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5. Présentation des résultats

5.2. Relation agriculture et orpaillage

5.2.2. Facteurs déterminant la pratique ou non de l’orpaillage

Si la pratique de l’orpaillage, comme activité exclusive ou comme activité complémentaire est motivée par des raisons variables d’un individu à l’autre, il existe aussi des motivations qui empêchent les agriculteurs exclusifs de pratiquer l’orpaillage en dépit des avantages matériels et financiers éventuels pour le système d’activités du ménage.

Motivations pour la pratique de l’orpaillage

- Facteurs économiques et bioclimatiques

Les facteurs économiques sont évoqués par la quasi-totalité des acteurs pratiquant l’orpaillage. Ces raisons sont évoquées aussi bien par les autochtones que par les allochtones dont la quasi-totalité, comme indiqué plus haut, vient des régions nord du pays. Pour ce qui concerne ces derniers, la pratique de l’orpaillage est une nécessité dans la mesure où l’agriculture est devenue dans leur région d’origine une activité très peu rentable et toujours déficitaire. La pratique de l’agriculture ne permettait plus à elle seule de subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille. Les différentes récoltes céréalières ne suffisant plus à couvrir leurs besoins alimentaires, les seuls recours possibles étaient la vente des petits ruminants qu’ils détenaient ou, en dernier recours, l’endettement auprès d’autres personnes, ce d’autant plus que les conditions imposées par les établissements financiers ne sont pas toujours à leur portée. Le besoin de revenus complémentaire était ressenti essentiellement durant les périodes de soudures pour pouvoir reconstituer les stocks de céréales nécessaires pour couvrir les besoins alimentaires de leur famille dont la moyenne tourne entre six et dix personnes. « Les

pluies sont irrégulières, on cultive beaucoup, mais les récoltes n’arrivent même pas à couvrir les besoins alimentaires de nos familles », « les récoltes ne suffisent pas à nous nourrir et à faire face aux frais médicaux et scolaires de nos enfants » nous confiaient-

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Le manque d’emplois dans les villages est également évoqué comme déterminant de la pratique de l’orpaillage.

Pour ce qui concerne les acteurs natifs de la localité, en plus de l’incapacité de l’agriculture à combler leurs besoins, ils ont décidé de pratiquer l’orpaillage pour les raisons suivantes:

- Il leur devenait de plus en plus difficile d’obtenir des terres cultivables du fait de l’arrivée massive des orpailleurs dans la zone en provenance d’autres régions du pays.

- Au contact des orpailleurs allochtones et au vu de l’apparente aisance que ces derniers affichaient après quelques mois passés dans l’orpaillage, à travers des dépenses de prestiges telles que l’achat de voitures, de motocyclette de grosses cylindrées, les effets vestimentaires et les achats qu’ils réalisaient les jours de marché. Contrairement aux allochtones, les acteurs autochtones rencontrés sont tous à leur première expérience dans le travail d’orpaillage.

- Facteurs sociopolitiques

De l’avis des orpailleurs interviewés, depuis que la crise sociopolitique ivoirienne les avait obligé à rejoindre le village, beaucoup ont décidé de ne plus y retourner à partir du moment où il y avait une opportunité de se faire sur place de l’argent avec l’orpaillage. Les trois quarts des acteurs interviewés disent avoir déjà séjourné soit au Ghana soit en Côte d’Ivoire avant la crise. Cela dit, pour les orpailleurs venus des régions nord du pays, tout comme pour les natifs de la région, le départ en migration est perçu, comme un véritable rite de passage pour les jeunes hommes (Badini, 1994; Paré, 2009). Cette migration était perçue par les orpailleurs interviewés comme étant un moyen valorisant, de se constituer un pouvoir financier qui permettait d’évoluer dans la hiérarchie sociale. « Sans argent tu n’es rien, tu n’es pas considéré et tu ne peux rien entreprendre dans ta

communauté », cette assertion est partagée par l’ensemble des orpailleurs.

Face aux difficultés créees par la crise postélectorale en Côte d’Ivoire dans le domaine foncier, ils étaient contraints de trouver localement une solution palliative. C’est ainsi que n’étant pas scolarisés, n’ayant ni diplômes ni un autre métier que le travail de la terre, ils ont profité du boom minier que connait le pays pour s’essayer à l’orpaillage avec plus ou moins de réussite.

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Motivations contre la pratique de l’orpaillage

Pour ce qui concerne le cas des chefs de ménage qui tirent l’essentiel de leurs revenus de l’agriculture, deux raisons majeures (facteurs socioculturels et facteurs conjoncturels) motivent leur décision à ne pas pratiquer l’orpaillage en dépit de l’apport financier que l’activité procure aux ménages qui la pratiquent.

- Facteurs socioculturels

Il y a les représentations socioculturelles qui considèrent l’or comme un être vivant habité par des esprits maléfiques dont la manipulation pourrait être source de malédiction, de maladie ou de décès pour la personne responsable de l’acte ainsi que les membres de sa famille. De ce point de vue l’or est considéré par ces personnes comme un tabou qu’ils évitent de transgresser. Ces raisons sont largement développées dans la section consacrée au système de représentation local.

- Facteurs conjoncturels

Pour d’autres ménages, le manque de bras valide dans le ménage est la raison qui empêche la pratique de l’orpaillage. Le manque d’emplois ainsi que les difficultés d’accès au foncier ont motivé de nombreux jeunes à choisir le chemin de l’exode soit vers les pays voisins ou vers d’autres villes du Burkina Faso.

Cette situation laisse des ménages dépourvus de bras valides indispensables pour entreprendre une diversification des activités en dépit des avantages qu’ils pourraient en tirer, ce qui a pour conséquence de les priver d’une source supplémentaire de revenus. Ces ménages, comme développés dans les résultats de l’étude, sont aussi ceux qui subissent le plus les effets de la pauvreté.