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L’incohérence des attributions ministérielles concernant les sites et l’information

L ES MISSIONS PUBLIQUES PROBLEMATIQUES D ’ URBANISME

244 G OUVERNEMENT DE LA R EPUBLIQUE D ’H AÏTI , U NITE DE CONSTRUCTION DE LOGEMENTS ET DES BATIMENTS

C. L’incohérence des attributions ministérielles concernant les sites et l’information

87. ′n plus des attributions d’urbanisme qui pourraient être confiées aux ministères nouvellement créés 251, plus d’une douzaine de ministères en Haïti exercent des missions spécifiques

d’urbanisme corollairement à leur domaine principal d’activités 252. Parmi ces missions, il

convient de relever celles liées aux problèmes de proximité de certains ministères, de sporadicité de certaines d’entre elles, d’absence de règles pour la mise en compatibilité des stratégies, d’ambigüité des dispositions régissant le rapport de certains ministères avec les collectivités territoriales, ou d’incertitude de certaines attributions ministérielles d’urbanisme.

88. Les attributions étudiées sous cet intitulé concernent les sites historiques, culturels, naturels et touristiques, ainsi que les informations techniques exploitables à des fins urbanistiques. Celles des diverses institutions relatives à l’encadrement des sites sont confuses, en raison de leur superposition et proximité. Celles portant sur l’information technique ou la collecte de données techniques à des fins urbanistiques se révèlent isolées et vagues. Environ cinq ministères ont des attributions indistinctes, notamment le ministère de la Culture, le ministère du Tourisme, le ministère de l’Information, le ministère de l’′nvironnement et le ministère des Cultes.

89. Selon l’esprit de l’article 45 du décret du 12 octobre 2005 [sur la gestion de l’environnement, la régulation de la conduite des citoyens et le développement durable], le ministère de la Culture est chargé du classement des sites archéologiques, culturels, historiques et folkloriques ainsi que de la régulation de l’usage et de l’utilisation de leur périmètre et des espaces qui y sont contigus 253. D’une part, les dispositions précédentes sont très sommaires. L’absence d’un cadre

juridique de fonctionnement pour ce ministère laisse un vide procédural concernant la prise en compte des périmètres relevant de sa compétence dans la planification, l’urbanisme opérationnel

251 Voir PRIMATURE REPUBLIQUE D’HAÏTI. « Les ministres du gouvernement Lamothe ». 2014. L’actuel

gouvernement haïtien a créé de nouveaux ministères délégués auprès du Premier ministre dont celui de la Sécurité énergétique, celui de la Promotion de la Paysannerie, celui des Droits de l’Homme et de la Lutte contre la Pauvreté extrême. Cependant, faute d’un cadre juridique et de documents permettant de retracer leurs fonctions, nous ne pouvons révéler que l’anomalie qui caractérise leur existence.

252 En plus du ministère des Travaux publics, des Transports et de la Communication, qui est principalement chargé

de l’urbanisme, environ une quinzaine sont appelés à en remplir des missions confuses ou connexes d’urbanisme. Les principaux sont : le ministère de l’Intérieur et des Collectivités territoriales, le ministère de l’′nvironnement, le ministère du Plan et de la Coopération externe, le ministère du Tourisme, le ministère de l’Agriculture, le ministère

de la Culture, etc. Voir PRIMATURE REPUBLIQUE D’HAÏTI. « Les ministres du gouvernement Lamothe ». 2014.

253 Voir art. 45 du décret du 12 octobre 2005 sur la gestion de l’environnement, la régulation de la conduite des

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et l’utilisation du sol. D’autre part, les dispositions du décret du 10 mai 1989, qui sont plus complètes, créent la confusion sur les compétences du ministère de la Culture relativement à ces sites 254. Elles ont instauré une institution sous la dénomination de « Commission nationale

du patrimoine », sous statuts d’organisme autonome doté d’un secrétariat permanent et chargé du patrimoine naturel, culturel, historique et artistique, qui est placée sous l’autorité du ministère de l’Information et de la Coordination 255.

90. Parallèlement à la Commission nationale du patrimoine, existe aussi l’Institut de sauvegarde du patrimoine national (ISPAN), qui fonctionne « sous la tutelle » du ministère de la Culture, avec à peu près les mêmes missions 256. Or, le ministère du Tourisme et le ministère de

l’′nvironnement sont respectivement chargés des sites touristiques et des sites naturels 257,

ceux-ci étant difficilement dissociables des autres sites 258. Le ministère des Cultes 259 duquel

dépendraient les sites de vaudou 260 est, en revanche, le mieux placé pour revendiquer

l’aménagement de ces derniers qui est effectué par le ministère de la Culture 261. Ainsi, cinq

ministères, en plus du Conseil des ministres, se partagent des missions urbanistiques tellement semblables qu’il devient difficile d’y délimiter le rôle spécifique de chacun des protagonistes. 91. Quant à la planification du développement touristique par le ministère du Tourisme, elle souffre

d’un important défaut de normes de mise en compatibilité. Ce ministère a comme mission

254 Voir art. 2 et 11 à 18 du décret du 10 mai 1989 [portant création] de la Commission nationale du patrimoine. Selon

l’article 11 de ce décret, la proposition de classement des immeubles ou terrains se fait par décision du Conseil des ministres, sur le rapport de cette commission, qui est placée sous l’autorité du ministère de l’Information et non sous celle du ministère de la Culture. Ce décret a omis de prévoir l’harmonisation de l’architecture ou la mise en conformité des constructions ou opérations d’aménagement à l’intérieur, contiguës ou proches des sites culturels et historiques avec ceux-ci. Ses restrictions se limitent très superficiellement aux transactions d’aliénation et aux travaux concernant des immeubles objets d’une procédure de classement, ainsi qu’au placement des autorisations de constructions adossées aux immeubles classés dans l’attribution du Conseil des ministres.

