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Espace-Local : Entre phénomènes de « dévolution et de réseautage » :

Paragraphe III La gouvernance: l’hypothèse d’un concept flexible.

A- Les applications flexibles:

A.2- Espace-Local : Entre phénomènes de « dévolution et de réseautage » :

Au niveau local, la gouvernance peut être analysée comme une «réappropriation» directe du politique par des acteurs sociaux qui, dans le sillage du développement de l’État- providence, ont vu diminuer leur capacité d’agir sur leur environnement immédiat, que cet environnement soit une région, une ville ou un village. La gouvernance locale est donc constitutive de la nouvelle manière de percevoir le territoire immédiat dans le développement économique, social et écologique.

171 ANDREANI. G, (2001) ; « Gouvernance globale : origines d’une idée », Politique Etrangère, n° 3, p. 550. 172

AMARTYA. S, (2000) ; Un nouveau modèle économique, développement, justice, liberté (de son titre anglais development as freedom), Paris, Odile Jacob, p. 46.

Elle est approchée essentiellement sous deux angles : Celui du transfert vertical des responsabilités et des ressources du gouvernement central vers les collectivités locales (A.2.1) et celui des réseaux horizontaux entre les collectivités et les acteurs étatiques et non étatiques locaux (A.2.2).

A.2.1- Du phénomène de «dévolution » : Le transfert vertical de pouvoir : décentralisation et déconcentration :

Sous cet angle, l’approche gouvernance met en évidence la demande des acteurs sociaux en faveur des modes décisionnels décentralisés et respectant leur qualité de vie. Cette demande renvoie aussi au concept de gouvernance qui sous-tend des pouvoirs partagés entre acteurs territoriaux. Elle s’affiche en un nouveau concept opératoire dans l’analyse institutionnelle de l’organisation collective des territoires locaux et régionaux.

Comme l’expliquent Mwangi Kimenyi et Patrick Meagher dans leur présentation d’une étude collective sur les perspectives de gouvernance dans différents Etats décentralisés du monde en développement, l’approche décentralisée présente l’espoir de rapprocher le gouvernement du peuple et par là même d’améliorer la gestion et la satisfaction des besoins aux moyens de structures gouvernementales plus à l’écoute du territoire173.

En théorie, le recours à la décentralisation vise à introduire plus de transparence dans le flux des informations, à préciser les responsabilités, à augmenter la capacité de réaction aux demandes du territoire et à améliorer les prestations de service. Les gouvernements locaux sont plus à même de faire coïncider les moyens publics avec les demandes sociales. La littérature sur ce thème atteste également d’une plus grande efficience dans les organisations décentralisées. Les gouvernements locaux fournissent des services publics à un coût moindre parce que la décentralisation précise les responsabilités et rapproche les prestations de service. Dans ce scénario, les citoyens sont mieux informés et peuvent exiger des responsables publics la reddition des comptes174.

173

KIMENYI. M et MEAGHER. P, (2004) « General Introduction », in KIMENYI. M et MEAGHER. P [ed], Devolution

and Development: Governance Prospects in Decentralizing States, Ashgate, England, p. 3.

174 Pour une étude théorique sur l’impact de la decentralisation sur la gouvernance locale consulter l’étude collective de

AZFAR. O, KAHKONEN. S, LANYI. A, MEAGHER. P) et RUTHERFORD. D, (2004 ); “décentralisation, gouvernance et services publics”, pp. 19-62.

En ce qui concerne les déterminants de la performance du gouvernement décentralisé, cinq facteurs font objet de controverse: la structure politique; la décentralisation fiscale; la transparence du secteur public; la participation des citoyens aux prestations de services; et les structures civiques et sociales.

La structure politique prend sa configuration à partir du fonds constitutionnel et juridique, des systèmes électoral et politique et du rôle du gouvernement central. Ces éléments définissent les motivations et les termes de reddition des comptes entre tous les acteurs locaux.

La décentralisation fiscale est importante dans le succès de la décentralisation, du moment que la plupart des entités territoriales ne disposent pas d’assiettes fiscales importantes et dépendent substantiellement des transferts du gouvernement central.

Des facteurs informationnels, civiques et sociaux jouent un rôle aussi important que les deux facteurs structurels précités. Le flux des informations dans les deux directions est d’une importance critique dans la réponse aux besoins du territoire et la reddition des comptes. D’un côté, le public a besoin de savoir quels biens et quels services sont fournis et avec quelle efficience pour être en mesure d’exercer un contrôle, définir les responsabilités et stimuler la compétition. L’accès à l’information complète les autres mécanismes de participation des citoyens et facilite le contrôle du gouvernement central.

