• Aucun résultat trouvé

Les autres méthodes de recherche

Dans le document Procédure pénale (Page 143-147)

§ 10 Les méthodes particulières de recherche et les autres méthodes d’enquête

C. Les autres méthodes de recherche

À la différence des méthodes particulières de recherche au sens strict, ces autres méthodes sont censées, aux dires du législateur, être moins attentatoires aux libertés et droits fondamentaux et dès lors appeler des garanties moindres ; d’autre part, elles ne requièrent pas la constitution d’un dossier confidentiel auquel les parties et les juridictions de fond n’ont pas accès.

1. L’interception et l’ouverture du courrier

Si l’interception du courrier est de la compétence du procureur du Roi, et donc a fortiori du juge d’instruction, l’ouverture du courrier relève de la compétence exclusive du juge d’instruction, sauf en cas de flagrant délit (art. 46ter et 88sexies C.I.C.). Le juge d’instruction peut être saisi par la voie de la mini-instruction.

L’interception et l’ouverture du courrier ne peuvent être ordonnées que s’il existe des indices sérieux que les faits peuvent donner lieu à un emprisonnement d’un an ou plus.

Des dispositions particulières sont prévues pour l’ouverture du courrier émanant ou destiné à un avocat ou à un médecin (art. 88sexies, § 1er, al. 3 C.I.C.).

2. Les contrôles visuels discrets

À côté des observations systématiques, l’article 89ter du Code d’instruction criminelle organise les contrôles visuels discrets. Il s’agit pour les enquêteurs de pénétrer dans un lieu privé, à l’insu du propriétaire ou de son ayant droit, ou de l’occupant416, ou sans le consentement de ceux-ci, en vue d’inspecter les lieux, de réunir des preuves ou d’installer des moyens techniques

416 Sont visés le propriétaire, le locataire, l’usufruitier, le possesseur, le preneur, l’utilisateur, etc. (Doc. Parl., Chambre, 50-1688/001, p. 87).

dans le cadre d’une observation. Le législateur assimile à une pénétration dans un lieu privé l’usage de moyens techniques, tels des caméras, visant les mêmes finalités que le contrôle visuel discret (art. 89ter, § 4 C.I.C.).

Le contrôle visuel discret n’est autorisé qu’en vue des finalités énoncées par la loi, à savoir :

• Inspecter les lieux et s’assurer de la présence éventuelle de choses pouvant donner lieu à confiscation en vertu de l’article 42 du Code pénal ;

• Réunir les preuves de la présence de ces choses ;

• Installer un moyen technique dans le cadre d’une observation.

Le contrôle visuel discret se combinera souvent avec une des méthodes particulières de recherche au sens strict et, en particulier avec l’observation ou l’infiltration.

Seul le juge d’instruction a le pouvoir d’ordonner un contrôle visuel discret lorsqu’il s’agit de pénétrer dans un domicile, une dépendance propre y enclore d’un domicile au sens des articles 479, 480 et 481 du Code pénal ou dans un local utilisé à des fins professionnelles ou la résidence d’un avocat ou d’un médecin. Il ne peut pas être saisi par la voie de la mini-instruction.

La décision de procéder à un contrôle visuel discret doit faire l’objet d’une ordonnance écrite et motivée autorisant les services de police à pénétrer dans les lieux (art. 89ter, § 1er, al. 1er

C.I.C.). L’ordonnance devra préciser le lieu concerné, l’infraction dont est soupçonné l’inculpé, les indices dont on dispose et en quoi la mesure semble devoir être privilégiée à d’autres moins attentatoires aux droits et libertés individuels (condition de subsidiarité). En cas d’urgence, l’alinéa 2 de l’article 89ter, § 1er du Code d’instruction criminelle prévoit que l’autorisation peut être

donnée verbalement, pour autant qu’elle soit motivée et confirmée par écrit dans les plus brefs délais.

3. Les écoutes directes

Dans la foulée des écoutes et de la prise de connaissance et de l’enregistrement de (télé)communications, le juge d’instruction peut ordonner des écoutes directes.Cette matière est régie par l’article 90ter du Code d’instruction criminelle.

L’alinéa 2 de l’article 90ter est ainsi libellé : « En vue de permettre l’écoute, la prise de connaissance ou l’enregistrement de communications ou de télécommunications privées à l’aide de moyens techniques, le juge d’instruction peut également, à l’insu ou sans le consentement de l’occupant, du propriétaire ou de ses ayants droit, ordonner la pénétration dans un domicile ou dans un lieu privé ».

Comme pour les écoutes téléphoniques, seul le juge d’instruction est compétent, sous la réserve du pouvoir du procureur du Roi en cas de flagrant délit ; la mini-instruction est exclue (art. 28septies C.I.C.).

4. L’intervention différée

En vertu de l’article 40bis du Code d’instruction criminelle, le procureur du Roi peut décider de différer une intervention. Cette mesure accompagne généralement une méthode particulière de recherche au sens strict (spécialement une observation ou une infiltration) ou un contrôle visuel discret. Le pouvoir de différer une intervention appartient également au juge d’instruction, mais il est plus rare qu’il soit amené à l’exercer.

5. La récolte de données concernant des comptes et transactions bancaires

Le parquet, et donc a fortiori le juge d’instruction, peut requérir les informations suivantes (art. 46quater C.I.C.) :

• La liste des comptes bancaires, de quelque nature que ce soit, dont le suspect est le titulaire, le mandataire ou le véritable bénéficiaire et, le cas échéant, toutes les données à ce sujet ;

• Les transactions bancaires qui ont été réalisées pendant une période déterminée sur un ou plusieurs de ces comptes bancaires, y inclus les renseignements concernant tout compte émetteur ou récepteur.

