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Les obligations spécifiques des services publics à l’égard des usagers en situation de pauvreté

Dans le document Le droit public face à la pauvreté (Page 119-124)

LA COHÉSION SOCIALE MENACÉE

B- Les obligations spécifiques des services publics à l’égard des usagers en situation de pauvreté

100. Les services publics concourent, dans leur principe même, à la réduction des inégalités sociales mais leurs impératifs de gestion limitent les possibilités de modulation de leur action en faveur des usagers en situation difficile. Il semble toutefois possible de dégager une ligne directrice de la masse des textes et principes jurisprudentiels les concernant : celle tendant à voir la pauvreté comme une exception d’inexécution au profit de l’usager183. Le terme ne vaut pas, en toute rigueur juridique, pour l’usager du service public administratif, lequel n’est pas dans une position contractuelle. De surcroît, ces services préfèrent recourir à la fixation de tarifs différenciés au profit des usagers aux ressources modestes. L’assistance aux usagers en situation de précarité se cantonne donc aux services publics industriels et

le domaine de l’hygiène, de l’habillement, des transports, des actions éducatives, culturelles ou sportives et des loisirs.

181 Article L. 345-1 du CASF ; pour une analyse des modalités de cette aide : M. BORGETTO et R. LAFORE, précit., pp. 455-464.

182 Aide personnalisée au logement, allocation de logement familiale et allocation de logement sociale, aides diverses accordées par les fonds départementaux de solidarité pour le logement…Pour une description de ces aides au logement : M. BORGETTO et R. LAFORE, précit., pp. 464-469 et 482-484. A celles-ci s’ajoutent les aides facultatives qui peuvent être accordées par les collectivités locales. Le Conseil d’Etat a en ce sens validé une délibération municipale accordant une allocation municipale d’habitation sous condition de ressources et de domicile, estimant que « le législateur n’a pas entendu interdire aux communes de créer, de leur propre initiative, des aides dont l’objectif est de favoriser l’insertion sociale de leurs bénéficiaires dès lors qu’elles répondent à un intérêt communal » (CE, S., 29 juin 2001, Commune de Mons en Baroeul, à paraître au Lebon).

183 V. en ce sens S. NICINSKI, L’usager du service public industriel et commercial, Thèse Paris I, 2000, § 1061 et s.

commerciaux. Toutefois, une réserve doit être faite du cas particulier de l’hôpital, service public certes administratif, mais dont l’histoire explique la particularité. 101. En effet, c’est à partir de la IIIème République que les hôpitaux et des hospices perdent leur vocation exclusivement asilaire et voient leurs clientèles s’élargir, grâce à la conjonction du développement des organismes de prévoyance sociale et des progrès médicaux184. Cet élargissement, qui ne s’est toutefois pas accompli sans certaines réticences185, a constitué un tournant décisif dans l’histoire du service public hospitalier en lui façonnant son visage moderne. L’hôpital, dès lors qu’il n’a plus été réservé aux indigents, a perdu son caractère gratuit. Cependant, différentes obligations à l’égard des plus démunis lui confèrent une certaine spécificité au sein des services publics administratifs. Ainsi, le directeur de l’hôpital est tenu de prendre toutes les mesures pour que les soins urgents requis par un patient soient assurés « même en l’absence de toutes pièces d’état civil et de tout renseignement sur les conditions dans lesquelles les frais de séjour seront remboursés à l’établissement »186. Cette limitation implicite aux soins urgents ne doit toutefois pas induire en erreur : elle doit être rapportée aux dispositions de la charte du patient hospitalisé, selon laquelle « l’accès au service public hospitalier est garanti à tous, et en particulier aux personnes les plus démunies quand bien même elles ne pourraient justifier d’une prise en charge par l’assurance maladie ou l’aide médicale. En situation d’urgence, lorsque leur état le justifie, elles doivent être admises à l’hôpital. Lorsque l’hospitalisation n’est pas justifiée, il importe que celles-ci puissent être examinées et que des soins leur soient prescrits. L’hôpital est un lieu d’accueil privilégié où les personnes les plus démunies doivent pouvoir faire valoir leurs droits y compris sociaux »187. L’idée se retrouve dans la création de

184 V. sur ce point M. ROCHAIX, L’évolution des questions hospitalières de la fin de l’Ancien Régime à nos jours, Berger Levrault, 1996, pp. 167-169.

