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Les conditions de forme

Dans le document Procédure pénale (Page 180-184)

§ 1 Définition et autorité compétente

B. Les conditions de forme

1. L’audition préalable par le juge d’instruction (art. 16, § 2 LDP)

i. L’obligation d’entendre le suspect sur les faits

Avant de décerner un mandat d’arrêt, le magistrat instructeur doit interroger l’inculpé – sauf s’il est fugitif ou latitant – sur les faits mis à sa charge et sur la possibilité de délivrer un mandat d’arrêt, d’une part, et doit entendre ses observations à ce sujet, d’autre part.

A défaut de respecter ces obligations, l’inculpé est remis en liberté car cet interrogatoire est une formalité substantielle qui touche directement l’exercice des droits de la défense et dont le défaut vicie de façon irréversible le mandat d’arrêt.

A ce stade, le suspect n’a pas encore la possibilité de prendre connaissance du dossier que détient le juge d’instruction. Il peut, toutefois, s’expliquer sur les faits qui lui sont reprochés et demander le bénéfice de mesures alternatives.

Le procès verbal de l’audition doit être remis à l’inculpé, au même titre que l’ensemble des procès verbaux de ses auditions établies depuis sa privation de liberté (art. 16, § 7 et 18, § 2 LDP).

Cette formalité n’est toutefois pas prescrite à peine de nullité ; la sanction de son non-respect s’appréciant au regard de l’exercice effectif des droits de la défense.

ii. L’obligation d’informer le suspect de son droit de choisir un avocat et droit à l’assistance d’un avocat

Si l’inculpé n’a pas encore d’avocat au moment où le juge d’instruction va procéder à son interrogatoire, ce dernier doit lui rappeler son droit d’en choisir un. Si l’inculpé souhaite être assisté d’un avocat mais ne fait pas le choix d’un conseil, le juge d’instruction avertit le bâtonnier qui lui en désignera un d’office par le biais de la permanence des avocats.

Lors de son interrogatoire devant le magistrat instructeur, l’inculpé bénéficie des droits reconnus à la personne privée de liberté durant la période de garde à vue, c’est à dire des droits visés à l’article 47bis du Code d’instruction criminelle et à l’article 2bis de la loi du 20 juillet 1990.

L’avocat assiste l’inculpé lors de son interrogatoire, sauf si le juge d’instruction y déroge en cas de circonstances particulières et de raisons impérieuses (art. 2bis, § 5 CIC) ou si l’inculpé (à l’exclusion du mineur d’âge) y renonce volontairement et de manière réfléchie.

Dans ce cadre, aucune concertation préalable et confidentielle entre l’avocat et son client n’a été envisagée par la loi507 et ce, pour des motifs purement pratiques. On ne peut que regretter

cette prise de position. En effet, il apparaît indispensable que l’avocat puisse s’enquérir de certaines informations dans l’optique d’entreprendre des démarches (comme, par exemple, la proposition de conditions alternatives à la détention) en vue de la comparution de son client. Ce problème est relatif si l’avocat qui assiste le suspect dans le bureau du juge d’instruction est le même que celui qui l’a accompagné précédemment au commissariat de police. Mais tel n’est pas toujours le cas…

Devant le juge d’instruction, le rôle de l’avocat est sensiblement le même que celui qu’il endosse au poste de police508, à une nuance près : à l’issue de l’audition, il a la possibilité de

formuler des observations sur le décernement éventuel d’un mandat d’arrêt. Dans cette perspective, il peut discuter les indices sérieux de culpabilité et les critères d’application de la loi relative à la détention préventive, proposer des conditions à la libération ou encore suggérer des

507 Sauf si le suspect n’a pas été auditionné préalablement par la police ou par le procureur du Roi, ou s’il n’a pas pu bénéficier d’une concertation préalable à cette occasion.

508A. RAES et al., Évaluation de la loi Salduz : Deuxième rapport intermédiaire, S.P.C., 30 mars 2012, p. 52 : dans un arrêt du 24 janvier 2012, la Cour de Cassation précise que « l’art 6 de la C.E.D.H., tel qu’expliqué par la Cr.E.D.H., ne stipule pas que l’avocat peut conseiller le suspect lors de l’audition chez le juge d’instruction ou qu’il a le droit de s’exprimer lors de l’audition par le juge d’instruction. ».

devoirs d’enquête complémentaires509. Le juge d’instruction n’est nullement tenu d’y répondre car

l’objectif n’est pas que son cabinet devienne le théâtre d’un débat contradictoire.

