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Section II. Les droits et obligations des parties dans l’administration de la preuve électronique

B. Le droit à la preuve électronique

269.-Outre sa contribution à l’essor considérable de la catégorie des droits subjectifs

comme « produits d’une idéologie tout à la fois moderne et occidentale »716, l’installation

713 ARNAUD (D.), DRAI-PARKER (K.), VAN EECKHOUT (A.), « Les pratiques contractuelles du SMS », Revue des Contrats, avr. 2008 n° 2, p. 557

714V. Recomm. Comm. cl. abusives n°99-02 relative aux contrats de radiotéléphones portables : les clauses prévoyant que, en cas de litige, les enregistrements de taxation du professionnel priment sur tout élément de preuve sont abusives, car elles privent le consommateur du droit d'apporter la preuve contraire

715 ARNAUD (D.), DRAI-PARKER (K.), VAN EECKHOUT (A.), loc. cit.

716 CARBONNIER (J.), Flexible droit, LGDJ, Paris, 2001, p 195 ; JAULNEAU (E.), La subjectivation du droit, thèse soutenue à l’Université d’Orléans, 2007.

des TIC au procès joue un rôle non négligeable dans la reconnaissance du droit des parties à la preuve717.

270.-Le droit à la preuve relève généralement du « droit d’une partie, lorsqu’elle ne

peut rapporter elle-même la preuve, de solliciter l’aide du juge pour obtenir les moyens nécessaires au soutien de sa cause »718. En pratique, il désigne aussi bien le droit d’obtenir du juge ou de la partie adverse une collaboration dans la recherche et la production de la preuve, que les instruments juridiques mis au service des plaideurs pour y parvenir. Rejoignant la théorie du Professeur DABIN, la doctrine contemporaine définit le droit à la preuve par son objet, « l’élément de preuve proposé ou convoité » et par son contenu, « le pouvoir d’exiger que l’élément de preuve soit intégré à la matière du procès ou qu’il soit recherché à cette fin à l’égard du juge »719. A travers le prisme de la preuve électronique cette distinction fait sens. La preuve sur support électronique, envisagée dans son sens instrumental720, serait l’objet même du droit à la preuve des parties. Sa nature contingente et volatile aurait de ce fait, une influence sur le contenu du droit à la preuve détenu par les parties. L’activité de recherche du juge et des tiers au procès, serait modulée par le pouvoir accru des parties, faisant du droit à la preuve électronique la pierre angulaire des relations processuelles.

1. La preuve électronique comme objet du « droit à »

271.-Le contenu initial du droit à la preuve. Le contenu du droit à la preuve se

résume à l’ensemble des prérogatives pratiques offertes aux plaideurs par le Code de procédure civile pour obtenir la production des preuves nécessaires au soutien de leurs prétentions. Le Code de procédure civile « légitimise » la production forcée dans ses articles 133 à 137 et 142. L’article 133 dispose expressément que « si la communication des pièces n’est pas faite, il peut être demandé, sans forme, au juge d’enjoindre cette communication ». La demande de production forcée peut alors être dirigée contre toute

717 BERGEAUD (A.), Le droit à la preuve, loc. cit. ; pour un aperçu complet des « droits à » : PICHARD (M.), Le droit à : étude de législation française, Economica, Paris, 2004.

718 BERGEAUD (A.), loc. cit.

719 BERGEAUD (A.), op. cit., n° 29, p. 31 ; DABIN (J.), Le droit subjectif, Dalloz, Paris, 1952, p. 105 : « le droit subjectif est la prérogative, concédée à une personne, par le droit objectif et garantie par des voies de droit, de disposer en maître d’un bien qui est reconnu lui appartenir, soit comme sien, soit comme du ».

720 Et non pas dans un sens conceptuel : elle ne viserait pas le processus de persuasion du juge mais bien l’instrument juridique et technique de conviction conférant aux parties les moyens de leur succès au procès. BERGEAUD (A.), loc. cit.

personne détenant des éléments importants pour servir la vérité judiciaire, qu’elle soit tierce ou partie au procès. De ces dispositions, le Professeur GOUBEAUX distingue selon que la preuve est ou non entre les mains de celui qui entend l’exploiter à son profit : « dans le premier cas, le droit à la preuve d’analyse en un droit de produire ses preuves, dans le second cas en un droit d’obtenir des preuves »721. Le droit de produire une preuve au soutien de son propre intérêt relève du droit de se constituer une défense et s’adresse au juge. En revanche, c’est dans le droit d’obtenir une preuve électronique de l’adversaire ou d’un tiers que le devoir de coopération des parties à la preuve prend toute son ampleur722. De manière inédite, une partie détient le pouvoir d’exiger d’autrui, par l’intermédiaire du juge, qu’il lui communique une preuve nécessaire à la recherche de la vérité judiciaire.

