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Paragraphe I Les motifs de la réforme :

B- Le contexte de la réforme:

En dépit de l’étroitesse de son champ d’application, le nouveau dispositif institutionnel de la ville est à lier aux réalisations érigées en priorités pour se mettre à niveau des défis de la compétitivité et d’insertion dans la mondialisation. Dès lors, le retour à l’unité de la ville ne peut être coupé de son contexte de réflexion et d’évolution tant sur le plan national qu’international. En effet, ce serait mutiler la réalité que d’ignorer ces considérations spatio- temporelles et ces ordres de grandeurs.

A cet égard, s’il est vrai que les villes marocaines, «y compris les plus grandes, sont à la

marge du réseau mondial des villes qui se disputent le leadership pour la production de la valeur »225, il n’en demeure pas moins que, « malgré cette mise à l’écart des centres de décision mondiaux, le devenir de la ville marocaine dépend non seulement de la mise en perspective de facteurs internes mais également externes »226.

B.1-

Le contexte international

:

Métropolisation galopante, fusions d’entités économiques d’un côté, croissance du chômage, de l’exclusion, de l’insécurité et des violences urbaines de l’autre, chacun peut y aller de son couplet pour définir l’évolution actuelle de la société urbaine à l’échelle mondiale.

223

CF. EL YAAGOUBI. M. (2000), op.cit., p. 157.

224 CF. EL YAAGOUBI. M. (2000), op.cit., p. 157.

225 TAGEMOUATI N.L. (2000), « la ville marocaine entre patrimonialisations et bidonvilisation » in Le devenir de la ville,

op. cité, p 211.

En effet, cet inventaire, traduisant aussi bien des causes que des symptômes de cette évolution pour le moins angoissante, ne pourrait, de surcroît, être exhaustif.

Aussi, la conjoncture internationale actuelle est caractéristique, compte tenu du phénomène de la mondialisation dans sa configuration «excessive», d’une orientation des acceptions originelles inhérentes au rôle de l’Etat vers la consécration de la gouvernance dans ses dimensions d’interactions et d’ouverture sur le monde.

En effet, l’impact de la mondialisation sur la réforme de l’Etat cristallise une mutation profonde qui met en alternance les principes traditionnels de gestion publique, les fondements classiques de coopération entre Etats et des systèmes productifs nationaux et internationaux227. Cette problématique est d’autant plus importante qu’elle met à nu des incertitudes à l’érosion de l’Etat et les menaces qui guettent le modèle politique de démocratie représentative.

Bref, cette configuration, à la fois périlleuse et porteuse d’opportunités, donne à penser quant à un monde en ébullition qui «évolue vers la complexité des phénomènes humains dans

leurs aspects collectifs, la puissance de la connaissance, le changement des activités humaines vers le relationnel ou l’émergence de nouvelles valeurs»228

. Elle renvoie au contexte

dans lequel le paradigme de la gouvernance est né et a acquis sa signification.

A cet égard, du fait de la remise en cause de l’exclusivité de l’Etat-garant de l’intérêt général, ce dernier, sans disparaître, est contraint de «se développer». En 1970 déjà, Michel

CROZIER développait le concept de société bloquée229, avec un responsable tout désigné, l’Etat. Il en tirait, ainsi, les conclusions que l’Etat devait se réformer loin de toute outrecuidance, un Etat moderne devant être un Etat modeste230.

Aujourd’hui, le débat sur le repositionnement du rôle de l’Etat est relancé sur fond de revendications multiples et qui semble dépasser la seule dimension institutionnelle ou politique. En effet, la réforme engagée un peu partout dans le monde a pour principal objectif de répondre à la question: comment accroître l’efficacité de l’Etat pour maîtriser les processus

227

Cf. SEDJARI. A. (2001), « Quelques questions sur les transformations du rôle de l’Etat » in Quel Etat pour le 21ème siècle ? dir ; SEDJARI. A., Ed L’HARMATTAN, p 19.

