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Catégories II et III : le suspect non privé de liberté (art 47bis, § 2 C.I.C.)

Dans le document Procédure pénale (Page 78-83)

§ 2 Les sanctions

SECTION 2 LES ACTES DE POLICE JUDICIAIRE

A. Quatre catégories

2. Catégories II et III : le suspect non privé de liberté (art 47bis, § 2 C.I.C.)

En ce qui concerne la personne entendue sur des faits qui peuvent lui être imputés, mais non privée de liberté225, il échet de distinguer les faits dont la sanction est susceptible de donner lieu à la délivrance d’un mandat d’arrêt (catégorie III) et ceux qui ne le sont pas (catégorie II). En vertu du système de superposition des droits, les droits des suspects de catégorie III sont plus étendus que ceux des personnes relevant de la deuxième catégorie.

221 Loi du 12 mars 1998 relative à l’amélioration de la procédure pénale au stade de l’information et de l’instruction. 222 Dans son arrêt n°7/2013 du 14 janvier 2013, la Cour constitutionnelle est sensible à la difficulté pour l’avocat d’assumer une défense effective et se montre à cet égard particulièrement réaliste en ayant à l’esprit que certains suspects seront incapables de relayer à leur avocat les informations qui leur ont été communiquées quant aux faits dont ils sont soupçonnés. Elle impose en conséquence aux enquêteurs, procureur du Roi et juge d’instruction, en fonction des circonstances et des caractéristiques de la personne concernée, d’informer également eux-mêmes l’avocat des faits au sujet desquels a lieu l’audition.

223 C. DE VALKENEER, « L’application de la loi du 13 août 2011 au stade de la phase policière », J.T., 2011, p. 840. 224 COL n° 8/2011 du Collège des procureurs généraux près les cours d’appel, p. 25.

225 Dans son arrêt n° 7/2013 du 14 février 2013, la Cour constitutionnelle annule l’article 47bis, § 2, al. 1er du Code d’instruction criminelle en ce qu’il ne prévoit pas que la personne suspectée qui est interrogée doit être informée qu’elle n’est pas arrêtée et qu’elle peut en conséquence aller et venir à tout moment. Sans doute au motif que cette information requiert l’adaptation des formulaires d’information remis au suspect, la Cour maintient toutefois les effets de la disposition jusqu’à l’intervention du législateur et au plus tard le 31 août 2013

a. La remise d’une déclaration écrite des droits (art. 47bis, § 4 C.I.C)

La loi Salduz prévoit la remise, avant la première audition, d’une déclaration écrite des droits226 à tout suspect, qu’il soit ou non privé de liberté. L’élaboration de cette « letter of rights »

s’est directement référée – et par là même a anticipé – la directive européenne relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales, publiée au Journal officiel de l’Union européenne au mois de juin 2012227.

b. Le droit de se taire (art 47bis, § 2 C.I.C)

Le suspect bénéficie, à l’instar de toute personne auditionnée, du droit de se taire. Toutefois, la loi définit ce droit de manière plus positive et plus active à son encontre228 (droit au

silence version « étendue »). Elle stipule en effet que ce dernier doit être informé des trois options qui s’offrent à lui, à savoir : faire une déclaration, répondre aux questions ou se taire.

c. Le droit de se concerter préalablement avec un avocat (art 47bis, § 2 C.I.C.)

Si les faits qui lui sont imputés sont susceptibles de donner lieu à la délivrance d’un mandat d’arrêt – c’est-à-dire s’ils peuvent entraîner une peine d’emprisonnement d’un an ou une peine plus grave (catégorie III) –, le suspect a le droit de se concerter confidentiellement avec un avocat de son choix, ou le cas échéant, désigné d’office. Pour des raisons de faisabilité, de praticabilité et d’efficacité, une telle concertation n’a pas été retenue pour les infractions de « faible » gravité – soit celles non susceptibles de donner lieu à un mandat d’arrêt –A la suite de l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 14 février 2013229, les suspects entendus pour infractions au Code de roulage pouvant donner lieu à décernement d’un mandat d’arrêt, soit par exemple dans le cas d’accidents mortels et dans certains cas de délits de fuite ou de conduite en état d’ivresse commis en état de récidive, pourront également bénéficier de la concertation confidentielle..

226 Cette déclaration est annexée à l’A.R. du 16 décembre 2011 portant exécution de l'article 47bis, § 4 du Code d'Instruction criminelle.

227 Directive 2012/13/UE du 22 mai 2012 relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales,

J.O.U.E., L. 142, 1er juin 2012.

228L. KENNES, « La loi du 13 août 2011 conférant des droits à toute personne auditionnée et à toute personne privée de liberté », Rev. dr. pén., 2012, p. 29.

229 C. const., 14 février 2013, J.L.M.B., 2013, p. 524 et obs. A. JACOBS et O.MICHIELS, « La loi Salduz confirmée et améliorée par la Cour constitutionnelle ».