272.-Le droit à la preuve signifie dans un premier temps, que les parties sont

créditrices d’un droit l’une envers l’autre. Selon l’article 142 du Code de procédure, une partie peut demander l’obtention de la preuve de la partie adverse723. L’article 143 du Code de procédure civile dispose : « les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d’office, être l’objet de toute mesure d’instruction légalement admissible »724. Ces articles ont une portée générale et s’appliquent au contentieux du contrat de travail725. Dans un second temps, le droit des parties à la preuve a pour corollaire le principe selon lequel le juge a le pouvoir d’astreindre un tiers à produire une pièce qu’il détient726. En vertu des articles 138727 à 141 du code de procédure civile, il peut être ordonné à des tiers de produire tous documents qu’ils détiennent s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige728.

721 GOUBEAUX (G.), « Le droit à la preuve », in La preuve en droit, Bruylant, 1981, p. 277-301, spéc. p. 279.

722 JEULAND (E.), « La conception du procès civil dans le Code de procédure civile de 1975 », in (dir.) L. CADIET et G. CANIVET, 1806-1976-2006, De la commémoration d’un code à l’autre, 200 ans de procédure civile en France, Litec, Paris, p. 101 et s.

723 CPC art. 142 : « Les demandes de production des éléments de preuve détenus par les parties sont faites, et leur production a lieu, conformément aux dispositions des articles 138 et 139 ».

724 TGI Paris, 7 janv. 1980, D. 1980, rap. 376, obs. JULIEN (P.). Par mesure d’instruction, on entend toute mesure d’administration judiciaire ordonnée par un juge afin d’administrer la preuve de faits : CADIET (L.), Droit judiciaire privé, Litec, Paris, 3e éd., 2000, n° 1191.

725 Pour l’application de l’article 142 du Code de procédure civile : Cass. soc. 5 févr. 2014, n°12-28050 ; Cass. soc. 16 mai 2013, n° 12-11866 (refus d’expertise).

726 CA Paris, 7 mars 1972, JCP G 1972, IV, 202 ; Cass civ. 2e, 23 déc. 1969, N 365 ; Cass civ. 3e, 15 déc. 1971, n° 70-14403.

727 « Si dans le cours d'une instance, une partie entend faire état d'un acte authentique ou sous seing privé auquel elle n'a pas été partie ou d'une pièce détenue par un tiers, elle peut demander au juge saisi de l'affaire d'ordonner la délivrance d'une expédition ou la production de l'acte ou de la pièce ».

273.-Une obligation procédurale allouée à l’employeur. Le droit à la preuve que détiennent les parties a pour effet de créer une relation tripartite à l’instance où chacune d’elle supporte des obligations, dont la réalisation est conditionnée à l’acceptation du juge. L’obligation de fournir la preuve allouée à une partie s’apparente alors à une « obligation relayée », en ce sens qu’elle désigne « un lien de droit, unissant deux personnes et en vertu duquel l’une (le créancier) est en droit d’exiger quelque chose de l’autre (le débiteur) »729 lorsque le juge le décide. Aussi pourrait-on désigner à minima la relation qu’entretiennent les parties au procès prud’homal de « lien de droit obligationnel », puisque l’objet de l’obligation de l’une n’est pas moins que le droit de l’autre730. Ces obligations réciproques sont par nature des obligations de faire qui entrent dans le champ d’application de l’article 1142 du Code civil731.

274.-L’intervention de l’imperium du juge assure l’effectivité du droit à la preuve. Le

pouvoir d’injonction est alors doté d’une importance considérable et a une vocation transversale, puisqu’il est commun aux procédures civile, administrative et communautaire732. Toutefois, en procédure civile, la partie souhaitant une production forcée doit obligatoirement en faire la demande car le juge ne peut le décider d’office selon l’adage latin « no procedat judex ex officio ». En comparaison, le juge administratif détient, depuis la jurisprudence « Couespel du Mesnil »733, le pouvoir d’exiger d’office de l’administration la communication de tous documents utiles, mais également qu’elle lui fournisse toutes les explications de fait et de droit opportunes.

