• Aucun résultat trouvé

4 Les diverses ordonnances de la chambre du conseil

Dans le document Procédure pénale (Page 156-161)

A. L’ordonnance de non-lieu

Si la chambre du conseil constate une absence de charges, des charges insuffisantes, la prescription, l'existence d'une cause de justification ou d'une circonstance absolutoire spéciale, elle prononce le non-lieu448 (art. 128 C.I.C.). L'ordonnance doit être motivée et emporte la mise en liberté de l'inculpé détenu (sous réserve, éventuellement, du délai d'appel de vingt- quatre heures du ministère public).

L'ordonnance de non-lieu revêt toujours un caractère provisoire puisque l'instruction pourrait être réouverte pour charges nouvelles (sauf, par exemple, en cas d'amnistie). Les charges nouvelles, selon l’article 247 du Code d’instruction criminelle, sont celles qui, n’ayant pu être soumises à la juridiction de fond, sont cependant de nature, soit à fortifier les preuves estimées trop faibles, soit à donner aux faits de nouveaux développements utiles à la manifestation de la vérité. Selon l’article 248 du Code d’instruction criminelle, seul le ministère public peut demander cette réouverture de l'instruction pour charges nouvelles449 ; c'est la juridiction qui a prononcé le non-lieu qui statuera sur l'existence ou non de ces charges ; si elle les admet, le procureur du Roi retournera le dossier au juge d'instruction pour qu'il poursuive l'instruction s'il y a lieu.

Cette distinction entre la partie civile et la partie publique quant à l’initiative d’une réouverture de l’instruction ainsi que l’absence de recours de la première à l’encontre de la

447 Cass., 6 février 2001, Pas., 2001, p. 218 : la décision de la chambre du conseil qui règle la procédure ne doit pas faire l’objet d’une prononciation, mais uniquement d’un acte daté et signé par le président et le greffier, de sorte que la circonstance que la décision est prononcée en audience publique n’entache pas la validité de la décision même (art. 127 C.I.C.).

448 Si, en revanche, la chambre du conseil constate que le délai raisonnable est à ce point dépassé que cela empêche les inculpés de pouvoir encore se défendre, elle constate l’irrecevabilité des poursuites : Ch. cons., Mons, 23 décembre 2002, J.T., 2003, p. 629.

449 La partie civile n’a pas la possibilité de demander la réouverture de l’instruction pour charges nouvelles (art. 248 C.I.C.) ; cette règle ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution : C.A., 2 février 2000, Rev. dr. pén., 2000, p. 956.

décision de la seconde a été dénoncée à la Cour constitutionnelle par le biais d’une question préjudicielle posée par la cour d’appel de Liège.

De manière assez classique, la Cour constitutionnelle a répondu qu’il existe entre le ministère public et la partie civile une différence fondamentale qui repose sur un critère objectif. On le sait, le ministère public est chargé, dans l’intérêt de la société, de la recherche, de la poursuite et de la répression des infractions et il exerce à cette fin l’action publique. La partie civile, quant à elle, défend son intérêt personnel et vise à obtenir, par l’action civile, la réparation du dommage que lui a causé l’infraction. Cette différence justifie que le ministère public soit traité différemment s’agissant de la compétence de solliciter, lorsque des charges nouvelles apparaissent, la réouverture d’une instruction clôturée par une décision de non-lieu. La Cour ajoute que le législateur a pu raisonnablement redouter que l’octroi à la partie civile de la même faculté contienne le risque qu’il en soit fait un usage abusif étranger à l’intérêt général.

En ce qui concerne l’absence de recours contre la décision prise par le ministère public qui estimerait ne pas devoir solliciter une réouverture de l’instruction, la Cour constitutionnelle n’y voit pas une atteinte excessive aux droits de la personne qui se prétend lésée. Elle observe, en effet, que dès lors qu’une décision de non-lieu rendue du chef de charges insuffisantes n’a pas l’autorité de la chose jugée pour le juge civil, celui qui prétend avoir été lésé par une infraction conserve la possibilité d’exercer son action civile, résultant de l’infraction, devant ce juge et d’appuyer cette action, le cas échéant, au moyen de charges qu’il estime nouvelles450.

La Cour constitutionnelle énonce encore qu’en tant qu’il concerne l’action publique, l’article 6.1 de la Convention européenne des droits de l’homme tend à protéger celui contre qui une poursuite pénale est exercée et non celui qui se prétend lésé par une infraction ; dès lors, cette disposition n’implique pas que les possibilités d’action, d’une part, du ministère public, et, d’autre part, de la partie lésée, doivent être les mêmes451.