La Cour européenne des droits de l’homme retient d’une part, qu’un « accusé », au sens de l’article 6 de la Convention, a le droit de bénéficier de l’assistance d’un avocat dès le début de sa garde à vue ou de sa détention provisoire et, le cas échéant, lors de ses interrogatoires par la police et le juge d’instruction ; d’autre part, si une restriction à ce droit peut dans certaines circonstances se trouver justifiée et être compatible avec les exigences de cette disposition, le fait que son exercice soit impossible en raison d’une règle de droit interne systématique est inconciliable avec le droit à un procès équitable. Elle ajoute cependant que si l’impossibilité légale pour un « accusé » privé de liberté d’être assisté par un avocat dès le début de sa détention affecte l’équité de la procédure pénale dont il est l’objet, on ne peut déduire de cette seule circonstance que sa détention est contraire à l’article 5, § 1er de la Convention en ce qu’elle ne répondrait pas à

l’exigence de légalité inhérente à cette disposition510.

iii. L’obligation d’informer le suspect du décernement éventuel d’un mandat d’arrêt

Le juge d’instruction a l’obligation d’informer le suspect de la possibilité de décerner un mandat d’arrêt et doit recueillir ses observations à cet égard, qu’elles soient relatives aux faits ou à sa situation personnelle. L’inexécution de cette obligation devant entraîner la remise en liberté de l’inculpé dans la mesure où il s’agit, ici aussi, d’une formalité substantielle (art. 16, § 2, al. 3 LDP). La loi dite « Salduz » du 13 août 2011 impose, à peine de nullité, que l’avocat qui assiste l’inculpé soit également entendu en ses observations. A défaut, la remise en liberté du suspect s’impose (art. 16, § 2, al. 5 LDP). En dépit du silence de la loi, il faudrait a fortiori dire que l’inculpé doit être remis immédiatement en liberté s’il a été privé du droit de se faire assister d’un avocat lors de son interrogatoire. Ceci étant dit, c’est à la Cour de cassation qu’il reviendra de trancher la question dès l’instant où le législateur n’a pas prévu de sanction511.

2. Les mentions et la motivation (art. 16, §§ 5 à 7 LDP)

Le mandat d’arrêt indique l’identité complète de l’inculpé, les faits pour lesquels il est décerné, les dispositions légales érigeant ces faits en infraction, l’existence d’indices sérieux de culpabilité, les circonstances de fait de la cause et celles liées à la personnalité de l’inculpé qui justifient la détention préventive au regard des critères prévus à l’article 16, § 1er de la loi relative à

509L. KENNES, « La loi du 13 août 2011 conférant des droits à toute personne auditionnée et à toute personne privée de liberté », Rev. dr. pén., 2012, p. 58.

510 Cour eur. D.H., Simons c. Belgique, 28 août 2012, J.T., 2012, p. 708. 511 Cour eur. D.H., Simons c. Belgique, J.LM.B/, 2013, p. 258.

la détention préventive (il s’agit de la motivation à proprement parler) ainsi que l’accomplissement de l’interrogatoire préalable.

L’original du mandat d’arrêt (pas la copie délivrée à l’inculpé) porte également, à peine de nullité, la signature et le sceau du juge d’instruction. L’absence de signature emporte la mise en liberté de l’inculpé (art. 16, § 6 LDP). Le nom et la qualité du magistrat instrumentant, la formule exécutoire, les date et heure de privation de liberté, la date ainsi que les mentions relatives à la signification doivent également figurer sur le mandat d’arrêt.

La motivation du mandat d’arrêt constitue une condition essentielle de sa validité (art. 12, al. 2 Constitution). Le juge d’instruction doit constater que les conditions sont rencontrées in concreto (une individualisation est donc exigée), c’est à dire en spécifiant les circonstances de faits propres à la cause et à la personnalité de l’inculpé.

Le défaut de motivation entraîne la mise en liberté de l’inculpé (art. 16, § 5, al. 2, in fine LDP). La jurisprudence considère toutefois que les juridictions d’instruction, lors du contrôle de la régularité du mandat d’arrêt, sont habilitées à régulariser une motivation irrégulière ou inadéquate ; elles sont cependant sans pouvoir pour suppléer à l’absence de motivation.

3. La signification (art. 18 LDP)

La signification du mandat d’arrêt consiste en la communication verbale par le juge d’instruction à l’intéressé du mandat d’arrêt et, en outre, dans la remise de la copie intégrale de ce mandat par le greffier du juge d’instruction, le directeur prison ou un agent de la force publique.

Le juge d’instruction doit délivrer, c’est à dire signer et faire signifier, le mandat d’arrêt à l’intéressé au plus tard dans les 24 heures à compter de la privation de liberté effective de ce dernier, étant entendu que ce moment est celui où la personne ne dispose plus, à la suite de l’intervention de l’agent de la force publique, de la liberté d’aller et venir (art. 1er, 2° LDP).

Si le mandat d’arrêt est décerné à charge d’un inculpé déjà détenu sur le fondement d’un mandat d’amener ou à la suite d’une ordonnance de prolongation, le délai de 24 heures dans lequel le mandat d’arrêt doit être signifié à l’inculpé commence à courir à compter de la signification de ce mandat ou de cette ordonnance (art. 18, § 1er, al. 1erLDP).

Le non-respect de cette condition entraîne la remise en liberté immédiate de l’inculpé (art. 18, § 1er, al. 4 LDP).

Le mandat d’arrêt doit, en règle, contenir les mentions permettant de vérifier sa régularité ; ainsi, la mention de l’heure de l’arrestation, c’est à dire de la privation de la liberté, et la mention de l’heure de la signification du mandat d’arrêt doivent figurer dans les pièces de la procédure afin permettre le contrôle du respect du délai de 24 heures.

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