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5. Présentation des résultats

5.1. Gouvernance des sites d’orpaillage

5.1.1. Organisation institutionnelle du secteur aurifère au niveau national

L’exploitation minière au Burkina Faso est placée sous la tutelle technique et administrative du Ministère des Mines des Carrières et de l’Énergie qui a en charge l’organisation, les prospections et la délivrance des permis de recherche et d’exploitation tout en assurant la supervision et la régulation des pratiques d’exploitation; la tutelle financière est assurée par le Ministère de l’économie et des finances, chargé de la collecte des taxes (TVA, taxe superficiaire, taxe sur le profit, taxes de douanes dont les taux sont variables). Le secteur industriel, excepté la mine d’or de Poura, la première mine industrielle du pays, a connu un début d’organisation et de véritable structuration en 1995. C’est à la faveur de cette formalisation de sa politique minière que le pays a commencé à recevoir les investissements des capitaux étrangers qui ont contribué à booster le secteur minier à travers des actions concrètes comme les campagnes de recherche systématique, la formation des ressources humaines et l’établissement d’un code minier attractif pour les investissements étrangers. Ces actions ont abouti à l’ouverture, à compter de 2005 de 6 mines d’or industrielles (Arnaldi di Balmé, Hochet et Kevane, 2011). Cela dit, sur l’ensemble du territoire national, l’implantation des mines industrielles a toujours été précédée par l’exploitation artisanale menée par des orpailleurs dans un cadre généralement informel (Thune, 2011). Ces derniers sont par la suite remplacés sur le site par des exploitants industriels

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munis de titres d’exploitation suivant un cahier des charges délivré par le ministère des Mines. Cette décision ministérielle est basée sur des textes légaux, comme la Constitution du 2 juin 1991 et le Code minier (AN, 2003), qui stipulent que les ressources minérales qui sont des ressources naturelles contenues dans le sol et le sous- sol du pays sont la propriété de l’État et doivent être gérées au profit de sa population (AN, 2003; Code minier, 2003).

Face à la montée en force de l’exploitation artisanale et face aux difficultés causées par ce mode d’exploitation en termes de développement durable, l’État a jugé utile de revoir la structuration du ministère en charge de ce secteur d’activités afin d’être plus en phase avec les défis actuels.

 Organisation mise en place pour la gestion de l’exploitation artisanale

À la suite de la dernière restructuration décidée par le conseil des ministres du 14 janvier 201527, le Ministère des Mines a pris la dénomination de ministère des Mines et de l’Énergie (MME, 2012; MME, 2013). Il comprend sept directions centrales dont la Direction générale des Mines, de la Géologie et des Carrières (DGMGC) dont relève la Direction des Exploitations minières à Petite Échelle (DEMPE) qui est, entre autres, chargée d’élaborer et de faire appliquer les stratégies de promotion de l’exploitation minière à petite échelle et d’encadrer les orpailleurs. S’il est vrai que de nouvelles directions sont créées, il n’en demeure pas moins qu’elles brillent par leur dénuement en termes de ressources humaines qualifiées et de logistiques pour pouvoir assurer efficacement la couverture du territoire national et apporter des réponses adéquates aux difficultés créées par la présence des centaines de sites d’orpaillage répartis sur l’ensemble du pays.

La dernière réorganisation du ministère des Mines et de l’Énergie vise, selon ses responsables, à doter le ministère d’un nouvel organigramme pour l’accomplissement efficace de ses missions, conformément aux exigences de la Transition en cours dans le pays depuis le soulèvement populaire des 30 et 31 octobre 2014.

La création de l’Agence Nationale d’Encadrement des Exploitations Minières Artisanales et Semi-mécanisées (ANEEMAS) viendra combler le vide laissé par la dissolution du comptoir burkinabé des métaux précieux (CBMP). Le CBMP, qui était un établissement public à caractère commercial jouait un véritable rôle de coordination

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et d’encadrement de l’exploitation aurifère au Burkina Faso depuis sa création en mai 1986 par l’État burkinabè. Il avait pour missions : la collecte et la commercialisation des métaux précieux (or, argent, platine, etc…), l’encadrement des artisans miniers, la mise en place d’autres unités de production (mines à petite échelle), le rachat de l’or aux exploitants miniers, la sécurité des exploitants miniers et la commercialisation de l’or sur le terrain. De sa date de création jusqu’à sa dissolution, l’État arrivait à évaluer la quantité annuelle d’or produite par l’exploitation artisanale, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui (Gueye, 2011).

