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2 Park, l’école de Chicago et l’écologie humaine C’est Robert Ezra Park, comme cela a été annoncé plus haut, qui saura transposer les

préceptes simmeliens à l’analyse empirique de la ville. C’est là que réside tout l’intérêt porté à Simmel, car à la différence des autres classiques, dont les éléments d’analyse de l’interaction nature-société n’ont pas été prolongés dans ce début de XXème siècle, les idées de Simmel vont être directement reprises, de l’autre coté de l’atlantique, via Park, figure éminente de l’école de Chicago. Aux réflexions sur les formes des relations en lien avec la spatio- temporalité des interactions vont s’ajouter les apports de l’écologie naturaliste pour ériger une des approches phares de l’école de Chicago : l’écologie humaine.

a) L’influence de Simmel sur Park

Revenant d’un séjour en Europe, Park disait toujours combien son approche était redevable à Simmel. Il tient sa « seule instruction formelle en sociologie » du penseur allemand (Park, 1950 : vi, cité par Grafmeyer & Joseph, 1979 : 44). Vers 1897, après avoir commencé une carrière de journaliste, il reprend les études de psychologie sociale et effectue un séjour de trois années en Allemagne où il est l’élève de Simmel à Berlin, puis à Strasbourg où Simmel sera muté. La sociologie étasunienne à l’époque de Park subit un fort développement institutionnel et théorique. Un développement institutionnel lié à une demande croissante d’analyse des transformations de la société américaine. Une évolution théorique et

1 Par ailleurs, le sociologue allemand avait déjà remarqué les conditions de base nécessaires pour « supporter

l’exacerbation de la vie nerveuse due à la vie urbaine » grâce à un mécanisme d’individualisation, d’impersonnalisation (Watier, 2003 : 135) qui se remarque tout à fait dans le système monétaire (cf. la

Philosophie de l’argent de Simmel) ou dans l’indifférence aux individus comme personnes (et à leur réduction à

un rôle) : d’une part l’entrecroisement des cercles sociaux qui engendre une nouvelle organisation de la distance et de la proximité, et d’autre part le fait qu’on peut être physiquement proche et socialement distant ou indifférent. Et quand à savoir si la ville allait apporter plus ou moins de liberté aux individus, Simmel penchait pour la première position puisque la ville éloigne l’individu « du contrôle de proximité exercé par le regard des autres dans les structures villageoises » (Watier, 2003: 136). Il n’en reste pas moins vrai qu’il faut toujours garder en tête, selon Simmel (Watier, 2003 : 136) cette question primordiale : « le monde qui se forge permettra- t-il encore une formation de soi, ou risquons-nous d’être submergés par la poursuite de fins dont le sens nous échappe ? ».

pratique engendrée par le renouvellement de questions sociologiques toujours plus proches de l’individu et de ses rôles et fonctions sociaux dans la modernité, ce qui peut expliquer l’engouement que rencontre Simmel et son influence.

A son retour, Park se fera recruter par Thomas. Ces derniers furent, avec Small, Znaniecki, McKenzie, Wirth et Burgess les figures représentatives de la fondation de l’école de Chicago (Alihan, [1938] 1964 ; Grafmeyer & Joseph, 1979). Toutefois, c’est Park et Burgess, durant les années 1920 et 1930 qui reprirent les réflexions simmeliennes. « Dans leur manuel de sociologie, explique Watier (2003 : 134), Burgess et Park insistent sur l’interaction sociale telle que la définit Simmel : elle caractérise le groupe dans le temps et l’espace ». La sociologie urbaine de Chicago est le prolongement des interrogations de Simmel sur les relations des individus au sein des grandes villes.