275.-Le salarié créancier de l’obligation. Il appartient au salarié de provoquer la

décision d’injonction du juge afin d’avoir accès aux documents relatifs à la gestion de l’entreprise que détient l’employeur, parmi lesquels les contrats de travail des autres salariés734 ou le registre du personnel735. La particularité de ce mode d’administration de la preuve réside dans la forme simplifiée de la demande de communication de pièces. Selon les termes de l’article 133 du Code de procédure civile, le conseiller de la mise en état peut

729 FLOUR (J.), AUBERT (J.-L.), SAVAUX (E.), Droit civil. Les obligations, T.I « L’acte juridique », Sirey, Paris, 2012.

730 DABIN (J.), Le droit subjectif, Dalloz, Paris, 1952, p. 94.

731 LEBOIS (A.), « Les obligations contractuelles de faire à caractère personnel », JCP 2008, I, 210.

732 JEULAND (E.), Droit processuel. Une science de la reconstruction des liens de droit, LGDJ, 2007, p. 434.

733 CE 1er mai 1936, rec. p. 485.

734 Cass. soc. 12 av. 2012, n°10-28686.

prononcer une ordonnance de communication de pièces sur demande par lettre simple736. Il y fixe « le délai et s’il y a lieu, les modalités de la communication ». Par conséquent, la seule formalité requise se concentre autour de la saisie du juge par la partie qui aurait dû être destinataire de la communication avant les débats. Ainsi, la forme de la constatation d’incidence importe peu et admet toute autre demande écrite sur support électronique. Un simple courriel peut être envoyé juste avant l’audience facilitant l’accès au juge et la mise en œuvre du mécanisme d’injonction.

276.-Le contenu extensif du droit à la preuve. Les mesures d’instruction « in

futurum » sont des instruments de droit commun renouvelés par l’apparition des TIC. Elles entrent dans le cadre du droit à la preuve et témoignent de la vocation extensive de son champ d’application. G. GOUBEAUX fut le premier à constater que l’article 145 constitue une illustration du droit à la preuve dans la mesure où « avec le secours du juge […] une personne peut (en convaincre une autre) à se prêter à une recherche d’éléments de preuve (préalablement) à tout litige »737. M. HORY a adopté la même théorie en soutenant que l’intervention du juge des référés qui prescrit les mesures d’instruction « in futurum » consiste à « assurer le respect du droit des parties (de collecter des preuves en vue) du débat au fond »738.

277.-L’intégration des mesures d’instruction « in futurum » au droit à la preuve par la

jurisprudence739, remet définitivement en doute la conception étroite du droit à la preuve adoptée par une partie de la doctrine740. Le cadre de la mesure d’instruction ne se limite plus à l’instance, les parties peuvent faire jouer leur droit en dehors de celle-ci c’est-à-dire « avant tout procès »741. La preuve électronique, par son ubiquité et son accessibilité devient l’objet récurrent des mesures d’instruction ordinaire et « in futurum » et enrichit le droit à la preuve. Un véritable droit à la preuve électronique apparaît.

736 C.P.C. art. 133 : « Si la communication, des pièces n’est pas faite, il peut être demandé, sans forme, au juge d’enjoindre cette communication » ; CA Paris, 24 oct. 1979, Bull. avoués 1979, 2, p. 27.

737 GOUBEAUX (G.), Le droit à la preuve, la preuve en droit, Bruylant, Bruxelles, 1981, spéc. p. 277.

738 HORY (A.), « Mesures d’instruction in futurum et arbitrage », rev arb 1996, p. 191, spéc. p.221

739« Les mesures de l’article 142 sont comprises dans l’expression ‘mesures d’instruction’ de l’article 145 et ce texte permet donc au requérant d’obtenir des preuves d’une autre partie » : CA Toulouse, 10 janv. 1996 ; Cass. civ. 1ère, 15 mai 1996, n° 576 ; Cass. com. 11 avr. et 13 juin 1993, annot. n° 10, p. 166.

740 FRISON-ROCHE (M-A.), « Jouissance des droits civils-Protection de la vie privée », JCl. civ. 2002, art. 9, fasc. 10 ; TERRE (F.), Introduction générale au droit, 8e éd., Dalloz, 2009, n°484.

