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Section I. La répartition de la charge de la preuve électronique

A. Les dérogations à l’obligation de prouver du salarié

190.-La conception traditionnelle de l’attribution du fardeau de la preuve a fait, aussi

bien dans les rangs civilistes493 que travaillistes, l’objet de vives critiques. Elle s’est

489 L’article 9 du Code civil le complète : « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ».

490 « Pour se prévaloir d’un droit, il faut établir qu’on en est titulaire ». : AUBERT (J.-L.), Introduction au droit, PUF, Paris, 10e éd., 2007, p. 123-126. Ce concept repose sur l’adage romain « idem est non esse et non probari ». et signifie qu’il y a équivalence entre l’absence de droit et l’absence de preuve : CHEVALLIER (J.), Droit civil, 4e éd., Sirey, Paris, 1970, p.28.

491Ibid.

492 HENRY (M.), « Le particularisme probatoire du procès prud’homal et son incidence sur l’effectivité du droit », Dr. ouvr., oct. 1997, p. 401-405.

493 Selon une partie de la doctrine, il s’est agi de protéger les situations acquises et de se reposer sur « l’ancienneté de la règle pour se dispenser de la justifier ». GENY (F.), Science et technique en droit positif, III, Sirey, 1921 : « la charge de la preuve doit incomber à celui qui émet une prétention tendant à modifier l’état des choses existant, ou une situation acquise par une preuve antérieurement faite. Et cette solution

révélée « décevante à l’épreuve des faits »494. D’abord, ce système d’alternance de la preuve ne donne aucune initiative au juge qui semble n’être qu’une « espèce d’automate à qui l’on fournit les éléments du procès pour retirer ensuite un jugement »495. Ensuite, cette volonté de ne pas bousculer de trop près l’ordre établi ne trouve pas sens dans d’autres systèmes judiciaires, et en particulier en droit du travail. F. FAVENNEC-HERY soulève légitimement dans sa thèse496, qu’en droit du travail cette conception ne peut s’appliquer car c’est toujours l’employeur qui remet en cause l’ordre établi par le contrat en licenciant le salarié. Enfin, ce mécanisme n’est pas adapté à l’avènement des technologies au procès.

191.-La doctrine s’est donc empressée de proposer des solutions pour remplacer cette

logique procédurale devenue inadaptée. Les auteurs précurseurs, parmi eux E. BARTIN, ont élaboré un classement en fonction de la nature du litige, c'est-à-dire en fonction du fond des règles de preuve, pour ainsi favoriser la répartition de la charge de la preuve497. En pratique cela reviendrait à déterminer à l’avance le plaideur qui devrait fournir la preuve, selon la nature des faits à prouver. F. BOULANGER a évoqué la nécessité d’adopter une vision plus « dynamique » et raisonnée du problème de la charge de la preuve et de passer outre cette conception passive et purement théorique du défendeur à l’instance : « en pratique, le défendeur n’attend pas son tour passivement pour établir des éléments de preuve mais au contraire tente de ruiner les allégations adverses »498. Selon lui, le problème de la charge de la preuve doit tenir compte à la fois de « la production des moyens de preuve (qui préparent la répartition de la charge de la preuve opérée postérieurement par le juge) » et « du fait à prouver (l’objet de la preuve) »499.

générale, qui s’appuie sur le rapport de l’exception à la règle s’y s’adapte sans peine aux formules diverses proposées pour la traduire, ne saurait être écartée en soi par la difficulté, voire même, l’impossibilité des preuves à produire » ; CHEVALIER (J.), « La charge de la preuve », Cours de droit civil approfondi, Les cours de droit Paris, 1958-1959, p. 189. Pour d’autres auteurs, le mécanisme de l’article 1315 du Code civil semblerait relever d’une question d’opportunité. Elle serait représentée comme « une règle de bon sens qu’impose une logique nécessaire et si évidente par elle-même, qu’elle aurait partout et toujours était reconnue » : MEKKI (M.), « Réflexions sur le risque de la preuve en droit des contrats (1ère partie) », RDC 2008, p. 681-701.

