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A- Notion de la ville :

Lieu de mutations et de bouleversements humains, la ville a toujours fait figure de foyer où se forgent les idées et de gisement où se développe et d’où diffuse la pensée. L’histoire des villes tend à en faire « le territoire privilégié de la civilisation, c'est-à-dire tout à la fois

50 Dans ce sens, l'aménagement du territoire résulte de l'action d'un groupe pour satisfaire les besoins et améliorer la qualité

de vie de la population vivant sur ce territoire, tout en tenant compte des contraintes physiques, historiques, économiques et sociales. Ces contraintes sont contenues dans les pratiques territoriales et conditionnent ses orientations futures BAILLY (A), « Territoires et territorialités », in AURAY. J-P, BAILLY. A, DERYCKE. P-H, HURIOT. J-M, (1994) ; [Dir],

Encyclopédie d’économie spatiale, Economica, Paris, pp. 278-279. 51 MOINE. A, op.cit.p.116.

l’espace d’organisation de l’échange économique et des relations sociales et le creuset de nouvelles valeurs autour de l’invention permanente de la modernité»52.

En effet, «depuis Platon, les hommes ont compris tout l’enjeu que représente la ville et son organisation dans le fonctionnement et le devenir de la société toute entière»53.

Aujourd’hui, engloutis dans un contexte de désengagement, du retour au local ainsi que de la « magnificence » ou la « somptuosité » des paradigmes de la gouvernance54, de la

proximité et du développement durable55, les Etats semblent converger vers une vision commune qui, loin d’annoncer leur dépassement, y préfigure une concurrence de type territorial, voire urbain en plus exacerbée.

Dans ce sens, devenues des arènes de compétition géostratégique, technologique et économique, les villes semblent monter au créneau en éclipsant les Etats. L’on assiste, ainsi, à un déplacement spectaculaire de l’intérêt politique et médiatique du monde des Etats vers celui des villes. Au demeurant, celles-ci préfigurent un poids symbolique incontournable56. C'est-à- dire que la ville «est aujourd’hui trop au cœur des enjeux internes et internationaux, des

stratégies, des guerres économiques et commerciales et des mutations mondiales, pour rester à la périphérie de l’histoire ou pour se placer en marge des centres qui s’arrogent le pouvoir de faire et de défaire la carte mondiale » 57 .

Par ailleurs, s’il est des domaines qui répugnent au conceptualisme, celui de la ville, en sus de sa complexité, présente la caractéristique d’être difficile à cerner. En effet, « la ville

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Delvoye. J-P, (1997) ; « Cohésion sociale et territoires, commission Générale du Plan », La documentation française. Paris, p.64.

53 Drycke. P- H ; Huriot. J- M PUMAIND. D, (1996) ; Penser la ville, Théories et modèles, collection Villes, Anthropos,

diffusion, Economica, Paris, p.321.

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Comme première définition, la gouvernance peut désigner un mouvement de pensée ayant émergé à la fin des années quatre-vingt, qui permet de poser et de réfléchir aux questions managériales du développement urbain non seulement en termes de taches et d’efficacité mais aussi en termes d’interactions sociales et de complémentarités multiples. Cf. Sedjari.A, (2000) « L’Etat contre la ville »in le devenir de la ville, dir. Sedjari A éditions L’Harmattan.

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Le développement durable prône un nouveau mode de développement qui assure à long terme trois objectifs simultanés : la préservation du capital naturel et des écosystèmes, la justice sociale et le développement économique générateur d’activités et d’emplois. Cf Brodhag. C, (1999). « Le développement durable et l’aménagement du territoire : les enjeux du

débat actuel en France » In Aménagement du territoire et développement durable, Quelles intermédiations ?dir Sedjari A. éditions L’Harmattan p 31.

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Il suffit pour s’en convaincre de se rappeler que, pendant la guerre d’Irak, aussi bien les chroniques que les projecteurs étaient focalisés sur Bagdad. Sur le registre de la compétitivité économique, l’on évoque aisément Tokyo ou New York. Quant au volet diplomatique, l’on reconnaît l’éclat de Paris ou de Genève.

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Brahimi. M, (1997) ; « les relations internationales des pouvoirs locaux et l’expérience marocaine de coopération décentralisée » In la revanche des territoires, dir Sedjari A éditions l’Harmattan, p.261.

pose la difficulté de ne pas prêter à une connaissance complète. Elle est l’objet de savoirs fragmentaires et de regards pluriels qui cherchent à la cerner58.

