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5 La descente sur les lieu

Dans le document Procédure pénale (Page 134-139)

La descente sur les lieux386(arts. 62, 32 et s. C.I.C.) désigne toutes sorties des autorités judiciaires de leurs bureaux pour visiter, décrire, reconstituer les faits, perquisitionner, saisir, etc.387 Le juge d’instruction à une très grande marge de manœuvre dans cette matière dans la mesure où il peut procéder à cette mesure d’office, sur réquisition du procureur du Roi ou à la demande des parties, au début ou en cours d’instruction, et autant de fois qu’il l’estime nécessaire.

Lors d’une descente sur les lieux, l’article 62 du Code d’instruction criminelle stipule que le juge d’instruction se fera accompagner d’un greffier (qui dressera procès-verbal) et du procureur du Roi, sauf en cas de flagrant délit (art. 59 C.I.C.) ou si la descente est faite dans l’unique but d’auditionner des témoins. Depuis la loi Salduz du 13 août 2011, l’article 62, alinéa 2 du Code d’instruction criminelle prévoit que le magistrat est obligé de convoquer l’inculpé, la partie civile et leurs avocats pour la descente sur les lieux en vue de reconstitution des faits 388. Cette disposition occasionne un certain nombre de problèmes sur le terrain, qu’ils soient d’ordre organisationnel (complexité de concilier les agendas de chacun, …), d’intendance (exiguïté des lieux ne permettant pas d’accueillir tout le monde, …), de sécurité (risque d’affrontements entre l’inculpé et la partie civile, …) ou de coûts (mobilisation de personnel policier supplémentaire, …).

§ 6 La perquisition

Définition : la perquisition (arts. 89, 89bis et 90 C.I.C.) est un moyen de coercition par lequel l'autorité compétente pénètre dans une demeure ou une dépendance de celle-ci, dans les conditions et formes prévues par la loi afin de constater un crime, de rassembler les preuves

386M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, op. cit., pp. 512-514.

387 Ibidem.

388 En vertu des articles 39 et 89 du Code d’instruction criminelle, la présence de l’inculpé lors de la descente sur les lieux n’est pas requise, sauf s’il est détenu. Le magistrat instructeur pourrait cependant l’exiger. En revanche, la présence de la partie civile lors d’une descente sur les lieux (qui n’a pas lieu en vue d’une reconstitution) est proscrite.

relatives à une infraction ou d'arrêter les auteurs ou complices présumés de celle-ci389. S’agissant d’une violation du droit au respect de la vie privée, l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme exige que toute perquisition soit fondée sur une loi claire, précise et prévisible justifiée par un des buts énoncés par son alinéa 2390. Puisqu'il s'agit d'un moyen de contrainte, il faut nécessairement un mandat de perquisition, à la différence de la perquisition consentie préalablement et par écrit (art. 1erbis loi du 7 juin 1969) à laquelle peut procéder le parquet dans le

cadre de l'information.

Quand y a-t-il lieu à perquisition ? Quand le juge d'instruction l'estime utile, à la condition qu'il existe des indices sérieux qu'une infraction a été commise391 et non en vue de rechercher le délit ou le crime puisque la perquisition est un moyen de récolter des preuves et non un moyen de rechercher des infractions.

Si, à l'occasion d'une perquisition concernant une affaire, les officiers de police judiciaire découvrent des indices d'une autre infraction, ils peuvent régulièrement en faire la constatation, pour autant que le principe de légalité et de loyauté ait été respecté392. Lorsque les procès- verbaux seront remis au juge d'instruction, il renverra la partie du dossier dont il n'est pas saisi au procureur du Roi.

Qui procède à une perquisition ? Le juge d'instruction lui-même mais il peut aussi déléguer un officier de police judiciaire de son arrondissement ou de l'arrondissement où les actes doivent avoir lieu. Le juge d'instruction donne cette délégation par ordonnance motivée et dans les cas de nécessité seulement ; toute subdélégation est interdite (art. 89bis C.I.C.).

Les lieux protégés ? Constitue le lieu protégé le domicile, selon les articles 15 de la Constitution et 87 et suivants du Code d’instruction criminelle, à savoir le lieu d'habitation, le lieu de la vie privée et professionnelle au sens large, la chambre d'hôtel occupée par la personne, la caravane résidentielle, etc393.

389 Le fait de pénétrer dans un lieu privé dans le but d’y procéder à l’observation de faits se déroulant à l’extérieur de celui-ci ne constitue pas une perquisition ou une visite domiciliaire. Les constatations effectuées dans ces conditions par des policiers ne peuvent donc être écartées des débats pour contrariété avec la loi du 7 juin 1969, puisqu’elles ne tombent pas dans le champ d’application de celle-ci : Bruxelles, 10 décembre 2002, J.L.M.B., 2003, p. 1318.

390 Voir notamment A. JACOBS, « L'influence de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme en

matière de perquisitions », in Tendances de la jurisprudence en matière pénale, Mys & Breesch, 2000, pp. 27-77. Voir une application dans Cass., 8 janvier 2003, Rev. dr. pén., 2003, p. 526. Voir aussi Cour eur. D. H., ERNST c. Belgique, 15

juillet 2003, spéc. §§ 106 à 117 et les références aux arrêts précédents citées.

