟Union européenne. Ce statut permet l‟adaptation de certaines dispositions du droit

communautaire ainsi que des politiques de l‟Union « aux caractéristiques et contraintes

particulières de ces régions (en particulier les surcoûts) générées notamment par leur

éloignement, leur insularité, leur climat, leur faible superficie et leur dépendance économique

vis-à-vis d‟un nombre limité de produits

15

. ».

Enfin, la Guadeloupe, comme les autres

départements d‟Outre-mer, n‟est pas située dans l‟espace Schengen, ce qui créé notamment

des particularités dans le contrôle des voyageurs aux frontières.

Antérieurement, deux communes intégrées de la Guadeloupe (également appelées les îles du

Nord), Saint-Martin et Saint-Barthélemy, sont devenues depuis le 15 juillet 2007 des

collectivités d‟outre-mer. Néanmoins, l‟académie de Guadeloupe étend son action sur ces

deux collectivités pour organiser et régir le service éducation de l‟État

16

.

1.2.1.2. Faits démographiques

Après une croissance démographique sensible jusqu‟à la fin des années 2000, la population de

la Guadeloupe marque une phase de stagnation puis un recul, cependant moins sensible et

plus tardif que celui de la Martinique, alors que la population de la Guyane continue de croitre

très rapidement (graphique 1.8).

14

Préfecture de la Guadeloupe, présentation de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.

Voir :

http://www.guadeloupe.pref.gouv.fr/content/download/7431/55583/file/Note+synth%C3%A8se+DGCL+loi++N OTRe+du+7+ao%C3%BBt+2015.pdf

15

Représentation permanente de la France auprès de l‟Union européenne, rubrique « Outre-mers ». Voir : https://ue.delegfrance.org/outre-mers-2038, site consulté le 4 mai 2017.

16 Ainsi l‟académie de Guadeloupe est une région académique, compétente sur trois territoires d‟Outre-mer : Guadeloupe, Saint-Martin, Saint Barthélémy.

Page 38 sur 603

Graphique 1.8 : évolution comparée de la population globale en Guadeloupe,

Martinique et en Guyane

Source : INSEE - Population de 1968 à 2016 - Comparaisons régionales et départementales

17

L‟INSEE estime la population de la Guadeloupe à 395 725 habitants au 1

er

janvier 2017

18

, en

diminution d‟environ 0,7% par an : 400 187 habitants en 2014, 401 554 en 2009. La

population est marquée par un vieillissement sensible et accéléré dû à une transition

démographique rapide marquée par la diminution de la natalité et l‟allongement de

l‟espérance de vie. La diminution de la population des 15-24 ans est particulièrement sensible

tant en Guadeloupe qu‟en Martinique : la Martinique, peuplée tout comme la Guadeloupe

d‟environ 400 000 habitants, ne compte désormais pas plus de personnes dans la tranche

15-24 ans que la Guyane, dont la population globale est d‟environ 250 000 habitants. Les

projections laissent penser que la Guyane pourrait également dépasser la Guadeloupe, pour

cette tranche d‟âge, dès 2020 (graphique 1.9).

17

Voir : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2012713#tableau-TCRD_004_tab1_departements, consulté le 5 mai 2017. Les dates retenues dans ce graphique sont celles des recensements généraux de la population. Ces dates diffèrent parfois de celles de l‟Hexagone.

18

Voir : https://www.insee.fr/fr/statistiques/1893198#consulter, consulté le 10 avril 217.

0 50 000 100 000 150 000 200 000 250 000 300 000 350 000 400 000 450 000 1967 1974 1982 1990 1999 2009 2016

Page 39 sur 603

Graphique 1.9 : évolution comparée de la population des 15-24 ans aux Antilles et en

Guyane

Source : INSEE - Estimations de population au 1

er

janvier 2016

19

Ces évolutions font que la Guadeloupe et Martinique pourraient figurer, dans les années 2030,

parmi les départements les plus âgés de France, à l‟opposé totale de l‟image de territoires

« jeunes » qui pouvait exister il y a quelques années (Temporal, 2011). Dès à présent,

l‟accroissement naturel de la population de la Guadeloupe n‟est pas compensé par un solde

migratoire négatif, cette région voyant le départ des jeunes adultes et le retour des plus

anciens.

