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L ’ INCOMPATIBILITE DE LA LEGISLATION D ’ URBANISME

C ONCLUSION DU TITRE

247. L’opposition du cadre théorique de l’urbanisme à la dynamique de la performance urbanistique est évidemment beaucoup plus importante qu’on l’aurait imaginée. La défectuosité et l’incertitude des fonctions publiques et des normes d’encadrement, la récurrence des textes inefficients et inapplicables, les pleins pouvoirs présidentiels et parlementaires, le régime d’applicabilité tacite et instable, les pouvoirs discrétionnaires en général, l’absence de contentieux et de ligne directrice d’urbanisme, le chevauchement et l’antagonisme des institutions, les immunités illimitées, ainsi que les attributions et compétences concrètement impossibles... rendent improbable une performance du droit de l’urbanisme en Haïti. L’urbanisme est pris au piège d’un modèle théorique fondamentalement conditionné à l’inefficacité et des règles dont seuls leurs auteurs et principales autorités semblent avoir le secret d’applicabilité. Ce cadre théorique, qui se base sur des intitulés nébuleux et fractals, comme sur l’absence de mécanismes d’application, ne prévoit d’ailleurs pas précisément de devoirs ou d’obligations pour les principales autorités publiques. Ainsi, il fragilise l’ensemble des institutions, missions et attributions d’urbanisme ; expose à l’incertitude totale et à des risques de toutes sortes tant pour l’exercice des missions et attributions d’urbanisme que pour les fonctionnaires eux-mêmes. Dans une logique de causalité linéaire, un tel cadre devrait aboutir à l’arbitraire, au désordre général, à la loi des opportunités électoralistes ou à un cycle d’irrationalités urbanistiques.

Ce cadre théorique compromettant pour la performance du droit de l’urbanisme pronostique donc des pratiques d’urbanisme imprédictibles et difficilement qualifiables dont il convient d’analyser caractéristiques et enjeux, pour pouvoir se faire une idée plus ou moins exhaustive du syndrome d’inefficacité générale et de l’ampleur de ses obstacles à la performance urbanistique en Haïti.

TITRE II.

LANTINOMIE ENTRE PRATIQUES IRREGULIERES ET PERFORMANCE

248. On peut distinguer autant de types de pratiques que de facettes théoriques du droit de l’urbanisme, notamment les pratiques de réglementation, de planification urbaine, d’urbanisme opérationnel, de concessions d’aménagement et des marchés publics d’urbanisme, de concertation, d’affectations foncières, de contrôle de l’utilisation du sol, comme de contentieux de l’urbanisme 689. Selon la catégorie sociale intervenant en urbanisme, se différencient

également des pratiques politiques ou d’orientations stratégiques, administratives, professionnelles, sociales, populaires et autres 690. Plus synthétiquement, les pratiques

d’urbanisme concernent toutes les actions d’élaboration, d’exécution et de mise en œuvre des règles d’urbanisme, ainsi que toutes les structures et catégories socioéconomiques. En revanche, les pratiques attentatoires à l’urbanisme en Haïti n’ont pas toujours des caractéristiques exhaustivement qualifiables. Il est simplement à supposer qu’elles résultent du cadre théorique de l’urbanisme décrit au chapitre précédent. Logiquement, lorsqu’un cadre juridique se révèle insuffisant pour répondre aux réalités existantes, les personnes qui en ont la charge doivent ou bien en créer un autre approprié, ou bien l’appliquer tel qu’il est ou bien recourir à des échappatoires pour le contourner. Haïti s’est donc orienté dans cette dernière voie. Les lacunes théoriques d’urbanisme étant trop importantes, elles finissent par contraindre toutes les structures à des pratiques irrégulières et compromettantes pour l’urbanisme, autrement dit antinomiques avec la notion de performance urbanistique.

249. Les pratiques irrégulières d’urbanisme sont antinomiques avec la performance urbanistique en raison de l’imprédictibilité de leurs formes, contenus, parcours et évolution, ainsi que de leur caractère anarchique et illogique. Non seulement ces pratiques ne respectent pas les dispositions existantes 691, mais encore elles n’obéissent même pas à une norme tacite, encore moins à une

dynamique de performance. Comme auraient pu l’avancer bien des pragmatistes 692 ou des

théoriciens du chaos, l’irrégularité juridique d’une pratique ne traduit pas ipso facto une antinomie par rapport à la performance. La règle établie doit tout au moins permettre d’atteindre des résultats dans les conditions optimales. La régularité juridique des pratiques n’implique pas non plus forcément la performance. Une pratique irrégulière par rapport aux règles d’urbanisme

689 Voir : BERNARD, François-Charles. Pratique du contentieux de l’urbanisme, procédures administratives et judiciaires, réparations

et indemnités. 2001 ; PIPARD (Dominique) et MAILLARD (Alain). Urbanisme-Aménagement, Pratique de la concertation,

acteurs, principes juridiques, modèles. 2003 ; GERARD, Patrick. Pratique du droit de l’urbanisme, urbanisme réglementaire,

individuel et opérationnel. 2007 ; JOYE, Jean-François. Pratique des droits de préemption, définitions, champs d’application, mise

en œuvre et gestion. 2010.

690 Voir THOMASSET, Claude G. « Pratique du droit », p. 468-469. In : ARNAUD, André-Jacques (Sous la direction de).

Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit. 1993.

691 Elles ne le pouvaient d’ailleurs pas de manière efficace car les dispositions existantes se révèlent trop

catastrophiques.

692 DELEDALLE, Gérard. « Pragmatisme ». Encyclopædia Universalis [en ligne]. [Consulté le 22 avril 2014]. Sur :

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établies aurait pu se révéler performante 693. Mais tel n’est pas le cas en Haïti. Il s’agit, au

contraire, d’une situation très complexe car l’irrégularité caractérise aussi bien le cadre théorique que les pratiques semblables à celles d’urbanisme.

Ainsi, pour anticiper le doute sur le caractère antinomique des pratiques irrégulières d’urbanisme, nous avons essayé d’en prendre en compte le double sens, à savoir, que les pratiques d’urbanisme sont non seulement irrégulières par rapport aux règles existantes mais aussi contradictoires et compromettantes à la performance urbanistique. Nous l’avons fait en établissant les activités et opérations anarchiques de programmation, d’aménagement et d’équipements publics (Chapitre 1) et les pratiques déviantes d’encadrement en matière d’urbanisme (Chapitre 2).

693 En Haïti, dans de nombreuses situations, les administrés, justiciables ou intervenants des secteurs privé et associatif

ont tendance à manifester une préférence aux voies non-formelles car plus performantes. Celles-ci sont généralement plus pragmatiques, plus accessibles et plus transparentes. Il appartient donc au droit de ne pas laisser combler ses lacunes par la pratique.

CHAPITRE I.

LES PRATIQUES ANARCHIQUES DE PROGRAMMATION, DAMENAGEMENT

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