• Aucun résultat trouvé

Les conditions générales

Dans le document Procédure pénale (Page 90-95)

§ 10 Les méthodes particulières de recherche

B. Les conditions générales

Plusieurs conditions ont été posées par le législateur pour la mise en œuvre de ces méthodes particulières de recherche265, à savoir :

263 Voy. C. DE VALKENEER, Manuel de l’enquête pénale, 4ème éd., Larcier, Bruxelles, 2011, pp. 343-381. 264 L’obligation de coopération des opérateurs est explicitée par l’arrêté royal du 9 janvier 2003.

265 Voir sur ce point G.F. RANERI, « Les dispositions spécifiques aux méthodes particulières de recherche et autres méthodes d’enquête », in Les méthodes particulières de recherche : bilan et critiques des lois du 6 janvier 2003 et du 27 décembre

• Le respect du principe de proportionnalité et de subsidiarité.

Le principe de proportionnalité induit que les moyens utilisés soient proportionnés au but poursuivi, soit in casu à la gravité de l’infraction et le principe de subsidiarité implique que l’objectif poursuivi ne puisse être atteint par la mise en œuvre d’autres moyens de recherche plus courants et moins attentatoires aux droits fondamentaux du suspect.

• L’interdiction de la provocation policière.

Selon l’article 30 du Titre préliminaire du Code de procédure pénale, il y a provocation lorsque, dans le chef de l’auteur, l’intention délictueuse est directement née, renforcée ou confirmée, alors que celui-ci voulait y mettre fin, par l’intervention d’un fonctionnaire de police ou d’un tiers agissant à la demande expresse de ce dernier. Elle est sanctionnée par l’irrecevabilité de l’action publique266.

• L’interdiction de commettre des infractions.

L’article 47quinquies du Code d’instruction criminelle dispose que le fonctionnaire de police chargé d’exécuter des méthodes particulières de recherche ne peut pas commettre d’infractions dans le cadre de sa mission. Ce principe est toutefois assorti d’exceptions. En effet, seront exemptés de peine267, les fonctionnaires de police qui, dans le cadre de leur mission et en vue de la réussite de celle-ci ou afin de garantir leur propre sécurité ou celle d’autres personnes impliquées dans l’opération, commettent des infractions absolument nécessaires et ce, avec l’accord exprès du procureur du Roi268. Ces infractions ne peuvent toutefois être plus graves que celles pour lesquelles les méthodes particulières de recherche sont mises en œuvre et doivent être nécessairement proportionnelles à l’objectif visé.

• L’exécution de la mesure est confiée aux services de police désignés par le ministère de la justice sous le contrôle permanent du procureur du Roi269. C’est, dès lors, à ce magistrat que l’officier de police judiciaire nommément désigné fait rapport et ce, quand bien même la méthode particulière de recherche est ordonnée par le juge d’instruction270 ou que certaines

266 Voir Liège, 16 septembre 2011, J.L.M.B., 2012, p. 1519. 267 Il s’agit donc d’une cause d’excuse absolutoire.

268 Ou du procureur fédéral ou de l’auditeur du travail si c’est ce magistrat qui traite le dossier. Seul ce magistrat, à l’exclusion du juge d’instruction, est compétent.

269 Voir l’article 47ter, § 2 du Code d’instruction criminelle ; H.-D. BOSLY, D. VANDERMEERSCH et M.-A. BEERNAERT, op. cit., pp. 475-494 ; sur cette délicate question du contrôle, voir aussi C. BOTTAMEDI, « Les méthodes particulières de recherche dans la perspective du terrain », in Les méthodes particulières de recherche : bilan et

critiques des lois du 6 janvier 2003 et 27 décembre 2005, Dossier de la Revue de droit pénal et de criminologie n°14, La

Charte, Bruxelles, 2007, pp. 101- 108.

270 Pour une critique de ce point, voir M. DE RUE et C. VALKENEER, « Les méthodes particulières de recherche et quelques autres méthodes d’enquête, Analyse des lois du 6 janvier 2003 et du 27 décembre 2005 et leurs arrêtés d’application », 2e éd., Les dossier du J.T. n° 66, Larcier, Bruxelles, 2008, p. 75 et s. et p. 193 et s.

d’entre elles relèvent de la compétence exclusive du juge d’instruction en raison de leur caractère attentatoire à la vie privée271.