Mais le phénomène migratoire de la Guadeloupe n‟est pas nouveau et a été souvent

accompagné ou suscité par l‟État. Ainsi, dans les années 1960-1980, la Guadeloupe a connu

un important phénomène de migration de ses habitants vers l‟Hexagone, organisé dans le

cadre du bureau pour le développement des migrations intéressant les départements

d‟Outre-mer (BUMIDOM). Même l‟on évoque la poussée du chômage causée par la crise des

industries sucrières dans les départements d‟Outre-mer comme raison à la création du

BUMIDOM, les objectifs de la société sont, comme l‟indique Constant (1987) de « favoriser

l‟immigration massive des actifs non-employés [des DOM], appelés à occuper, pour

l‟essentiel, des emplois peu qualifiés dans la fonction publique (Assistance Publique ; PTT...)

à laquelle la main-d‟œuvre étrangère ne pouvait prétendre » dans l‟Hexagone.

19

Voir : https://www.insee.fr/fr/statistiques/1893198, consulté 5 mai 2017.

0 10000 20000 30000 40000 50000 60000 2008 2012 2016

Page 40 sur 603

Ce mouvement fut qualifié, avec un peu d‟ironie, d‟« exode massif de Guadeloupéens vers la

terre promise

20

» :

« Les départs d‟Antillais pour la métropole vont s‟effectuer au rythme moyen annuel de 7 200 individus de 1966 à 1970. Ce rythme s‟accélère brusquement, dans le cours des années 1970, pour atteindre les 10 000 départs par an presqu‟également répartis entre les deux îles [Guadeloupe et Martinique] » (Blérald, 1986, p.264).

Ainsi, les DOM sont mis à contribution pour répondre aux besoins de main d‟œuvre constatés

dans l‟Hexagone, l‟État pensant par ailleurs ainsi résoudre le problème de sous-emploi dans

les DOM :

« En plus du caractère massif il convient de remarquer l‟aspect durable de l‟émigration des travailleurs antillais qui demeure, pour l‟instant, l‟unique issue aux problèmes de l‟emploi aux Antilles et ce paradoxalement dans une conjoncture d‟engorgement important et cumulatif du marché du travail en France même. (Blérald, 1986, p.264).

Le renversement du marché de l‟emploi dans l‟Hexagone, conduit à s‟interroger sur ce

dispositif à la fin des années 70 :

« Dans son rapport préparatoire au VIIIe Plan (1981-1985), le Comité des DOM-TOM prévoit « une immigration plus forte et plus difficile (…) » et qu‟en conséquence « la migration des originaires des DOM se heurtera à l‟existence d‟un chômage élevé en métropole, ce qui rendra nécessaire une plus grande assistance du BUMIDOM aux migrants pour leur permettre une meilleure insertion dans la vie professionnelle et sociale » ; la dite instance reconnaît laconiquement que, dans les DOM, l‟ « insuffisance des créations d‟emplois sera durable (…) de sorte qu‟une migration massive des jeunes vers la métropole se maintiendra avec ou sans l‟aide du BUMIDOM » et en déduit que « de tels courants migratoires persisteront aux Antilles jusqu‟au début des années 1990 » (Blérald, 1986, p.264).

Fortement critiqué par les mouvements sociaux des DOM

21

, le BUMIDOM disparaît en 1981

pour laisser place à des instances créées dans le cadre de politiques de mobilité des résidents

20

Voir : http://guadeloupetraditions.free.fr/bumidom.htm, consulté le 16 janvier 2016.

