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6. Discussion et intérêt de l’étude

6.5. Les forces et faiblesses de l’orpaillage dans le système d’activités des ménages

Tableau 20: Analyse SWOT66 de l’orpaillage dans la commune rurale de Gbomblora

Positif Négatifs Forces Faiblesses Or ig ine in ter ne

- création d’activités génératrices de revenus et renforcement du pouvoir d’achat des ménages - limitation de l’émigration des

jeunes

- acquisition des facteurs de production agricole (engrais, semences, outils)

- renforcement de l’économie rurale

- disponibilité d’une base imposable pour la commune - création d’emplois ruraux pour

les habitants

- manque de suivi étatique - manque de ressources humaines

qualifiées

- insuffisance de proximité et de communication entre l’État et les orpailleurs

- inaccessibilité des orpailleurs aux crédits financiers

- manque d’outillages techniquement performants et écologiquement adaptés - manque de formations techniques - analphabétisme des orpailleurs

Opportunités Menaces Or ig ine ex te rne - disponibilité de la demande de l’or

- disponibilité de comptoirs d’achat de l’or

- relecture du nouveau code minier favorable au développement local - disponibilité de nouvelles

technologies peu polluantes

- bouleversement des mœurs locales (prostitution, toxicomanie, insécurité et banditisme, la corruption)

- absence de l’autorité de l’État

- instabilité politique au niveau national - chute éventuelle des cours de l’or - développement de la fraude et de

l’incivisme fiscal

- introduction de nouveaux modes de production (Mercure, cyanure)

66C’est une matrice d’analyse stratégique permettant de passer en revue de manière synthétique les forces (Strenghts), faiblesses (Weaknesses),

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De la présente analyse SWOT nous constatons qu’il existe aussi bien des forces que des insuffisances qui relèvent plutôt d’une insuffisance structurelle et organisationnelle. Cela dit, les points négatifs relevés ne sont pas irréversibles et sont tous liés à un manque d’organisation et d’encadrement de l’orpaillage. La correction de ces insuffisances permettrait de renforcer les retombées bénéfiques de l’orpaillage dans la lutte contre la pauvreté des ménages en milieu rural.

6.6. La responsabilité partagée des acteurs

Si l’orpaillage est décrié aujourd’hui, c’est essentiellement à cause de ses effets préjudiciables tant du point de vue social qu’environnemental. Du reste, nous estimons qu’à la lumière des différents constats effectués, la responsabilité des effets préjudiciables de l’orpaillage ne saurait être le fait des seuls orpailleurs, mais plutôt une responsabilité collective dont les principaux acteurs sont l’État, la communauté (les villageois) et les orpailleurs. Après analyse, on s’aperçoit que l’orpaillage en tant que pratique n’est pas lui-même en cause, mais c’est la manière dont il est actuellement pratiqué qui pose problème. Notre analyse se base sur le fait que l’orpaillage est connu et pratiqué dans la région depuis le 13éme siècle et n’a jamais été autant sujet à controverse que dans ces dix dernières années à cause de l’utilisation du cyanure et du mercure dans les procédés d’exploitation et de traitement de l’or. Cette utilisation est motivée par deux facteurs essentiels. D’une part, il y a la non-disponibilité d’une méthode alternative d’extraction de l’or qui soit adaptée sur le plan écologique et sanitaire; et d’autre part, il y a le fait que le mercure et le cyanure qui permettent aux orpailleurs d’extraire le maximum possible d’or du minerai soient les seuls accessibles aux orpailleurs tant du point de vue géographique, financier et technique en dépit des risques évoqués plus haut.

De ce point de vue, cette manière préjudiciable de pratiquer l’orpaillage est essentiellement liée à la défaillance du système de suivi et d’encadrement de l’activité par les pouvoirs publics. Cette insuffisance a donc pour effet direct d’une part, l’introduction, la circulation, la vente et l’utilisation incontrôlée des substances chimiques toxiques par les orpailleurs et d’autre part, les effets sociaux nuisibles que la pratique de l’orpaillage engendre dans la structure même de la communauté.

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- L’État

En partant du principe que la responsabilité de la gestion des ressources (hommes, territoire, ressources naturelles…) d’un pays incombe à l’État, le secteur de l’orpaillage devrait bénéficier d’un meilleur suivi de la part des pouvoirs publics. Ce secteur d’activité ne bénéficie pas des mêmes rigueurs que l’exploitation minière industrielle. Ce manque de rigueur dans le secteur de l’exploitation traditionnelle explique le fait que des sites sont créés de manière informelle dans les quatre coins du pays à tel point que présentement il n’existe aucune situation du nombre de sites exacts, encore moins du nombre d’orpailleurs exerçant sur le territoire national. Ce même manque de rigueur explique la facilité avec laquelle des produits chimiques hautement toxiques comme le mercure et le cyanure sont introduits et vendus facilement dans les sites d’orpaillage du pays. Au-delà de ces précautions, il reviendrait à l’État d’assurer le suivi, l’encadrement et l’équipement en matériel adéquat pouvant permettre une exploitation rationelle de l’or par des procédés non polluants sur les sites. S’il est bien d’interdire une pratique jugée nuisible, il serait encore mieux d’offrir des alternatives aux acteurs.

Le suivi et un meilleur encadrement des sites et des acteurs permettraient certainement de limiter, à défaut d’éradiquer, les effets pervers, en termes de dépravation des mœurs (prostitution, toxicomanie, trafique, fraude, banditisme occupation des terres agropastorales…), attribuéesaux sites d’orpaillage. En outre, cela permettrait de limiter le travail des enfants sur les sites, réduire les cas d’abandons scolaires et le développement des trafics de tous genres tels qu’observés actuellement. Cela pourrait se matérialiser à travers la création de structures décentralisées, leur dotation en personnel qualifié doté de moyens conséquents leur permettant de mener de manière efficiente les missions qui leur sont assignée.

- Les Villageois

La responsabilité de la communauté est engagée dans la mesure où présentement les transactions entre orpailleurs et propriétaires terriens se font souvent sans la participation de l’autorité administrative. De plus, ces ententes uniquement verbales seraient également à la base de nombreux conflits entre orpailleurs et agriculteurs, entre orpailleurs et ayants droit des propriétaires terriens qui n’hésitent pas à remettre en cause les « contrats » à la disparition de leurs parents. La situation actuelle est caractérisée par des ententes et des attributions à tout vent, ce qui contribue, de fait, à

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l’instauration d’un climat d’anarchie et de désordre dans le secteur de l’orpaillage dans les villages. Les terres sont attribuées sans souvent faire la part des choses entre terres agricoles et terres ordinaires. L’administration n’est pas impliquée au moment de la transaction, mais en cas de conflits entre orpailleurs et communauté c’est bien l’administration (police, préfecture, mairie) qui est interpellée; et même en ce moment c’est seulement lorsque les mécanismes traditionnels de gestion des litiges (autorité coutumières…) n’arrivent pas à solutionner le problème à l’amiable.

- Les orpailleurs

Les orpailleurs, dont la quasi-totalité est composée de jeunes ruraux ne sont pas ou très peu scolarisés, s’engagent dans l’orpaillage sans une réelle préparation. Ils sont dotés de peu de connaissances techniques par rapport aux effets (à court, moyen ou long terme) des substances chimiques qu’ils manipulent à longueur de journée. Seule la rentabilité à court terme les préoccupe, les considérations sanitaires, environnementales et sociales sont reléguées au second plan.

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