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Attendue depuis plus de deux décennies et réclamée «dans toutes les familles politiques, dans les cercles universitaires et au sein du gouvernement lui-même»273 et témoignant d’une volonté politique pleinement engagée (A), la réforme de la charte communale274 de 1976 dans

271

Dahir n° 1-59-315 du 28 hija 1379 (23 Juin 1960) relatif à l’organisation communale.

272

Cf. BRAHIM. M. op. cit. p 17.

273

Cf. BRAHIM. M. op. cit. p 17.

274

A noter que ce vocable « charte », désignant la loi communale de 1976 comme son ancêtre de 1960, a une signification plus symbolique que juridique ; il souligne l’importance et la place de ce texte dans l’ordre juridique et institutionnel. Cf. BRAHIMI. M. (1996), « La loi communale de 1976 à l’épreuve de la pratique », op. cit., p 14. Toutefois, faudrait-il le rappeler, le terme charte communale a été, pour la première fois, introduit par le législateur par la loi n° 78-00 portant charte communale.

le sens de la consécration de l’unité de la ville traduit un enjeu électoral d’une grande envergure (B).

A - Un croisement de positions :

Participant d’une volonté politique insoupçonnable, la réforme du cadre juridique et institutionnel des grandes agglomérations est caractéristique d’une convergence de positions aussi bien sur le plan du discours officiel que sur celui de la classe partisane.

La volonté politique pour asseoir les bases d’une gestion efficace de la chose publique locale est à situer au niveau des discours de Sa Majesté le Roi Mohammed VI et ce depuis son intronisation275. Ainsi, le discours royal prononcé par le souverain lors de l’ouverture de la première session de la quatrième année législative du gouvernement d’alternance a porté les germes d’une gestion unifiée de la ville. En effet, l’un des objectifs par lesquels la réforme de la charte des collectivités locales, communales, provinciales et régionales doit être mue est « la création d’un nouveau système de gestion urbaine consacrant le principe de l’unité de la ville»276.

La vertu de ce système selon Sa Majesté le Roi «est de nature à garantir à la ville une

unité de gestion, l’aménagement de son espace et son développement, tout en faisant bénéficier les citoyens et les investisseurs d’une administration de proximité afin de leur fournir les services de base dont ils ont besoin »277.

En effet, l’adoption d’un nouveau dispositif juridique et institutionnel est à inscrire dans le registre d’une série de finalités. Il s’agit d’atteindre des objectifs politiques de consolidation de la démocratie de proximité et de renforcement de l’autonomie et des responsabilités locales, des objectifs économiques et sociaux visant l’élargissement du rôle de la commune dans le domaine de la promotion et la création de l’emploi et l’aménagement du territoire et la promotion de son rôle en matière d’initiatives économiques278.

275

A ce titre, deux discours royaux témoignent clairement et solennellement de cette volonté politique ; le discours du 12 octobre 1999 prononcé à Casablanca et le discours royal prononcé devant le parlement à l’occasion de l’ouverture de la session législative d’automne en 2000.

276

Discours Royal du 13 Octobre 2000.

277 Discours Royal du 13 Octobre 2000. 278

Note de présentation du projet de texte de la nouvelle charte communale. Exposé des motifs, ministère de l’intérieur, publication de la DGCL.

Aussi, la nouvelle charte communale participe- outre la volonté déclarée du souverain et de son gouvernement- de celle « de l’ensemble des forces politiques, d’adapter l’organisation communale aux changements profonds que connaît le Maroc et aux nouveaux rythmes imprimés droits, aux libertés et à la démocratie »279.

Par ailleurs, et en dépit de certaines réserves, somme toutes mineures, le retour à l’unité de la ville constitue un point de convergence au sein de la classe partisane. La consultation d’un certain nombre de personnalités à la tête ou membres de partis politiques, à savoir le parti de l’union socialiste des forces populaires, le parti du mouvement populaire et le parti du progrès et du socialisme, a révélé, l’intérêt que portent ces structures à la question. Les propos recueillis confluent presque totalement vers une idée problématique majeure ; la ville au Maroc ne pourrait être le terrain d’un émiettement institutionnel. En retrouvant son unité, la ville aura les chances d’être gérée au mieux.