Le droit de se concerter avec un avocat, garanti lors de la première audition d’un suspect de catégorie III, se justifie par la situation de vulnérabilité dans laquelle se trouve celui qui est confronté aux autorités policières. Les objectifs poursuivis par cette concertation préalable avec un avocat sont multiples : communiquer à l’intéressé des informations sur ses droits et sur le déroulement concret de la procédure, examiner l’affaire avec lui afin de préparer au mieux son audition et sa défense, le soutenir moralement dans cette « épreuve » et rechercher des éléments de preuves à décharge230.

Les modalités organisationnelles de cet entretien préalable varient suivant la manière dont le suspect est « invité » à venir s’expliquer au commissariat de police. Dans l’hypothèse où la convocation écrite qui lui est remise mentionne de manière succincte les faits qui justifient son audition ainsi que ses droits de se taire (version lourde) et de se concerter confidentiellement avec un avocat avant la première audition, le suspect est présumé avoir consulté un conseil avant de se présenter à son interrogatoire. Il lui revient donc d’entreprendre lui-même, s’il en éprouve le besoin, les démarches nécessaires pour bénéficier des conseils d’un avocat. En revanche, si le suspect est convoqué oralement ou si sa convocation écrite est laconique – c’est-à-dire si elle ne fait pas mention des faits et/ou des droits –, la présomption ne joue pas. Dans ce cas, la loi prévoit que l'audition peut être reportée une seule fois à la demande du suspect afin qu’il puisse s’entretenir préalablement avec un avocat.

d. L’absence de droit de se faire assister par un avocat lors de l’audition

La loi Salduz ne prévoit pas l’assistance de l’avocat pendant l’audition du suspect non privé de liberté, mais ne l’interdit pas pour autant.

e. Le droit d’être informé qu’il n’est pas privé de sa liberté

Depuis l’arrêt prononcé par la Cour constitutionnelle le 14 février 2012, le suspect qui est interrogé doit être informé qu’il n’est pas arrêté et qu’il peut en conséquence aller et venir à tout moment231.

230L. KENNES, « La loi du 13 août 2011 conférant des droits à toute personne auditionnée et à toute personne privée de liberté », Rev. dr. pén., 2012, p. 37.

231 A. JACOBS et O.MICHIELS, « La loi Salduz confirmée et améliorée par la Cour constitutionnelle », obs. sous C. const., 14 février 2013, J.L.M.B., 2013, p. 559 ; C. NOIRHOMME, « La loi Salduz à l’épreuve de la Cour constitutionnelle », J.T., 2013, pp. 413-415.

3. Catégorie IV : le suspect privé de liberté (art 47bis, § 3 C.I.C, arts. 2bis et 16 loi D.P.)

Au-delà des droits dont jouit le suspect libre d’aller et venir, le suspect privé judiciairement232 de liberté bénéficie également du droit d’être assisté par un avocat lors des

auditions qui ont lieu durant le délai de garde à vue de vingt-quatre heures, éventuellement prolongé (cf. infra). Le suspect privé de liberté en exécution d’un mandat d’amener dispose également de ce droit. Quant à la concertation confidentielle préalable, elle est soumise au respect de modalités organisationnelles particulières.

a. Le droit de se concerter préalablement avec un avocat (art 2bis, § 1 loi D.P.)

À l’instar du suspect libre d’aller et venir, le suspect de catégorie IV a le droit de se concerter avec un avocat (de son choix et, le cas échéant, désigné) avant sa première audition par les services de police. Dans ce cas, il incombe aux policiers de prendre contact avec la permanence Salduz organisée par AVOCATS.BE (ex-Ordre des barreaux francophones et germanophones et l’Orde van Vlaamse balies (O.V.B.), et à défaut, avec le bâtonnier de l’Ordre ou son délégué. Dès qu’un contact effectif est pris avec un avocat qui accepte d’assister le suspect, le chronomètre s’enclenche en raison de la brièveté du délai de garde à vue. La concertation préalable doit avoir lieu – à compter de ce moment – dans les deux heures ; la concertation confidentielle ne pouvant pas durer plus de trente minutes233. Dans l’hypothèse où l’avocat contacté n’arrive pas sur le lieu de l’audition dans le délai qui lui est imparti, la loi Salduz prévoit que l’interrogatoire peut commencer après que le suspect ait pu bénéficier, en dehors de la présence des policiers, d’une concertation téléphonique avec la permanence.

232 Dans la mesure où la loi Salduz se fonde directement sur la jurisprudence strasbourgeoise relative à l’art. 6, §§ 1er et 3 de la C.E.D.H., il est somme toute assez logique que la personne administrativement privée de sa liberté ne relève pas de son champ d’application.

