• Aucun résultat trouvé

Les obligations du personnel non-médical en matière de temps de travail ne sont pas remplies

3 La gestion des ressources humaines explique, au moins en partie, la situation financière dégradée

3.4 La réglementation relative au temps de travail n’est pas appliquée

3.4.1 Les obligations du personnel non-médical en matière de temps de travail ne sont pas remplies

3.4.1.1 Des libéralités indues accordées au personnel non-médical

Dans son précédent rapport, la chambre avait estimé que certains jours accordés par l’accord local ne reposaient sur aucun fondement réglementaire ; le motif invoqué pour en justifier l’attribution était l’insuffisance de la compensation en temps accordée en cas de participation à des formations ou à des réunions. La chambre relevait également la contradiction entre ce motif et le caractère forfaitaire et généralisé de cette compensation.

Or, le guide pour l’application de l’accord local, modifié en 2012, maintient à ce jour l’octroi à l’ensemble des agents de ces six journées de compensation dont une est affectée au lundi de Pentecôte, journée de solidarité138. En revanche, l’augmentation de l’effectif de l’établissement confère désormais à cette disposition des conséquences encore plus lourdes. Cet avantage indu de six jours annuels par agent représentait l’équivalent de 33,5 ETP pour l’exercice 2008. Au 31 décembre 2014139, cet avantage représente désormais 8 967140 journées de travail, qui équivaut à 44,39 ETP 141 soit une perte de près d’1,8 M€ pour le CH de Bastia en 2014142.

En réponse aux observations provisoires de la chambre l’ordonnateur indique qu’aucune révision de l'accord sur l'aménagement et la réduction du temps de travail n’a été examinée dans le cadre du dernier plan efficience, « l'administration (ARS, DGOS) ayant évalué le risque social que représentait une remise en cause des acquis pour les personnels ».

3.4.1.2 Une réduction généralisée du temps de travail

L’article 5 du décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002 énonce que la durée du travail effectif s’entend comme « le temps pendant lequel les agents sont à la disposition de leur employeur … sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles » et en son 2ème alinéa précise que « lorsque l’agent a l’obligation d’être joint à tout moment, par tout moyen approprié, pendant le temps de restauration et le temps de pause, afin d’intervenir immédiatement pour assurer son service, les critères de définition du temps de travail effectif sont réunis ».

138La journée dite de solidarité est instaurée par la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 modifiée relative à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées. Cette loi est applicable aux fonctionnaires et aux agents non titulaires des trois fonctions publiques. Elle prend la forme d’une journée de travail supplémentaire non rémunérée. Dans la fonction publique hospitalière ainsi que pour les médecins, biologistes, odontologistes, et pharmaciens, cette journée est fixée par le directeur d’établissement, après avis du comité technique d’établissement (CTE).

139A cette date, l’établissement comptait dans ses effectifs 1 494,5 ETP d’agents titulaires et stagiaires et de contractuels en CDI.

140 Ce résultat est obtenu à partir du calcul suivant : 1 494,5 * 6 = 8 967.

141 l’ETP = 8 967/202 (202 représentant le nombre annuel de jours ouvrés en 2014) 142Le coût moyen d’un ETP non-médical est de 40 565,34 €

Par ailleurs cet article 5, dans son 3ème alinéa, indique que lorsque le port d’une tenue de travail est rendu obligatoire par le chef d’établissement après avis du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), le temps d’habillage et de déshabillage est considéré comme temps de travail effectif.

L’accord local ne déroge pas à la réglementation, mais il n’en va pas de même des modalités d’applications des alinéas 2 et 3 mentionnés ci-dessus. En effet, en pratique, les temps de pause, de restauration, d'habillage et de déshabillage sont considérés par la direction de l’hôpital comme du temps de travail effectif pour toutes les catégories de personnel y compris même, pour les personnels administratifs non soumis à une obligation d’habillage. Ainsi, il n’est plus fait obligation aux agents d’être joints à tout moment afin d’intervenir immédiatement pour assurer leur service. Or, c’est précisément cette obligation qui justifie, de manière compensatoire, la prise en compte de ces périodes dans le temps de travail.

La chambre constate que le CH de Bastia n’a pas modifié cette pratique, déjà relevée dans son précédent rapport, et qui a pour conséquence une réduction généralisée de la durée du temps de travail effectif d’une heure par jour c’est-à-dire qu’il passe de 38 h à 33 h par semaine (- 13 %).

3.4.1.3 Une minoration du temps de présence des agents

Lors de la mise en place de l’accord local, le CH de Bastia a défini le temps de travail hebdomadaire sur une durée de 38 heures soit 7 h 36 quotidiennes et 18 jours au titre de la réduction du temps de travail.