228 Cf. SEDJARI. A. (2001), Op. Cité. p 21. 229

CROZIER. M. (1970), La société bloquée, Editions du seuil.

de changement, cette question étant d’actualité pour tous les ensembles politiques des pays du Nord comme ceux du Sud. Mais à cette interrogation s’ajoutent aujourd’hui deux autres : quelles missions et quel rôle pour l’Etat ? Comment doit-il l’assumer ?231

Aussi, la période actuelle est-elle marquée par la consécration de mécanismes flexibles de gestion de l’espace à l’image de la concertation et de la contractualisation (clés de voûte d’une gouvernance territoriale de plus en plus préconisée) et ce, en prenant appui sur la prospective et l’évaluation des expériences.

Toutefois, si cette évolution ne date pas d’aujourd’hui, c’est au niveau de sa cadence actuelle que se situe sa particularité dans le monde, «les citoyens, les entreprises, les secteurs privé et public réclament de l’Etat un effort réfléchi, consistant et vigoureux de modernisation et d’adaptation232. Le rôle de l’Etat est ainsi interpellé à l’échelle planétaire et ce, à la

recherche d’une compétitivité économique et d’une cohésion sociale.

Face à ces mutations, la responsabilité des Etats prend toute sa signification au niveau des villes. Ces dernières deviennent ainsi les lieux de bouleversements multidimensionnels ; crashs financiers ou prouesses technologiques ; guerres civiles ou enjeux géostratégiques et pétroliers ; espace de vie et d’épanouissement ou lieu de misères, de fanatisme religieux et d’obscurantisme explosif.

Du reste, la ville à l’échelle mondiale fait figure d’un mosaïque socioéconomique et culturel d’une complexité imbriqué qui relance continuellement le débat sur la question éternelle de la légitimé des Etats et leurs devenir paradoxalement conditionné par celui des villes qui les composent.

Aussi, l’on vante partout dans le monde les mérites de la proximité, celle-ci est caractéristique d’un redéploiement du pouvoir par le bas corrélativement à une recomposition du rôle de l’Etat-Nation au profit du territoire. En effet, la démocratisation des sociétés s’apprécie, de plus en plus à l’instar de la configuration du local. La périphérie fait, désormais, figure de contrepoids aux propensions dominatrices du centre. En effet, le territoire, lieu de vie

231 CF. SEDJARI. A. (2001), « Avant propos », in Quel Etat pour le 21ème siècle, op. cit. p.6. 232

et d’identification spontanée des citoyens, à travers les institutions qui lui donnent corps, pourra s’interposer entre l’individu et l’Etat et servir d’intermédiation régulatrice de leurs rapports.

Quoiqu’il en soit, les corrélations entre contexte externe et contexte interne ne sont plus à démonter, si l’on juge les retombées du premier sur le second. C’est dire que les mutations à l’œuvre dans le monde ne sont aucunement étrangères aux évolutions internes des Etats. Ces derniers ne font, du reste, que composer avec l’environnement dans lequel ils se trouvent.

Dans ce registre, le retour à l’unité de ville est appelé à s’opérer dans une conjoncture nationale marquée par une mobilisation visant la consolidation des acquis démocratiques et qui s’insère dans un projet social puisant sa vigueur et sa particularité dans une pression revendicative d’une extrême urgence.

B.2- Le contexte national

:

Indéniablement, la nouvelle configuration des grandes agglomérations urbaines survient dans une phase de crise à un moment où les problèmes se sont développés à un niveau tel qu’ils nécessitent de nouvelles réponses.

Le contexte national est ainsi marqué, sur fond de crise de la gestion urbaine, par l’effet d’annonce d’un chantier de réforme pour le moins prometteur. En effet, il s’agit des déséquilibres d’ordre social dus à l’affaiblissement des anciennes médiations sociales à l’image de la ville.

