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Conclusion du Chapitre II

C ONCLUSION DU T ITRE I

170.-L’étude a permis de mettre en lumière que le droit du travail n’échappe pas à

l’implantation de la preuve électronique. La « juridicité de l’élément électronique », entendue comme la construction de son caractère proprement juridique, se réalise progressivement et ce, sous l’influence de règles plus ou moins souples, dont la force normative est bien réelle. Le juge du contrat de travail compose avec les éléments juridiques dont il dispose. Il les associe de façon à former une combinaison juridique adaptée à la preuve électronique. Aussi, l’implantation de la preuve électronique dans le contentieux prud’homal modifie incontestablement le contexte de la décision du juge du contrat de travail. Sa reconnaissance juridique induit la modification conceptuelle, intellectuelle et fonctionnelle du procès

171.- Sous l’angle de la fonction de juger, deux constatations générales émanent de

l’irruption des technologies modernes dans la procédure prud’homale. D’abord, la présence des TIC au procès entraîne la technicisation et la rationalisation du cadre juridique de la décision judiciaire. Le juge du contrat de travail réserve un accueil instinctivement favorable à la technologie, car lui-même est influencé par les procédés scientifiques. Ce constat s’explique par le fait que la société civile est actuellement caractérisée par un mode dominant de connaissance que certains nomment « technoscience »460, qui imprègne le milieu processuel. En réplique, le juge va encourager le développement des TIC au procès. Certains facteurs comme la direction prise par la justice vers la consécration de l’informatique juridique et son engouement pour la « jurimétrie »461, laissent à penser que l’informatique est en voie de devenir l’outil ad hoc au service de la cohérence du droit et de la qualité des décisions judiciaires.

460La technoscience représente l’interaction entre la technique et la science ; elle a pour singularisme de « manipuler le réel, le transforme[r], le ré-aménage[r]… ». L’organisation sociale est construite autour de cette notion, plus encore il s’est agi de la transposition de « la rationalité scientifique dans les l’activité sociale, illustrée par la bureaucratie ou les nouveaux modes de production de biens et de services » : HUDON (R.) et PELLETIER (R.), « L’engagement intellectuel », in Mélanges en l’honneur de Léon DION, Québec, PUL, 1991, p. 173.

461 La jurimétrie est une technique développée outre-Atlantique alliant statistiques et droit. V. pour une analyse plus poussée de l’informatique juridique : GOULET (J.), « La machine et le droit et la machine du droit », Les Cahiers de droit, 1973, V. 14, n°3, p. 473-498, texte qui constituait l’intervention de l’auteur au Congrès international d’informatique juridique de 1973 qui s’est tenu en France à Strasbourg.

172.-L’intervention du juge du contrat de travail dans la composition du nouveau cadre juridique de la preuve électronique est riche d’enseignements pour l’étude. Elle éclaire de manière significative les insuffisances et la complexité du cadre probatoire de droit commun. Les règles du droit procédural encadrant les Technologies de l’Information et de la Communication sont en effet très variées, tant au regard de leur forme que de leur contenu, ce qui présuppose la difficulté que revêt leur insertion dans l’ensemble du système juridique français462. Loin de s’apparenter à un véritable « régime juridique de la preuve électronique », dont les contours serait clair et adaptable aux différentes procédures, les dispositions édictées par le législateur peinent simplement à former un « ensemble fonctionnel de règles qui prennent place dans l’ordonnancement juridique existant et dont l’inobservation déclenche des sanctions étatiques »463.

173.-Le même constat d’échec peut être fait en pratique. Le nombre important de

preuve électronique produit au contentieux prud’homal et sa réception favorable dans le discours juridique prouve que les praticiens du droit sont en attente d’un régime simple, intelligible et efficace de la preuve électronique.

174.-Pour remédier à ces carences, la tendance est alors au détachement de la loi et à

l’émergence de nouveaux instruments juridiques atypiques qui ont vocation à influencer le comportement du juge et participent à la fabrication du droit de la preuve électronique. Ainsi, à travers le prisme probatoire, la mutation de la normativité ne se concrétise pas seulement par la technicisation mais également par le changement de la nature de la norme464.

175.-Suivant une logique purement processuelle, et parce que le rôle du juge du

contrat de travail ne peut être envisagé sans être comparé à celui des parties, l’implantation de la preuve électronique dans le contentieux prud’homal exige d’évaluer dans un second temps, les efforts probatoires réalisés par l’ensemble des acteurs juridiques pour assurer sa

462 JEULAND (E.), « Nouvelles technologies et procès civil, Rapport général pour les pays de droit civil », in PELLEGRINI (A.), CALMON (P.), Direito processual comparado, éd. Forense, Rio de Janeiro, 2007, p. 186 et s.

463 LEVENEUR (L.), « La Commission, source de droit ? », Contribution au colloque de la Cour de cassation intitulé « La Commission des clauses abusives en action : 30ème anniversaire », 20 mars 2009. En ligne : [www.courdecassation.fr/colloques_actvites_formation_4/2009_2854/abusives_action_12097.html], consulté le 5 oct. 2012.

464 V. la théorie de l’Ecole réaliste de Bruxelles crée par Ch. PERELMAN : FRYDMAN (B.), « Perelman et les juristes de l’école de Bruxelles », Working Papers du Centre Perelman de Philosophie du Droit, juil. 2011.

reconnaissance effective. A l’observation, la répartition des rôles des acteurs juridiques dans l’administration de la preuve, lorsque celle-ci se présente sur support électronique ou numérique, serait sensiblement modifiée. L’apparition du document électronique entraînerait une transformation organisationnelle du contentieux prud’homal et s’illustrerait par le renforcement de l’activité des parties et du juge. Celui-ci aurait nécessairement besoin de mobiliser l’ensemble des ressources juridiques qui lui sont offertes lors de l’instruction. Dès lors, l’implication individuelle et collective des acteurs juridiques à l’administration de la preuve serait décuplée lorsque celle-ci se présente sous forme électronique ou numérique.

En ligne : [http://wwwphilodroit.be].