• Dans son arrêt n° 202/204 du 21 décembre 2004, la Cour constitutionnelle stigmatisait l’absence de contrôle par un juge indépendant et impartial des éventuelles illégalités susceptibles d’entacher la mise en œuvre des méthodes particulières que sont l’observation ou l’infiltration. Pour des raisons de sécurité juridique, la Cour convenait de maintenir les effets des mesures annulées pendant le temps nécessaire au législateur pour instaurer un tel contrôle272. Celui-ci, pour se conformer à l’arrêt de la Cour, décida de confier ce contrôle à la chambre des mises en accusation. Dans les travaux préparatoires, le choix de cette juridiction est justifié par le fait qu’au travers des articles 136, 136bis, 235 et 235bis du Code d’instruction criminelle qui font de la chambre des mises en accusation la haute juridiction de l’instruction273, celle-ci apparaît comme l’instance judiciaire, indépendante et impartiale, adéquate pour le contrôle et la surveillance des méthodes particulières de recherche. Le législateur insiste encore sur le fait que seuls les conseillers siégeant à la chambre des mises en accusation seront habilités à consulter le dossier confidentiel et, par conséquent, ni les parties, ni leurs conseils ne pourront prendre connaissance de celui-ci274. En pratique, à la clôture de l’information dans laquelle il a été fait application des méthodes particulières de recherche de l’observation et de l’infiltration275, la chambre des mises en accusation doit examiner276, sur

271M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, op. cit., p. 375 ; F. LUGENTZ, « La loi du 27 décembre 2005 et l’intervention du juge d’instruction », in Les méthodes particulières de recherche : bilan et critiques des lois du 6 janvier 2003 et 27

décembre 2005, Dossier de la Revue de droit pénal et de criminologie n°14, La Charte, Bruxelles, 2007, p. 134 et s.

272 Rappelons que, dans son arrêt n° 202/2004 du 21 décembre 2004, la Cour constitutionnelle précisait que plusieurs dispositions du Code d’instruction criminelle (énumérées sous le point B.26 à l’exception de l’article 47decies, § 6) sont entachées d’inconstitutionnalité uniquement en ce qu’ elles ne prévoient pas que la mise en œuvre des méthodes d’observation et d’infiltration est contrôlée par un juge indépendant et impartial. La Cour n’étant pas compétente pour effectuer elle-même la désignation du juge compétent, elle ne peut qu’annuler les dispositions attaquées. Mais celles-ci pourront être intégralement reprises, tant en ce qui concerne les méthodes qu’elles organisent qu’en ce qui concerne la confidentialité qui les entoure, pour autant que le législateur leur ajoute la désignation du juge, offrant toutes les garanties d’impartialité, auquel sera confié le contrôle de légalité. Pour des raisons de sécurité juridique, la Cour a convenu de maintenir les effets des mesures annulées pendant le temps nécessaire au législateur pour instaurer un tel contrôle ; ce délai prenant fin au plus tard le 31 décembre 2005. 273 Voir notamment sur les pouvoirs de la chambre des mises en accusation : B. DE SMET, « Le contrôle de la régularité de l’instruction et les mécanismes d’atténuation de la sanction de nullité », Rev. dr. pén., 2000, pp. 772-790 ;

T. ONGENA, « De kamer van inbeschuldig-instelling als controleorgaan van het Gerechtelijk onderzoek, Een bespreking van de nieuwe bepalingen in de Wet Franchimont », R.W., 1998-1999, pp. 490-500 ; M. MINNAERT, « Gezag, toezicht en controle tijdens het gerechtelijk onderzoek : Perspectieven uit de rechtspraak na de wet van 12 maart 1998 », inTendances de la jurisprudence en matière pénale, Mys & Breesch, 2000, pp. 114-160.

274Doc. Parl., Ch. repr, session 2005-2006, n° 51 – 2055/001, p. 55.