494 BOULANGER (F.), « Réflexion sur le problème de la charge de la preuve », RTD civ. 1966, p. 736.

495 BOULANGER (F.), op. cit., p.738

496 FAVENNEC-HERY (F.), La preuve en droit du travail, thèse soutenue à l’Université de Paris X Nanterre, 1983, p. 59.

497 BARTIN (E.), Notes sur la preuve in Traité d’AUBRY et RAU, 5e éd., T. XII, 1922, § 749, note 20 bis, p. 84 et 91 ; PIERRE (V.), Les notes d’Etienne Bartin sur la preuve : dans la 5ème édition du Traité d’Aubry et Rau, mémoire de DEA, Nantes, 1994.

498 BOULANGER (F.), « Réflexion sur le problème de la charge de la preuve », RTD civ.1966, p. 736.

192.-En droit du travail spécifiquement, le législateur et la jurisprudence ont érigé des exceptions à l’attribution du fardeau de la preuve sous la forme d’aménagements aux règles de droit commun ou de dispenses de preuve500. Ces mécanismes juridiques visent à remédier à l’inaptitude probatoire du salarié.

1. Le régime des exceptions d’attribution de la charge de la preuve

193.-Le mécanisme de l’exception. L’application de l’article 1315 du Code civil en

droit du travail confèrerait dans 90 % des cas, l’obligation au salarié d’infirmer les décisions de l’employeur. Ce dernier serait alors régulièrement confronté à une forme de « preuve diabolique » (issue de la formule latine « probatio diabolica »)501, entendue sous une acception extensive comme la preuve impossible à rapporter502. L’inaptitude probatoire du salarié se justifie par plusieurs éléments matériels, humains et juridiques. D’abord, l’inégalité au contrat de travail entraîne un inégal accès aux moyens matériels de preuve. Placé sous la surveillance de l’employeur sur son lieu professionnel, le salarié subordonné ne pourrait se constituer ses armes probatoires dans la perspective d’un éventuel procès. Ensuite, recueillir le témoignage des autres salariés s’avère difficile et entrave l’accomplissement de la justice. Les soutiens humains pour faire valoir les droits du salarié sont rares en entreprise en raison des craintes de représailles souvent entretenues par les collègues de l’intéressé. Enfin, d’un point de vue strictement juridique, la double qualité du salarié de « sujet et d’objet du contrat »503, le place dans l’impossibilité de prouver ses allégations. En vertu de son obligation de loyauté dans l’exécution du contrat de travail, il ne pourrait a priori photocopier des documents de l’entreprise504 ou subtiliser des informations nécessaires au succès de ses prétentions. Or, si la preuve des faits conditionne l’effectivité des droits procéduraux et substantiels du salarié, la présence d’une

500 MOTULSKY (H.), Principes d’une réalisation méthodique du droit privé : la théorie des éléments générateurs des droits subjectifs, Dalloz, Paris, 2002. Deux types de dispenses de preuve peuvent être recensés : les dispenses légales et rationnelles. La présomption de bonne foi édictée à l’article 2268 du Code civil est par exemple une dispense de preuve rationnelle.

501 Concept romain qui signifie « la preuve que seul le diable peut apporter ». Il est traditionnellement employé pour désigner la preuve de la propriété (« diabolica probation dominii ») mais est étendu à celle d’un fait négatif ou celle de la nationalité. Par extension et dans une acception large, la preuve diabolique correspondrait à toute preuve impossible donc à celle du salarié. ROLAND (H.), BOYER (L.), Locutions latines du droit français, Litec, Paris, 1998, V° « probatio diabolica », p. 377.

502 FABRE-MAGNAN (M.), Introduction générale au droit, Cours et méthodologie, PUF, Paris, 2009, p. 236.

503 Le salarié est « cocontractant placé sur pied d’égalité civil mais aussi exécutant placé sous la subordination de l’employeur » : SUPIOT (A.), loc. cit.

preuve diabolique est « toujours un échec du droit de la preuve »505, car elle contrevient à l’idéal de vérité du procès.

Pour remédier à l’inaptitude probatoire que subit le salarié, l’exception d’attribution de l’obligation de prouver est dotée d’un champ d’application très large qui dépend de la seule appartenance à la catégorie de salarié et a des effets modulés sur l’attribution du fardeau de la preuve.