Un exemple probant de la reprise des idées de Simmel est celui de l’explication donnée par Park des phénomènes d’intégration de la population noire. Il faut d’abord rappeler qu’entre 1903 et 1913 Park est également l’assistant du leader noir Booker Washington. C’est dans ce contexte que Park s’interroge sur les phénomènes de colonisation, principalement au Congo où la colonisation est essentiellement du ressort des grandes compagnies coloniales. Ce n’est alors pas surprenant si « [u]n de ses thèmes majeurs est l’assimilation des jeunes Noirs du sud des Etats-Unis ; [pour Park] cette assimilation doit se faire par l’éducation et la formation professionnelle. » (Cuche, 2000 : 7-8)

Le problème que pose, à l’époque, la population noire aux blancs relève d’un questionnement relatif aux migrations et à l’intégration sociale. Les populations noires ont servi de bouc émissaire au problème de migration, mais la position de Park va être de dire qu’il est dans la logique de la société d’assimiler des étrangers/migrants, que c’est la logique « naturelle » de la société « qui conduit inéluctablement à l’intégration » (ib. : 8). La figure suivante et son encadré explicatif reprennent la pensée de Park sur ce point.

Figure I : Logique d’assimilation des migrants par la société d’accueil selon Park

Encadré I : Définition des étapes de la théorie de l’assimilation de Park

• Compétition. Chaque fois que des immigrants arrivent, il y a compétition entre les nouveaux venus et les anciens occupants. La compétition est diverse mais recouvre essentiellement des dispositions économiques : compétition pour le travail, pour la reconnaissance sociale, pour le statut, la disposition des ressources disponibles. A ce stade, il n’y a pas de contact entre les deux groupes. La compétition relève d’un processus inconscient.

De facto, les deux groupes sont en compétition et celle-ci débouche sur le conflit.

• Conflit. Il faut que le conflit soit ouvert et conscient. Le conflit est normal parce que structurant : il structure les relations entre les groupes en présence et développe des structures de solidarité. Le conflit est un progrès par rapport à la compétition. Il permet au groupe dominé d’organiser sa réaction. Le conflit est donc positif.

Le conflit va permettre la première participation politique à la société d’accueil ; on passe du niveau économique au niveau politique. Le conflit met en présence des rapports de pouvoir. La dimension symbolique est très importante car le nouvel arrivant est reconnu comme une minorité ethnique. Le conflit ne peut pas être durable. Il faut donc des mécanismes de sortie de conflit.

• Accommodation. Il s’agit de s’adapter et de s’ajuster aux nouvelles conditions ayant émergé du conflit. Celui-ci n’est plus ouvert, ce qui n’enlève rien à la conflictualité. C’est une période encore instable, basée sur un équilibre fragile. L’accommodation peut déboucher sur un nouveau conflit ou sur l’assimilation. Cette phase renvoie à une réorganisation sociale.

• Assimilation. Park propose donc une théorie des relations entre groupes sociaux qu’il a publié dans son Introduction to the science of sociology (Park & Burgess, 1921). La finalité du processus débouche sur l’assimilation des migrants dans la société d’accueil, à travers un compromis culturel. L’assimilation n’est pas la conversion à la culture du groupe dominant ; c’est un compromis culturel qui permet aux groupes de conserver leur culture recomposée tout en participant à la culture de la société d’accueil. Cela suppose un processus d’interaction. L’assimilation constitue un processus d’interpénétration et de fusion par lequel on partage l’expérience et l’histoire pour avoir une vie culturelle commune ; il s’agit d’un partage d’un univers culturel commun. L’assimilation s’étend sur le long terme. C’est un processus difficile et douloureux pour tous les participants.

Source : d’après Cuche, 2000 : 8

D’après Park, les sociétés assimilent naturellement des étrangers ou migrants. L’analyse proposée applique tout à fait le principe simmelien selon lequel « [s]i la mobilité s’introduit dans un groupe fermé, elle entraîne avec elle cette synthèse de proximité et de distance qui constitue la position formelle de l’étranger. » (Simmel, [1908] 1979 : 54). D’ailleurs, lorsque Park systématise ses travaux, il reprend les expressions simmeliennes. Par exemple lorsqu’il introduit son article « La communauté urbaine, un modèle spatial et un ordre moral » – dont le titre est déjà probant – il explique que :

« Si, en société, nous vivons ensemble, nous vivons aussi en même temps à l’écart les uns des autres, de sorte que les relations humaines peuvent toujours être analysées, avec plus ou moins d’exactitude, en terme de distance. Dans la mesure où une structure sociale peut se définir en terme de positions, les changements sociaux peuvent être décrits en terme de déplacements. » (Park, [1926], 1979 : 194)

Ou encore, dans le même article (ib. : 202) :

« La mobilité mesure le changement social et la désorganisation sociale, parce qu’un changement social entraîne toujours un changement de position dans l’espace et que tout changement social, même celui que nous décrivons comme progrès, entraîne une désorganisation sociale. »

Ce sont de tels rapprochements, et d’autres encore, qui poussent Grafmeyer & Joseph (1979 : 43) à écrire que Park et Simmel sont les premiers théoriciens de la distance sociale et de son principe de socialité, le principe de réserve.