278.-Le contenu du droit à la preuve électronique. La preuve électronique s’impose comme le nouvel objet en vogue du droit à la preuve. Elle assure son extension et sa pérennité en droit processuel. Le contentieux du droit à la preuve électronique s’étend progressivement à l’ensemble des systèmes judiciaires. En témoigne, l’arrêt dans lequel la Cour de cassation a retenu la validité de la production forcée d’un numéro de téléphone par la société de téléphonie742. Dans le même sens, la communication d’archives audiovisuelles de la justice pénale a été ordonnée par la deuxième chambre civile le 9 avril 2009743.

La production forcée d’une preuve détenue par un tiers trouve une résonance inédite dans le domaine des Technologies de l’Information et de la Communication. Les parties pourraient exiger l’accès aux données personnelles enregistrées et conservées par les tiers et, plus spécifiquement les métadonnées détenues par les administrateurs réseau et par les responsables des serveurs Internet.

279.-Au demeurant, d’autres droits, spécifiques à l’utilisation des TIC dans

l’entreprise, viennent renforcer le droit à la preuve électronique détenu par les parties. Le droit d'accès évoqué par l'article 39 de la loi du 6 août 2004744 s’avère fort utile pour une partie préparant sa défense : « toute personne physique justifiant de son identité a le droit d'interroger le responsable d'un traitement de données à caractère personnel en vue d'obtenir […] la communication des données qui la concernent ainsi que de toute information disponible quant à l'origine de celles-ci. En cas de risque de dissimulation ou de disparition des données à caractère personnel, le juge compétent peut ordonner, y compris en référé, toute mesure de nature à éviter cette dissimulation ou cette disparition. ». Au regard de cette disposition, tout client d’une société du secteur de la grande distribution ou des télécommunications ou d’Internet a le droit d’accéder à ses données personnelles mais également de s’en servir comme preuve. Cette technique facilite l’administration de la preuve et l’établissement du contenu des données.

280.-L’intégration du document électronique dans la catégorie des pièces. La pièce

désigne de manière simplifiée, la preuve dans son acception matérielle. Par le vocable « pièces », on entend généralement tous « les documents qui permettent aux parties

742 Cass. civ. 1ère, 21 juil. 1987, RTD civ. 1988, 393, obs. PERROT (R.).

d’établir la preuve des faits qu’elles allèguent à l’appui de leur prétentions »745. Cette catégorie regroupe l’ensemble des preuves littérales ou indiciaires au sens des articles 1349746 et 1353 du Code civil. Les pièces et documents sont habituellement regroupés dans une même catégorie. En droit civil, il n’est pas attribué une signification claire et précise au vocable « document » qui apparaît en premier lieu dans l’article 11 du Code de procédure civile dans l’acception « la production de tous documents détenus par les tiers ». Si dans ce dernier cas, le document est intégré à la catégorie des preuves – à la Section IV du livre premier -, il représente néanmoins une notion floue, comprenant toutes sortes d’éléments servant de preuve. Il est pour exemple régulièrement employé pour désigner les « documents de banque »747, « les documents utiles à la liquidation du régime matrimonial»748 ou les « documents sociaux d’une société »749.

281.-La production du document électronique est désormais l’objet de l’obligation

d’une partie envers l’autre. Si la question de l’entrée des TIC dans le domaine des écrits a été discutée, celle de leur qualification de pièce ne peut l’être. Selon l’article 1316 du Code civil, ce mode d’administration de la preuve par écrit serait défini comme résultant « d'une suite de lettres, de caractères, de chiffres ou de tous autres signes ou symboles dotés d'une signification intelligible, quels que soient leur support et leurs modalités de transmission ».

Au-delà des écrits sur support papier et électronique, la doctrine étend cette catégorie à toutes les formes de document750, au sens de documentum, du latin issu de doceo « échantillon qui sert à instruire, à faire voir ». S’incorporent dans cette catégorie, les photographies, les maquettes, documents sonores et audiovisuels ».

Dès lors, la prolifération des moyens de communication entraîne l’extension de la catégorie juridique des pièces et la démultiplication des mesures assurant leur production. En qualité d’ « écrits-oralisés » les moyens de communication électronique deviennent l’objet récurrent du droit à la preuve des parties et entraînent une modification de

744 Art. 39 Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, modifié par Loi n° 2004-801 du 6 août 2004, JORF 7 août 2004, art. 5.