Mais l’application de cet accord pose un problème bien plus grave ; en effet, une note de la direction de l’hôpital du 31 mars 2015 rédigée en réponse aux questionnaires de la chambre, dont l’objet est « Impact de l’ARTT143 sur les effectifs du centre hospitalier de Bastia » montre que la durée du temps de travail n’est pas respectée par les agents et qu’il s’agit d’une pratique constante, généralisée, connue et tolérée. En introduction de cette note, le directeur indique que « la mise en place de l’aménagement et de la réduction du temps de travail au CH s’est traduite par des dérogations aux quotités de temps annualisées par les agents ».

L’instruction décrit l’impact des pratiques actuelles sur les effectifs et précise que le déficit annuel de temps de travail généré par l’application de l’accord local est, au minimum, de 91 990 heures de travail soit 58,42 ETP, ou encore 2 687 228 €.

En réalité, les chiffres présentés doivent être réévalués à la hausse compte tenu du fait que le nombre d’heures à réaliser est 1 606 au lieu de 1 600, puisque la journée de solidarité n’est pas effectuée (cf. supra). Le déficit potentiel est donc encore supérieur à celui annoncé par la direction.

143 ARTT : Accord sur la réduction du temps de travail.

Cette situation emporte des conséquences lourdes sur l’organisation et le fonctionnement de l’hôpital ainsi que sur sa situation financière. En effet, cette perte d’au minimum 58 ETP occasionne un recours anormal aux emplois temporaires de remplacement et représente une charge exorbitante de près de 2,4 M€ annuels soit plus de la moitié du déficit du résultat comptable 2014 de l’hôpital tous budgets agrégés (4,6 M€).

Au total, d’après les évaluations effectuées par le CH de Bastia, les différentes libéralités dont bénéficient le personnel non-médical représentent un coût de près de 2,7 M€ annuels. La chambre ne peut donc que demander le retour à la règle en ce qui concerne les modalités d’application de la réglementation relative au temps de travail pour les personnels non-médicaux.

3.4.1.4 Le contrôle insuffisant du temps de travail du personnel non-médical

Les agents renseignent par le biais d’une application informatisée développée localement, leur planning de travail quotidien (il existe plusieurs dizaines de modèles en application de l’accord local) sous le contrôle de leur supérieur hiérarchique direct. Ils ne pointent pas précisément leurs heures effectuées mais seulement le modèle horaire choisi.

Ces données ne sont pas interfacées avec l’outil de gestion informatisée « RH » ce qui induit, selon la direction du CH, une surconsommation de moyens d’environ 1,25 ETP pour la saisie des congés et des éléments variables de paie, en particulier les astreintes.

Dans ces deux cas, un circuit papier est établi entre les supérieurs hiérarchiques et la DRH pour les demandes et la validation.

Le contrôle de second niveau est organisé par la DRH mais n’est pas systématisé compte tenu de l’absence de moteur d’extraction des données. Il n’est effectué que de manière aléatoire et porte sur la cohérence entre les données saisies et les plannings de congés sans aucune vérification de premier niveau sur le respect du temps de travail validé par le supérieur hiérarchique.

La DRH affirme vouloir mettre en place, au 1er janvier 2016, la solution informatisée e-plannings de la société AGIRH qui est interfacée avec le logiciel de gestion des ressources humaines déjà en place. Cette solution devrait permettre la prise en compte automatique des congés et des éléments variables de paie soit un gain de temps et d’efficacité dans la circulation de l’information et une économie d’emploi (les 1,25 ETP).

Dans sa réponse à la chambre, l’ordonnateur indique que le planning informatisé a été déployé au le 1er janvier 2016 et qu’il s'est traduit par le non-remplacement d'un poste à la DRH.

Un contrôle pourrait être réalisé sur la consommation d’ETP par chaque service ; le paramétrage prévoit en effet de définir pour chaque service, le nombre d’agents requis et de faire apparaître un déficit ou un excédent de ressources utilisées. Ainsi, le CH projette d’adapter les plannings et les effectifs présents aux besoins réels des services. La DRH avoue se trouver dans l’incapacité, aujourd’hui, d’accomplir cette mission autrement que ponctuellement et au prix d’un travail considérable qui ne peut être généralisé à

Il a été confirmé que ce projet ne serait pas associé à un dispositif de contrôle de présence effective autre que le système de validation par le supérieur hiérarchique ; en d’autres termes, aucun dispositif moderne d’enregistrement de temps de travail (pointeuse) n’existe et n’est envisagé alors que 87 % des hôpitaux publics ont automatisé la fonction de gestion du temps de travail144.

3.4.1.5 Les astreintes du personnel non-médical insuffisamment encadrées

En dépit des dispositions réglementaires en vigueur, le CH n’a pas formellement établi de liste des agents effectuant des astreintes ni de ceux bénéficiant des taux dérogatoires pour le paiement de ces astreintes. Il a simplement communiqué des tableaux élaborés par le service de la paie pour le paiement des agents effectuant des astreintes et ceux bénéficiant du taux dérogatoire. La liste par secteur d’activités n’est pas non plus arrêtée par le directeur. Aucun avis du CTE n’a été produit pour la période sous revue. Le CH a cependant produit des procès-verbaux relatant des avis du CTE relatifs aux exercices 2004 à 2007.