185 Ainsi, une circulaire du 31 mars 1936 affirme que « l’hôpital a été crée pour les indigents (...)

L’admission des malades aisés ou peu aisés risque de nuire au service des malades indigents » (citée par M.-J. IMBAULT-HUART, « Médicalisation et fonction sociale de l’hôpital. Convergences et contradiction », Depuis cent ans, la société, l’hôpital et les pauvres, éd. Doin, 1996, p. 75). Or, la principale conséquence de cet attachement à la vocation asilaire du service public hospitalier a été d’en écarter les malades dont la situation pécuniaire leur permettait les soins à domicile et le développement d’un florissant réseau de cliniques privées, instaurant de la sorte un système de santé à deux vitesses. Dans les années 40, législateur et juge ont tiré les conséquences de cette évolution sociale. Le premier, en adoptant la loi hospitalière du 21 décembre 1941 consacrant l’hôpital comme lieu ayant vocation à soigner l’ensemble de la population. Le second, en 1946, en considérant que la loi du 7 août 1851, faisant aux hôpitaux une obligation de recevoir les individus privés de ressources, n’avait pas entendu limiter leur clientèle aux seuls indigents. En effet, selon le Conseil d’Etat, les « conditions de droit et de fait, résultant notamment de l’institution d’un régime d’assurance obligatoire, de l’extension de la législation sociale, de l’amélioration de l’organisation hospitalière et de l’évolution des circonstances économiques, font obstacle à ce que les hôpitaux soient réservés à cette seule clientèle de malades. (...) L’intérêt public justifie l’admission éventuelle dans les hôpitaux, lorsqu’il a été satisfait aux besoins des individus privés de ressources, soit des bénéficiaires de la législation de protection sociale, (...) de malades capables de faire face personnellement au paiement total et partiel des frais de séjour de l’établissement » (CE, Sect., 15 mars 1946, Sieur Odilon Platon, Rec. p. 79 ; CE, Ass., 26 octobre 1945, Syndicat national des maisons de santé, Rec. p. 510).

186 Article 44 du décret du 14 janvier 1974 ; V. sur ce point M. DUPONT et al., Droit hospitalier, Dalloz, 1997, n° 349, pp. 280-281.

187 La charte a été promulguée par voie de circulaire (DGS/DH n°95-22 du 6 mai 1995) et a caractère impératif. V. sur ce point J.-M. CLEMENT, Cours de droit hospitalier, Les études hospitalières, 1999,

permanences d’accès au soin de santé destinée aux personnes en situation de précarité. L’article L. 6112-6 du Code de la santé publique prévoit que les établissements participant au service public hospitalier concluent avec l’Etat « des conventions prévoyant, en cas de nécessité, la prise en charge des consultations externes, des actes diagnostiques et thérapeutiques ainsi que des traitements qui sont délivrés gratuitement à ces personnes ». L’histoire, ainsi certainement que la nature particulière des services fournis par l’hôpital188, expliquent l’obligation d’accueil des usagers en situation de dénuement matériel pesant sur ce service public.

