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La continuité et les développements de la sociologie de l’environnement se retrouvent d’abord dans son institutionnalisation dans les associations de sociologues. Fort de sa reconnaissance au sein de l’Association Internationale de Sociologie (ISA) depuis 1990, la sociologie de l’environnement est présente dans de nombreuses associations régionales ou internationales. Si l’institution « sociologie » est un ensemble homogène du point de vue de ses associations de chercheurs, elle comprend toutefois une multitude de thématiques de recherche. Les comités de recherche des associations de sociologues représentent ce foisonnement des thématiques : un peu plus de trente comités en moyenne par association, avec un pic de 51 pour l’AIS, dont la dimension internationale pousse à l’ouverture, et 30 pour l’Association Européenne de Sociologie (ESA), 32 pour la British Sociological

Association (BSA), ou encore 34 pour la Deutsch Geisellschaft fur Soziologie (DGS). Ces

comités définissent peu ou prou les orientations et les limites de la sociologie.

Certains d’entre eux, et les travaux qu’ils rassemblent, peuvent être considérés comme marginaux lorsqu’ils n’ont pas de comités correspondants dans d’autres associations : par exemple le comité de sociologie visuelle de la BSA, ou le comité de l’Association International des Sociologues de Langue Française (AISLF) sur l’imaginaire dans l’expérience collective. A l’inverse, certaines sociologies « classiques » sont représentées

dans toutes les associations : c’est le cas de la sociologie de l’éducation, des organisations, de la sociologie économique, des religions… et de la sociologie de l’environnement.

En plus d’être un domaine représenté dans ces associations, les comités de recherche sur l’environnement sont généralement dynamiques. Celui de l’ISA a rapidement accédé au statut de comité de recherche grâce à sa fusion avec le comité de recherche d’écologie sociale (Dunlap & Catton, 1994 ; Dunlap, [1997] 2000 : 28) et serait l’un des plus actifs de l’association. Le compte rendu des sessions du réseau Environment and Society (également nommé RC 24 pour comité de recherche n°24) du dernier congrès de l’ISA est sans ambiguïté à ce sujet :

« Nous paraissons avoir gagné en dynamique et en nombre de membres à chaque congrès [de l’ISA], nous développant comme un des plus gros et sans aucun doute des plus actifs comités de recherche de l’ISA en seulement douze ans depuis notre ‘naissance’ formelle à Bielfied en 1994 » (Dunlap, 2006 : 6 ; cf. également Murphy, 2006).

Celui de l’American Sociological Association (ASA) a vu le nombre de ses membres croître depuis sa création pour atteindre une stabilité moyenne d’environ 400 membres par ans (Dunlap & Catton, 1994 ; ASA, 2006), et l’Association Japonaise de Sociologie de l’Environnement (JAES) a vu son nombre d’adhérents multiplié par 14 en 15 ans pour atteindre plus de 700 inscrits en 2006 (Hasegawa, [2003] 2004a, 2007).

Ce dynamisme est peut-être dû à la jeunesse de ces comités. La plupart de ceux-ci sont apparus au début des années 1990. Par exemple, alors que l’ISA a été officiellement fondée lors du congrès d’Oslo en 1949, son comité de recherche « Environnement et société » ne s’est constitué qu’en 1990 pendant le congrès de Madrid pour s’affirmer en 1992 et surtout en 1994 (Vaillancourt, 1996 : 22, 1998 : 14). De même pour l’AISLF : fondée en 19561, elle n’a accueilli en son sein le réseau « sociologie de l’environnement et du développement durable » qu’à partir de 1996.

Les associations nationales ont généralement intégré la sociologie de l’environnement entre le début et le milieu des années 1990. L’Association Japonaise de Sociologie de

1 L’association voit le jour en 1956 grâce à Gurvitch et James (Cuin & Gresle, [1992] 1996 : 61), et son premier

l’Environnement voit le jour le 19 mai 1990 (Hasegawa, [2003] 2004a) ; on peut établir également que le comité Soziologie und Ökologie de la DGS est institutionnalisé en 1996 (Mol, 2006 : 9)2, celui sociologia del territorio3 de l’Association Italienne de Sociologie (AIS) apparaît avant 1997; et le comité sociologia y medioambiente de l’Association Espagnole de Sociologie s’est officialisé en 19974. D’autres pays, malgré une tradition sociologique moins ancienne, suivent cette dynamique, comme la Corée du Sud, où un premier groupe informel s’est crée en 1995 avant de se structurer en une Association Coréenne de Sociologie de l’Environnement en 2000 (Hasegawa, [2003] 2004a : 4).

Cependant, le comité Environment and Technology de l’Association Etasunienne de Sociologie (ASA)5 et celui de l’association britannique de sociologie (BSA), intitulé

Sociology, Environment and Architecture ont été créé respectivement en 1976 et 1980. Le

comité de la BSA travaille bien davantage sur la planification et l’architecture que sur l’environnement à proprement parler. Un autre réseau de sociologie de l’environnement fut initié en 1992, mais n’a pas su trouver une dynamique interne6. Le plus ancien demeure donc celui de l’ASA, inauguré en 1976, suite à l’initiative de C. Wolf et aux contributions de Catton et Dunlap qui « voulaient voir si [les travaux sur la thématique environnementale] pouvait être rassemblés (codified) dans quelque chose de suffisamment cohérent pour prétendre qu’il y avait en effet une spécialisation distincte de sociologie de l’environnement en train d’émerger » (Dunlap, 2002 : 11). Un tel comité était déjà en germe dès 1964 à travers un groupe de recherche en foresterie (Sociological Aspects of Forestry Research Committee) au sein de la Rural Sociological Society, qui se renomma plus tard groupe de recherche sur les aspects sociologiques des ressources naturelles (Research Committee on Sociological Aspects

of Natural Resource). Ce développement rapide entraîna la création, en 1972, d’un groupe de

sociologie de l’environnement au sein de la Society for the Study of Social Problems intitulé

Environmental Problems Division, puis d’un autre groupe accueilli en 1974 par l’ASA. C’est

ce dernier réseau qui s’affirmera deux ans plus tard et accèdera au rang de comité de

2 Mol (2006 : 6-7) précise que « [l]a section Soziologie und Ökologie a été établie [au sein de la DGS] en 1996,

en tant qu’institutionnalisation de son prédécesseur, le Arbeitsgruppe Umwelt und Soziologie (Environnement et Sociologie, fondé en 1993). »

3 Littéralement : sociologie du territoire. Toutefois, malgré le terme « territoire », c’est bien de la sociologie de

l’environnement dont il s’agit. Cf. par exemple les travaux de Beato (2002).

4 Si l’on ne se limite pas aux associations en tant que telle, on peut envisager les sociologies de l’environnement

brésilienne (Feirrera, 2001, 2007) et péruvienne (Rodriguez-Achung, 1994), voire catalane avec la parution d’un numéro spécial de la revue Papers (Tàbara & Lemkow, 2006).

5 Cf. par exemple le site internet de ce comité de recherche, on

http://www.linfield.edu/soan/et/background.htm

6 Ce comité de la BSA fut lancé à l’initiative de A. Irwin, S. Yearley et E. Shove. Il existe également un réseau

recherche, signifiant la solidité de sa structure et sa reconnaissance par l’ASA (Dunlap & Catton, 1979 : 245-46 ; Vaillancourt, 1996 : 29 , Dunlap, [1997] 2002 : 21), et ceci malgré le contexte d’affaiblissement de l’ASA et de déclin du nombre de ses membres durant les années 1970 (cf. : Turner & Turner, 1990, cité par Cuin & Gresle, [1992] 1996 : 80)7.