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2. Problématique

2.1. Les défis de la commune rurale de Gbomblora

La commune, à l’image de l’ensemble de la région, dispose d’importants atouts biophysiques. La pluviométrie est située entre 900 et 1 200 mm par an. La durée des précipitations peut atteindre 6 à 7 mois avec une saison sèche qui peut durer de novembre à mars (5 mois). Les températures oscillent entre 21 °C et 32 °C (Somda, et Somé, 2009). Cette région semble relativement avantagée comparativement à d’autres régions du pays, comme la région du Sahel qui affiche une pluviométrie moyenne allant de 400 à 600 mm par an avec une longue saison sèche de 9 mois contre seulement 3 mois de saison pluvieuse. Dans cette région du sahel burkinabé, les températures varient entre 10 °C à plus de 43 °C (Boly, 2009).

La population de la commune tire l’essentiel de ses revenus des trois principales sources que nous avons présentées dans les sections précédentes. Il s’agit des activités agricoles, des activités non agricoles et des transferts d’argent opérés par les ressortissants partis travailler dans les pays limitrophes comme le Ghana et principalement la Côte d’Ivoire (Commune de Gbomblora, 2014).

En dépit des atouts climatiques existants, la population est confrontée à un certain nombre de problèmes, décrits dans les prochains paragraphes, qui sont de nature à influencer négativement ses conditions de vie.

 Les défis de la production agricole

Pour ce qui concerne les cultures vivrières, l’activité dominante dans ce village est l’agriculture pluviale, axée sur les principales cultures vivrières (mil, sorgho, maïs, riz) et les cultures de rente composées des arachides, du coton et du soja (Commune de Gbomblora, 2014). Pour la campagne 2013-2014, les cultures vivrières ont occupé la plus grande proportion des superficies cultivées avec le sorgho 56,4%, le maïs 26, 88%, le mil 13, 08% et le riz 0,36%.

Pour ce qui concerne les cultures de rentes pratiquées dans la localité, il y a l’arachide (94,3 %), le coton (3,8%), le soja (1,9%) ainsi que d’autres spéculations comme la patate, le niébé et les ignames.

Comme à l’échelle nationale, il s’agit d’une agriculture familiale de subsistance, de type extensif, essentiellement orientée vers l’autoconsommation.

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Selon une étude menée en 2012 dans la région du Sud-ouest par Fanny Simphal (2012), il ressort qu’en dépit du potentiel agricole qui existe, des contraintes d’ordre structurel, telles que les difficultés de gestion de la production agricole par les organisations paysannes et leurs membres (stockage, transformation, commercialisation), font obstacle au développement du système agricole donnant lieu à de faibles revenus et à l’endettement des ménages. En outre, ces contraintes affaiblissent les capacités financières des producteurs en termes d’acquisition des intrants agricoles, en termes de satisfaction de certains besoins sociaux fondamentaux en rapport avec l’alimentation, les soins médicaux, la scolarisation, les obligations coutumières, etc. Cette situation crée un besoin urgent à combler; toutes choses qui obligent le paysan à vendre les récoltes à bas prix afin de pouvoir entrer en possession de la liquidité qui lui permet d’honorer rapidement ses obligations sociales (Simphal, 2012). De plus, la faiblesse de la production agricole, associée à l’immensité des besoins domestiques et la nécessité d’acquérir des céréales complémentaires pour couvrir la période de soudure, concourent à introduire le paysan dans un cycle d’endettement dont il lui sera très difficile de sortir (Simphal, 2012).

