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L ES MISSIONS PUBLIQUES PROBLEMATIQUES D ’ URBANISME

244 G OUVERNEMENT DE LA R EPUBLIQUE D ’H AÏTI , U NITE DE CONSTRUCTION DE LOGEMENTS ET DES BATIMENTS

A. Les déficiences générales

101. Le MTPTC est la principale institution compétente en matière d’urbanisme en Haïti 294. Aux

termes du [décret du 18 octobre 1983 relatif à son organisation et son fonctionnement] 295, ce

ministère a pour attribution de coordonner, contrôler et superviser les études et les opérations de génie civil, d’urbanisme, d’architecture, de transports et de communications entreprises par l’État à travers le territoire national 296. Il a en outre la responsabilité de vérifier la concordance

des programmes et projets préparés par les différents organes publics avec l’orientation établie et les normes agréées, dans la perspective de leur intégration dans le plan national. Il est aussi appelé à évaluer les projets du secteur privé, à contrôler leur mise en œuvre et à en autoriser l’exécution 297.

102. Le MTPTC a également pour mission d’assurer l’étude, la planification, l’exécution, l’entretien, le contrôle, la supervision et l’évaluation de toutes les infrastructures relatives aux équipements urbains et ruraux, aux routes, ports et aéroports, aux systèmes de télécommunications ou d’alimentation en eau potable 298. C’est aussi à lui qu’est confiée la tâche d’ « établir les

règlements d’urbanisme et les normes techniques de construction ».

294 Sur les quatre directions centrales que compte le MTPTC, autres que la direction générale, deux ont exclusivement

des attributions d’urbanisme : la direction des travaux publics et la direction des transports. À chacune de ces deux directions centrales se rattachent une direction métropolitaine et d’autres régionales en charge de questions d’urbanisme. Voir le [décret du 18 octobre 1983 portant organisation et fonctionnement] du ministère des Travaux publics, des Transports et de la Communication.

295 Ce décret est désigné sous l’intitulé de « loi organique du ministère des Travaux publics, des Transports et de la

Communication ».

296 Art. 12 du [décret du 18 octobre 1983 portant organisation et fonctionnement] du ministère des Travaux publics,

des Transports et de la Communication.

297 Même décret. Art. 12.

103. Par ailleurs, le MTPTC doit réglementer et contrôler la prestation des services fournis par des entités publiques et privées agissant dans les différents domaines relevant de sa compétence 299.

L’article 3 du [décret du 18 octobre 1983 portant organisation et fonctionnement] de ce ministère donne à celui-ci l’aptitude légale pour passer des contrats avec le secteur privé local ou étranger, ce qui constitue une prérogative favorable aux stratégies de recherches de financement de l’urbanisme. Dans le cadre des activités relevant de sa compétence, il est appelé à fournir un support technique aux autres ministères et pouvoirs publics, aux municipalités et au secteur privé des affaires ou associatif 300. Il exerce aussi un pouvoir de « tutelle » sur d’autres

organismes autonomes ayant rapport avec l’urbanisme opérationnel. Sa « tutelle » s’étend ainsi sur l’Électricité d’Haïti (′DH), la Direction nationale d’eau potable et d’assainissement (DINEPA) 301, le Laboratoire national du bâtiment et des travaux publics (LNBTP), la

compagnie nationale des transports (CONATRA) 302, le service de location d’équipement lourd

de construction (SLELC) 303, l’office national du cadastre, le service de signalisation routière, le

bureau de géodésie et de cartographie 304, l’office national de l’aviation civile, l’Autorité

aéroportuaire nationale et autres 305.

104. Les attributions d’urbanisme conférées au ministère des TPTC posent une première série de problèmes quant à la dénomination même de l’institution. L’appellation de « ministère des travaux publics » sous-tend des compétences relatives au domaine des travaux publics, alors que l’urbanisme embrasse tant les travaux d’ordre public que d’ordre privé. Les règlements d’urbanisme et les normes de construction, ne pouvant pas concerner uniquement les

299 Art. 2 [du décret du 18 octobre 1983 portant organisation et fonctionnement] du ministère des Travaux publics,

des Transports et de la Communication.

300 Art. 4 [du décret du 18 octobre 1983 portant organisation et fonctionnement] du ministère des Travaux publics,

des Transports et de la Communication. Les services fournis par ce ministère en ce sens doivent faire l’objet d’une convention.

301 La DIN′PA est appelée à remplacer la Centrale autonome métropolitaine d’eau potable et le Service national d’eau

potable. Voir les articles 12 à 20 et 24 à 26 de la loi cadre portant organisation du secteur de l’eau potable et de l’assainissement.

