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De la connotation idéologique du concept de gouvernance dans le discours sur la «bonne gouvernance» :

A Le concept de gouvernance dans le discours des organisations internationales: Glissement normatif ou idéologique ?

A.2- De la connotation idéologique du concept de gouvernance dans le discours sur la «bonne gouvernance» :

La notion de gouvernance, comme utilisée dans le discours sur la «bonne gouvernance», ne serait-elle pas qu’un simple instrument idéologique, une consécration conceptuelle au service du néolibéralisme?

Une des caractéristiques de la gouvernance est qu’elle possède un fort contenu politique voire idéologique, qui n’est pas toujours explicité. On peut distingue, en effet, deux grandes attitudes vis-à-vis de ce concept:

 Une première attitude aborde l’étude de la gouvernance dans le cadre des

travaux qui portent sur les politiques publiques nationales ou internationales, les

nouveaux modes de coordination entre acteurs, les conditions de leur coopération et les principaux problèmes que le partenariat soulève, ou sur la définition des conditions de la bonne gouvernance;

 Dans une deuxième attitude, la gouvernance est appréhendée comme un véhicule

d’universalisation d’un faisceau de principes néolibéraux, afférents à la libéralisation économique et au libéralisme politique.

Pour les tenants de ce dernier point de vue, la gouvernance constituerait un instrument de libéralisation des sociétés. Elle tenterait de limiter le rôle des gouvernements et à faire intervenir des acteurs non gouvernementaux par la privatisation des entreprises et de certains services publics, par la dérégulation et la déréglementation. Elle dissimulerait un plan d’extension du marché capitaliste.

En pareille occurrence, la notion de «bonne gouvernance» serait loin d’être un concept neutre. Elle se présenterait comme une valeur universelle, un label destiné à conférer une légitimité à une volonté unilatérale de quelques acteurs internationaux, à homogénéiser les modes d’exercice du pouvoir politique et de gestion économique dans une optique libérale. Selon ce point de vue, on utiliserait cette notion pour légitimer la domination économique selon la logique du néolibéralisme. Dans l’opinion de Bonnie Campbell, la stratégie de libéralisation des pays placés sous ajustements structurels des années 1980 que mettait en œuvre la B.M, ne procurait que des résultats très mitigés sur le plan économique et suscitait de plus en plus de critiques de la part des populations et des organisations non gouvernementales. La notion de gouvernance apparaît, pour la B.M, comme le moyen de redonner de la légitimité à ses interventions159.

La notion de gouvernance offre donc une grille d’interprétation du politique et des relations entre les institutions. Cette grille d’analyse est appliquée à tous les processus de gouvernement, du gouvernement mondial au gouvernement local et concerne les pays développés comme les pays en développement. Suivant les choix idéologiques qu’elle recouvre, la gouvernance consiste à réformer les institutions politiques pour limiter les entraves au bon fonctionnement du marché (conception dominante dans le champ des relations internationales) ou au contraire à renforcer les mécanismes de régulation pour lutter contre les effets du libéralisme.

159 CAMPBELL. B, (2000) ; « Gouvernance : un concept apolitique ? », communication présentée lors du séminaire d’été

du Haut Conseil de la Coopération Internationale, Dourdan (France) le 29 Août. Disponible sur le site du Centre des Etudes Internationales et Mondialisation, de l’Université du Québec à Montréal, http:// WWW.ceim.uqam.ca/Textes/Gouvernance. HCCI.htm

Sous un autre angle, le concept de gouvernance serait utilisé pour justifier l’ingérence politique160. Les organismes donateurs ou les Etats fournisseurs d’aide, se mettent à la fois dans une position de juge et partie, car ils peuvent à tout moment et selon des paramètres qu’ils fixent unilatéralement, suspendre ou menacer de suspendre leur aide ou coopération, aux concernés. Et d’après Boumakani, la bonne gouvernance en tant que nouvelle conditionnalité et en tant que nouveau modèle de référence culturellement idéologiquement marqué, peut apparaître à ses destinataires comme l’enveloppe d’un rapport de domination. Cette notion s’imposerait en particulier comme nouvelle conditionnalité d’aide et de coopération économique, et ce, depuis que les organismes de financement ont acquis la conviction que la reforme des institutions est le gage du succès du modèle néolibéral qui sous-entend les programmes d’ajustement. Ils établissent un lien indissociable entre le développement et le modèle d’organisation et de fonctionnement des Etats161

.

Cette transposition aveugle, qui ne prend pas en considération les particularités et les spécificités des pays en voie de développement, a été vivement critiquée par plusieurs observateurs. Ces derniers jugent d’autoritaire l’attitude adoptée par certains bailleurs de fonds, considérant que les pays en voie de développement sont souvent contraints de souscrire à ces politiques, dont l’efficacité n’est pas toujours avérée.

En somme, toute thèse normative/prescriptive de «bonne gouvernance», devrait être contextuellement redéfinie, pour tenir compte des spécificités locales et recueillir l’adhésion des acteurs qui sont appelés à animer son processus.

B - Etat et gouvernance: du «moins d’Etat» au «mieux d’Etat».

La question du rôle de l’Etat représente une problématique centrale, non seulement dans le discours sur «la bonne gouvernance», mais plus généralement dans le développement du contenu même de ce concept. En effet, quel rôle devrait jouer les institutions de l’Etat dans le

processus de gouvernance et selon ses différents usages et représentations conceptuels ?

160 A titre d’exemple on peut citer l’article 5 de la convention de Lomé IV bis que la politique de développement entre

l’union européenne et les ACP est étroitement liée au respect des droits et libertés fondamentales de l’homme ainsi qu’à la reconnaissance et à l’application des principes démocratiques, à la consolidation de l’Etat de droit et à la bonne gestion de l’Etat de Droit et la bonne gestion des affaires publiques.

161

BOUMAKANI. B, (2002) ; « la bonne Gouvernance et l’Etat en Afrique », in Revue Juridique et Politique, ‘Indépendance et coopération’, n°1, P. 21 et suivantes.

Gouvernance n’induit-elle pas moins de gouvernement ? Ne s’agirait-il pas dans les glissements de ce concept d’un acheminement vers une gouvernance sans gouvernement ?

Au même titre que la notion de gouvernance, la réflexion sur le rôle de l’Etat dans le processus de gouvernance a connu un glissement, voire un virement de bord dans le discours de l’élite politique internationale et des organisations internationales. D’une gouvernance synonyme de moins d’Etat, nourrie et véhiculée par le Consensus de Washington (B.1), cette réflexion est passée à une vision de « mieux d’Etat » (B.2) dans le pilotage du système de gouvernance.

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