194.-Les critères de l’exception. Sous un angle général, le critère d’exception au

principe d’attribution du fardeau de la preuve est avant tout, l’appartenance à une catégorie de salarié506. L’originalité du droit du travail en qualité d’« instrument de protection des travailleurs et [d’] outil de lien social »507 montre toute son ampleur : « alors que, de droit commun, il se serait voulu impartial, prêt à secourir l’un quelconque des contractants, sans acception de catégorie – ici, il a choisi son camp une fois pour toutes ; il est, sinon contre les patrons, du moins pour les salariés : c’est à ceux-ci, non à ceux-là, qu’il interdit tout renoncement »508. Dans le même sens, le contournement du droit commun semble dépendre d’un second critère plus juridique que sociologique, celui du « succès de la prétention »509 du salarié. L’inaptitude à la preuve du salarié est le facteur déclencheur du système dérogatoire. En matière de relation de travail, deux cas peuvent rendre la preuve du salarié « impossible » : soit la charge de la preuve a été attribuée au salarié qui ne dispose pas de l’aptitude à la preuve, soit l’objet sur lequel porte la preuve est si complexe ou si sensible qu’il ne peut être prouvé510.

195.-Ainsi, la logique du législateur du travail en matière d’attribution du fardeau de la

preuve rappelle-t-elle la théorie de BENTHAM selon laquelle, « l’obligation de la preuve doit être, dans chaque cas, individuelle, imposée à celle des parties qui peut remplir avec le moins d’inconvénients, c’est-à-dire le moins de délais, de vexations et de frais »511. De même, CARBONNIER préconisait de « mettre le fardeau de la preuve en corrélation avec

505 BARBIER (H.), « Quelques évolutions contemporaines du droit de la preuve : chasse ou culture de la preuve diabolique », RLDC, 1er mai 2010, NS71, p. 5-11.

506 MEKKI (M.), « Réflexions sur le risque de la preuve en droit des contrats (1ère partie) », RDC 2008, p. 681-701.

507 VERKINDT (P.-Y.), « Prendre le travail (et le contrat de travail) au sérieux», JCP S n°5, 27 janv. 2009, p. 3-5.

508 CARBONNIER (J.), Droit et passion du droit sous la Ve République, Flammarion, Paris, 1996, p.162.

509 DEVEZE (J.), loc. cit.

510 BARBIER (H.), « Quelques évolutions contemporaines du droit de la preuve : chasse ou culture de la preuve diabolique », Rev. Lamy Dr. civ. 1er mai 2010, NS71, p. 5-11.

le rapport des forces entre les parties, en une formule telle que celle-ci : que la preuve incombe à chacun des plaideurs dans la mesure où il a accès aux informations qui sont nécessaires au débat »512. La singularité de la personne est prise en compte : l’appartenance à la catégorie juridique du salariat entraîne la mise en œuvre du premier stade de la dérogation tandis que l’appartenance à une catégorie particulière au sein même de cette catégorie (femme enceinte, salariés victimes de harcèlement ou de discrimination513…) occasionne un degré supplémentaire de dérogation à l’attribution du fardeau probatoire.

2. La nomenclature des exceptions d’attribution de la charge de la preuve

196.-La jurisprudence et le législateur opèrent une gradation dans l’attribution du

fardeau de la preuve. Il n’est plus tenu compte de l’auteur de l’action en justice mais d’une question pragmatique, à savoir : qui détient réellement la preuve dans ce type de litige ? Aussi, la catégorie du « salarié-demandeur » qui fait valoir une prétention n’est pas systématiquement celle à qui on octroie l’entière charge de la preuve. Selon qu’il existe « des degrés d’inégalité face à la preuve »514, l’aménagement de la charge de la preuve connaît différents degrés d’achèvement ; il est modulé. La preuve peut ne peser sur aucune des parties, offrant au juge un rôle conséquent515, ou même être partagée entre l’employeur et le salarié. Poussé à son paroxysme, l’aménagement de la charge de la preuve s’apparente au renversement de la charge de la preuve au détriment de l’employeur. Ce mécanisme s’illustre en matière de harcèlement ou de discrimination, où l’objet de la preuve est intimement lié à la personne du salarié, à sa singularité.