302 La CONATRA, qui n’existe plus, semble avoir été remplacée par le Service Plus, qui devient une coopérative de

transport public en Haïti.

303 Le SLELC semble avoir cédé la place à la Compagnie nationale des équipements (CNE) qui intervient actuellement

dans les opérations d’aménagement urbain et d’infrastructures. Il n’existe pas encore de cadre juridique concernant l’organisation du CN′ qui nous permettrait de préciser son rôle dans le droit de l’urbanisme. Mais sa dénomination laisse supposer une mission d’urbanisme opérationnel.

304 Cf. art. 1er, 29 et 30 du décret du 12 octobre 2005 portant création du Centre national d’information géo-spatiale.

Le service de géodésie et de cartographie, qui devait être transféré à ce centre, est placé depuis 2005 « sous la tutelle » du ministère de la Planification et de la Coopération externe.

305 Art. 5 [du décret du 18 octobre 1983 portant organisation et fonctionnement] du ministère des Travaux publics,

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établissements publics ou constructions à usage public 306, supposent un problème d’ordre

sémantique quant à la dénomination de ce ministère.

105. À cela, le décret du 6 janvier 1982 permet de répondre de manière assez nette 307. Il attribue au

ministère des Travaux publics, des Transports et de la Communication (MTPTC) la tâche de décider de toute question découlant des dispositions relatives au lotissement, à la construction des routes, des drainages et des ouvrages d’art 308. Sous le couvert de ce décret, ce ministère est,

en outre, chargé d’inspecter régulièrement les lotissements en cours de modification ou d’édification, de s’assurer de la conformité des travaux projetés et de l’occupation du terrain avec les règles établies 309. Ce décret lui confie aussi le pouvoir d’interdire toute occupation

légalement défendue, ainsi que de suspendre ou de démolir les travaux de lotissement qui ne sont pas conformes aux règles établies. L’urbanisme dont est chargé le MTPTC couvre tant les travaux publics que les opérations de construction à usage privé. Pourtant, ce ministère continue de garder sa dénomination de « ministère des Travaux publics 310 ».

106. Quant aux attributions conférées au MTPTC par les 4° et 5° de l’article 4 du décret du 18 octobre 1983 portant organisation de ce ministère, relativement à l’interdiction des occupations de sol légalement défendues, à la suspension ou à la démolition des travaux de lotissement qui ne sont pas conformes aux règles établies, elles comportent une lacune procédurale considérable. Le texte ne trace pas les procédures de démolition ou d’interdiction des travaux. Les autorités pourront-elles le faire à l’aide d’un simple procès-verbal d’inspection ou d’un simple désaccord à des travaux de lotissement ? Qu’est-ce qui protège le lotisseur d’un acte arbitraire de ladite autorité ?

107. Par ailleurs, la réalité concernant les travaux et bâtiments publics en Haïti montre que le ministère des Travaux publics, des Transports et de la Communication (MTPTC) n’a pas rempli (ou n’a pas pu remplir) convenablement ses missions 311. Avant même le séisme du 12 janvier

306 Étant donné que le MTPTC est l’unique ministère principalement chargé de l’urbanisme, sa dénomination ne reflète

pas ses attributions. Celles-ci ne pouvaient logiquement pas porter sur des travaux publics seulement.

307 Art. 4 du décret du 6 janvier 1982 [sur l’urbanisme].

308 Aux termes de cette disposition, les opérations relatives au lotissement, à la construction des routes et des drainages,

et aux ouvrages d’art doivent faire l’objet d’un permis spécial.

309 Ce contrôle de conformité doit se faire par des visites sur les lieux.

310 Si la dénomination « ministère des Travaux publics, des Transports et de la Communication » ne fait pas problème

quant à l’exercice de ses attributions d’urbanisme, elle projette un sens qui risque d’avoir des impacts autres que ceux souhaités sur la collectivité et sur la façon d’appréhender son rôle dans le droit de l’urbanisme. Cette dénomination ne correspond pas à un ministère principalement chargé des questions d’urbanisme.

311 Le séisme du 12 janvier 2010 a emporté presque tous les établissements publics ou à usage public, dont les

établissements logeant les ministères, le palais national, la cathédrale de Port-au-Prince, les écoles, les églises, des

hôtels, etc. Voir GOUVERNEMENT DE LA REPUBLIQUE D’HAÏTI (Sous la direction de). « Haïti : PDNA du

tremblement de terre / Évaluation des dommages, des pertes et des besoins généraux et sectoriels : Annexe du plan d’action pour le relèvement et le développement national d’Haïti ». Mars 2010, p. 9.