102. Hormis ce cas, cette obligation particulière pèse essentiellement sur les services publics industriels et commerciaux. En effet, devant la montée de la pauvreté et l’aggravation de la fracture sociale, la question du maintien de l’accès à certains biens jugés nécessaires, tels que l’électricité, l’eau ou les télécommunications, a pris une ampleur certaine : la multiplication des impayés entraînant des coupures s’est révélée un enjeu majeur de la politique de cohésion sociale. Le Conseil National de la Consommation a été le premier à souligner les difficultés d’accès aux services publics marchands que rencontraient les personnes en situation d’exclusion. Par un avis de 1989189, il rappelait l’importance d’un accès minimal aux services publics marchands et soulignait combien la coupure qui suit le défaut de paiement de ces prestations revêt un caractère insupportable, ressenti comme une grave injustice sociale. Aussi en appelait-il de façon significative à la solidarité, qu’elle soit nationale ou locale, présentée comme nécessaire pour préserver l’accès aux services publics. Par ailleurs, le principe communautaire d’universalité a contribué à cette réflexion sur l’accès aux services marchands des usagers en situation de précarité190. La question ainsi posée montre nettement l’opposition de deux logiques ; celle du caractère commercial du service, d’une part : une recherche, si ce n’est de profit, tout au moins de rentabilité anime les services publics commerciaux, ce qui, conjugué aux règles de droit privé relatives à l’exception d’inexécution, les autorise à suspendre la fourniture des biens qu’ils assurent en cas de non-paiement des sommes dues ; celle du service public, d’autre part, auquel un égal droit d’accès doit être ouvert à tous, notamment pour la fourniture de prestations jugées indispensables à l’intégration sociale. Or, selon certains auteurs, une politique d’aide aux clients les plus démunis correspondrait à la mission de même de service public des services industriels et commerciaux191.

pp. 220-221 ; F. FEVRIER, « Les lois du service public hospitalier » in M.-L. MOQUET-ANGER (dir.),

De l’hôpital à l’établissement public de santé, L’Harmattan, 1998, p. 74.

188 Les éléments constitutifs de l’incrimination pénale de non-assistance à personne en danger pourraient, dans certains cas, être retenus à l’encontre de personnels soignants refusant, pour des raisons financières, de recueillir et soigner des patients ne présentant pas des garanties de solvabilité.

189 Avis du 27 juin 1989 relatif aux modalités du maintien d’un minimum de fournitures aux usagers en situation de pauvreté, BO Concurrence, consommation et répression des fraudes, n° 15, 14 juillet 1989, p. 177.

190 V. la thèse précitée de S. NICINSKI (§. 222 et s.) et son analyse des directives communautaires édictées dans les années 1990 en faveur de l’accès aux services des usagers en situation de précarité, que l’auteur fonde significativement sur un souci de cohésion sociale (§ 999).

191 A. BRIERE, « Les services publics à travers le cas d’EDF-GDF », Revue de la Concurrence et de la consommation, n° 96, 1997, pp. 22-23. De même, S. NICINSKI décèle dans le principe d’efficacité sociale un objectif propre aux SPIC (thèse précitée, § 1564).

Le débat a pris une nouvelle ampleur lors de la discussion au Parlement du projet de loi relatif à l’exclusion sociale192, au cours de laquelle les parlementaires ont souligné l’importance de l’accès à certains services marchands au sein du dispositif de lutte contre l’exclusion. Ainsi, l’article 136 de la loi adoptée dispose que « toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières du fait d’une situation de précarité a droit à une aide de la collectivité pour accéder ou pour préserver son accès à une fourniture d’eau, d’énergie et de services téléphoniques »193.

Les mécanismes institués se présentent comme un mode d’expression de la solidarité à travers les services publics, et le discours du Ministre des affaires sociales devant l’Assemblée se réfère expressément à ce fondement : « la solidarité doit aussi s’exprimer, dans certaines occasions, par une aide matérielle de la collectivité. (...) Cela vaut pour l’accès à des biens et services fondamentaux tels que l’eau, l’électricité, le gaz et le téléphone, mais aussi pour le droit à un compte bancaire »194. Cette recherche d’égalité réelle au profit des seuls usagers en situation de dénuement est garantie par deux types de mesures à caractère complémentaire : d’une part, des fonds de solidarité qui préexistaient pour certains à la loi de 1998 ; d’autre part, une jurisprudence judiciaire offrant une certaine protection aux clients incapables de faire face à leurs dettes.