Il était donc temps d’envisager une réforme substantielle du système de gestion de la ville; la disparition de l’institution des communautés urbaines étant la solution sine qua non pour dépasser un mode de gestion source de dysfonctionnements. C’est dire que l’objectif est d’atteindre une efficacité de gestion profitable au citoyen et partant à l’image de marque des

élus.

En effet, outre l’enjeu de réhabilitation des capacités et des mécanismes institutionnels de gestion de l’espace urbain, l’unité de la ville est l’occasion pour les différentes sensibilités politiques notamment celles qui jouissent traditionnellement d’une forte représentativité en milieu urbain de «rectifier les tirs» en œuvrant dans le sens d’une gouvernance locale.

Dès lors, ces partis politiques appréhendés ici comme unités «fournisseuses» en gestionnaires locaux ou en maires de villes comme il plait à certains de les dénommer à l’image du modèle français, sont acculés à ne point minimiser la taille de la mission qui incombe et des enjeux de repositionnement qui s’annoncent à chaque échéance électorale.

B-

Un enjeu électoral:

Si l’unité de la ville constitue une avancée incontestable, sa dimension politique acquiert toute sa signification avec le mode de scrutin consacré par le nouveau code électoral.280 En effet, l’adoption d’un mode de scrutin de liste à la représentation proportionnelle à un tour et suivant la règle du plus fort reste pour les communes dépassant les 25.000 habitants281 parallèlement à la nouvelle force électrice que représente désormais les « 1.5 millions de nouveaux votants de 18 à 21 ans »282 est, toute proportion gardée,283 de nature à exacerber la compétition entre les partis politiques aspirants à la présidence des grandes villes.

A ce titre, l’on entend par le mode de scrutin proportionnel de liste «la présentation

d’un nombre de candidats dans une liste unique équivalant au nombre des sièges composant chaque circonscription (…) ; les noms des candidats sont classés par ordre d’importance dans la mesure où le premier tête de liste, a plus de chances pour l’emporter »284.

En théorie, l’avantage de ce mode de scrutin est de privilégier les visions, les propositions pragmatiques et les programmes sur les personnes mais en réalité, il peut être une combinaison et un amalgame entre les ajustements de programmes et la notoriété « notabilité » des hommes qui figurent sur les listes.

En outre, l’expérience en a montré une autre limite celle de l’incohérence des résultats électoraux puisque favorisant l’émergence d’une carte politique disséminée285

. D’où le recours

280

Dahir n° 1-03-83 du 20 moharrem 1424 (24 mars 2003) portant promulgation de la loi n°64-02 modifiant et complémentant la loi n° 9-97 formant code électoral, B.O n° 5096 du 30 moharrem 1424 (3-4-2003).

281 « Les membres des conseils des communes dont le nombre d’habitants est supérieur à 25.000 et des conseils

d’arrondissements sont élus de liste à la proportionnelle à un tour suivant la règle du plus fort reste sans panachage ni vote préférentiel », alinéa 2 de l’article 200 de la loi n° b64-02 modifiant et complétant la loi n° 9-97 formant code électoral, B.O n° 5096 du 30 moharrem 1424 (3-4-2003), p.252.

282 CF. BELYAZID. K. (2003), « Têtes » in L’économiste n° 1586 du 25 août, p. 1 Ainsi, « sont électeurs les marocaines

des deux sexes âgés de dix-huit années grégoriennes révolues », article 3 de la loi n° 64-02 modifiant et complétant la loi n° 9-97 formant code électoral, op. cit. p.245.

283 La nuance tient, pertinemment, lieu si l’on rappelle qu’en dépit de l’abaissement de l’âge électoral, le taux de

participation aux élections communales du 12 septembre 2003 n’a guère dépassé les 54,16%. Source, Libération n° 3911 du 15 septembre 2003, p.3.

284 ISMAILI. A., (2003), Le guide pratique des élections communales, la nouvelle charte communale, publications du

centre marocain de l’information, Rabat, p.15, (en arabe).