§ 11 L’expertise

Le juge d'instruction peut toujours se faire accompagner d'un expert ou en désigner un avec une mission précise, à savoir l'éclairer sur un point technique (arts. 43 et 44 C.I.C.). Ainsi, on peut avoir des experts médecins, psychiatres, en balistique, ingénieurs (par exemple en cas de corruption dans les marchés publics), comptables, etc.

L'expert peut faire son rapport oralement ; ce rapport est consigné dans un procès-verbal, ce qui est, en pratique, extrêmement rare ; en général, l'expert fait son rapport par écrit, en y mentionnant la formule du serment et en le signant.

L'expert désigné par le juge d'instruction est un véritable expert, puisqu'il est tout à fait indépendant des parties, à la différence de « l'expert » désigné par le parquet qui est plutôt un conseiller technique de celui-ci417.

L'expertise, comme le reste de l'instruction, n'est pas contradictoire à ce stade de la procédure418.

Le Code d’instruction criminelle n’oblige donc pas l’expert désigné par le juge d’instruction419 ou l’office du procureur du Roi, dans le cadre de l’information préliminaire, à respecter les règles de la contradiction contenues dans les articles 962 et suivants du Code judiciaire, à la différence de l’expertise ordonnée par le juge du fond420. À ce propos, la Cour constitutionnelle observe que cette différence de traitement se fonde sur un critère objectif, à savoir la phase, préparatoire ou non, du procès au cours de laquelle l’expertise a lieu421 et donc qu’elle est justifiée. Elle n’interdit pas pour autant que l’expertise puisse être menée de manière contradictoire422.

417Cass. 24 juin 1998, Pas., 1998, n° 336 ou J.L.M.B., 1998, p. 1225 (sommaire). 418Voir le chapitre relatif à la preuve.

419 Voir infra sur ce point.

420 Sur l’expertise ordonnée par le juge du fond statuant au pénal, voir C.A., 30 avril 1997, J.L.M.B., 1997, p. 788, observations A. MASSET ; J.T., 1997, p. 494 ; Rev. dr. pén., 1997, p. 792 ; comparer avec Cour eur. D.H., 18 mars 1997, J.T., 1997, p. 495 dans lequel la Cour rappelle que « l’un des éléments d’une procédure équitable au sens de l’article 6, § 1, est le caractère contradictoire de celle-ci : chaque partie doit en principe avoir la faculté non seulement de faire connaître les éléments qui sont nécessaires au succès de ses prétentions, mais aussi de prendre connaissance et de discuter toute pièce ou observation présentée au juge en vue d’influencer sa décision (voir, mutatis mutandis, les arrêts Lobo Machado c. Portugal et Vermeulen c. Belgique, 20 février 1996, ainsi que l’arrêt Nideröst-Huber c. Suisse, 18 février 1997). À ce titre, la Cour précise d’emblée que le respect du contradictoire, comme celui des autres garanties de procédure consacrées par l’article 6, § 1er, vise l’instance devant un « tribunal » ; il ne peut donc être déduit de cette disposition un principe général et abstrait selon lequel, lorsqu’un expert a été désigné par un tribunal, les parties doivent avoir dans tous les cas la faculté d’assister aux entretiens conduits par celui-ci ou de recevoir communication des pièces qu’il a prises en compte. L’essentiel est que les parties puissent participer de manière adéquate à la procédure devant le « tribunal » (voir, mutatis mutandis, l’arrêt Kerojärvi c. Finlande, 19 juillet 1995, série A, no 322, p. 16, § 42, in fine). Par ailleurs, la Convention ne réglemente pas le régime des preuves en tant que tel. La Cour ne saurait donc exclure par principe et in abstracto l’admissibilité d’une preuve recueillie sans respecter les prescriptions du droit national. Il revient aux juridictions internes d’apprécier les éléments obtenus par elles et la pertinence de ceux dont une partie souhaite la production. La Cour a néanmoins pour tâche de rechercher si la procédure considérée dans son ensemble, y compris la manière dont la preuve a été administrée, a revêtu le caractère équitable voulu par l’article 6, § 1er (voir, mutatis mutandis, l’arrêt Schenk c. Suisse, 12 juillet 1988, série A, no 140, p. 29, § 46). Dans le cas d’espèce, si les époux Mantovanelli avaient pu formuler, devant le tribunal administratif, des observations sur la teneur et les conclusions du rapport litigieux après qu’il leur fut communiqué, la Cour n’est pas convaincue qu’ils avaient là une possibilité véritable de commenter efficacement celui-ci (…). Dans de telles circonstances, et eu égard aussi au fait que les juridictions administratives rejetèrent leur demande de nouvelle expertise, les époux Mantovanelli n’auraient pu faire entendre leur voix de manière effective qu’avant le dépôt du rapport de l’expertise en cause. Aucune difficulté technique ne faisait obstacle à ce qu’ils soient associés au processus d’élaboration de celui-ci, ladite expertise consistant en l’audition de témoins et l’examen de pièces » ; voir infra où nous revenons sur cette question.

421 C.A., 24 juin 1998, n° 74/98, J.T., 1998, p. 551 ; J.L.M.B., 1998, p. 1280 ; Rev. dr. pén., 1998, p. 1041 ; R.G.A.R., 2000, 13.299 ; R.W., 1998-99, p. 1139 ; C.A, 13 janvier 1999, n° 1/1999, R.W., 1999-00, p. 857 ; Rev. dr. pén., 1999, p. 720.

Dans le document Procédure pénale (Page 143-147)