 Le paiement des astreintes

Le CH de Bastia a mis en place une procédure visant à valider les astreintes en vue de leur règlement : un état relatif à l’indemnisation des astreintes est établi par le cadre et/ou responsable des services concernés. Il précise notamment la date et le nombre d’heures d’astreintes effectuées. De plus, un carnet général des appels relatifs aux astreintes du personnel non médical de l’établissement est mis en place pour attester des interventions éventuelles effectuées pendant les heures d’astreintes. Ce document est rempli par l’agent d’astreinte et validé par le cadre et/ou responsable du service.

En revanche, l’hôpital n’a pas été en mesure de produire les données relatives au nombre d’astreintes effectuées et il a été impossible de valider ces données. La direction a reconnu ne pas être en mesure de communiquer d’informations précises et détaillées sur le nombre d’astreintes réalisées, car les données de la paie ne permettent pas une compilation autre que financière, et la direction des ressources humaines ne dispose pas d’autres données compilées que celles de la paie. Ces sommes sont relativement stables au cours de cette période.

144 Atlas 2015 des systèmes d’information hospitaliers (SIH)

 Les heures supplémentaires faisant suite aux astreintes

Les données relatives aux heures supplémentaires faisant suite aux astreintes réalisées ne peuvent pas être exploitées. Les tableaux demandés n’ont pas été complétés et les documents produits en remplacement sont inexploitables. Les données ont été communiquées sous format PDF et ne retranscrivent que les années 2009 à 2011. Les informations qui y figurent retracent les heures supplémentaires par agent, par service, par mois et par cumul de celles-ci. De la même manière que pour les astreintes, seules les données de la paie sont disponibles et la DRH ne dispose d’aucune compilation couvrant l’ensemble de l’établissement.

3.4.1.6 Les heures supplémentaires du personnel non-médical

La direction du CH, par une note datée du 30 mars 2015, décrit le dispositif d’enregistrement du temps de travail et des heures supplémentaires. Cette note indique que les cadres et/ou responsables de services ainsi que les directions de rattachement attestent du service fait, au moyen d’un imprimé renseigné mensuellement, qui est ensuite remis à la DRH pour validation et paiement.

Ce dispositif n’est pas conforme puisque la réglementation en vigueur145 subordonne le versement des indemnités horaires pour travaux supplémentaires (IHTS) à la mise en œuvre par l’employeur de moyens de contrôles automatisés permettant de comptabiliser de façon exacte les heures supplémentaires accomplies. Le législateur et le gouvernement ayant exprimé sans ambiguïté la volonté que les IHTS soient versées dans un cadre rigoureux qui ne souffre pas l’approximation, la chambre relève que le CH s’est exonéré de ce cadre.

Le montant des IHTS versées au personnel non-médical contractuel à durée déterminée en 2014 est de 5 434 €. Au cours de la période sous revue, elles ont progressé de 26 % comme indiqué ci-dessous.

Le tableau suivant indique les montants versés au personnel permanent (titulaires et en CDI) au cours de la période sous revue. Il s’établit, en 2014, à 82 470 € et en progression de 43 % depuis 2009.

145Décret n°2002-598 du 25 avril 2002 relatif aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires.

Article 2 (modifié par décret n°2010-310 du 22 mars 2010) :

I.-1° Les indemnités horaires pour travaux supplémentaires peuvent être versées aux fonctionnaires de catégorie C et aux fonctionnaires de catégorie B.

2° Le versement des indemnités horaires pour travaux supplémentaires à ces fonctionnaires est subordonné à la mise en œuvre par leur employeur de moyens de contrôle automatisé permettant de comptabiliser de façon exacte les heures supplémentaires qu'ils auront accomplies.

Tableau n° 18 : Evolution des montants d’IHTS versés au personnel permanent

(Source : CRC de Corse)

La progression des effectifs de personnel non-médical titulaire (9 %) ne peut, seule, expliquer cette explosion des dépenses. C’est bien l’absence de contrôle automatisé du temps de travail et des heures supplémentaires qui a pu occasionner, avec une forme de laisser-faire de la part des différentes hiérarchies, une telle explosion. Entre 2010 et 2011, l’augmentation est même de 127 %. L’exercice 2014 montre une décrue que les données de 2015, absentes, n’ont pas permis de confirmer. Rapporté à l’ETP, le montant d’IHTS versé en 2009 est voisin de 41 € ; il s’établit à près de 60 € en 2014.

3.4.2 L’encadrement du temps de travail du personnel médical est insuffisamment

Outline

Documents relatifs