Enfin, les structures sociales ont un impact important. L’hétérogénéité de la population, le bas niveau du capital social et les obstacles à la cohésion locale constituent des challenges pour la conception et la mise en œuvre de réformes de décentralisation175

.

A.2.2- Du phénomène de « Réseautage» :

Cette vision de la gouvernance locale incite à mettre l’accent sur les «réseaux» qui se tissent ou se consolident sur le plan territorial, sur les manifestations de «solidarité» observées, sur les «décisions consensuelles» qui se prennent localement, etc. La gouvernance locale serait en quelque sorte issue d’un processus de diffusion du politique qui élargirait l’exercice de la citoyenneté aux acteurs sociaux.

175

Sur les déterminants de performance de la gouvernance dans la perspective décentralisée, consulter AZFAR. O, op.cit. , pp : 27- 50.

Dans cette perspective, l’approche gouvernance dénote d’un brouillement des frontières entre l’Etat et la société civile. Elle tend à expliquer comment l’autorité informelle des réseaux complète et supplante l’autorité formelle du gouvernement. Cet usage appréhende la gouvernance dans une acception plus large que le gouvernement, dans laquelle les prestations de services se font par permutation et sous forme de réseaux, «auto-organisés et inter-

organisés» entre le gouvernement, le secteur privé et les O.N.G. Ces réseaux sont caractérisés

par:

 L’interdépendance entre les organisations, la gouvernance est plus large que le gouvernement et couvre des acteurs non étatiques;

 Des interactions continues entre les membres du réseau, générées par le besoin d’échanger les ressources et de négocier pour concilier entre les intérêts;

 Des interactions régulées par des règles du jeu négociées et convenues entre les participants au réseau;

 Un degré significatif d’indépendance vis-à-vis de l’Etat.

Dans cette configuration, le gouvernement peut être réduit à un rôle d’acteur parmi d’autres, mais il ne peut s’éclipser. Car, il est reconnu que les citoyens et les communautés ne peuvent suivre seuls leur propre voie, sans tenir compte de leurs multiples partenaires, y compris leurs partenaires institutionnels publics. Ils doivent être en connexion avec différentes instances de médiation et de coordination.

L’approche gouvernance appliquée à l’espace-local est donc associée à la fois à la démocratie, à l’administration, à la transparence, à la participation en vue de renforcer le capital social, la cohésion sociale et la capacité de développement. Elle implique des efforts de négociation, de concertation, de mise en réseaux pour une échelle territoriale donnée (quartier, localité, microrégion, région). Plusieurs écrits renvoient également aux notions de multi- acteurs (partenariats), de multi-territoires (du local au global) et de multi-secteurs (du social à l’économique). La marge de gouvernance des communautés locales serait ainsi liée à leurs capacités à faire converger tous ces niveaux en fonction d’objectifs sociaux définis localement. Car, les capacités d’innovation, de création et de développement approprié se situeront dans les

chaînages préservés et les liens instaurés, tels que les contrats sociaux, les réseaux, la confiance inter-individus et inter-groupes qui favorisent ensemble la capacité d’agir.

Nous admettons que la gouvernance suppose les interactions synergiques entre les acteurs publics, privés, communautaires et les citoyens. Ce qui suppose au préalable une vraie décentralisation du pouvoir de l’État vers les collectivités locales et une déconcentration administrative des services publics. La décentralisation et la déconcentration du pouvoir et de l’administration à des échelles infranationales, s’avèrent, deux dimensions cruciales dans le jeu de la gouvernance.

En définitive, si ces multiples mobilisations de la notion de gouvernance dans la réflexion socio-spatiale ont un sens, c’est qu’ils dénotent d’un chamboulement dans les modalités classiques de l’exercice du pouvoir et de sa projection dans l’espace. A ce propos, Jean-Pierre Gaudin a pu conclure ces différentes mobilisations qu’elles « naissent pourtant de

circonstances communes, et sur la base d’analyses qui convergent pour explorer une seule et même chose : la relativisation de la puissance publique à différents niveaux, local, national et international176».

Après avoir étudié, l’adoption de l’approche gouvernance sur un ordre politique, nous allons voir une deuxième option celle de l’analyse de la gestion urbaine.

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