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Paragraphe I Les motifs de la réforme :

A- Identification des dysfonctionnements :

L’on a assisté, au gré des découpages communaux206, à l’adoption successive de deux

modèles d’administration communale non exempts d’insuffisances ; le modèle unifié de la ville avec un seul conseil municipal et le modèle multi communal de la ville éclatée en plusieurs municipalités. Si l’on reprochait au premier l’inconvénient de concentrer, au grand détriment des périphéries, l’essentiel de l’investissement au niveau du centre ville, notamment dans les grandes agglomérations urbaines, le second était tout aussi coupable d’être à l’origine d’une atomisation du territoire de la ville.

A ce titre, et outre la multiplication artificielle du nombre des élus urbains207, une pléthore des emplois communaux 208 et ses coûts de fonctionnement ainsi que l’absence de vision commune à l’échelle de la ville, force est de constater que «ce régime multi communal a

conduit à un partage inéquitable des potentialités économiques et financières de la ville, la rupture du principe de solidarité et l’aggravation des disparités entre communes riches et communes pauvres »209.

206 A noter que la création des communes et leurs suppression se fait par décret (alinéa.3 de l’article premier de la n°78-00

portant charte communale, B.O n° 5058 du 16 ramadan 1423/21 novembre 2002, p.135). En vertu de ce principe, ont été prévus depuis l’indépendance du Maroc un ensemble de décrets fixant les délimitations territoriales des communes urbaines et rurales au Maroc, dont le premier (n°2/59/1834) date du 2 décembre 1959 portant création et démembrement des communes urbaines et rurales du royaume et dont le dernier en date est le décret s’appliquant actuellement n° 2/98/953 du 31 décembre 1998. CF. BAINA A.( 2003) ; « les élections des conseils communaux, la nature juridique des communes » IN Alittihad Alichtiraki N) 7311du 17 août, p.1, ( en arabe). Toutefois, le découpage le plus déterminant est celui de 1992 (décret n° 2/92/468 du 30 juin 1992 modifié par le décret n° 2/92/651 du 17 août 1997) ayant un doublement du nombre des communes. Le nombre des communes urbaines a donc passé de 66 en 1959 et de 247 en 1992 à 249 depuis 1997contre 1298 communes rurales. Soit au total 1547 communes. Source, Les collectivités locales en chiffres 2000, op.cit., p.13.

207

A la date du 31 décembre 2000, le nombre des conseillers communaux au niveau urbain était de 5775. op.cit, p.28.

208 Le nombre des emplois des communes urbaines et des communautés urbaines a passé de 77 565 en 1997 à 84 315 en

2000. A ce titre, force et de constater que les cadres supérieurs y évoluant ne dépassaient pas les 5,6% en 2000 contre 13,5 %des cadres moyens, 16% des Agents d’exécution et 65% de la main d’œuvre ouvrière.

Par ailleurs, s’il parait incorrect d’inventorier les dysfonctionnements, au demeurant manifestes et presque illimités, du modèle en cours d’examen, l’idée force à retenir dans ce sens est que l’unité de la ville s’en est trouvée délabrée.

En effet, la refonte des structures administratives et communales s’est traduite par un découpage qui répondait plus à des préoccupations politiques et sécuritaires qu’à des enjeux économiques et sociaux.

Quoiqu’il en soit, le découpage «est soumis à un ensemble de facteurs et de critères

censés être fondés sur des bases objectives: géographiques, économiques, administratives et sociales, parfois en réponse à des considérations sécuritaires, et sans doute non exemptes de finalités électorales occultes ou visibles, sans parler des données démographiques présentes à chaque délimitation de la commune»210.

Dans cet ordre d’idées, le législateur et les pouvoirs publics en général semblent avoir misé implicitement sur les vertus des solutions fonctionnelles comme antidotes à la multiplication des entités locales211. Il s’agit d’une part de l’institution des syndicats de communes212, établissements publics dotés de la personnalité morale et de l’autonomie financière213 pour la réalisation d’une œuvre commune, d’un service d’intérêt intercommunal ou pour la gestion des fonds propres à chacune d’elles, et destinés au financement de travaux édilitaires et au paiement de certaines dépenses communes de fonctionnements214.

En outre, conscient de la nécessité de doter certaines grandes agglomérations divisées en plusieurs municipalités d’une institution de regroupement multi-communal à même de sauvegarder leur unité de gestion, le législateur a eu recours depuis 1976215 à une formule

210 Cf. BAINA. A. (2003), op.cit., p. 3.

211 CF. EL YAAGOUBI. M. (2000), op. Cite. p. 158. 212

Le nombre de ces syndicats de communes a passé de deux en 1980 à 109 en 2000. Source, Les collectivités locales en chiffres 2000, op.cit., p.21.

213 CF. Article 55 du Dahir portant loi n° 1-76-583 chaoual 1396 (30 septembre 1976) relatif à l’organisation communale,

B.O .n° 3335 bis, du 6 chaoual 1396 (1er -10-76), p.105.

214 CF. Article 54 du Dahir portant loi n° 1-76-583 chaoual 1396 (30 septembre 1976) relatif à l’organisation communale,

B.O.n° 3335 bis, du 6 chaoual 1396 (1er -10-76), p.105.

215 Le nombre de ces communautés urbaines est de 14. La première communauté urbaine a été créée le 30septembre 1976 à

Casablanca, la seconde à Rabat le 2 octobre 1984. A partir du 28 septembre 1992 ont été créées des communautés urbaines à Agadir, Fès, Kenitra, Marrakech, Meknès, Safi, Salé, Skhirat-Témara, Tanger, Taza et Oujda. Source, Les locales en chiffres 2000, op. cit. p.19.

juridiquement apparentées aux établissements publics locaux, en l’occurrence les communautés urbaines.

