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Une obligation pr ésente en filigrane dans les travaux préparatoires

b. Les obligations de pr évention et de réparation dégagées grâce à la technique des obligations positives

SECTION 3 : Le rattachement automatique aux dispositions Conventionnelles

A. L 'article 1, fondement d'une « obligation g énérale de garantir l’exercice effectif des droits »

1. Une obligation pr ésente en filigrane dans les travaux préparatoires

206. À la lecture des travaux préparatoires, il apparaît que le choix du terme « reconnaissent » ne s'est fait qu'au terme de longues discussions et hésitations. Cependant, ces dernières n'ont pas porté sur la question de savoir si le texte de cet article devait impliquer ou non des obligations positives à la charge des États.

207. Le premier projet, présenté par Teitgen et adopté par l'Assemblée consultative du

Conseil de l'Europe lors de sa séance du 5 septembre 1949, comportait le terme « assurer »611. Il est

devenu « garantir » dans le projet de Convention issu des travaux de l'assemblée consultative612. Par

la suite, deux variantes du texte, correspondant à deux conceptions distinctes de la manière dont les droits et libertés devaient être énoncés, ont été proposées613.

D'un coté, les français, irlandais, italiens et turcs estimaient qu'il ne fallait pas établir de définition précise et détaillée des droits et libertés, dont l'élaboration aurait pu tarder des années

611 Recueil des travaux préparatoires de la Convention européenne des droits de l'homme, Conseil de l'Europe,K    p. 193 et 217.

612 Ibid., Vol. 3, p. 223.

avant de pouvoir réunir un consensus entre les différents États. Il s'agissait avant tout de se mettre d'accord sur le principe d'une garantie collective des droits de l'homme à travers l'institution d'une Cour européenne et de déterminer les sept ou huit libertés fondamentales dans toute démocratie qu'il serait nécessaire d'intégrer dans la Convention.

De l'autre, les britanniques, les hollandais, les norvégiens et les grecs avançaient qu'il fallait au contraire définir précisément les droits et libertés. Les britanniques craignaient qu'une

liberté trop grande soit conférée au futur juge européen pour définir le contenu de ces droits614. Les

hollandais redoutaient au contraire qu'une trop grande imprécision emporte l'ineffectivité des droits, en faisant de la Convention une simple déclaration de principe équivalente à la Déclaration universelle des droits de l'homme.

208. Ainsi, l'avant projet de Convention du 9 mars 1950 proposait deux variantes. La

variante A contenait le terme « s 'engagent à garantir »615, variante traduisant le système de la définition précise des droits et libertés reconnus, défendue notamment par le Royaume-Uni et les Pays-Bas. La variante B reposant sur le choix de la simple énumération et dont étaient partisans

notamment la France et l'Italie, contenait le terme « s'engagent à reconnaître »616. Les États sont

parvenus finalement à un compromis en procédant à un amalgame des deux systèmes et au choix de la variante B, pour l'article 1617.

Enfin, le 24 juin 1950, le représentant belge à la Commission juridique de l'Assemblée consultative, M. Rolin, a proposé de substituer le terme « reconnaissent » à celui « s'engagent à

reconnaître »618. Pour reprendre ses termes, « suivant le nouveau texte du Comité des Ministres, les

Hautes Parties Contractantes ne s'engageront pas à reconnaître, elles reconnaîtront, de sorte

614 « La loi représente cette difficulté qu'elle requiert des définitions exactes et suffisamment détaillées pour être l'objet

d'une application par des juges agissant conformément à une législation déterminée et non comme des hommes

politiques agissant selon les convenances de la politique » (M. Ungoed-Thomas, Recueil des travaux préparatoires

de la Convention européenne des droits de l'homme, op. cit.,Vol. 1, p. 81). Ou encore, « à défaut de définition nettes

et précises, les États signataires de la Convention pourraient éprouver le plus grand embarras à trancher la

question de savoir s'ils seraient à même d'adhérer à la Convention ; en effet comment un pays pourrait-il avoir la

certitude que ses lois seraient en accord avec les obligations qu'il aurait à assumer en cas d'adhésion, s'il ne savait

pas exactement quelles seraient les obligations auxquelles il souscrirait » (Ibid.,Vol. 3, p. 255-257).