255 Art. 2 du décret du 10 mai 1989 [portant création] de la Commission nationale du patrimoine.

256 L’ISPAN est aussi chargé des sites et monuments historiques. Il intervient dans le processus d’instruction des

demandes de permis dans les zones historiques touristiques. Voir décret du 29 mars 1979 créant l’organisme autonome dénommé « Institut de sauvegarde du patrimoine national ».

257 Art. 45 et 47 du décret du 12 octobre 2005 [sur la gestion de l’environnement, la régulation de la conduite des

citoyens et le développement durable]. Aux termes de l’article 45 de ce décret, l’initiative du classement des sites naturels revient au ministère de l’′nvironnement.

258 Voir la loi du 18 avril 2002 sur le fonctionnement du ministère du Tourisme.

259 Le ministère des Cultes a pour mission de veiller à l’exécution des dispositions relatives à l’exercice des cultes

religieux. Sa direction de l’inspection est chargée de veiller au respect des normes régissant l’exercice des cultes, de recenser, d’enregistrer et d’inspecter ces derniers. Voir art. 1er, 18 et 19 du décret du 5 août 1987 organisant le ministère des Cultes.

260 En réalité, tous ces sites visent une finalité touristique, ce qui semble expliquer les difficultés, pour les cinq

ministères qui en ont la charge, d’y trouver leur place spécifique respective.

261 Il n’existe pas de dispositions juridiques sur cette compétence. L’aménagement des sites de vaudou se fait dans la

principale de définir des stratégies susceptibles de favoriser le développement du tourisme 262.

Aux termes de la loi du 18 avril 2002 sur le fonctionnement du ministère du Tourisme, celui-ci a pour attributions d’élaborer la politique touristique nationale et d’en assurer le suivi, de planifier et de promouvoir le développement des régions et zones touristiques 263, autrement dit

de réaliser et de mettre en œuvre le plan du développement touristique. Il a aussi la vocation de contribuer au développement du secteur du transport touristique et d’en réglementer le fonctionnement, de mettre en valeur le patrimoine culturel et historique du pays 264. Les

dispositions relatives à l’élaboration et la mise en œuvre du plan de développement touristique en Haïti sont les mieux pourvues en termes de règles d’élaboration, d’association des collectivités territoriales à sa réalisation et à sa mise en œuvre 265. Cependant, ni la loi concernant ce plan, ni

les autres dispositions ne précisent le rapport de compatibilité qui doit exister entre ce dernier et les documents d’urbanisme des autres ministères ou des collectivités territoriales, ce qui s’inscrit dans la continuité des politiques sporadiques d’urbanisme.

92. Concernant les attributions relatives à l’information, il y a surtout lieu de relever leur caractère vague et isolé. Ces attributions sont inscrites dans le champ des compétences du Centre national d’information géo-spatiale (CNIGS) 266, regroupant le service de géodésie et de cartographie et

l’unité de télédétection et du système d’information géographique (UTSIG). Ce centre, qui est placé « sous la tutelle » du ministère de la Planification et de la Coopération externe (MPCE), a pour mission de réaliser une banque de données cartographiques et géo-spatiales 267, d’étudier

les risques cycloniques et autres, ainsi que d’informer les acteurs de l’urbanisme des risques naturels prévisibles, de l’état géodésique et géographique, des espaces et des sols du territoire 268.

Cependant, il y a un vide du droit quant à la responsabilité et l’imputabilité de la fiabilité des données et informations d’une part, et quant à leur prise en compte dans les documents de planification, d’autre part. S’il est vrai que l’article 3 du décret portant organisation du CNIGS fait implicitement des informations et données géodésiques, géographiques et du sol un instrument de planification urbanistique, il n’existe aujourd’hui, à notre connaissance, aucune disposition de planification concernant leur prise en compte dans un document d’urbanisme, ou les affectations de l’espace et l’utilisation du sol.

262 Art. 2 de la loi 18 avril 2002 sur le fonctionnement du ministère du Tourisme.

263 Art. 3 et 4 de la loi 18 avril 2002 sur le fonctionnement du ministère du Tourisme.

264 Même loi. Art. 4, f-h.

265 Même loi. Art. 4 (n), 20 et 22. Ces dispositions portent des règles sommaires sur la conformité du plan avec les

normes supérieures, la participation des organes déconcentrés à son élaboration et des organes de sa mise en œuvre.

266 Art. 1er, 30 et 31 du décret du 12 octobre 2005 portant création du Centre national d’information géo-spatiale.

267 Aux termes de l’article 3 de ce même décret, le CNIGS a pour mission de produire et de diffuser, sur tout le

territoire national, des informations géographiques actualisées, fiables et susceptibles d’être exploitées au profit du développement durable en Haïti.

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Les incohérences sur les attributions relatives aux secteurs ou sites et aux données techniques d’urbanisme, si considérables qu’elles soient, ne représentent qu’une autre petite partie émergée de l’iceberg. D’autres, encore plus importantes, qui caractérisent les institutions plus impliquées dans les questions d’urbanisme et les rapports interinstitutionnels, risquent de rendre la performance urbanistique totalement irréalisable.

D. Autres attributions subsidiaires compromettantes pour l’urbanisme

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