De nouveau, un constat d’échec avait couronné une expérience qui s’est initialement annoncée ambitieuse. Ainsi, l’ensemble des destinées à l’encontre des communautés urbaines est le même au niveau de la doctrine et des décideurs politiques.

D’après le rapport officiel de la commission de l’unité de la ville216

, de nombreux reproches avaient été révélés parmi lesquels la réduction du périmètre urbain, l’augmentation du nombre des élus, une utilisation inadéquate des moyens, le recours à différents régimes de gestion par les communes et la communauté, une inégalité des citoyens devant les charges et les services, une disparité entre les communes composant la même ville, des conflits de compétences217, etc.

En définitive, on peut dire que les communautés urbaines se sont détournées de leurs missions originales218 du fait des tiraillements de compétences avec les instances les composant. En effet, le fait que la communauté urbaine soit gérée par un conseil composé de présidents des communes urbaines et d’autres intervenants a conduit à un éclatement décisionnel. C’est d’au tant significatif que les différents acteurs ne coordonnent point ou guère leurs actions et semblent s’encombrer dans des conflits d’intérêts.

Il s’ensuit que les 14 agglomérations concernées par ce régime accusent des dysfonctionnements manifestés par la pléthore d’élus urbains et de fonctionnaires, un gonflement démesuré des coûts de fonctionnement, un sacrifice des équipements structurels au profit des besoins urbains de moindre importance, un partage inéquitable des potentiels économiques et financiers entre des communes structurellement riches et des communes de plus en plus appauvries.

216

Actes du VIIème Colloque national des collectivités locales, Casablanca 19-20 et 21 octobre 1998, Publication du Centre de Documentation des Collectivités Locales, p.263.

217

Cf, actes du VIIéme colloque nationale, op, cit, p.263.

218 La communauté urbaine était investie d’un certain nombre d’attributions qui énumérées dans l’article 59 su Dahir

portant loi n° 1-76-583 du 5 chaoual 1396 (30 septembre1976) relatif à l’organisation communale, op.cit., Il s’agit entre autres, de la desserte intérieure des communes, de la création, de l’entretien et de la gestion des abattoirs et marchés de gros, des régies, des entreprises et sociétés d’intérêts intercommunal, du projet des plan d’aménagement, etc.

Dès lors, au lieu d’être un espace de coordination, la communauté urbaine s’est transformée en un espace d’affrontement et de défense des particularismes communaux. C’est dire que quand elle n’en a pas marqué un moment d’arrêt qui a trop longtemps duré, cette institution a fini par biaiser le processus de dynamisation des affaires communales.

Dans ce sens, l’on est amené à s’interroger sur le rôle qui incombe à la communauté urbain en tant qu’institution publique et la commune en tant que collectivité locale ainsi que les véritables missions exercées par chacune d’elles. A tort ou à raison, certains analystes n’hésitent pas à admettre que les communes regroupées sous la houlette de la communauté urbaine deviennent des collectivités de contact sans problèmes, puisque dépouillées des compétences fondamentales, alors que la communauté urbaine se présente comme une collectivité de problèmes sans contact direct avec les citoyens.219

Certes, l’objectif initial de la création de nouvelles communes 220 au sein des grandes villes était de pallier le caractère centralisateur de l’ancien système municipal caractérisé par la prédominance du centre-ville sur les espaces périphériques et son incapacité à affronter les déséquilibres urbains. Mais, il faut reconnaître, que les structures verticales, constituées par la Wilaya et la communauté, n’ont pu réaliser l’unité de la ville en raison de leur caractère secondaire par rapport aux structures horizontales composées de cellules de base que sont les communes221.

Dans ce contexte, le découpage communal n’aura servi ni les citoyens (puisque les prestations fournies par l’administration locale laissent à désirer) ni les gestionnaires locaux en mal de crédibilité, encore moins l’Etat qui s’est trouvé étroitement impliqué dans le processus222 pour atténuer les conséquences négatives d’un espace urbain «déchiqueté».

A ce titre, «la ville de Casablanca illustre de façon caricaturale la crise des structures

territoriales puisqu’il existe dans cette métropole 35 communes dominées par l’effritement des moyens, la dissection des services publics locaux, les conflits de compétences, l’impossibilité

219

CF.EL YAAGOUBI. M. (2000), op.cit., p160.

220Ace titre, Casablanca à elle seule regroupait 27 communes urbaines, 6 à Mekhnès, 5 à Rabat, Fès, Marrakech et Sal é.

Source, Les collectivités locales en chiffres 2000, op. cit., p .19.

221

CF. EL YAAGOUBI. M. (2000), op.cit., p. 158.

de la coordination, etc.»223. C’est d’autant vrai que « la situation est, toute proportion gardée, quasi-identique dans les autres villes grandes et moyennes »224 .

Dans ce contexte de crise et de confusion, il est question de proposer une formule susceptible d’établir un cadre institutionnel et juridique favorable à l’unification décisionnelle et porteur d’une gestion municipale de proximité. Toutefois, si elle revêt un caractère politique en tant que réponse à des revendications internes, il n’en reste moins que la réforme s’inscrit dans un processus d’adaptation tout azimut aux enjeux de la mondialisation. En effet, force est de constater que le retour à l’unité de la ville s’opère dans un environnement sociopolitique et économique crucial dont nous tenterons de relever les traits saillants.

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