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Des dispositions sp écifiques prévoyant des obligations d'action des États

Conclusion du Chapitre 1

SECTION 1 : Une cons écration unanime d'obligations positives prétoriennes par les organes de protection internationale et r égionale des droits de l'homme

A. Des dispositions conventionnelles pouvant constituer des fondements textuels à d'éventuelles obligations positivesà d'éventuelles obligations positives

2. Des dispositions sp écifiques prévoyant des obligations d'action des États

256. Au sein de la Convention IADH et du PIDCP, certains droits, de par leur

formulation, impliquent des obligations positives que l'on peut qualifier de textuelles749.

Parmi eux, quelques-uns trouvent leur équivalent dans la Convention EDH laquelle compte également ce que le professeur F. Sudre a qualifié d'« obligations positives stricto sensu

conventionnelles », par opposition aux « obligations positives prétoriennes » développées par le

juge européen750. Peut être cité à cet égard le droit à la vie qui dans les trois textes est « protégé par

la loi » (article 2§1 CEDH, article 6§1 PIDCP, article 4§1 CIADH), prescrivant ainsi à l'État de

748 Selon le professeur M. Nowak à propos du PIDCP, « the wording of article 2 and its location in Part II of the

Covenant make it perfectly clear that the provision does not establish independent, subjective rights but rather duties of States parties based on "the rights recognised in the present Covenant" » M. NOWAK, U.N.Covenant on

Civil and Political Rights, CCPR Comentary, op. cit., p. 34, §13.

749

S. JOSEPH, J. SCHULTZ, M. CASTAN, The international covenant on civil and political rights, cases, materials

and commentary, Oxford University Press, 2nd

éd., 2004, p. 34.

750 F. SUDRE, « Les "obligations positives" dans la jurisprudence européenne des droits de l'homme », RTDH, 1995, p. 354.

prendre des mesures législatives. Il en est de même pour le droit à la liberté : l'article 5§3 CEDH dispose que toute personne détenue doit être « aussitôt traduite devant un juge ou un autre

magistrat », dont le droit correspondant est consacré aux articles 9§3 du PIDCP, et 7§5 CIADH. Les articles 5§4 CEDH, 9§3 PIDCP et 7§6 CIADH prévoient en outre que « toute personne privée de

liberté a le droit d'introduire un recours devant un juge » pour qu'il soit statué sur la légalité de sa détention. Ces droits, tout comme le droit à un procès équitable (article 6§1 CEDH, article 14 PIDCP, article 8 CIADH), et le droit à un recours effectif (article 13 CEDH, article 2§3 a) et b) PIDCP, article 25 CIADH), emportent implicitement mais nécessairement la mise en place par les autorités étatiques de tribunaux indépendants et impartiaux. Il faut ajouter à cette liste le droit pour tout accusé à l'assistance gratuite d'un interprète (article 6§3 e) CEDH, article 14§3 f) PIDCP, article 8§2 a) CIADH) et d'un avocat lorsque « l'intérêt de la justice l'exige » (article 6§3 c) CEDH, article 14§3 d) PIDCP). Enfin, le droit à des élections libres (article 3 protocole 1 CEDH, article 25 PIDCP, article 23 CIADH) exige que l'État mette en œuvre les moyens nécessaires afin d'organiser régulièrement des élections.

257. Le PIDCP et la CIADH contiennent par ailleurs des obligations positives

textuelles beaucoup plus détaillées que leur équivalente européenne. D'une part, ils insistent sur le fait que les individus doivent bénéficier de la « protection de la loi » (article 17 PIDCP, article 11 CIADH), là où la Convention EDH précise simplement que « toute personne a droit au respect de

sa vie privée, de son domicile et de sa correspondance » (article 8§1 CEDH). De manière plus générale, ces deux traités internationaux garantissent l'égalité devant la loi (article 26 PIDCP, article

24 CIADH)751. D'autre part, ils consacrent des obligations de protection des droits de catégories

particulières d'individus : les détenus, la famille, les enfants. Concernant les premiers, ces textes prévoient que « toute personne privée de sa liberté » est « traitée avec le respect de la dignité

inhérente à la personne humaine », le PIDCP ajoutant qu'elle doit également être traitée « avec