Les fonds institués par diverses conventions nationales passées entre l’Etat et les fournisseurs d’électricité et d’eau sont symptomatiques d’une logique d’assistance ciblée. Loin de garantir un droit à un minimum universel195, ces fonds s’inscrivent dans une perspective de solidarité au seul profit des personnes en situation d’exclusion. EDF et GDF ont ainsi instauré des fonds dits « pauvreté– précarité », destinés à prendre en charge les factures impayées des clients en difficulté. Un service dit « maintien énergie » permet de proposer une alternative à la coupure complète de l’électricité ou du gaz en cas de non-paiement. L’établissement public accorde alors une puissance électrique minimale, en attendant l’intervention des services sociaux que le client s’engage à contacter. Un décret ultérieur a remanié la procédure en en gardant l’esprit196. Dans une optique similaire, une Charte « solidarité-eau » a été conclue entre les différents intervenants

192 Séance du 18 mai 1998, JO déb. A.N., 19 mai 1998, p. 4017 et s.

193 Art. L. 115-3 du CASF. Pour un commentaire critique de cette loi, soulignant le caractère ambigu du droit consacré (simple “droit à l’aide” et non “droit au service”, dispositif de gestion des impayés générateur d’inégalités…) : O. COUTARD, « Préserver l’accès aux services de première nécessité »,

Informations sociales, n° 76, 1999, p. 18-27.

194 M. AUBRY, présentant le projet de loi d’orientation relatif à la lutte contre les exclusions, 5 mai 1998, 2e séance, J.O Déb. A.N., 6 mai 1998, p. 3400.

195 Un tel droit, dont la généralité et le caractère novateur ont été soulignés par le Parlement, a été expressément repoussé. V. en ce sens les propos du rapporteur à l’Assemblée : « aller vers ce concept tout à fait important, novateur et révolutionnaire mais extrêmement difficile de minimum énergétique universel me posait personnellement, à moi et à bien d’autres membres de la commission, bien des problèmes », JO Déb. A.N. , 19 mai 1998, p. 4019.

196 D. n° 2001-531 du 20 juin 2001, relatif à l’aide aux personnes en situation de précarité pour préserver ou garantir l’accès à l’électricité (JO 22 juin 2001, p. 9888). Des aides ou des avances peuvent dans certains cas être attribuées à des personnes en situation de précarité pour le paiement des factures d’électricité. Par ailleurs, une fourniture minimale provisoire est accordée. Le décret énumère précisément les critères sur la base desquels les commissions doivent se fonder pour décider d’attribuer ou non une aide et en fixer le montant.

afin d’assurer le maintien d’une alimentation minimale en eau pour les usagers

démunis197. La question du maintien de l’accès aux télécommunications

téléphoniques a été réglée dans une perspective similaire par un décret de 1999198. 103. Cette logique de solidarité reposant sur l’existence de différents fonds se combine avec une jurisprudence civile tendant à garantir l’accès aux biens fournis par les services marchands. En effet, le principe de l’exception d’inexécution en matière contractuelle veut que les services publics industriels et commerciaux soient en droit de suspendre leurs fournitures dès lors qu’ils ne reçoivent plus le paiement des biens déjà consommés. Toutefois, les tribunaux judiciaires atténuent le principe dans les litiges où la pauvreté de l’abonné est en cause. Ainsi, il a été admis, dans le cas d’Electricité de France, que « s’agissant d’un établissement public investi d’une mission d’intérêt général, ce pouvoir doit être tempéré en considération de la situation particulière de l’abonné défaillant »199. En l’espèce, une « situation familiale et financière difficile » qui ne permet pas à l’abonné de faire face à ses échéances justifie l’octroi d’un délai de paiement et le rétablissement d’un minimum de courant. D’autres tribunaux ont rejoint cette solution, soit en invoquant des « raisons humanitaires »200, soit en soulignant que « parmi les besoins impérieux pour vivre, outre la nourriture, l’habillement, le logement et le chauffage, l’éclairage est une nécessité première »201. Par ailleurs, outre ces obligations imposées à EDF, le juge peut également accorder des délais de paiement sur le fondement de l’article 1244 du Code civil202, bien qu’il se réserve le droit d’apprécier la bonne foi de l’abonné203 ou qu’il se refuse à imposer des sujétions