391Voir par exemple corr. Charleroi (Ch. cons.), 22 janvier 1999, Journ. proc., n° 369, p. 29 ; Anvers, 16 janvier 2002,

Vigiles, 2002, p. 56.

392Cass., 7 février 1995, Pas., 1995, p. 143 ; Mons, 21 avril 1998, Rev. dr. pén., 1998, p. 1050 ; Cass., 24 avril 2013, J.T., 2013, p. 1013.

393 Le terme domicile au sens des articles 15 de la Constitution et 87 du Code d’instruction criminelle désigne le lieu occupé par une personne en vue d’y établir sa demeure ou sa résidence effective et où elle a droit, à ce titre, au

Les modalités : le juge d’instruction qui procède à une perquisition est toujours accompagné de son greffier et du procureur du Roi (art. 62 C.I.C.)394. Au domicile de l'inculpé, la perquisition a en règle lieu en sa présence ; chez un tiers, elle a normalement lieu en présence de celui-ci (ce qui constitue une dérogation au principe du secret de l'instruction). C'est un moyen de défense efficace mais non requis à peine de nullité. La perquisition fait l'objet d'un procès-verbal.

Les limites : deux conditions majeures sont fixées par le législateur pour pouvoir procéder à une perquisition. D'une part, toute perquisition requiert, sauf exception, un mandat de perquisition. D'autre part, aucune perquisition ne peut avoir lieu avant cinq heures du matin et après neuf heures du soir, sauf exception. Les exceptions sont nombreuses et ont tendance à se multiplier dans les législations récentes.

La loi du 7 juin 1969 prévoit une série d’exceptions à ces principes dans les cas suivants : • Dans les lieux ouverts au public (café, salle de spectacle, etc.) ;

• En cas d'appel venant des lieux ;

• En cas d'appel de la victime de coups et blessures lorsque celle-ci est l'époux de l'auteur présumé ou la personne avec laquelle elle cohabite et entretient une relation affective et sexuelle durable395;

• En cas d'incendie ou d'inondation ;

• Quand une disposition légale particulière autorise une perquisition la nuit (par exemple en matière de drogues, pour certaines infractions en matière de lutte contre l'usage des hormones pour l'engraissement du bétail396, en matière de douanes et d’accises397 etc.) ; • En cas de réquisition ou de consentement de la personne qui a la jouissance effective des

lieux. Ce consentement ne peut être tacite ; il doit être écrit et préalable398; • En cas de flagrant délit ou de flagrant crime399.

respect de son intimité, de sa tranquillité et plus généralement de sa vie privée : Cass., 20 décembre 2000, P. 2000. 1384. F ; Cass., 23 juin 1993, Pas., n° 303 ; Cass., 21 avril 1998, Pas., n° 204.

394 La Cour d’arbitrage a considéré que l’absence de principe de l’inculpé ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution. Elle constate cependant que la loi n’interdit pas au juge d’instruction de se faire accompagner par l’inculpé, la partie civile, ainsi que par leurs avocats s’il l’estime indiqué, et s’il juge que leur présence n’est pas de nature à porter atteinte à la procédure pénale inquisitoire, compte tenu de la présomption d’innocence, de la nécessité de ne pas jeter inutilement le discrédit sur les personnes et, dans un souci d’efficacité, d’être en mesure d’agir vite, sans alerter les coupables (C.A., 18 avril 2001 ; J.T., 2001, p. 488).

395Loi du 24 novembre 1997, modifiant l'art. 1, 3° de la loi du 7 juin 1969 et l'art. 46, 2° C.I.C.

396 Voir quelques exemples dans A. JACOBS, « L'influence de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de

l'homme en matière de perquisitions », in Tendances de la jurisprudence en matière pénale, Mys & Breesch,, 2000, p. 57 et s. 397 C. const., 27 janvier 2011, Rev. dr. pén., 2011, p. 647 et note O. MICHIELS, « Quand la visite domiciliaire réalisée par les agents des douanes et accises se heurte à certains droits fondamentaux ».

398 Cass., 12 janvier 2000, Pas., 2000, n° 29 ; J.T., 2001, p. 489. 399Voir supra, le chapitre consacré à l'information.

Les exceptions à la nécessité d'un mandat du juge d'instruction sont plus ou moins les mêmes que celles à l'interdiction de perquisition la nuit, si ce n'est que la base légale n'est pas toujours identique.

§ 7 Les saisies

Comme dans le cadre de l'information, le juge d'instruction peut procéder ou faire procéder à des saisies (art. 89 C.I.C.)

Le juge d’instruction, pour justifier des saisies pratiquées ou leur maintien, doit, conformément aux articles 35 et 89 du Code d’instruction criminelle, invoquer soit les nécessités de l’instruction, soit qu’il s’agit de choses visées à l’article 42 et suivants du Code pénal et pouvant ainsi être confisquées par la juridiction de jugement400.