751

Le Protocole 12 à la Convention EDH, entré en vigueur le 1er

avril 2005, et qui garantit l'interdiction générale de la discrimination, vient remédier à l'absence d'un tel texte au niveau européen. Il prévoit que « la jouissance de tout

droit prévu par la loi doit être assurée, sans discrimination aucune ». Le rapport explicatif, souligne que l'article 1 « ne vise pas à imposer aux Parties une obligation positive générale de prendre des mesures pour éviter tout cas de

discrimination dans les relations entre particuliers ou pour y remédier » (§25) mais que l'« on ne peut exclure

totalement que le devoir d' "assurer", figurant au premier paragraphe de l'article 1, entraîne des obligations

positives » (§26), bien que « la portée de toute obligation positive découlant de l'article 1 sera probablement

limitée » (§27). Partant, « toute obligation positive dans le domaine des relations entre particuliers concernerait, au

mieux, les relations dans la sphère publique normalement régie par la loi, pour laquelle l’État a une certaine

responsabilité » (§28). La Cour aura à le déterminer mais elle n'a jusqu'à présent que très peu appliqué cet article. (Sur le protocole 12 voir G. GONZALEZ, « Le protocole additionnel n° 12 à la Convention européenne des droits de l’homme portant interdiction générale de discriminer », RFDA 2002, p. 113-123).

humanité » (article 10§1 PIDCP, article 5§2 CIADH). Les organes de contrôle en déduiront que l'État doit prendre les mesures nécessaires afin que soient garanties des conditions de détention respectant la dignité humaine. En outre, est indiqué expressément que les prévenus devront être séparés des condamnés, de même que les mineurs des adultes (article 10§4-5 PIDCP, article 5§4-5 CIADH). Pour ce qui est de la famille, elle doit être protégée par la société et par l'État (article23§1 PIDCP article 17§1 CIADH) et l'État doit prendre les « mesures appropriées pour assurer l'égalité

de droits et de responsabilités des époux752

au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution » (article 23§4 PIDCP et 17§4 CIADH). Enfin, il est prévu que tout enfant a droit aux « mesures de protection » exigées par « sa condition de mineur » de la part de « sa famille, de la

société et de l'État » (article 24§1 PIDCP, article 19 CIADH)753.

258. Il faut ajouter que la Cour de San José s'est reconnue compétente pour appliquer

d'autres Conventions adoptées dans le cadre de l’Organisation des États Américains, sous condition de la ratification de ces dernières par l'État en cause. Elle a pour ce faire procédé à des

interprétations plus ou moins audacieuses des clauses compromissoires de ces Conventions754. Or

ces Conventions contiennent des dispositions garantissant expressément des obligations positives afin que soient garantis des droits civils et politiques755, fournissant ainsi de nombreuses bases

752 La version française du texte interaméricain utilise les termes d' « équivalence judicieuse des responsabilités des époux ».

753

Le PIDCP contient en outre une disposition spécifique selon laquelle « les États parties au présent Pacte s'engagent à assurer le droit égal des hommes et des femmes de jouir de tous les droits civils et politiques énoncés dans le

présent Pacte » (article 3 PIDCP).

754

Pour la Convention interaméricaine contre la torture et les peines et traitements cruels, inhumains et dégradants du 9 décembre 1985 : Cour IADH, Fond, 8 mars 1998, Paniagua Morales et al. c. Guatemala, C 37 ; - =+04 )  %, Villagrán Morales et al. (« Les enfants des rues ») c. Guatemala, C 63. Pour la Conventions interaméricaine pour la prévention, la sanction et l'éradication de la violence contre les femmes signée à Belém do Pará le 9 juin 1994 : Cour IADH, Fond et réparations, 25 novembre 2006, Prison Miguel Castro Castro c. Pérou, C 160 ; RTDH, 2008, 1029, chron. L. Hennebel et H. Tigroudja. La Cour de San José n’est pas allée aussi loin concernant les Conventions de Genève, mais les utilise pour interpréter la Convention et renforcer potentiellement les obligations étatiques (v. Cour IADH, Fond, 25 novembre 2000, Bámaca Velásquez c. Guatemala, C 70, §208). H. TIGROUDJA, « L'autonomie du droit applicable par la Cour interaméricaine des droits de l'homme : en marge des arrêts et avis consultatifs récents », RTDH, 2002, p. 86 et s. ; L. HENNEBEL, La Convention américaine des

droits de l'homme, mécanismes de protection et étendue des droits et libertés, Bruylant, 2007, p. 115 et s. ; L. BURGORGUE-LARSEN, A. QA30+ DE TORRES, Les grandes décisions de la Cour interaméricaine des droits

de l'homme, op. cit., p. 73 et s.