Il est dès lors surprenant que peu de textes pointent ce lien entre Simmel et Park. Le travail de synthèse sur l’écologie que réalise Alihan ([1938] 1964), tout en présentant Park comme le fondateur de ce courant (the founder) ne cite Simmel qu’une seule fois, à propos du voyage de Park en Allemagne2. La publication de la Human ecology de Hawley (1950) éviterait également le rapprochement avec Simmel et aurait, par ailleurs, définitivement « enracin[é] l’écologie humaine dans la morphologie sociale de Durkheim » (Buttel, 1986 : 364). L’article de Schnore (1958) poursuivra cette analyse des liens entre les deux courants ; et le Handbook de Hannigan ([1995] 2006 : 16-18) préfère lui aussi aborder l’inspiration naturaliste de l’écologie humaine plutôt que son soubassement simmelien.

Cependant, l’exclusion de la référence à Simmel dans la présentation de l’écologie humaine est compréhensible – surtout pour des ouvrages des années 1930 ou 1950. D’abord,

2 « A Berlin, Strasbourg et Heidelberg, il [Park] travailla avec Simmel et Windelbend, rédigeant sa thèse sous la

on ne peut pas enlever à Durkheim son titre d’inspirateur suprême. S’il a été dit plus haut que Simmel est aujourd’hui un classique comme les autres, Durkheim paraît être le nom reconnu de la sociologie, qui plus est à l’époque de l’école de Chicago. Ensuite, il existe une forte homologie entre les emprunts de l’école de Chicago à l’écologie et ceux de Durkheim à la théorie de l’évolution (cf. supra, chapitre III). Enfin, bien que Simmel demeure indéniablement un inspirateur de Park, c’est véritablement le modèle de l’écologie naturaliste qui traverse l’ensemble des écrits de ce sociologue et de ses collègues.

b) Apport de l’écologie naturaliste à l’écologie

humaine

Si l’on considère à nouveau le schéma de Cuche (2000) (figure I), on remarque que l’analyse de Park est clairement inspirée de l’écologie animale et végétale : il est dans l’ordre de la nature de faire une place à la diversité, et donc d’assimiler les groupes entre eux. Certes l’emprunt sert ici à dépolitiser la question et non pas à subordonner la sociologie à la biologie ou l’écologie : en se référant aux sciences naturelles, Park cherche à dépasser les a priori sociaux de la société américaine de l’époque en mettant en avant que l’intégration des populations noires est inéluctable puisque inscrite dans cet « ordre » naturel des choses, et par là dans l’ordre social. Toutefois, de nombreux éléments permettent d’inscrire le courant de l’écologie humaine dans l’écologie naturaliste3.

Par exemple, selon Alihan ([1938) 1964), l’écologie humaine vise à la construction d’une « théorie des communautés dans leur environnement » (cité par Rhein, 2003 : 169). Et Alihan de souligner que l’écologie humaine s’intéresse aux facteurs les plus concrets et physiques des sociétés, ou pour reprendre la formule de McKenzie ([1925] 1979 : 1946), à « l’étude des relations spatiales et temporelles des êtres humains en tant qu’affectés par les forces de sélections, de distributions et d’adaptation liées à l’environnement ». Cette dernière définition rappelle certes toujours l’accent simmelien mais invite à se préoccuper davantage des forces « extérieures » que des relations elles-mêmes.