En définitive, à l’instar du reste du pays, de nombreuses difficultés à la fois structurelles et conjoncturelles, limitent la performance et la productivité de cette agriculture familiale qui souffre des maux comme le sous-équipement des producteurs (la quasi- totalité des producteurs utilise toujours la daba (houe) en lieu et place de la charrue), la faible accessibilité des producteurs aux engrais ainsi qu’aux variétés performantes de semences, la faiblesse des superficies cultivées comprises entre 3 et 6 ha comme dans l’ensemble du pays (INADES, 2013). Ces facteurs concourent véritablement à réduire la productivité. En outre, les obstacles structurels comme le manque d’infrastructures agricoles, le manque d’encadrements techniques, l’inaccessibilité aux crédits, l’insuffisance de paquets technologiques, les difficultés d’écoulement des produits agricoles liées à l’état des pistes et la faible productivité des exploitations associées aux perturbations conjoncturelles liées aux facteurs biophysiques ont contribué à la paupérisation des producteurs (Commune de Gbomblora, 2014). Ce constat pourrait expliquer le taux de pauvreté (56,6%) ainsi que la quatrième place, occupée par la région du sud-ouest, parmi les régions les plus pauvres du pays (FIDA, 2011).

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La culture du coton considérée comme un facteur de richesse et un moyen de lutte contre la pauvreté dans les autres régions et qui occupe pratiquement le premier rang au niveau national ne vient qu’en deuxième position, loin derrière l’arachide (Commune de Gbomblora, 2014). Ce désintérêt pour la culture du coton pourrait s’expliquer par la fluctuation des prix et les différentes crises que le secteur a connue durant ces dernières années (AICB, 2008), ainsi que par la dégradation des sols et les variations climatiques. Ce qui pourrait être considéré comme un manque à gagner. Aussi, lorsqu’on considère que la production de coton-graine est la source dominante, voire la seule, de revenus monétaires pour les cultivateurs dans de nombreuses zones rurales très pauvres, cela prouve qu’elle joue un rôle crucial dans la lutte contre la pauvreté (Yartey, 2008; FAO, 2012). Cela est pertinent, d’autant plus que pour ce qui concerne la pauvreté chronique, il est avéré que plus la fréquence de la pratique du coton est élevée plus la proportion des ménages touchés par la pauvreté est faible (Wetta et al., 2011; FAO, 2012).

La production d’autres cultures de rente comme l’arachide aurait pu combler, un tant soit peu, ce vide, mais il se trouve qu’aucune autre production agricole ne bénéficie de la même attention des pouvoirs publics que le coton. Même si la production de l’arachide occupe une place relativement importante dans la commune, les paysans n’en tirent pas forcément un bénéfice financier à même de combler les contres performances des cultures vivrières dans la commune.

Contrairement aux régions cotonnières, où les localités ont pu accéder à un certain niveau de développement (culture attelée, routes, infrastructures…) grâce à l’appui de l’industrie cotonnière (Bonnassieux, 2002), les agriculteurs de la commune de Gbomblora ne peuvent profiter de l’immense logistique de la filière cotonnière pour booster la production céréalière et lutter contre la pauvreté. Cette situation donne naissance à un cercle vicieux dans lequel la pauvreté des ménages les empêche d’acquérir des outils et des intrants performants dont le manque engendre à son tour une production médiocre qui contribue à appauvrir les producteurs et faire le lit de l’insécurité alimentaire. Cette situation pousse les ménages à chercher d’autres moyens de résilience dans les activités non agricoles.

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 La faiblesse des activités non agricoles

Les activités non agricoles existant dans le village sont essentiellement l’artisanat, la pêche, la chasse de subsistance pratiquée par les habitants du village en vue de satisfaire leurs besoins de consommation individuels et familiaux et l’orpaillage. La pêche, également artisanale, est pratiquée à petite échelle sur deux retenues d’eau (Kampéne et Tobo) non loin de la localité (Commune de Gbomblora, 2008). Quant aux activités d’artisanat (poterie, vannerie, travail de la forge), elles sont pratiquées occasionnellement et de manière saisonnière, généralement en saison sèche, à la fin des activités agricoles.