755 La Convention interaméricaine sur les disparitions forcées impose que ces dernières soient interdites par la loi et que les responsables soient sanctionnés (articles I et III). Selon l'article 6 de la Convention interaméricaine contre la torture les États doivent prendre « des mesures efficaces pour prévenir et réprimer la torture dans leur juridiction », s'assurer « que tout acte ou tentative de torture constituent des crimes selon leur droit pénal » et établir « pour les

punir des sanctions sévères tenant compte de leur gravité », et enfin « s'engagent également à prendre des mesures

efficaces pour prévenir et punir en outre d'autres traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants dans leur

juridiction ». L'article 7 impose des obligations de formation des forces de l'ordre à cet égard et l'article 8 prévoit des obligations d'enquête. Enfin l'article 7 de la Convention interaméricaine pour la prévention, la sanction et

textuelles pour le juge interaméricain afin d'imposer des obligations d'action aux États.

259. Leur apport matériel est toutefois à minimiser. En effet, les obligations positives

inscrites dans ces textes sont en réalité équivalentes à des obligations positives prétoriennes que la Cour IADH avait préalablement dégagées à partir de la Convention IADH. Cependant, « ces

instruments ont le mérite d’être soit plus détaillés, soit destinés à des situations particulières que la

Cour est amenée à connaître »756. En offrant au juge interaméricain une base textuelle, le recours à ces conventions permet de légitimer l'interprétation des droits conventionnels opérée préalablement par la Cour. Il faut en outre noter que le juge procède toujours à un examen des faits à la fois au

regard de la norme « endogène » et de la norme « exogène »757. Un même fait pourra donc être

constitutif d’une violation d’une obligation positive prétorienne tirée de la Convention de San José et d'une obligation positive textuelle issue de la Convention contre la torture ou de la Convention de Belém.

260. Le corpus textuel que sont chargés de contrôler le Comité DH et la Cour

IADH offrent donc des bases juridiques solides afin d'imposer des obligations d'action aux États. À la différence du juge européen, qui à partir d'un texte pauvre à cet égard, a du développer une interprétation particulièrement dynamique et constructive afin de dégager de telles obligations, la démarche de ses homologues a été facilitée par la richesse de leur texte de référence. Là où la Cour européenne a eu à construire une véritable « technique » des obligations positives, c'est-à-dire l'utilisation de la notion d'obligation positive comme procédé interprétatif permettant de déduire des obligations étatiques d'action d'une disposition conventionnelle ne prévoyant pas expressément une

telle obligation758, un tel besoin ne s'est pas fait sentir dans un premier temps côté interaméricain et

onusien. Le Comité DH et la Cour IADH ont mis au jour des obligations positives prétoriennes en développant leurs propres techniques.

l'élimination de la violence contre la femme prévoit de nombreuses obligations positives, parmi lesquelles, celles de « mener les enquêtes nécessaires et sanctionner les actes de violence exercés contre » les femmes (article 7b)) et d'« incorporer dans leur législation nationale des normes pénales, civiles et administratives ainsi que toute autre

norme qui s'avère nécessaire pour prévenir, sanctionner, éliminer la violence contre les femmes, et à arrêter les

mesures administratives pertinentes ».

756 H. TIGROUDJA, I. K. PANOUSSIS, La Cour interaméricaine des droits de l'homme – Analyse de la jurisprudence

consultative et contentieuse, Bruylant, 2003, p. 161.

757

L. BURGORGUE-LARSEN, « La prohibition de la torture et ses équivalents dans le système interaméricain des droits de l'homme », in C.-A. CHASSIN, La portée de l’article 3 de la Convention européenne des droits de

l’homme, Bruylant, 2006, p. 34.

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