3 L’expression d’écologie naturaliste ne renvoie aucunement aux déterminations biologiques du sociale : au

contraire, l’intérêt pour l’écologie naturaliste tout comme celui pour les déterminations spatiales doivent « être interprétés ici évidemment comme la récusation des déterminismes biologiques au profit des détermination pour l’environnement social. Cette conviction […] conduit à montrer que les phénomènes comme la délinquance, le suicide, le divorce, l’implantation d’un type particulier d’institution sont spécifiques de certaines zones urbaines et non de telle population définie par son origine ethnique. » (Chapoulie, 2001 : 106-107)

L’usage du terme de communauté n’est que l’application de l’échelle écologique à l’analyse sociale. Il faut toutefois rappeler sa spécificité nord-américaine :

« Son équivalent français, précise Rhein (2003 : 169), correspond mal à [la notion] de paroisse, plutôt à celle de commune. Quoiqu’il en soit, dans le contexte américain, la communauté a un double sens : celui de corps social, territorialement ancré, et celui de corps politique. »

Par ailleurs, de même que l’écologie animale et végétale utilise l’idée d’écosystème comme unité écologique, le groupement humain dont les manifestations principales sont ici la communauté et la ville (en tant que communauté urbaine) sert d’unité à l’écologie humaine : d’après Rhein (ib. : 170), dès 1916 Park « définit la ville à la fois comme unité géographique, écologique, économique et sociale ». Ses articles de 1929 et 1952 sur « la ville comme laboratoire social » (Park, [1929] 1979) puis comme « phénomène naturel » (Park, [1952] 1979) révèlent cela. Le premier est un manifeste, une prise de position en faveur d’une sociologie scientifique et positive. C’est dans ce sens qu’il faut prendre certaines des références aux sciences de la nature : elles légitiment le caractère scientifique de l’approche sociologique4. Par contre, les nombreuses autres références vont directement dans le sens d’une homologie entre phénomènes sociaux et phénomènes naturels : la ville est « l’habitat naturel de l’homme civilisé » (Park, [1929] 1979 : 163), les secteurs urbains sont appelés des « aires naturelles » (ib. : 170) parce qu’ils naissent « sans dessein préalable et rempli[ssent] une fonction […] : c’est une aire naturelle parce qu’elle a une histoire naturelle » (ib.). Et du même coup, puisque ces aires remplissent des fonctions – qu’on pourrait qualifier, dans la visée naturaliste, d’écologiques – la ville « se révèle être […], en un certain sens et jusqu’à un certain point, un organisme » (ib.). D’ailleurs, poursuit Park, les relations semblent moins sociales que symbiotiques5 et « le caractère et les habitudes se forment sous l’influence de

4 Par exemple : « La science de la nature est née dans un effort de l’homme pour parvenir au contrôle de

l’univers physique. La science sociale cherche aujourd’hui, par les mêmes méthodes d’observation et de recherche désintéressées, à procurer à l’homme le contrôle de l’homme » (Park, [1929] 1979 : 165) ; « la science sociale est parvenue à quelque chose qui est presque de l’ordre de l’expérimentation de laboratoire » (ib. : 172) ; ou encore (à propos des institutions) « les processus de leur développement sont accessibles à l’observation et, en définitive, à l’expérimentation » (ib. : 179).

5 Dans les grandes villes, écrit Park ([1929] 1979 : 171), « où les distances sociales sont maintenues, en dépit de

la proximité géographique, et où chaque communauté à toutes chances d’être composée de gens dont on dira qu’ils vivent ensemble dans des relations que l’on peut décrire moins comme sociale que comme relations de symbiose. »

l’environnement » (ib. : 172). Quant à « La ville comme phénomène naturel » (Park, [1952] 1979), le titre seul fournit la preuve de considération des groupements humains comme unités écologiques6.