233 La Cour constitutionnelle retient que si, compte tenu des circonstances concrètes, le temps de concertation confidentielle du suspect, limité à trentre minute, a été trop bref, une concertation plus longue peut être envisagée tout en demeurant limitée au regard des exigences de l’enquête (A. JACOBS et O.MICHIELS, « La loi Salduz confirmée et améliorée par la Cour constitutionnelle », obs. sous C. const., 14 février 2013, J.L.M.B., 2013, p.562).

b. Le droit de se faire assister par un avocat pendant l’audition (art 2bis, § 2 loi D.P.)

1) Principes

En principe, l’avocat accompagne le suspect à son audition immédiatement après la concertation préalable. S’il n’arrive pas à temps pour cette concertation, il peut néanmoins assister à l’interrogatoire dès son arrivée sur place.

Le rôle qu’il convenait de reconnaître dans ce cadre à l’avocat a occupé une large part des débats parlementaires. Finalement, l’option retenue par la loi du 13 août 2011 consiste à cantonner l’avocat à un rôle de « gardien du droit »234, à un rôle de contrôleur (art 2bis, § 2 loi

D.P.), d’une part, du droit de la personne interrogée de ne pas s’accuser elle-même et de garder le silence, d’autre part, du traitement qui lui est réservé lors de l'audition (en somme, la préserver des pressions ou contraintes illicites). La possibilité pour une personne indépendante, en l’occurrence l’avocat, d’assister aux auditions de son client permet en effet de créer des conditions de détention plus ouvertes, et par la même de prévenir les excès de pouvoirs, les intimidations et les mauvais traitements en tous genres. Enfin, l’avocat est chargé de contrôler la notification des droits de la défense visés à l’art. 47bis du Code d’instruction criminelle ainsi que la régularité de l’audition. Il bénéficie à ce titre du droit de faire acter les violations dont il serait témoin dans le procès-verbal d’audition. Il a par ailleurs – tout comme le suspect – le droit de demander, à une seule reprise, la suspension de l’interrogatoire en vue d’une concertation supplémentaire avec son client. Une telle concertation est également prévue dans l’hypothèse où l’audition mettrait en lumière de nouvelles infractions sans relation avec les faits portés préalablement à la connaissance du suspect.

2) L’interrogatoire du juge d’instruction : quelques particularités (art 16, § 2 loi D.P.)

Lors de l’interrogatoire obligatoire diligenté par le juge d’instruction avant le décernement d’un éventuel mandat d’arrêt (art. 16 loi D.P.), la loi Salduz autorise le suspect à se faire assister par un avocat235. S’il n’en a pas encore, le magistrat instructeur lui rappelle qu’il a le droit d’en choisir un et, le cas échéant, prend contact avec la permanence Salduz. Dans ce cadre, aucune

234O. MICHIELS et A. JACOBS, « Les implications de la jurisprudence récente de la Cour européenne des droits de l’homme sur les preuves », J.T., 2011, p. 154.

235Selon la Cour de cassation (Cass., 23 janvier 2013, P.13.0056.F/1), « (…) le mandat d’arrêt est néanmoins régulièrement délivré lorsque cette assistance n’a pas été rendue possible pour cause de force majeure. L’arrêt relève que le procès-verbal d’audition par le juge d’instruction précise que celui-ci a pris contact avec le bureau d’aide juridique, mais qu’aucun avocat n’était disponible pour fournir son assistance lors de cette audition. Il en déduit qu’aucun reproche ne peut être adressé au juge d’instruction. Dès lors qu’eu égard à l’indépendance de l’avocat, ils ont ainsi constaté l’impossibilité pour le juge d’instruction de satisfaire à l’obligation de procéder à l’audition avec l’assistance d’un conseil, les juges d’appel ont légalement décidé que le mandat d’arrêt était régulier ».

concertation préalable et confidentielle n’a été envisagée par la loi236 et ce, pour des motifs

purement pratiques. Si l’équité de la procédure pénale est affectée par l’impossibilité légale, pour une personne privée de liberté, d’être assistée d’un avocat, il ne peut se déduire de cette seule circonstance que la détention de cet inculpé, en vertu du mandat d’arrêt délivré dans de telles circonstances par le juge d’instruction, est contraire à l’article 5, paragraphe 1er de la Convention

européenne des droits de l’homme237.

Devant le juge d’instruction, le rôle de l’avocat est sensiblement le même que celui qu’il endosse au poste de police238, à une nuance près : à l’issue de l’audition, il a la possibilité de

formuler des observations sur le décernement éventuel d’un mandat d’arrêt. Dans cette perspective, il peut discuter les indices sérieux de culpabilité et les critères d’application de la loi relative à la détention préventive, proposer des conditions à la libération ou encore suggérer des devoirs d’enquête complémentaires239. Le juge d’instruction n’est nullement tenu d’y répondre car

l’objectif n’est pas que son cabinet devienne le théâtre d’un débat contradictoire.

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