La diversité et la parcellisation de la pensée théorique entre géographe, architecte, économiste, juriste, sociologue et politologue renseigne sur l’intérêt de chacune de leurs acceptions, sur l’opportunité de la combinaison de celles-ci et sur les obstacles à la

connaissance de la ville. A ce titre, si l’on peut, presque inutilement, espérer des dictionnaires et ouvrages traitant de la ville qu’ils en donnent une définition uniforme, du fait de l’absence de critère d’une scientificité absolue susceptible de délimiter ses contours, la plupart d’entre eux « voient dans la ville un lieu d’interactions très diverses qui la font naître et se

développer»59.

Du reste, la ville cesse d’être uniquement une agglomération spatiale de personnes et de constructions, d’une taille supérieure à un seuil minimal et dont le mode de fonctionnement serait qualifié d’urbain, pour devenir un enjeu de développement pluridimensionnel, un défi pour notre génération.

Toutefois, la logique de la concentration spatiale ne saurait souvent s’accompagner d’un mieux vivre. L’idée s’applique parfaitement aux villes des pays en voie de développement où le décalage entre la croissance urbaine60 et le niveau du développement économique semble davantage s’éterniser avec la crise de la gouvernabilité des villes.

L’on peut en douter quand on observe que la ville devient pour certains un mal

nécessaire et parfois une véritable terre d’exclusion. D’aucuns parleraient, non sans raison, de marginalités urbaines.

58 Raounaka. A, (2003), « les métiers de la ville, contributions au débat » In les métiers de la ville, des métiers pour une

gestion urbaine rénovée, Ed l’Harmattan- INAU, Rabat, p, 189.

59 Beguin. H. (1996) ; Faut-il définir la ville »In penser la ville : théories et modèles, dir Derycke. P-H, Huriot. J-M,

Pumain. D, Ed Economica., p.302.

60 D’après le diagnostic sur l’urbanisation au Maroc établi dans le cadre du schéma national d’aménagement du territoire,

on est passé en un siècle de 0,4 à 16 millions, dont la moitié au cours des vingt dernières années ; il y avait 8 millions d’urbains en 1980. Et c’est un nouveau doublement qu’il faut envisager dans les prochaines années. Ce qui ne manquera pas de poser de redoutables problèmes, parce que le bilan de notre urbanisation est pour le moins contrasté et en tout cas marqué par des insuffisances criantes qui ne peuvent pas être prolongées sur l’avenir. Cf Schéma national d’aménagement du territoire, synthèse, royaume du Maroc, ministère de l’aménagement du territoire, de l’eau et de l’environnement.2003. p.12.

Des bidonvilles aux banlieues explosives, des chômeurs aux sans domicile fixe, de l’agression d’un environnement bruyant et pollué aux piètres prestations des services publics urbains. Bref, un cortège de dysfonctionnements qui révèlent l’incapacité des villes d’assumer leur part de responsabilité en matière d’intégration sociale et de création des richesses.

Au demeurant, les mutations et tendances actuelles à l’œuvre dans le monde entier -bien qu’à des cadences différenciées- indiquent que l’enjeu de la ville se situe à la confluence de deux défis clés; celui de la cohésion sociale et celui de la compétitivité économique. Dés lors, la ville peut être appréhendée doublement ; « c’est à la fois un moteur du développement » 61 et « (…) un concentré de tous les problèmes de société »62.

C’est dans ce contexte et «devant l’insatisfaction des besoins élémentaires et la mise en

cause des pratiques de gestion actuelle63» que « les préoccupations des experts et chercheurs

s’orientent vers l’évaluation critique des modèles existant et la recherche de nouvelles formules de gestion dans un cadre institutionnel renouvelé »64.

B- La cité : historique et signification du concept

:

Au cœur de ce débat se situe la cité, laquelle constitue la résultante de trois variables que sont: la taille, la densité et le niveau d’homogénéité. Elle est à appréhender comme un acteur qui affecte l’homme; ce dernier étant sensible à son cadre de vie. « Les trois variables doivent être la base de toute théorie psycho-sociale portant sur la vie urbaine »65.