450 Cass., 28 novembre 2002, J.L.M.B., 2004, p. 1348, note de S. BERBUTO ; Pas., 2002, p. 2282, concl. DE RIEMAECKER : arrêt qui précise que les décisions des juridictions d'instruction n'ont l'autorité de la chose jugée que dans les cas où la loi leur attribue le pouvoir de statuer sur le fond de la cause comme les juridictions de jugement. 451 Voir aussi Cass., 7 septembre 1982, Pas., 1983, p. 27 ; R.W., 1982-1983, col. 932, note de P. LEMMENS; Rev. dr.

pén., 1983, p. 704 qui énonce que l'article 6, paragraphe 1er de la Convention européenne des droits de l’homme n'implique pas que les possibilités d'action, d'une part, du ministère public, qui exerce l'action publique, et, d'autre part, de la partie lésée qui, dans certains cas, met l'action publique en mouvement, doivent être les mêmes ; voir également Cour eur. D.H., Perez c. France, 12 février 2004 qui rappelle que la partie civile ne peut être considérée comme l’adversaire du ministère public, ni d’ailleurs nécessairement comme son alliée, leur rôle et leurs objectifs étant clairement distincts (§ 68). La Cour estime aussi qu’une plainte avec constitution de partie civile rentre dans le champ d’application de l’article 6, § 1er de la Convention (§ 71). Cependant, l’application de l’article 6 a ses limites. En effet, la Convention ne garantit ni le droit à la vengeance privée ni l’actio popularis ; le droit de faire poursuivre ou condamner des tiers ne saurait être admis en soi.

Partant, la Cour constitutionnelle en conclut que la question préjudicielle appelle une réponse négative452.

B. L’ordonnance de renvoi

Si la chambre du conseil constate l'existence de charges suffisantes (à ne pas confondre avec les preuves et les questions de fond), elle ordonne le renvoi et saisit ainsi le juge du fond453. L'ordonnance doit être motivée, sans pour autant qu’aucune disposition légale ne prescrive aux juridictions d’instruction de préciser les charges ou d’indiquer les motifs pour lesquels celles-ci sont jugées insuffisantes ; en outre, lorsque les conclusions contestent ou allèguent l’existence en fait de charges suffisantes, la juridiction d’instruction y répond par la constatation souveraine que pareilles charges existent454.

Le renvoi peut avoir lieu devant le tribunal de police quand les faits ne constituent en définitive que des contraventions ou des délits de la compétence du tribunal de police ou quand la chambre du conseil contraventionnalise un délit par admission de circonstances atténuantes. Le renvoi peut également avoir lieu devant le tribunal correctionnel, ce qui est le plus fréquent, pour les délits, les crimes correctionnalisés par admission de circonstances atténuantes ou lorsqu’ une cause d'excuse est admise.

C. L’ordonnance de transmission des pièces au procureur général et l’ordonnance de prise de corps

Lorsque l'affaire doit être renvoyée aux assises (car les faits ne sont pas correctionnalisables ou car la chambre du conseil estime qu'il n'est pas souhaitable qu'ils soient correctionnalisés), la chambre du conseil rend une ordonnance de transmission des pièces au procureur général455 (art. 133 C.I.C.) afin que celui-ci saisisse la chambre des mises en accusation qui est seule compétente pour saisir la cour d'assises. Dans pareil cas, la chambre du conseil peut

452 C.A., 2 février 2000, n° 12/2000.

453 La citation subséquente tend uniquement à informer le prévenu de la fixation de la cause, afin de lui permettre de proposer sa défense : Cass., 2 décembre 2000, P. 1999. 189. N ; Cass., 7 décembre 1988, Pas., n° 205 ; Cass., 29 mars 1994, Pas., n° 154.

454Jurisprudence constante ; voir par exemple Cass., 27 novembre 1985, Pas, 1986, n° 211 ; Cass., 17 janvier 1996,

Pas, 1996, n° 36 ; contra Mons (Ch. m. acc.), 25 janvier 2001, Rev. dr. pén., 2001, p. 906, cassé par Cass., 23 mai 2001, Rev. dr. pén., 2001, p. 897 et les concl. du min. public, ou J.T., 2001, p. 716 et note de D. VANDERMEERSCHet O. KLEES

critiquant cette jurisprudence.

455 Cette ordonnance saisit la chambre des mises en accusation non seulement des faits criminels non correctionnalisables pour lesquels, selon la chambre du conseil, il existerait des charges suffisantes mais également de tous les délits connexes à ces faits criminels révélés par l’instruction : Bruxelles (Ch. m. acc.), 4 décembre 2000, Rev.

également prendre une ordonnance de prise de corps, c’est à dire une ordonnance qui prolonge le mandat d'arrêt ou qui supplée son absence.

D. L’ordonnance de surséance à statuer jusqu'à plus ample informé

En dépit du système mis en place par l'article 127 du Code d’instruction criminelle, la chambre du conseil pourrait encore constater que l'instruction est incomplète ; dans ce cas, elle sursoit à statuer. En tant que juridiction du même degré que le juge d'instruction, elle ne peut enjoindre au juge d’instruction d'accomplir les actes d'instruction complémentaires. Le dossier devra alors retourner chez le procureur du Roi qui fera ses réquisitions au juge d'instruction ; si celui-ci refuse d'accomplir les mesures d'instruction complémentaires sollicitées, le procureur du Roi peut former appel devant la chambre des mises en accusation qui, elle, a un pouvoir d'injonction à l'égard du juge d'instruction.