21Par exemple, après les événements de mai 1967 en Guadeloupe et de mai 1968 dans l‟Hexagone, les locaux du BUMIDOM furent vandalisés à Paris en 1968, avec des slogans comme : « A bas la traite des Nègres, « Nous voulons retourner chez nous », « A bas l‟impérialisme français et ses valets. Vivent les Antilles libres ».Ce n‟est qu‟en 2014 que les chaines de télévisions diffusées dans les DOM consacreront un reportage à cet événement. Voir

Page 41 sur 603

Outre-mer hors de leur région d‟origine. L‟Agence Nationale pour l‟Insertion et la protection

des travailleurs d‟Outre-mer (ANT) créée en 1982 est chargée de favoriser, la formation

professionnelle en mobilité et l‟accès à l‟emploi des jeunes adultes. Depuis 2010, l‟ANT est

devenu l‟Agence de l‟Outre-mer pour la mobilité (LADOM) et assure la gestion d‟un

ensemble de dispositifs de continuité territoriale.

Aujourd‟hui encore, la Guadeloupe voit ses jeunes adultes – parfois fortement - diplômés

contraints de quitter le territoire pour se réaliser professionnellement. Ainsi, Marie met en

évidence l‟enjeu économique qui découle de cette séparation en affirmant que «si ces jeunes

diplômés répondent bien aux besoins nouveaux du marché du travail métropolitain, leur

départ et leur « non-retour » constituent du même coup un véritable défi pour le

développement économique des DOM d‟origine qui ne peuvent plus compter sur leurs

nouvelles élites. »

22

. La presse nationale se fait l‟écho de ces difficultés rencontrées par les

jeunes adultes guadeloupéens. Nous avons pu ainsi relever un article du magazine « Elle »,

publié au moment des événements de 2009 en Guadeloupe (voir ci-dessous) dans lequel une

étudiante s‟interroge sur les possibilités d‟insertion qui s‟offriront à elle une fois

diplômée : « Je veux travailler ici pour ici ! Mais, une fois diplômée, est-ce que je trouverai

un emploi correspondant à mes compétences ? »

23

. Le 14 mars 2013, l‟hebdomadaire « Le

nouvel Observateur » publie une étude dont le titre révèle la question essentielle qui s‟impose

à l‟esprit des jeunes guadeloupéens : « avoir 20 ans en Guadeloupe, partir ou rester ? »

24

.

Souvent, les jeunes partent avec l‟idée de revenir « au pays » après la fin de leurs

études : « plus de la moitié des jeunes guadeloupéens âgés de 18 à 34 ans (56%) seraient

prêts à quitter leur département pour un emploi, mais une large majorité (60%)

conditionnerait ce départ à la possibilité d‟un retour au pays » (Marie, Temporal, Condon,

Breton et Chanteur, 2012). Cependant, ce retour est souvent délicat. Comme le fait remarquer

Popotte-Barcot, conseillère municipal de la ville des Abymes, dans l‟article précité du

Nouvel Observateur, ce retour se fait sans que ces jeunes trouvent nécessairement « les

conditions d‟accueil professionnel qu‟ils auraient espérées » et ils « n‟ont d‟autre choix que

de se faire exploiter en occupant des emplois en-deçà de leurs compétences ».

22

Le développement humain et la cohésion sociale dans les outre-mer. Rapport d‟information en ligne. Voir : http://www.senat.fr/rap/r12-159/r12-1598.html, consulté le 11 juillet 2017.

23

Avoir 20 ans à la Guadeloupe, par Caroline Laurent : http://www.elle.fr/Societe/Les-enquetes/Avoir-20-ans-a-la-Guadeloupe-862354, consulté le 18 juillet 2013.

24

Cette étude réalisée par Arnaud Gonzague est partiellement reprise en ligne :

http://tempsreel.nouvelobs.com/regions/20130314.OBS1957/avoir-20-ans-en-guadeloupe-partir-ou-rester.html, consulté le 18 juillet 2013.

Page 42 sur 603

En nous interrogeant plus précisément sur le climat social et économique de la région dans le

point suivant, nous pouvons appréhender plus précisément les raisons de cette lancinante

interrogation « partir ou rester ? », en particulier chez les jeunes adultes.