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L ES MISSIONS PUBLIQUES PROBLEMATIQUES D ’ URBANISME

L ES MISSIONS ETATIQUES D ’ URBANISME

B. Les attributions d’urbanisme du Premier ministre

63. Le Premier ministre haïtien, chargé de définir la politique générale du gouvernement 177, exerce

plusieurs pouvoirs qui lui permettraient d’agir dans le cadre d’un droit de l’urbanisme en Haïti 178. Ces pouvoirs, comme pour tous les ministres de son gouvernement, sont ceux

d’instruction, de réformation, de réglementation et de faire exécuter la loi 179.

64. Le pouvoir d’instruction du Premier ministre l’habilite à adresser des instructions et à donner des directives aux ministres et aux secrétaires d’État 180 chargés de l’urbanisme ou exerçant des

attributions connexes. Son pouvoir de réformation est l’aptitude dont il dispose pour annuler ou réformer les actes des ministres et des secrétaires d’État, qui ne sont pas conformes à ses instructions et directives 181. Néanmoins, le Premier ministre n’a pas compétence pour réformer

ou annuler les actes ou décisions d’urbanisme pris par le ministre particulièrement chargé de l’urbanisme. Il ne peut exercer son pouvoir de réformation que sur les actes d’urbanisme pris par un ministre n’ayant pas de compétences particulières en la matière. Cependant, le problème est plus complexe. Dans la tradition politique, un ministre haïtien n’a aucun véritable pouvoir réglementaire en matière d’urbanisme 182.

65. Par ailleurs, relativement à son pouvoir réglementaire, le Premier ministre a l’aptitude d’édicter des lettres administratives, des circulaires ou arrêtés d’application en vue d’assurer l’exécution des lois et le bon fonctionnement de l’administration publique 183. Il est en partie responsable

des lacunes, de l’inexistence ou de l’inexécution des lois relatives à l’urbanisme, de même que du fonctionnement d’une institution publique chargée de l’urbanisme.

Il relèverait donc de la compétence du Premier ministre, conformément à l’article 30 du décret du 17 mai 2005 portant organisation de l’administration centrale de l’État, d’exercer son pouvoir réglementaire, pour pallier les lacunes d’urbanisme ou les failles d’une institution chargée de l’urbanisme. Il lui appartiendrait également de prendre les décisions opportunes et

177 La politique générale définie par le chef du gouvernement constitue le document de référence des politiques

sectorielles à définir par les ministres, chacun pour ce qui relève de sa compétence. Voir art. 35 du décret du 17 mai 2005 portant organisation de l’administration centrale de l’État.

178 Même décret. Art. 29.

179 Art. 29 du même décret. Voir aussi art. 159 Const. ht.

180 Art. 26.4 du même décret.

181 L’article 29.5 du décret susmentionné fait une exception quant à cette règle. Le Premier ministre ne peut pas

réformer les actes posés par ses ministres et secrétaires d’État auxquels sont conférées expressément des compétences particulières. Par ricochet, il n’a pas compétence pour réformer un acte d’urbanisme pris par un ministre ou un secrétaire d’État chargé expressément de l’urbanisme par une loi.

182 Un ministre n’a aucun recours à sa disposition contre le gouvernement auquel il appartient pour le porter à adopter

un règlement ou une politique. Il doit choisir entre deux possibilités : agir selon les vœux et désirs du chef de l’État ou démissionner.

ponctuelles pour faciliter le fonctionnement des institutions intervenant dans le droit de l’urbanisme 184. Néanmoins, il va se heurter à des obstacles juridiques de taille 185 et à la

prévalence des pouvoirs coutumiers du chef de l’État 186.

66. ′n Haïti, le Premier ministre est confronté à deux séries d’obstacles : 1. En tant que bouc émissaire des pouvoirs exécutif et législatif, il est entre l’enclume du président de la République 187 et le marteau du pouvoir législatif 188 ; 2. Il doit remplir des missions d’urbanisme

juridiquement impossibles 189.

À juger du décret du 17 mai 2005 fixant les principes d’organisation de l’administration centrale, la responsabilité du Premier ministre devrait pouvoir être engagée dans l’éventualité de dommages résultant de ses manquements en matière de politique urbaine et de dysfonctionnement des institutions chargées de l’urbanisme. ′n revanche, ce décret, qui confère au Premier ministre des rôles susceptibles de lui permettre d’intervenir dans le droit de l’urbanisme, est en grande partie contraire à la Constitution haïtienne 190.

67. Pris comme l’une des deux têtes principales du pouvoir exécutif, en sa qualité de chef du gouvernement, tout problème d’urbanisme peut lui être imputé au même niveau qu’au président de la République. Il a d’ailleurs la confiance de celui-ci pour l’exécution de la politique générale du gouvernement et pour garantir la bonne marche des institutions placées sous sa direction. Cependant, il ne peut endosser la responsabilité des ministres de son gouvernement en la matière.

De plus, les années 2009 et 2010 ont vu le Premier ministre haïtien s’attribuer d’autres missions en matière d’aménagement et d’urbanisme. Il préside désormais un comité interministériel d’aménagement du territoire (CIAT) et une unité de construction de logements

184 Art. 156, 159 et 163 Const. ht.

185 Le Premier ministre ne peut prendre que des arrêtés à portée juridique limitée. La réglementation sur des questions

d’intérêt général relève de la compétence du Parlement haïtien. Voir art. 111 et 159 Const. ht., 526 C. civ. ht.