745 CADIET (L.), JEULAND (E.), op. cit., n° 567, p. 431.

746 C. civ. art. 1349 : « Les présomptions sont des conséquences que la loi ou le magistrat tire d'un fait connu à un fait inconnu ».

747 C. civ. art. 1402.

748 C. civ. art. 1578.

l’exercice du pouvoir d’injonction du juge. Ce dernier peut ordonner la production de tout type d’objet communiquant : les enregistrements de la vidéosurveillance ou d’une conversation téléphonique, un courriel, etc. Pour exemple, dans un arrêt en date du 10 janvier 2012, un employeur a obtenu, en vertu de l’article 145 du Code de procédure civile, la désignation par ordonnance sur requête d’un huissier de justice pour visionner les enregistrements des caméras de vidéosurveillance placées à l’entrée d’une société751.

282.-La qualification québécoise de « document technologique ». Le droit québécois

a pour particularité d’avoir construit autour de la pièce sur support électronique, une notion qui lui est propre. A ce titre on voit apparaître dans le droit canadien l’ « émergence d’un concept englobant et neutre »752 permettant de rassembler les documents dont le contenu est fragmenté et réparti sur différents supports. Ce concept est nommé « document technologique » et désigne tout écrit sur support électronique qui pourrait produire des effets juridiques et être admis en preuve753. Selon l’article 3 de la loi québécoise concernant le cadre juridique des technologies de l’information de 2001, un document « est constitué d’informations portées par un support. L’information y est délimitée et structurée, de façon tangible ou logique selon le support qui la porte, et elle est intelligible sous forme de mots, de sons ou d’images. L’information peut être rendue au moyen de tout mode d’écriture, y compris d’un système de symboles transcriptibles sous l’une de ces formes ou en un autre système de symboles »754. La loi prévoit expressément que lorsque le support du document fait appel aux technologies de l’information, le document doit être qualifié de « document technologique ». Dès lors sont intégrés à cette catégorie, la disquette, le cédérom, le DVD, la carte mémoire, la clé USB et le disque dur, ces objets qui représentent « la symbiose d’un support et d’une information »755.

750 CADIET (L.), NORMAND (J.), AMRANI-MEKKI (S.), Théorie générale du procès, op. cit., n° 260, p. 861-865.

751 Cass. soc. 10 janv. 2012, n° 10-23482.

752 CAÏDI (S.), La preuve et la conservation de l’écrit dans la société de l’information, Université de Montréal, 2002.

753 L. 2001, c. 32, a. 5.

754 L. 2001, c. 32, a. 3.

755 GAUTRAIS (V.), GINGRAS (P.), « La preuve des documents technologiques », Congrès annuel du Barreau du Québec, Montréal, 2012, p. 6.

2. L’intensité du pouvoir conféré par le droit à la preuve électronique

283.-La portée conceptuelle du droit à la preuve électronique. L’idée d’intégrer le

droit à la preuve dans la catégorie des droits subjectifs a germé dans la pensée doctrinale756, jusqu’à devenir l’une des questions essentielles du droit probatoire contemporain757. La question est encore débattue dans la doctrine, certains auteurs acceptant seulement de lui concéder son entrée dans la catégorie des droits substantiels de la défense758. D’autres, se fondant sur les écrits de MOTULSKY pour qui, le droit à la preuve était comme le droit à l’action, « la faculté pour l’individu, de déclencher l’impératif contenu à la règle de droit »759, souhaitent son élévation au rang des droits subjectifs processuels. Suivant le « processus de subjectivation »760 du droit contemporain, propre à attacher au justiciable un nombre croissant de droits subjectifs, le droit à la preuve serait issu d’une évolution et appartiendrait à la « génération spontanée des droits subjectifs »761. Dès lors les parties au procès seraient moins considérées comme des justiciables que comme des sujets de droit.

284.-Le droit à la preuve électronique, par les mécanismes juridiques qu’il requiert,

s’apparenterait à un « droit subjectif processuel »762, renforçant le droit subjectif que la partie invoque au procès. Pour assurer l’effectivité de ce droit, le législateur octroie au juge de larges prérogatives, telles que les mesures d’instruction et la possibilité de forcer l’adversaire ou un tiers à produire une preuve. Le juge peut même les ordonner d’office. L’action ad exibendum, communément nommée la production forcée des preuves en