La fermeture de cet important instrument de régulation du secteur minier en 2000 sous injonction des institutions financières internationales et l’émergence des comptoirs privés, ont laissé un vide dont les effets sont encore ressentis aujourd’hui28 (Arnaldi di Balme, et Lanzano, 2013; MME, 2013).

 Difficultés dans la gestion de l’orpaillage et reformes en cours d’élaboration

En termes de difficultés dans la gestion de l’orpaillage au Burkina Faso, on peut retenir les éléments décrits dans le tableau ci-dessous :

28L’Évènement, 6 juin 2009.

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Tableau 2: Difficultés et reformes en cours d’élaboration

Difficultés Réformes en cours

- Absence de l’administration et insuffisance de contrôle sur certains sites d’orpaillage

- Insuffisance des moyens humains qualifiés

- Insuffisance de moyens matériels et logistiques

- Insuffisance d’organisation et de coordination des activités de l’exploitation artisanale

- Non-maitrise de la situation exacte de l’activité d’orpaillage

- Faible implication des pouvoirs locaux dans la gouvernance minière

- Sorties frauduleuses de l’or hors des frontières

- Création de sites sans autorisation - Incivisme fiscal des artisans miniers - Non-respect des cahiers de charges par

les détenteurs des autorisations d’exploitation artisanale

- Faible déclaration de statistiques de production

- Insuffisance d’encadrement de l’artisanat minier

- Manque de financement par les institutions financières au profit des artisans miniers

- Analphabétisme des artisans miniers - Dégradation croissante de

l’environnement

- Utilisation illégale des produits chimiques dangereux et des substances explosives - Absence de fonds de réhabilitation des

sites miniers artisanaux. - Corruption

- Développement de la fraude dans la commercialisation de l’or

- Réorganisation du ministère des Mines et de l’Énergie

- Création de nouvelles directions

- Relecture et prise en compte de l’orpaillage dans le nouveau code minier révisé en juin 2015

- Identification et prise en compte des enjeux locaux dans le nouveau code minier

- Création de l’organisation nationale de sécurisation des sites miniers29

- Création de l’Agence Nationale d’Encadrement des Exploitations minières artisanales et semi-mécanisées (ANEEMAS).

Sans remplacer le CBMP, ces structures visent à combler le vide créé avec la disparition du CBMP dans l’encadrement de l’artisanat minier et dans la gestion structurelle du secteur.

- Expérimentation de la Technologie d’orpaillage sans mercure (TOSM)

- Adhésion en 2008 à l’initiative pour la Transparence dans les Industries extractives (ITIE)

- Adhésion du Burkina Faso au système de certification du processus de Kimberley 30

- Création de la brigade nationale antifraude (AN, 2011 b)

Au vu des difficultés synthétisée dans le tableau ci-dessus, les reformes en cours dont les principales sont la révision et l’adoption du nouveau code minier, la mise en place

29 Créé le 18 décembre 2013, l’ONASSIM a pour but de contribuer à la sécurisation des investissements et des activités du secteur minier, à la sécurité environnementale et douanière en milieu miner par l’exécution de missions de surveillance, de contrôle de zone et par la manifestation d’une présence dissuasive sur les installations d’importance vitale à caractère minier situées sur le territoire national (Sidwaya, 20 février 2015).

30Créé en mai 2000, le processus de Kimberley est entré en vigueur en janvier 2003. Il a pour mission d’élaborer des mesures pratiques pour réglementer le commerce international du diamant et de prévenir le financement des conflits armés par les ressources provenant du commerce illicite des diamants (Lefaso.net, 19 novembre 2009).