275 Cass., 31 octobre 2006, Pas., 2006, p. 2239 ; Chron. D.S., 2007, p. 441 ; T. Strafr., 2007, p. 53, note F. SCHUERMANS. La Cour précise, dans cet arrêt, que l'article 235ter du Code d'instruction criminelle, tel qu'il a été inséré par la loi du 27 décembre 2005, instaure une procédure distincte en vertu de laquelle la chambre des mises en accusation examine seulement la régularité de la mise en œuvre des méthodes particulières de recherche d'observation et d'infiltration dans la mesure où elle est appelée à cet effet à contrôler le dossier confidentiel visé aux articles 47septies ou 47novies du Code d'instruction criminelle, tels qu'ils ont été insérés par la loi du 6 janvier 2003 et remplacés par la loi du 27 décembre 2005.

276 Cass., 14 octobre 2008, J.T., 2008, p. 755 et note B. DEJEMEPPE ; Cass., 19 mars 2008, Rev. dr. pén., 2008, p. 827, concl. D.VANDERMEERSCH ; T. Strafr., 2008, p. 212 et note T. DECAIGNY.

réquisition du ministère public, la régularité de la mise en œuvre de ces méthodes277. De même, en application de l’article 189ter du Code d’instruction criminelle, le juge du fond peut, d’office, sur réquisition du ministère public ou à la demande d’une partie, charger la chambre des mises en accusation de contrôler les méthodes particulières de recherche auxquelles il a été recouru dans le cadre de l’information278.

C. L’observation

L’article 47sexies du Code d’instruction criminelle autorise le procureur du Roi à recourir à l’observation279 systématique par un fonctionnaire de police d’une ou de plusieurs personnes, de leur présence ou de leur comportement ou de choses, de lieux ou d’événement déterminés280.

L’observation systématique 281 englobe quatre situations distinctes :

• Une observation de plus de cinq jours consécutifs ou de plus de cinq jours non consécutifs mais répartis sur une période d’un mois ;

• Une observation dans le cadre de laquelle des moyens techniques sont utilisés ; • Une observation revêtant un caractère international ;

• Une observation exécutée par des unités spéciales de la police fédérale.

L'observation, avec ou sans moyen technique sans vue dans une habitation, peut être ordonnée par le procureur du Roi si les nécessités de l'enquête l'exigent et si les autres moyens d'investigation ne semblent pas suffire (art. 47sexies, § 2 : condition de subsidiarité).

Si des moyens techniques sont requis, il faut en outre qu'il existe des indices sérieux que les faits sont de nature à entraîner un emprisonnement correctionnel d'un an ou plus (art. 47sexies, § 2 : condition de proportionnalité).

277 Voir l’article 235ter, § 1er, al. 2 du Code d’instruction criminelle.

278 Cass., 14 octobre 2008, J.T., 2008, p. 755 et note B. DEJEMEPPE. Dans cet arrêt, la Cour précise que la constatation par la juridiction de jugement que le contrôle de l’application des méthodes particulières de recherche n’a pas été exercé au moment approprié ne constitue pas un nouvel élément concret justifiant le renvoi de la cause à la chambre des mises en accusation. Un tel renvoi suppose en effet que, devant la juridiction de jugement, des éléments aient été découverts quant aux méthodes particulières de recherche mises en œuvre, qui peuvent indiquer l’existence d’une omission, d’une irrégularité, d’une nullité ou d’une fin de non-recevoir de l’action publique et qui n’avaient pas encore été portés à la connaissance de la chambre des mises en accusation au moment où celle-ci a exercé son contrôle en application de l’article 235ter.

279 Voy. C. DE VALKENEER, Manuel de l’enquête pénale, 4ème éd., Larcier, Bruxelles, 2011, pp. 288-301.

280A. JACOBS, « La loi du 6 janvier 2003 concernant les méthodes particulières de recherche et quelques autres méthodes d’enquête », Rev. dr. Ulg, 2004, pp. 39-55 ; H.-D. BOSLY, D. VANDERMEERSCH et M.-A. BEERNAERT, op.

cit., pp. 479-483.

281 Une observation occasionnelle n’est pas visée : voir R. VERSTRAETEN, Handboek Strafvordering, 4ème éd., Maklu, Anvers, 2005, p. 311 ; Corr. Gand, 29 octobre 2004, Vigiles, 2005, p.64 et note de H. BERKMOES.