Dans cet ordre d’idées, le Maroc « tel qu’il a évolué depuis l’indépendance, se trouve

confronté aujourd’hui à nouvelles légitimités issues de la construction européenne et maghrébine, de la mondialisation et de la décentralisation. Il doit aussi traiter des questions nouvelles résultant notamment de l’intégration nationale, du développement de la cohésion sociale, de la production de l’unité nationale et la construction de l’avenir, de la modernité et de la compétitivité des territoires »233.

A cet égard, l’Etat au stade du développement où il se trouve, est encore appelé à

« marquer un engagement profond pour définir les échelles pertinentes de bonne gestion publique, de la gouvernance politique à l’exercice de la démocratie et des responsabilités, à la mise en œuvre de bonnes politiques publiques»234

.

En effet, vu son parcours historique et son positionnement actuel par rapport aux réalités objectives de la société, l’Etat se trouve confronté à de nouvelles exigences, d’une importance stratégique, nées des conduites enregistrés en matière de gestion de la chose publique et d’un laxisme face à la fragmentation sociale de l’espace urbain.

En outre, conscient de la complexité et de la difficulté de cette mission, l’Etat marocain semble résolu à actionner les mesures nécessaires à la réalisation d’un énorme chantier de réformes qui n’aura de sucés qu’une fois intériorisé dans les mentalités et inscrit dans la durée. C’est à cette condition que l’on peut, au fond, espérer une accélération du rythme des réalisations qui ne sauraient toutefois manquer d’erreurs de parcours.

Dans ce sens, à peine entamé, le processus de «reconquête» et de développement du territoire vise à «procéder à une nouvelle politique de reconstruction urbaine et sociale pour

éviter la dégradation des formes d’habitat, de l’architecture, des cadres de vie, la prolifération des bidonvilles et des quartiers insalubres, l’urbanisation Anarchique et incontrôlée»235. Le rôle de l’Etat étant indispensable pour faire face à cet état de déperdition des villes.

A ce titre, le contexte actuel est caractéristique – comme déjà souligné – d’un état de mobilisation eu égard aux contraintes et aux besoins, en évolution géométrique, d’ordre sécuritaire, politique, économique et social qui font pression pour mener à bien un projet de démocratisation et de stabilisation socioéconomique.

Le retour à l’unité de la ville s’inscrit donc dans un processus de réformes qui s’est accéléré depuis l’avènement du nouveau règne. Toutefois, les événements qu’a connus Casablanca le 16 mai 2003 relancent, avec acuité, le débat sur la capacité des villes à résorber la violence et les inégalités. Ils mettent à nu les dysfonctionnements en matière de gestion de la

234 Cf. Discours de S.M. le Roi Mohamed VI prononcé à Casablanca le 12 octobre 1999. 235

pauvreté et de la misère et légitimeraient, en même temps, si non le renouement de l’Etat avec «le sécuritaire», du moins la recomposition des axes prioritaires de son action.

En effet, la ville apparaît comme le terrain de prédilection pour l’innovation des politiques publiques tous secteurs confondus, étant donné qu’elle conjugue à la fois des problèmes de société épineux (exclusion, chômage, économie souterraine, violence, pollution, etc.) et des enjeux majeurs (développement de nouvelles activités, maîtrise de l’espace, gestion des services urbains, etc.).

Ainsi, le passage d’un système de gestion émiettée de la ville à un mode qui se veut unificateur par définition, dénote une prise de conscience par les pouvoirs publics et les forces politiques du pays pour atteindre l’efficacité des institutions locales et l’optimisation de leur rôle en matière de développement.

Par ailleurs, connaître les particularités du contexte de cette réforme est certes important pour avoir une vision globalement «située» quant à sa portée, mais en l’état actuel, tout jugement dans ce sens, au demeurant approximatif, est tributaire du texte de référence qu’est la nouvelle charte communale. Une lecture analytique de celle-ci est à même de nous renseigner sur le contenu des innovations apportées en matière de coordination de la gestion des affaires communales.

Paragraphe -II - Le nouveau dispositif juridique et institutionnel: apports et

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