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de la brigade nationale antifraude et de l’agence nationale d’encadrement des exploitations minières artisanales et semi-mécanisées, sont de nature à redynamiser la pratique de l’orpaillage de sorte que l’activité profite aussi bien aux orpailleurs, aux communautés riveraines, aux communes et à l’État tout en préservant la nature. La volonté de réforme du secteur aurifère a été matérialisée par la révision de l’ancien Code minier qui datait de 2003 et qui n’était plus en phase avec la nouvelle situation minière du pays et l’adoption d’un nouveau Code minier en juin 201531. Les insuffisances reprochées au code de 2003, dont l’objectif principal était d’attirer les investisseurs dans le secteur minier au Burkina Faso, viennent du fait qu’il a été rédigé dans un contexte où les communes et les régions n’existaient pas, ce qui fait qu’il ne prenait pas en compte ces nouveaux acteurs de la gouvernance locale devenus incontournables et amenait les exploitants à négocier directement avec l’État central sans aucune considération pour les populations locales. En termes d’innovations majeures, le nouveau code 2015 vise à combler les insuffisances de l’ancien Code minier (2003), à maximiser les avantages de l’exploitation minière au profit de l’État et des communautés locales et à renforcer les mesures de protection de l’environnement minier ainsi que la contribution des mines au développement des communautés locales. Tout compte fait, le constat qui se dégage à présent c’est le vide laissé par la dissolution du comptoir burkinabé des métaux précieux. Tel que décrit plus haut, cet organe étatique jouait un véritable rôle de régulation et d’encadrement du secteur minier et principalement du secteur de l’orpaillage. La prolifération des sites anarchiques a coïncidé avec la disparition du CBMP qui n’a pas été aussitôt remplacé par un autre mécanisme à même d’organiser et d’imprimer une orientation claire face aux sites d’orpaillage naissants. De ce point de vue, tout laisse croire que si la dynamique imprimée par le CBMP avait été poursuivie, quitte à être améliorée graduellement en tenant compte des nouvelles réalités minières du pays, le secteur d’extraction artisanal serait de nos jours mieux contrôlé. Le rôle primordial et indispensable du CBMP est de nos jours prouvé, ce d’autant plus que les principaux reproches faits à l’orpaillage sont liés à des domaines qui étaient sous contrôle du temps du CBMP, à savoir : la prolifération anarchique des sites, la production et la vente incontrôlée de l’or, la sous- évaluation des quantités produites et l’usage non contrôlé des produits chimiques

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comme le mercure et le cyanure par un personnel non qualifié. De plus, après la dissolution du CBMP, les sites d’orpaillage se sont multipliés tandis que les quantités d’or produites par le secteur artisanal se sont considérablement réduites. Présentement, les seules statistiques valables existant concernant la production annuelle d’or par l’orpaillage datent de cette époque (Gueye, 2011). La révision et l’adoption du nouveau code minier 2015 visent à remettre un peu d’ordre dans le secteur, pour cela il a prévu, la création de trois nouveaux fonds miniers que sont32:

• le Fonds minier de développement local : qui a pour objectif d’assurer le financement des plans régionaux et communaux de développement. L’État contribue désormais à ce fonds à hauteur de 20 % des redevances collectées sur les produits de l’extraction minière. Les titulaires de permis d’exploitation de mines et les bénéficiaires d’autorisation d’exploitation industrielle y contribuent à 1% « de leur chiffre d’affaires mensuel hors taxes ou de la valeur des produits extraits au cours du mois ». La loi précise que les ressources allouées aux collectivités territoriales dans le cadre de ce fonds « sont prioritairement affectées aux secteurs sociaux ». Ces dispositions, si elles sont appliquées, viendront corriger une injustice vis-à-vis des populations locales pauvres qui assistaient impuissantes à l’exploitation continue des ressources naturelles de leur territoire.

• le Fonds de réhabilitation, de sécurisation des sites miniers artisanaux et de lutte

contre l’usage des produits chimiques prohibés : Ce Fonds est ravitaillé par 20% de la

redevance forfaitaire payée par les bénéficiaires d’autorisation d’exploitation artisanale de substances de mine ou de carrière. Ce fonds viendra certainement réduire la principale récrimination à l’encontre de l’orpaillage, à savoir les dégâts environnementaux, la destruction des sols et des cours d’eau par l’usage incontrôlé des substances chimiques à caractère polluant.

• le fonds de financement de la recherche géologique et minière et de soutien à la

formation sur les sciences de la terre : Il est approvisionné par 15% des redevances et

autres taxes prélevées sur les demandes d’agrément d’achat et de vente d’or collectés33.

Il vise à former du personnel qualifié à différents niveaux de la chaine de l’industrie extractive et mettre fin à cette situation, préjudiciable de pénurie de main-d’œuvre

32SIG, 26 juin 2015; RFI, 27 juin 2015. 33 SIG, 26 juin 2015; RFI, 27 juin 2015

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qualifiée dans un pays où l’or constitue le principal moteur de l’économie nationale. De plus, le fonds doit permettre de renforcer la recherche géologique et minière et de permettre ainsi au pays de disposer d’une meilleure connaissance de son potentiel minier et de l’évolution de l’activité minière sur le terrain.

Toutefois, ces innovations majeures introduites par le nouveau Code minier, bien que nécessaires, ne sauraient à elles seules suffire au bon fonctionnement des structures en charge de la gestion du secteur de l’orpaillage au niveau national. Ce qu’il faut véritablement, c’est un changement structurel de nature à impulser une rupture dans le mode de fonctionnement et de gouvernance de ces structures. Ce qui permettra d’assurer une exploitation durable des ressources minières et une meilleure redistribution des fruits du secteur minier, surtout aux communautés locales qui étaient jusqu’à présent les plus grands perdants du boom minier.