L'autorisation mentionne les indices sérieux de l'infraction, les motifs pour lesquels l'observation est indispensable, le nom ou la description de la personne, des choses ou des lieux observés, la manière dont l'observation sera exécutée, la période pendant laquelle elle sera exécutée, et le nom ainsi que la qualité de l'officier de police judiciaire qui dirigera l'exécution de l'observation (art. 47sexies, § 3).

Le procureur du Roi peut à tout moment modifier, compléter ou prolonger son autorisation ; il peut aussi la retirer.

Outre les rapports confidentiels conservés au dossier secret, l'officier de police chargé de l'exécution de la mesure établit un procès-verbal des différentes phases d'exécution de l'observation mais sans y mentionner aucun élément susceptible de compromettre les techniques utilisées ni l'anonymat des indicateurs et des policiers chargés de l'observation ; c'est ce procès- verbal qui figurera au dossier répressif.

D. L’infiltration

L’infiltration282, qui est organisée par l’article 47octies du Code d’instruction criminelle, est définie comme « le fait pour un fonctionnaire de police, appelé infiltrant, d’entretenir, sous une identité fictive, des relations durables avec une ou plusieurs personnes à propos desquelles il existe des indices sérieux qu’elles ne commettent ou commettraient des infractions dans le cadre d’une organisation criminelle ou des crimes et délits visée à l’article 90ter §§ 2 à 4 » du Code d’instruction criminelle. C’est le procureur du Roi qui autorise, tant dans le cadre d’une enquête proactive que d’une enquête réactive, le recours à l’infiltration283. C’est également lui qui peut permettre aux services de police d’appliquer certaines techniques d’enquête policières284 dans le respect de la finalité de l’infiltration285.

Ces techniques (achat de confiance, achat-test, pseudo-vente, vente de confiance, livraiso, contrôlée, livraison assistée et frontstore) sont énumérées, définies et réglementées par l'arrêté royal du 9 avril 2003. Elles sont réservées à des policiers spécialement formés à cet effet, à savoir à des agents de la direction des unités spéciales de la direction générale de l’appui opérationnel de la police fédérale.

282 Voy. C. DE VALKENEER, Manuel de l’enquête pénale, 4ème éd., Larcier, Bruxelles, 2011, pp. 303-315.

283 À l’exception de l’infiltration dans les locaux d’un avocat ou d’un médecin qui est réservée au juge d’instruction (article 56bis, al. 3 du Code d’instruction criminelle).

284 Voir C. DE VALKENEER, La tromperie dans l’administration de la preuve pénale : Analyse en droits belge et international

complétée par des éléments de droits français et néerlandais, Larcier, Bruxelles, 2000, p. 54 et s. ; l’article 8 de l’AR du 9 avril

2003 précise toutefois que les techniques d’enquête policières de livraison contrôlée de personnes, de livraison assistée contrôlée et de fronstore requièrent l’accord préalable et écrit du procureur fédéral.

285 Voir l’article 47octies, § 2, al. 2 du Code d’instruction criminelle ; voir aussi sur ce point Doc. Parl., Ch. repr., session ordinaire 2001-2002, n° 50-1688/001, p. 36

Le procureur du Roi peut à tout moment modifier, compléter ou prolonger son autorisation ; il peut aussi la retirer.

Au point de vue de la forme, l’article 47octies, § 3 du Code d’instruction criminelle prévoit que, sauf en cas d’urgence286, l’autorisation du procureur du Roi est écrite et contient les mentions énoncées par cette disposition. L’officier de police judiciaire chargé de diriger l’exécution de l’infiltration fait rapport au procureur du Roi de manière précise, complète et conforme à la vérité, du déroulement de l’opération. Ce dernier les conserve dans un dossier séparé et confidentiel287. Le même officier de police judiciaire rédige le procès-verbal des différentes phases de l’infiltration mais n’y mentionne aucun des éléments susceptibles de compromettre les moyens techniques et les techniques policières utilisées ou la garantie de la sécurité et de l’anonymat de l’indicateur et des policiers chargés de l’exécution de l’observation288. Ce procès-verbal est joint au dossier répressif au plus tard après qu’il a été mis fin à l’infiltration289.

Dans le document Procédure pénale (Page 90-95)