197 Circulaire n° 97-100 du 23 octobre 1997, B.O. Equipement et transports du 25 décembre 1997.

198 Décret n° 99-162 du 8 mars 1999, relatif au service universel des télécommunications et modifiant les articles R 20-34 et R. 20-40 du Code des postes et télécommunications et l’article R. 251-28 du Code de la Sécurité sociale, JO 9 mars 1999, p. 3512. V. également le dispositif prévu antérieurement par la loi du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications et le commentaire fait par H. MAISL, « La nouvelle réglementation des télécommunications », AJDA, 1996, p. 762. Le décret de 1999 prévoit d’une part la possibilité d’accorder une réduction de leur facture téléphonique aux bénéficiaires de certaines prestations sociales (RMI, ASS ou AAH) et, d’autre part, une aide pour le paiement des dettes téléphoniques, accordée après examen d’une commission préfectorale. La demande d’une telle prise en charge a pour effet immédiat d’accorder un accès restreint au service téléphonique, comportant la possibilité de recevoir des appels ainsi que d’en acheminer vers les services gratuits et d’urgence, en attendant que la commission se prononce, ce qui permet de retarder ou d’éviter, selon les cas, la coupure. Ces deux mesures complémentaires sont prises en charge par un fonds de service universel des télécommunications, selon des modalités que le décret définit.

199 TI de Périgueux, référés, 23 octobre 1992, M. Cheyral c/ EDF, CJEG, 1993, p. 430-431.

200 TGI de Carcassonne, référés, 14 février 1992, M. Molinier c/ EDF, TI de Tarbes, 19 juin 1992,

M. Bègue c/ EDF, CJEG, 1993, p. 431 : « rétablissement du courant ordonné pour des raisons humanitaires jusqu'à la fin de l’hiver en raison de la présence de jeunes enfants ».

201 TI d’Yssingeaux, 16 octobre 1990, R. c/ Percepteur de Saint Didier en Velay, CJEG, 1992, p. 214.

202 Ex. : TI Grenoble, 7 janvier 1997, EDF C/ Mme Cretet, CJEG, 1998, p. 349 : octroi d’un échéancier de paiement « compte tenu des difficultés financières de l’intéressée » ; sur ce point, V. infra, 1ère partie, titre 2, chapitre 2, § 175.

203 TI Fontenay le Comte, 6 janvier 1995, EDF-GDF c/ Brochet et Dudognon, CJEG, 1996, p. 324 : ressources du client inférieures à 2000 francs, mais « le seul fait de persister dans une activité professionnelle quasiment déficitaire (...) alors que ses qualifications lui permettraient de postuler à un emploi salarié constitue une aggravation volontaire de son passif (...). En effet, M. s’assure ainsi des revenus difficiles à évaluer et à saisir, et, selon ses dires, inférieurs au salaire auquel il pourrait prétendre ».

trop lourdes au service public204. La jurisprudence judiciaire rendue en matière de suspension de fournitures d’eau est sensiblement identique. Ainsi, le juge des référés, chargé de contrôler la légalité d’une suspension de fourniture en raison du défaut de paiement de facture, après avoir relevé que, aux termes du règlement des abonnements, la fermeture du branchement jusqu’au paiement des sommes dues n’est qu’une faculté pour la société, a constaté que la cessation de la fourniture d’eau entraîne « la privation d’un élément essentiel à la vie d’une famille de six personnes dont quatre enfants (ce qui) constitue actuellement une gêne très importante et un risque pour la santé, auxquels ils convient de remédier par le rétablissement immédiat de la fourniture d’eau »205. Une affaire similaire a permis au juge des référés de qualifier une telle suspension de « trouble manifestement illicite porté aux conditions de vie normales de plusieurs familles »206.

Le principe d’une aide apportée à l’usager de services publics en raison de handicaps financiers est donc ancien. Le souci d’égalité des chances intervient de façon traditionnelle en complément d’une égalité des droits, sous la forme diversifiée d’une aide à l’accès. Il s’agit de compenser des difficultés particulières, nées d’une insuffisance financière, afin de permettre l’accès de tous aux services offerts. Cette tendance s’accroît encore davantage, affectant bon nombre de services publics jusqu’ici plutôt fondés sur une logique marchande. Le modèle républicain de la cohésion sociale est à ce prix, d’autant plus que la persistance de la crise économique jointe aux difficultés rencontrées par l’Etat Providence suscitent de nouvelles interrogations.

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