E. L’ordonnance annulant un acte ou la procédure

L'article 131 du Code d'instruction criminelle donne pouvoir à la chambre du conseil de prononcer la nullité d'un acte d'instruction et de tout ou partie de la procédure qui en découle lorsqu'elle constate une irrégularité, une omission ou une cause de nullité affectant un acte d'instruction, ou l'obtention de la preuve (à distinguer de la question de l'appréciation des preuves).

Dans ce cas, les pièces déclarées nulles sont retirées du dossier et déposées au greffe. L’article 131, § 2, in fine du Code d’instruction criminelle ajoutait que les pièces déposées au greffe ne pouvaient être consultées et utilisées dans le cadre de la procédure ultérieure. Cependant, de telles pièces pouvaient s’avérer utiles à la défense des intérêts d’un prévenu. Un recours en annulation fut, dès lors, introduit contre cette disposition légale.

La Cour constitutionelle a accueilli ce recours aux motifs qu’en décidant de manière absolue et générale que les pièces annulées par une juridiction d’instruction ne peuvent être ni consultées ni utilisées dans la procédure pénale, même lorsqu’elles contiennent des éléments qui peuvent être indispensables à la défense d’une partie, la disposition attaquée porte une atteinte

disproportionnée aux droits de la défense456. Les pièces annulées qui reposent au greffe peuvent donc être consultées par le prévenu si elles sont utiles à sa défense.

F. L’ordonnance de dessaisissement

Lorsque le juge d'instruction ou la chambre du conseil a été saisi à tort (problème de compétence ratione loci, materiae ou personae, faits connexes à des faits traités par une autre juridiction, etc.), la chambre du conseil ordonne le dessaisissement du juge d'instruction, et cela sans qu’il y ait lieu de recourir aux deux phases du règlement de la procédure instauré par l’article 127 du Code d’instruction criminelle. La procédure n’est pas réglementée par la loi, mais il est généralement admis que pareil dessaisissement a lieu sans formalité, en l’absence de l’inculpé et de la partie civile457. La chambre du conseil dessaisit le juge d’instruction de l’affaire et transmet la procédure au procureur du Roi à telles fins que de droit.

G. Les autres attributions de la chambre du conseil

1. L’internement en vertu de la loi de défense sociale

Lorsqu’il existe des raisons de croire que l’inculpé est, soit en état de démence, soit dans un état grave de déséquilibre mental ou de débilité mentale le rendant incapable du contrôle de ses actions, la chambre du conseil peut ordonner l’internement de l’inculpé qui a commis un crime ou un délit pour autant qu’il ne s’agisse pas d’un crime ou d’un délit politique ou de presse458. Les articles 9 et 11 de la loi du 1er juillet 1964 de défense sociale à l’égard des

anormaux, des délinquants d’habitude et des auteurs de certains délits assimilent sur ce point les juridictions d’instruction aux juridictions de jugement459.

456 C.A., 8 mai 2002, n° 86/2002 : on observe encore, à la lecture de cet arrêt, que la Cour constitutionnelle suggère au législateur une solution susceptible de concilier les objectifs de sécurité juridique qui ont guidé ses choix avec les exigences du procès équitable en prévoyant qu’un juge apprécie dans quelle mesure le respect des droits de la défense impose qu’une partie puisse utiliser les pièces déclarées nulles, tout en veillant à ne pas léser les droits des autres parties.

457 Bruxelles (Ch. m. acc.), 14 mai 2001, J.L.M.B., 2001, p. 1392 et obs. O. KLEES.

458Voir les articles 1 et 7 de la loi du 1er juillet 1964 de défense sociale à l’égard des anormaux, des délinquants d’habitude et des auteurs de certains délits.

459M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, 4ème éd., Larcier, Bruxelles, 2012, p. 619 ; sur les conséquences civiles, voir A. DE NAUW, « L’internement et la partie civile à la lumière de l’arrêt de la Cour de cassation du 11 janvier 1983 », Rev. dr. pén., 1984, p. 431 et s. ; Liège, (mis. acc.), 13 août 2004, Rev. dr. pén., 2005, p. 124.

2. La suspension de la condamnation

Lorsqu'elle estime que la publicité des débats pourrait provoquer le déclassement de l'inculpé ou compromettre son reclassement, la chambre du conseil peut ordonner elle-même la suspension du prononcé (art. 3 loi du 29 juin 1964) ; cette dernière peut être requise par le ministère public ou demandée par l’inculpé. Cette mesure requiert toujours l’accord de ce dernier460.

Lorsqu'elle statue sur la suspension du prononcé, la juridiction d'instruction statue comme juridiction de fond ; elle se prononce donc aussi sur les intérêts civils.

Dans le document Procédure pénale (Page 156-161)