Certains philosophes prônaient l’existence de cités modérément peuplées, comme Platon et Aristote, du fait qu’elles permettraient une administration politique optimale. Platon définissait la cité exemplaire à 5040 citoyens66. Aristote, sans être d’accord sur le chiffre, insistait sur le fait que l’augmentation de la population au-delà d’un seuil limite entraînait le

61 Bernard. P, (2000) ; « le partenariat entre l’administration et l’entreprise dans la ville »In le devenir de la ville, p.203. 62 Bernard. P, op.cit. p. 203.

63 Blary. R, Boisvert. M, Fisette. J, (1997) ; « Specifité des contextes et logiques de gestion » In services urbains dans les

pays en développement, Modèles de gestion, dir Blary. R Boisvert .M, Fisette .J ; Ed Economica, p .1.

64 Cf. Blary R, Boisvert M, Fisette J ; op.cit., p .1.

65 RONCAYOLO. M, (1990) ; La ville et ses territoires, Gallimard, Paris, pp. 82-83 66

BACCOU. R, (1997), Platon, la République, Livre II, Librairie Garnier Frères, Paris, 1936, pp. 54-55 ; et PRADEAU. J.F, Platon et la Cité, PUF, Paris, pp. 108-116

changement de la nature de la cité et de ses caractéristiques. Au total, la cité exerce de fortes influences sur les individus67.

Cependant, dégager une définition claire et précise permettant de rendre compte des diverses dimensions que représente l’urbain d’une manière générale, est une tâche très délicate. En plus de la taille de sa population, l’urbain se caractérise également par sa situation géographique, sa morphologie, son organisation administrative, ses fonctions et ses métiers. Les critères utilisés pour distinguer les zones urbaines des zones rurales varient d’un pays à l’autre, entraînant ainsi un manque de consensus sur une définition universelle du concept de l’urbain. Comme le précise l’Organisation des Nations - Unies (1998), les caractéristiques qui distinguent les zones urbaines des zones rurales varient selon les pays et il n'est pas encore possible de formuler de définition uniforme applicable à l'échelle internationale, ni même, dans la plupart des cas, à tous les pays d’une même région. S’il n’existe pas de recommandations régionales à ce sujet, les pays doivent établir leur propre définition, d’après leurs propres besoins68.

Ceci étant, comment distingue-t-on l’urbain du rural au Maroc ?

Jusqu’à nos jours les recensements demeurent le seul moyen pour apprécier le fait urbain dans notre pays. C’est ainsi que, est considéré comme urbain, en plus des localités définies administrativement en tant que telles, toute entité ayant satisfait des critères d’ordre quantitatifs (seuil minimum d’habitants) et qualitatifs (densité des équipements, prédominance des activités non agricole, etc.). L’existence d'un réseau d'électricité, d'un réseau d'eau potable, d'un réseau d'évacuation des eaux usées par égouts; d'un hôpital ou d'un dispensaire, d'un lycée ou d'un collège, d'un tribunal et enfin avoir une proportion de la population active non agricole

67 BRUN. J, op.cit, pp : 11-24 68

Comme l’admet Abdelhadi Raounk, le concept de ville présente la caractéristique d’être un des domaines les plus complexes pour la réflexion théorique. Il considère qu’une connaissance théorique globale et universelle sur la ville est tout au plus secondaire. On ne peut en effet prétendre à la connaissance de la ville qu’à partir des champs scientifiques qui s’y intéressent et de la médiation des spécialistes de ces champs. « A cette connaissance concourt, en effet, une foule de

disciplines qui s’étendent dans les domaines les plus divers : ethnologie, histoire, géographie, démographie, économie politique, sociologie, droit, etc... La réflexion sur la ville doit également s’inspirer de l’action pratique et de l’expérience des acteurs de la ville : pouvoirs publics, prospectivistes, aménageurs, urbanistes, promoteurs immobiliers, architectes, ingénieurs, paysagistes, topographes, etc... » RAOUNK. A, (2001) « Les métiers de la ville, contribution au débat », in Les métiers de la ville : des métiers pour une gestion urbaine rénovée, Actes du colloque international tenu à l'Institut

supérieure à 50%, sont parmi les équipements collectifs pris en considération, quand il s’agit de décider si telle ou telle localité est urbaine.69

Paragraphe -III- Développement durable et développement local : signification et

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