Les modalités : la saisie des pièces à conviction se fait en principe en présence de l'inculpé ou de l'occupant des lieux si c'est un tiers, mais cette disposition n'est pas prescrite à peine de nullité. Un procès-verbal contenant un inventaire des objets saisis est dressé (art. 89 C.I.C. renvoyant à l’art. 37). Pour la saisie de créances, il y a lieu de se reporter à l’article 37, § 2 et suivants du Code d’instruction criminelle.

Qui peut procéder à la saisie ? Ce sont les mêmes règles que pour la perquisition qui s’appliquent (art. 89bis C.I.C.). Le juge d'instruction procédera donc normalement lui-même aux saisies, mais il pourra déléguer un officier de police judiciaire de son arrondissement ou de l'arrondissement dans lequel la saisie doit être opérée. Toute subdélégation est interdite. Rappelons que, dans l’hypothèse de flagrant délit, la police judiciaire peut procéder aux saisies.

Le référé pénal (art. 61quater C.I.C.) 401 : parallèlement à l'article 28sexies pour l'information, il est prévu un référé pénal dans le cadre de l'instruction, à savoir une possibilité pour toute personne lésée par un acte d'instruction relatif à ses biens d'en demander la levée au juge d'instruction

400 Mons (Ch. m. acc.), 22 février 2002, J.T., 2002, p. 306 et obs. O. KLEES. Même dans ce dernier cas, la chambre

des mises en accusation conserve le pouvoir d’apprécier l’opportunité d’un maintien de la saisie (même arrêt). 401D.VANDERMEERSCHet O. KLEES, « La réforme "Franchimont" - Commentaire de la loi du 12 mars 1998 relative à l'amélioration de la procédure pénale au stade de l'information et de l'instruction », J.T., 1998, pp. 435-438 ; M.-A. BEERNAERT, « Vers une plus grande contradiction dans l'information et l'instruction : le référé pénal », in La loi du 12

mars 1998 relative à l'amélioration de la procédure pénale au stade de l'information et de l'instruction, Les dossiers de la Revue de

droit pénal et de criminologie, n° 3, 1998, pp. 59-67 ; D. VANDERMEERSCHet O. KLEES, « Le référé pénal », in Tendances

Requête : la demande est introduite par requête motivée adressée ou déposée au greffe du tribunal de première instance.

Décision du juge d'instruction : elle doit intervenir au plus tard dans les quinze jours de l’inscription de la requête au registre ; elle est communiquée au procureur du Roi et notifiée au requérant.

Le juge d'instruction peut accorder une levée totale, partielle ou assortie de conditions, de la saisie. La personne qui ne respecterait pas les conditions fixées tombe sous le coup de l’article 507bis du Code pénal. Le juge d'instruction qui accorde la levée de la saisie peut ordonner l'exécution provisoire de la décision.

Le juge d'instruction peut également rejeter la requête s'il estime que les nécessités de l'instruction le requièrent, lorsque la levée de l'acte compromet la sauvegarde des droits des parties ou des tiers, ou lorsque la levée de l'acte présente un danger pour les personnes ou les biens, ou dans les cas où la loi prévoit la restitution ou la confiscation desdits biens. Il s'agit donc de motifs très larges402.

Recours : le procureur du Roi et le requérant peuvent interjeter appel devant la chambre des mises en accusation de l'ordonnance du juge d'instruction dans un délai de quinze jours à dater du jour où l'ordonnance est portée à sa connaissance en ce qui concerne le procureur du Roi et du jour où elle lui est notifiée en ce qui concerne le requérant.

Lorsque le juge d'instruction n'a pas statué dans le mois403 de la requête, le requérant peut saisir la chambre des mises en accusation dans un délai de huit jours ; ce délai étant prévu à peine de déchéance (art. 61quater, § 6).

La chambre des mises statue en principe dans les quinze jours de la déclaration d'appel404. Le procureur général, le requérant et son conseil sont entendus. L’appel est suspensif sauf lorsque l'exécution provisoire a été ordonnée405.

Le requérant qui succombe peut être condamné aux frais.

402Cependant, selon la Cour d'appel de Bruxelles, le juge d'instruction ne peut rejeter la requête que dans l'un des quatre cas énumérés (Bruxelles, 30 novembre 1998, Rev. dr. pén., 1999, p. 1211).

403 Délai de quinze jours pour statuer majoré de quinze jours selon l’article 61quater, § 6. 404 Ce délai n’est pas prescrit à peine de nullité : Liège, 4 janvier 1999, J.L.M.B., 1999, p. 605.

405Pour une illustration du référé pénal devant la chambre des mises en accusation, voir par exemple Bruxelles (Ch. m. acc.), 30 novembre 1998, Rev. dr. pén., 1999, p. 815.

L’arrêt rejetant la mainlevée de l’acte d’instruction, alors qu’aucune irrégularité de cet acte n’est soulevée, n’est pas une décision définitive au sens de l’article 416 du Code d’instruction criminelle ; le pourvoi en cassation ne sera donc ouvert qu’après la décision au fond406.

Requête ayant le même objet : le requérant ne peut adresser ni déposer une nouvelle requête ayant le même objet avant l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la dernière décision portant sur le même objet.

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