285 Il s’agit, pour le scrutin du 12 septembre 2003, en plus des sans appartenance politique, de 26 formations politiques que

l’on présente, ici par ordre de sièges obtenus, en l’occurrence ; P.I (16,6%) USFP (14,70), RNI (12,38%), M.P (9,80%), UD (6,60%), MNP (6,13%), PPS (5.26%),UC (4,18%), PND (3,87%), FFD (3,16%), PJD (2,58%), PSD (2,04%), parti ALAHD (1,90%), ADL (1,87%), PGSU (1,32%), MDS (1,31%), PRD (1,10%), CNI (1,05%), PED (0,73%), PRE (0,54%),

inévitable au jeu des coalitions de nature soit à recentrer cette carte politique autour des formations politiques traditionnelles au détriment de celles réduites à de menus satellites soit l’inverse.286

L’on rappelle à ce titre précis les débats chauds relancés suite aux coalitions arrangées à la marge des élections communales du 12 septembre 2003. D’aucuns attirent, non sans indignation, l’attention quant aux risques des alliances dites de «dernière heure», et qui ne témoignent du reste et à la grande désillusion de l’opinion publique que de luttes intestines d’intérêts dont la politique a le secret.

Quant au mode de scrutin uninominal, qui repose sur la majorité numérique à un tour,

« il constitue le plus simple des modes de scrutin favorisant ainsi le recours aux manœuvres frauduleuses telles la commercialisation des voies des électeurs et le rachat des consciences en contrepartie de sommes dérisoires d’argent. D’où un trucage des résultats des élections»287

.

Quoiqu’il en soit, entre pourfendeurs du scrutin uninominal et défenseurs de celui de liste, à l’image des expériences précédentes et actuelles, il a y certainement matière à questionner l’applicabilité du second et son croisement, dans les faits, avec le premier. Accentués par les complications inhérentes à son assimilation non seulement par les électeurs mais aussi par les partis politiques et l’administration, les limites du scrutin de liste pourraient, en effet, désavouer les justifications, somme toute liées à ses invérifiables vertus démocratiques, qui ont présidé à son adoption.

Par ailleurs, le retour à l’unité de la ville dessine un changement qualificatif de la représentativité politique au sein des grandes agglomérations.

PML (0,50%), SAP (0,48%), PDI (0,42%), ICD (0,31%), PFC (0,31%), PCS (0,29%), PA (0,19%). Source, Libération n° 3911 du 15 septembre 2003, p.2.

286

Quatre blocs politiques sont à rappeler à cet égard. La gauche socialiste ayant obtenu 27,66% des voix exprimées, le droit libéral avec 23,89% les conservateurs avec 20,16% et la mouvance populaire avec 23,38%.

Source : Aujourd’hui Le Maroc, n° 471 du 15 septembre 203, p.5.

287

En effet, il s’ensuit une réduction remarquable du nombre des conseillers communaux, l’exemple de Casablanca est édifiant à cet égard où l’on passera de plus de mille conseillers à 131 seulement.288

A cet égard, le débat sur le nombre des conseillers communaux et d’arrondissement a témoigné de la dimension politique et électorale du retour à l’unité de la ville. Outre cet aspect quantitatif, l’unité de la ville préfigure un repositionnement sélectif des partis politiques et une compétition d’une rudesse certaine entre les candidats potentiels à la gestion de la ville.

Aussi, la réduction du nombre des conseillers est de nature à réduire les coûts de gestion et à éviter les ponctions budgétivores que nécessitaient les dépenses de fonctionnement et permettre l’orientation des coûts vers les domaines d’investissement prioritaires.

Par ailleurs, si la précédente charte communale est restée muette au sujet du niveau d’étude des élus favorisant ainsi la consécration de l’analphabétisme et du déficit de compétences à la tête et au sein des assemblées élues, la nouvelle charte a procédé à l’établissement d’un seuil de scolarité de l’élu, ce qui est loin de constituer une grande innovation en la matière.

En effet, fixer un seuil d’instruction 289donnant accès à l’exercice de la fonction de

président du conseil communal est une avancée indéniable par rapport à la situation antérieure, mais encore faut-il disposer de véritables gestionnaires hautement formés et disposant des facultés et de la conscience nécessaires pour s’acquitter de la mission qui leur incombe.

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