À côté de ces principales activités non agricoles, la plupart des ménages entretiennent de petits élevages de volailles, de caprins, d’ovins et de bovins (commune Gbomblora, 2006). Cet élevage constitue une sorte d’épargne vivant sur pied qui contribue au mécanisme de résilience des ménages. Toutefois, ces activités se caractérisent par leur faiblesse et leur fragilité; de 2006 à 2015 le Burkina Faso a été confronté à l’épidémie de la grippe aviaire qui a non seulement décimé une bonne partie de l’élevage traditionnel dans de nombreuses régions du pays dont la région du sud-ouest, mais a également provoqué la réduction de l’exportation de la volaille vers les pays voisins (Côte d’Ivoire, Ghana, Mali…), ce qui a constitué une perte en termes de revenu pour les ménages de la région15.

L’absence de marché, comme indiqué plus haut, contribue fortement à limiter les possibilités d’écoulement des productions qu’elles soient agricoles ou non agricoles. Cela dit, il conviendrait, pour plus de précision de signaler que la proximité géographique du marché de Tobo avec la frontière ghanéenne, semble expliquer sa plus grande fréquentation par les habitants de la commune.

Sur le plan des recettes fiscales, ces marchés n’apportent pratiquement rien à la commune de Gbomblora (commune Gbomblora, 2014), car il s’agit de marchés informels, non structurés ne bénéficiant d’aucune construction durable.

 La réduction des opportunités d’émigration extérieures

S’il est admis que la migration est un phénomène social et historique qui occupe une place prépondérante dans l’économie du pays et des ménages ruraux à travers les transferts de fonds qu’elle favorise, tel que décrits dans les sections précédentes, l’accès

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à cette source de revenus est rendu plus difficile depuis la survenue du conflit armé en Côte d’Ivoire qui est la principale destination pour les jeunes de la région.. Même si le conflit a pris fin, l’expérience traumatisante des agressions et la perte des biens sont de nature à réduire les ambitions migratoires des jeunes (Behrendt et Mbaye, 2008). Du reste, depuis quelques années on assiste à l’expulsion des ressortissants burkinabés des pays d’accueil (Lompo, 2015); la dernière en date est celle survenue en juin 2015 avec l’expulsion de migrants burkinabés du Gabon (200) et de la Guinée équatoriale (77)16. Ce nouveau contexte insécuritaire, démotive les projets d’émigration des jeunes vers l’extérieur, mais signifie en même temps la perte d’une source importante de réduction de chômage et de soutien à l’économie rurale pour ce qui concerne la commune rurale de Gbomblora. Les jeunes étant confrontés à cette nouvelle réalité sociale se voient dans l’obligation de développer d’autres mesures palliatives au niveau national ou local.

 Le manque d’opportunités d’emplois ruraux

Contraints à rester sur place, à cause des facteurs évoqués dans la section précédente, les jeunes se trouvent confrontés au manque d’emplois qui figure d’ailleurs en bonne place dans le plan communal de développement 2015-2019 comme étant un défi majeur à relever par les autorités communales. En dehors des activités agropastorales et artisanales relevées plus haut, dans la commune il n’existe aucune opportunité d’emplois pour les jeunes qui représentent 50% de la population (Commune de Gbomblora, 2014).

Cette situation est à l’image de la situation de l’emploi des jeunes au niveau national où le secteur agricole reste de loin le principal bassin d’emploi des jeunes (MJFPE, 2014). De ce point de vue, les jeunes de la commune de Gbomblora sont confrontés à trois défis majeurs que sont le manque d’opportunités d’emplois non agricoles, la faible accessibilité à la terre et le manque d’instruction et de formation (Commune de Gbomblora, 2014). Cette situation de précarité pose la problématique de la fixation des jeunes dans leur terroir.

En définitive, l’analyse du contexte au niveau communal met en évidence les défis de la production agricole, la faiblesse des activités non agricoles, la réduction des opportunités d’émigration extérieures et le manque d’opportunités d’emplois rural au

16Lefaso.net, 26 juin 2015; Ouagafm, 26 juin 2015

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niveau local, qui constituent la problématique, autour de laquelle nous formulons la question et les objectifs de recherches détaillés dans la section suivante.