2010, le réseau routier, les infrastructures et bâtiments publics étaient dans un état tellement exécrable que plusieurs d’entre eux se sont effondrés ou affaissés maintes fois par l’effet de catastrophes naturelles moins violentes 312.

108. Comme il ne nous est pas dévolu de faire le procès du MTPTC, nous supposons simplement qu’il n’a pas rempli convenablement ses attributions d’urbanisme, par manque de moyens ou à cause des conflits politiques plutôt que par irresponsabilité. Il est également probable que ses recommandations n’aient pas été prises en compte par les gouvernements successifs du pays. Mais il reste entendu que, en tant qu’institution chargée de l’urbanisme, des travaux et bâtiments publics, il était de son attribution de recommander la reconstruction des ouvrages publics vétustes et en état de délabrement, comme il devrait l’être pour tous bâtiments privés 313.

Soulignons en ce sens, entre autres problèmes d’urbanisme en Haïti, celui de suivi et d’évaluation des opérations d’aménagement et d’urbanisme et de l’état du bâti.

109. Il y a un autre aspect qu’il ne faut surtout pas oublier : le système gouvernemental favorise une arène politique entre gros et petits ministères, entre ministères plus proches du président de la République, ou du Parlement, ou politiquement plus forts, et les ministères destinés à des missions plus techniques. Selon le système gouvernemental d’Haïti, il est fort probable que certains ministères ou postes politiques soient utilisés comme un moyen de faire discréditer des hommes politiques gênants, pour des motifs électoralistes ou d’intérêt lié à la guerre des partis politiques. Tel que le montre la situation en Haïti, il est aussi probable que le MTPTC fût l’un des maillons faibles du jeu politique, l’un des souffre-douleur, ou l’un des instruments de discrédit ou d’affaiblissement de la popularité des hommes politiques gênants ou distants du parti du président de la République 314. Le conflit interministériel et l’effet-papillon de

l’inefficacité gouvernementale sont d’ailleurs extériorisés à travers certains projets ministériels.

312 Le 7 novembre 2008, l’effondrement d’un établissement scolaire à Nerettes, Collège « La Promesse », a fait plus de

90 morts et 150 blessés. C’était comme un avertissement à la nécessité d’appliquer et d’observer des normes de construction des établissements publics. Malgré tout, les autorités haïtiennes n’ont pas tiré des leçons de cet événement. Le 12 novembre 2008, un autre établissement scolaire, Grâce divine, au centre-ville de Port-au-Prince,

s’est encore effondré, faisant sept blessés. Voir ALTERPRESSE. « Haïti-Accident : L’effondrement de l’édifice d’une

école évangélique provoque un nouveau drame humain ». 7 novembre 2008.

313 La dénomination du ministère des Travaux publics, des Transports et de la Communication porte à supposer

l’existence d’une autre institution en charge de la réglementation et du contrôle des constructions individuelles et travaux et opérations privés. Or, tel n’est pas le cas. Ce ministère est chargé des aspects tant privés que publics de l’urbanisme.

314 Le MTPTC est éclipsé tant par le ministère de l’Intérieur au travers des délégués que par le ministère de la

Planification et de la Coopération externe (MPC′), pour ce qui est des contrats d’aménagement et d’urbanisme.

Les missions juridiquement dévolues au MTPTC sont tacitement confiées aujourd’hui au MPC′. Voir SYSTEME

DES NATIONS UNIES EN HAÏTI et MINISTERE DE LA PLANIFICATION ET DE LA COOPERATION EXTERNE D’HAÏTI. « Cadre stratégique intégré des Nations Unies pour Haïti, 2010-2011 ».

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Aujourd’hui, le MTPTC a sa compilation sur l’urbanisme 315 et le ministère de l’Intérieur et des

Collectivités territoriales, la sienne 316. Ceci, avec, en grande partie, les mêmes textes

foncièrement lacunaires et, pour la plupart, désuets. Force est de constater que, nonobstant les aptitudes intellectuelles et la bonne foi d’un ministre, celui-ci est dans une incapacité fondamentale de réaliser des projets productifs en Haïti. Cette situation n’épargnera pas le MTPTC, d’autant que sa mission est opérationnelle et technique.

Aux déficiences générales de ce ministère, il convient d’ajouter celle de l’incapacitation de ses directions et services d’urbanisme.

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