186 Dans le répertoire des règlements en Haïti, il n’y a que très peu d’arrêtés émanant de Premier ministre. La fonction

de présidence du conseil des ministres assurée par le président de la République éclipse l’autorité du Premier

ministre en matière de réglementation urbaine. Son pouvoir, qui s’expose aux contrariétés politiques du chef de l’État ou de partisans de celui-ci, ne s’arrête qu’à des circulaires adressées aux ministères.

187 Aux termes de l’article 37.1 de la Constitution haïtienne, le président de la République peut mettre fin aux fonctions

du Premier ministre sur la présentation par celui-ci de la démission du gouvernement. Ainsi, sous couvert de cette disposition, le Premier ministre, dont la fonction n’est protégée par aucune norme, peut être limogé à tout moment par le président de la République.

188 Voir art. 129.2, 129.3, 129.4, 129.6, 156, 161 Const. ht. Le gouvernement est responsable devant le Parlement. Le

Premier ministre peut faire l’objet d’une interpellation (tous les six mois) et d’un vote de censure.

189 Voir art. 159 LC ht., 111 et 161 Const. ht. Le Premier ministre peut soutenir des projets de lois au Parlement, mais

il n’est pas habilité à règlementer les questions d’intérêt général. Son pouvoir réglementaire s’exerce au travers des arrêtés à portée limitée. Il ne peut non plus interpréter les lois, actes et décrets ni se dispenser de les exécuter. En un mot, le Premier ministre est constitutionnellement un exécutant des lois et règlements et non une autorité de réglementation à proprement parler.

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et de bâtiments publics (UCLBP). Mais ce qui précarise le plus la mission du Premier ministre est son statut de chef d’un gouvernement aux attributions d’urbanisme hasardeuses.

68. À la question de savoir si le Premier ministre a sa place dans un système de gouvernance performante en Haïti, nous répondrons par la négative. La fonction de Premier ministre (ou la « primature »), tel qu’elle existe en Haïti, est une modalité de couverture ou d’alibi à l’inefficacité du présidentialisme et du parlementarisme, une garantie à l’irresponsabilité ou au dilatoire politique, un instrument pour justifier l’inefficacité générale des postes électifs et le contre- développement. Une fonction si fragilisée, si dangereuse pour celui qui l’assume et si incompatible avec la notion de démocratie ne présente aucune garantie pour la performance en Haïti. Les missions d’urbanisme du Premier ministre sont trop floues, trop incertaines et trop sensibles aux dérives politiques. Aucune institution ne peut être performante en étant si dépendante des caprices des hommes politiques et si exposée à des menaces et à la perversion de tous les côtés. Une institution dont on ne connaît ni les conditions de maintien, de censure et d’amovibilité de son dirigeant, ni les critères d’évaluation et de prise en compte des efforts de celui-ci, n’a donc pas sa place dans un système basé sur la recherche de performance. Reconnaissant l’extrême sensibilité de cette fonction, certains anciens Premiers ministres n’ont d’ailleurs pas manqué de relever son caractère problématique 191.

69. D’autres causes expliquent le caractère problématique de la fonction du Premier ministre. Celui- ci est placé à la tête d’un ensemble d’institutions conflictuelles et précaires dont il n’est pas le supérieur hiérarchique naturel. Cette fonction donne par ailleurs naissance à une forme d’administration spécifique, qui génère des postes de dépenses inutiles à l’intérêt public et plusieurs institutions en doublon par rapport aux directions et services ministériels. Elle crée ainsi une situation de concurrence néfaste pour la performance avec les ministères. L’insuffisance des missions gouvernementales et administratives d’urbanisme peuvent en témoigner.

§ 2. L’

INSUFFISANCE DES MISSIONS GOUVERNEMENTALES OU EXECUTIVES D

URBANISME

70. Par insuffisance des missions gouvernementales, nous voulons dire ici que celles-ci ne conviennent pas pour permettre d’atteindre la performance urbanistique, notamment en raison de leur mauvaise qualité, de leur défaut d’efficacité, de rationalité et de productivité, ainsi que

191 Lionel Jospin relève une division entre les deux têtes du pouvoir exécutif, un esprit de confrontation néfaste à la

vie politique et à l’unité du pouvoir exécutif. Pour lui, le Premier ministre, paratonnerre du président de la République [est voué à une fin malheureuse] ; il doit partir, défait s’il a déplu ou pris trop d’importance, usé s’il a accompli son devoir avec dévouement. Édouard Balladur, de son côté, dit ceci : « Premier ministre ? Fonction la

plus difficile de la République, qu’on ne quitte que par le sacrifice ou par la défaite ». Voir BEGOC, Damien. Le

des déficiences organiques qui les caractérisent 192. Le gouvernement haïtien, qui se compose du

Premier ministre, des ministres et des secrétaires d’État, est chargée de la conduite de la politique d’urbanisme 193. Celle-ci s’exerce ordinairement, soit par le biais de chaque ministre le

composant ou du conseil des ministres, soit par le biais d’institutions interministérielles. Ainsi, pour établir le caractère aléatoire des missions d’urbanisme du gouvernement, il y a lieu de présenter les caractéristiques générales des missions gouvernementales d’urbanisme (A), le chevauchement des attributions gouvernementales d’urbanisme (B), l’incohérence des attributions ministérielles concernant les sites et l’information (C) et les autres attributions subsidiaires compromettantes pour l’urbanisme (D).

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