On peut alors poursuivre en reprenant l’affirmation de Alihan ([1938] 1964 : 12) selon laquelle la communauté est « la province de l’écologie humaine », afin d’introduire la proposition de McKenzie, dans son article sur « L’approche écologique dans l’étude de la communauté humaine » (McKenzie, [1925] 1979), selon laquelle la communauté humaine et ses deux caractéristiques majeures, la mobilité et l’invention, ne sont pas des produits aussi artificiels et intentionnels comme le supposent certains mais peuvent tout à fait se plier à l’analyse écologique, voire socio-écologique. Et McKenzie de proposer une classification écologique des communautés, de décliner les « facteurs écologiques déterminants dans la croissance ou le déclin de la communauté » (ib. : 150-153), de montrer « l’effet des changements écologiques sur l’organisation sociale de la communauté » (ib. : 154-155) avant d’affirmer que « les processus écologiques détermin[ent] la structure interne de la communauté » (ib. : 156) en insistant sur la place des axes de déplacement et sur le phénomène d’invasion.

c) Limites de l’écologie humaine classique

Il ne s’agit pas d’être caricatural ici : au contraire, c’est bien en montrant tout à la fois l’emprunt fait à Simmel et sa sociologie spatiale et à l’écologie naturaliste que peut se dégager l’essence de l’écologie humaine telle qu’elle apparaît dans les travaux de Park et de ses collaborateurs, et que Rhein (2003 : 180) décrit très bien en montrant par ailleurs l’intérêt idéologique de ce courant :

« Cette discipline constitue une version subversive du darwinisme social ambiant, puisque la lutte pour la vie et la victoire du fort sur le faible y sont remplacées par l’assimilation, par la ‘coopération compétitive’ comme hypothèses fondatrices. Dans un contexte marqué par le regain d’antisémitisme, par

6 Si le titre ne convainc pas le lecteur, ajoutons ceci. Park se réfère dès son introduction à Spencer et à la notion

de super-organisme, dont il se sert pour qualifier la ville, avant de décrire une communauté écologique végétale comme exemple type de super-organisme, et donc, mutatis mutendis, comme semblable à la ville. On notera également que de même que Callon (1986) étudie les coquilles Saint-Jacques en les définissant comme des actants, Park ([1952] 1979 : 182) considère les plantes comme des « habitants » dont les phénomènes de « concurrence » et de cohabitation » assurent « un plus haut degré de coopération ».

l’émergence du nativisme et de la Red Scare, une telle hypothèse constitue plutôt la marque d’un optimisme probablement excessif et d’un engagement politique courageux. En l’état actuel de l’histoire des sciences sociales, l’hypothèse du ‘bouclier scientiste’ apparaît donc recevable. »

C’est ce qui permet à la même Rhein (ib.) de considérer l’écologie humaine comme « une tentative peu aboutie de penser les rapports entre espace et société ». Chapoulie (2001 : 103) va dans le même sens en écrivant que les catégories de la sociologie de Park « sont davantage esquissées que clairement et rigoureusement définies, et leurs relations mutuelles restent souvent imprécises ». La génération suivante ne retiendra qu’une orientation empirique, une attention portée à certains phénomènes sociaux et non pas un corpus de propositions vérifiables. D’ailleurs, Park lui-même écrira que ni lui ni ses collègues n’ont jamais prétendu à des constructions théoriques7.

Malgré un intérêt poussé pour la division spatiale des faits sociaux et l’usage de la cartographie, un tel cadre d’analyse abstrait, une forme rhétorique de l’ordre de l’essai, et une démarche monographique oscillant entre anthropologie et journalisme ne permettront pas à l’écologie humaine des années 1930 de se maintenir telle quelle. Dans ces conditions, on assiste au « déclin de la sociologie de Park » et à la perte de crédit des travaux de Park, répétitifs, journalistiques et sans orientation systémique (Chapoulie, 2001 : 177 sq.). Ce déclin sera amplifié par le cadre trop étroit d’une sociologie limitée au phénomène urbain alors que d’autres sociologues, dont ceux de Harvard, se tourneront vers les organisations et s’ouvriront à un public au capital socio-culturel plus élevé que celui de Chicago.

Ce sur quoi n’insistent pourtant pas cette géographe (Rhein) et ce sociologue (Chapoulie), c’est la contribution théorique de ce courant à l’analyse de la société en tant qu’entité concomitante de facteurs sociaux et biotiques (i.e. relatifs à la vie). C’est justement cet aspect que nous souhaitons développer maintenant car c’est bien lui qui a inspiré, en grande partie, la sociologie de l’environnement naissante des Etats-Unis des années 1970.

7 Cf. le compte-rendu de lecture que propose Park de l’ouvrage de Alihan (Park, 1939, repris par Duncan &