615 Ibid., Vol. 3, p. 313.

616 Ibid., Vol. 3, p. 321.

617 Ibid., Vol. 3, p. 259 et 275.

618 « Toutefois la Commission estime qu'il y aurait intérêt à prévoir, pour éviter toute équivoque quant à la portée

juridique de la Convention, que les Hautes Parties Contractantes 'reconnaissent' par la Convention les droits et libertés énumérés au titre II au lieu de 's'engagent à les reconnaître' ce qui paraît impliquer de la part de chacun

qu'une fois ratifié par nos États, le texte élaboré ne devra plus faire l'objet d'amendement ultérieurs à nos constitutions ou nos législations respectives ; il s'introduira massivement, de plein droit, dans

la législation de nos quinze États »619. Ainsi, comme l'a souligné la Cour EDH dans son arrêt

Irlande c. Royaume-Uni, « en substituant le mot "reconnaissent" à "s’engagent à reconnaître" dans

le libellé de l’article 1 (art. 1), les rédacteurs de la Convention ont voulu indiquer de surcroît que

les droits et libertés du Titre I seraient directement reconnus à quiconque relèverait de la juridiction

des États contractants ». La Cour a ajouté que cet article figure parmi les nombreux articles « qui

marquent le caractère obligatoire de la Convention »620.

209. D'après I. Panoussis, l'article 1 CEDH, et les dispositions analogues dans les autres instruments internationaux et régionaux de protection des droits de l'homme, viennent « transposer dans le cadre des droits de l'homme les obligations générales qui pèsent sur les États

en vertu des articles 26 et 27 de la Convention de Vienne de 1969 » concernant le principe « pacta

sunt servanda » et l'obligation d'exécuter de bonne foi ses obligations conventionnelles621. Elles rappellent donc aux États « leur devoir d'exécuter leurs obligations conventionnelles de bonne foi et

de rendre effectifs les droits de l'homme »622, marquant ainsi le caractère juridiquement obligatoire de la Convention. En d'autres termes, l'article 1 consacre un principe de « loyauté

conventionnelle »623.

210. L'intention des rédacteurs traduite dans cet article, était donc bien d'assurer

l'effectivité des droits conventionnels dans le chef des individus624. En outre, même si rien ne laissait

explicitement présager que le juge européen ferait interprétation de cet article comme fondement des obligations positives, cette interprétation n'est cependant pas surprenante, dans la mesure où le fondement des obligations positives est justement l'effectivité des droits.

619 Ibid., Vol. 6 p. 133.

620 Cour EDH, Plén., 18 janvier 1978, Irlande c. Royaume-Uni, A 25, §238 ; 4.5BD"",> )

621 =+;<::=: « L'obligation générale de protection des droits de l'homme dans la jurisprudence des organes internationaux »,$"8

622 Ibid., p. 431.

623

F. SUDRE, Droit international et européen des droits de l'homme, PUF, coll. « Droit fondamental », 10ème éd., 2011, §451, p. 809.

624 Autre marque de ce constat, le terme « relevant de leur juridiction » a été préféré à celui, plus restrictif, de « résidant sur leur territoire », ouvrant ainsi la porte à un certain effet extra-territorial de la Convention (- 30 9-)&(# . c. la Belgique, la République Tchèque, le Danemark, la France, l'Allemagne, la Grèce, la Hongrie, l'Islande, l'Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Norvège, la Pologne, le Portugal, l'Espagne, la Turquie et le Royaume-Uni, Rec. 2001-XII. §19 et 63 ; *  8DD8(%%8DBK(  G42(78DD8=D M (  4: ) G)7.5(8DD8"E,2(T). Sur la notion de juridiction voir infra Partie 3, Chapitre 1, Section 1, §1, n°647 et s.

Ainsi, les organes conventionnels ont procédé à une certaine interprétation constructive, pour déduire de cet article une obligation générale de garantir l'exercice effectif des droits à la charge des États.

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