197.-Les dispenses partielles de preuve et présomptions. Dans certains domaines des

relations de travail516, il n’existe qu’une dispense partielle de preuve correspondant à un

512 CARBONNIER (J.), Droit civil 1. Introduction. Les personnes, PUF, Paris, 13e éd., 1980, p. 218.

513 BOULMIER (D.), op. cit. , p. 114.

514 SUPIOT (A.), loc. cit.

515 « Le législateur dirige la fonction probatoire du juge afin de garantir l’effectivité d’un certain nombre de règles protectrices », MEKKI (M.), loc. cit. ; JACOTOT (D.), « Effectivité des règles de droit, aptitude à la preuve : vers une nouvelle attribution de la charge de la preuve », in Au cœur des combats juridiques-Pensées et témoignages de juristes engagés, dir. DOCKES (E.), Dalloz, Paris, 2007, p. 277-286.

516 Le mécanisme de la présomption s’étend à la règlementation spécifique des intermittents du spectacle : C. trav. art. L762-1 : « ; Cass. soc. 25 janv. 1990, Bull. civ. V, n°36, D. 1992, 161, note DEVERAT.

déplacement de l’objet de la preuve517. Le salarié ne doit apporter qu’une preuve indirecte, c’est-à-dire la preuve d’un fait connexe au fait à prouver. Le système de preuve par présomption trouve une large application dans le contentieux du contrat de travail : à titre d’exemple, le contrat de travail conclu verbalement est réputé avoir une durée indéterminée. De même, un licenciement dépourvu de motivation est présumé sans cause réelle et sérieuse.

198.-Le domaine des accidents de travail et des maladies professionnelles est le lieu de

prédilection du mécanisme de l’article 1349 du Code civil, qui institue une présomption permettant au juge de « déduire d’un fait connu un fait inconnu ». La jurisprudence et le législateur ont très vite constaté la difficulté de prouver ce type d’évènements et ont permis au salarié d’établir un fait voisin. Dans une finalité « indemnisatrice » le Code de la sécurité sociale énonce : « constitue un accident de travail, celui survenu sur les lieux et temps de travail »518. A titre d’exemple, le travailleur victime d’un accident du travail doit prouver la matérialité de l’accident mais non le lien de causalité entre sa blessure et cet évènement. Toute lésion apparue après un accident de travail est présumée en être la conséquence519. La présomption d’imputabilité de l’accident à l’activité professionnelle, engageant la responsabilité de l’employeur520, exige simplement que les lésions soient produites au temps et lieu de travail, au moment ou dans un temps voisin de l’accident. C’est à l’employeur ou à la caisse de sécurité sociale d’apporter la preuve contraire521, précisément que le décès d’un salarié survenu au temps et au lieu de travail « avait une cause totalement étrangère »522. Plus récemment, la chambre sociale a admis que les salariés pour être indemnisés n’ont pas à prouver le préjudice d’anxiété résultant de l’exposition à l’amiante, celle-ci étant déduite de l’exposition au risque523. Le transfert de l’objet de la preuve qui pèse sur le salarié, du préjudice subi à la simple survenance d’un

517 LEGEAIS (R.), thèse op. cit. p. 106 ; CHEVALLIER (J.), Cours 1958-1959, Titre 2, La répartition du fardeau de la preuve, p. 133, cite GLASSON-TISSIER (E.), t.2, p. 668 : « celui qui invoque la présomption a toujours à prouver qu’il est dans les conditions exigées par la loi pour l’application de la présomption légale ».

518 C. sec. soc. art. L 411-1.

519« Une lésion qui se produit par le fait ou à l’occasion du travail doit être considérée, sauf preuve contraire, comme résultat d’un accident de travail » : Cass. ch. réun. 7 av. 1921, S 1922, I, p. 81; Cass. soc. 19 av. 1956 et Cass. soc. 17 juil. 1958, Dr. soc. 1959, p. 60.

520 Le régime des accidents de travail s’articule autour de l’idée que l’accident est un risque que doit indemniser l’employeur car il est le seul à tirer profit de l’exploitation. Cette conception se fonde sur l’adage « ubi emolumentum ibi onus » : « Là où est le profit, là est la charge » : SEXTE, De regulis juris, LV. Sur les mêmes fondements v. l’historique des lois du 9 avril 1898 sur les accidents du travail et la loi du 25 octobre 1919 sur les maladies professionnelles.

521 Cass. soc. 12 oct. 1995, Bull. civ. V, n° 276.

522 Cass. soc. 23 mai 2002, Bull. civ. V, n°178.

523 Cass. soc. 2 avr. 2014, 29825 ; Cass. soc. 2 avr. 2014, 28616 à 12-28630 ; 28632, n°12-28634 ; n°12-28651 et 12-28653.

accident de travail ou à son exposition à des matériaux susceptibles de causer une maladie professionnelle, a donc de graves conséquences en termes de responsabilité car elle suffit « à démontrer la non-réalisation de l’obligation de sécurité de résultat»524 de l’employeur.

199.-La « neutralisation »525 du fardeau de la preuve. En matière de contestation du

caractère réel et sérieux du licenciement526, le fardeau de la preuve ne pèse en principe sur aucune des parties. La jurisprudence affirme avec constance que la charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse du licenciement n’incombe pas particulièrement à l’une ou l’autre partie527. Le résultat de la « neutralisation de la charge de la preuve » est notoire sur la production de la preuve par l’employeur. Il va redoubler d’efforts pour « justifier sa position dans le procès » et risque de perdre le procès en cas de doute. Ce principe a pour conséquence concrète un partage de la charge de la preuve entre les acteurs au contrat de travail car le « salarié-demandeur » et l’ « employeur-défendeur » vont devoir tous deux prouver le bien-fondé de leurs décisions et agissements. Il appartient à l’employeur d’alléguer les faits et éléments objectifs528 sur lesquels il fonde le licenciement529. L’article L. 1235-1 du Code du travail offre aux juges un pouvoir de contrôle du caractère réel et sérieux de la cause du licenciement sans pareil530. Ils sont tenus de vérifier l’existence des faits invoqués par l’employeur pour justifier le licenciement et s’il a réuni « les conditions d’usage légitime du droit qu’il a exercé »531. La théorie de l’employeur seul juge, résultant du pouvoir de direction, est désuète.

200.-Le partage du fardeau de la preuve. Le partage de la preuve des heures

travaillées est désormais effectif. La Cour de cassation a progressivement opéré un rééquilibrage des obligations des parties dans l’administration de la preuve des heures de travail accomplies. Cette opération a entraîné le « réajustement des rôles respectifs des

524 Sur l’évolution de l’obligation de résultat et son régime probatoire depuis les arrêts « amiante » du 28 février 2002 : Cour de cassation, Rapport annuel 2012, La preuve dans la jurisprudence de la Cour de cassation, Paris, Documentation française, 2013, p. 196.

525 SUPIOT (A.) « Administration de la preuve, l’équitable dans la preuve », loc. cit.

526 PILLET (S.), « Variations autour de la rupture du contrat de travail », Lexbase hebdo 20 oct. 2011, n° 458 ; BOULMIER (D.), « La preuve et l’huissier de justice en droit du travail », Droit et Procédures, n° 6 nov-déc. 2008, p. 304.

527 Cass. soc. 11 déc. 1997, n° 96-42045 ; RJS 1999, p. 28, n° 21.

528 Cass. soc 24 fév. 1993, n° 91-45859 ; Dr. ouvr. 1994, p. 228.

529 Cass. soc. 8 oct. 1987, n° 84-41902; JCP 1987, IV, 380.

530 C. trav. art. L 1235-1: « en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles . Si un doute subsiste, il profite au salarié ».

parties dans un sens moins favorable au salarié »532 ainsi que l’atténuation du particularisme probatoire du droit du travail, dans le sens des principes processuels de droit commun533.

Auparavant, la Cour de cassation tirait de l’article L. 3171-4 du Code du travail le fait que la preuve des heures de travail effectuées n’incombait spécialement à aucune des parties et que le juge ne pouvait se prononcer sur les seuls éléments invoqués par le salarié534. Les juges du fond se voyaient alors pourvus d’importantes prérogatives dont celle de « rechercher l’horaire exactement pratiqué »535.

A l’initiative des juges du fond, la Cour de cassation a peu à peu infléchi sa jurisprudence pour admettre qu’il appartient au salarié « de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande »536 en indiquant précisément les horaires qu’il a réalisés. Le salarié n’a alors pas l’obligation de prouver mais d’étayer ses allégations.

La chambre sociale dans son arrêt du 22 mars 2011, entérine définitivement le partage du fardeau de la preuve des heures travaillées entre le salarié et l’employeur et y ajoute une certaine « chronologie probatoire »537. Elle décide qu’« en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié d’étayer sa demande par la production d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments »538. L’arrêt de la chambre sociale en date du 8 juin 2011 réitère ce principe en affirmant : « qu’ayant ainsi analysé, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, les éléments