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Des dispositions g énérales plus larges que l'article 1 CEDH

Conclusion du Chapitre 1

SECTION 1 : Une cons écration unanime d'obligations positives prétoriennes par les organes de protection internationale et r égionale des droits de l'homme

A. Des dispositions conventionnelles pouvant constituer des fondements textuels à d'éventuelles obligations positivesà d'éventuelles obligations positives

1. Des dispositions g énérales plus larges que l'article 1 CEDH

249. Le PIDCP engage les États à « respecter et à garantir à tous les individus se

trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétence les droits reconnus dans le présent Pacte,

sans distinction aucune (...) » (article 2§1), ainsi qu'à prendre, « en accord avec leurs procédures

constitutionnelles et avec les dispositions du présent Pacte, les arrangements devant permettre

l'adoption de telles mesures d'ordre législatif ou autre, propres à donner effet aux droits reconnus

dans le présent Pacte qui ne seraient pas déjà en vigueur » (article 2§2).

L’article 1§1 de la Convention IADH intitulé « obligation de respecter les droits » prévoit que « les États parties s’engagent à respecter les droits et libertés reconnus dans la présente

convention et à en garantir le libre et plein exercice à toute personne relevant de leur compétence,

sans aucune distinction (…) ». L’article 2 intitulé « obligation d’adopter les mesures de droit

interne » prévoit que « si l’exercice des droits et libertés visés à l’article 1 n’est pas déjà garanti

par des dispositions législatives ou autres, les États parties s’engagent à adopter en accord avec

leurs prescriptions constitutionnelles, et les dispositions de la présente Convention les mesures

législatives ou autres nécessaires pour donner effet aux dits droits et libertés ».

250. Là où la disposition liminaire de la Convention EDH implique une obligation de

« respecter » les droits à la charge des États723 et présente une connotation plutôt passive, les dispositions équivalentes du PIDCP et de la Convention IADH prévoient en outre que les États

« garantissent » les droits, ce qui implique une attitude beaucoup plus active724. Par ailleurs, ces

deux textes viennent préciser que les États sont tenus d'adopter les mesures nécessaires afin de « donner effet » aux droits conventionnels, disposition qui n'a pas d'équivalent dans la Convention EDH. Cependant, si les États ayant participé à l'écriture de ces dispositions avaient l'intention visible d'assurer l'effectivité des droits contenus dans ces deux traités et de s'engager à transposer ces textes dans leur droit interne en adoptant des mesures « législatives ou autres », il est peu

723

V. supra Partie 1, Chapitre 1, Section 3, §2, A, n° 205 et s.

724

Cassin entendait le terme « garantir » de façon très large et qui correspond globalement à la manière dont il a été interprété par les organes de contrôle. Pour lui, il impliquait que les États « doivent organiser des recours efficaces

au profit des individus, victimes d'excès ou d'abus, mais également qu'ils assument la responsabilité internationale

des actes commis par des particuliers, des groupes d'individus ou des collectivités publiques secondaires à

l'encontre des droits reconnus. Par exemple, l'État ne s'engage pas seulement à s'abstenir de toute exécution capitale

arbitraire, mais à assurer la sécurité des habitants de son territoire, à ne pas tolérer les assassinats individuels ou

les lynchages collectifs, à réprimer les entreprises éventuelles de groupements terroristes, etc.. » (R. CASSIN, « La Déclaration universelle et la mise en œuvre des droits de l'homme », RCADI, 1951, t. 79, p. 306).

probable, à la lecture des travaux préparatoires, qu'ils aient entendu par ces clauses conférer un droit subjectif permettant à un individu d'exiger de l'État une obligation positive afin que soient garantis ses droits civils et politiques.

251. L'élaboration du PIDCP a débuté lors de la première session du Comité de

rédaction constitué au sein de la Commission des droits de l'homme, du 9 au 25 juin 1947725. Au

cours des discussions, un réel consensus s'est exprimé parmi les États autour de l'intention d'assurer l'effectivité des droits contenus dans le Pacte. L'article 2 a été présenté comme une disposition phare à cet égard. Le commentaire du texte des projets de Pactes internationaux relatifs aux droits de

l'homme daté du 1er juillet 1955, préparé par le secrétaire général, en témoigne. Il y est noté que

l'article 2 « énonce les obligations générales qu'assume un État lorsqu'il devient partie au Pacte

relatif aux droits civils et politiques » et que « l'importance de l'article 2 du point de vue de la mise

en œuvre du pacte » a été soulignée lors de l'élaboration de ce dernier. En effet « dans sa résolution

421 (V), l'Assemblée générale a estimé qu'il était "indispensable que le pacte comprenne des

dispositions qui obligent les États à promouvoir l'application des droits de l'homme et des libertés

fondamentales proclamés dans le pacte et à prendre les mesures, notamment d'ordre législatif, qui

sont nécessaires pour garantir à chaque individu la possibilité réelle de jouir de ces droits et

libertés" »726.

252. Si le choix du terme « garantir » figurant à l'article 2§1 n'a pas porté à

discussion727, l'insertion de l'article 2§2 au Pacte a été davantage controversée. La première question

débattue a été celle de savoir si les mesures d'adaptation du droit national visant à donner effet aux droits inscrits dans le Pacte devaient être adoptées avant ou après l'adhésion à ce dernier728. A

ensuite été discutée l'opportunité de fixer un délai pour que l'État se conforme à cette disposition729,

725 M. BOSSUYT, « Les travaux préparatoires », in E. DECAUX (dir.), Le Pacte international relatif aux droits civils et

politiques, Commentaire article par article, Economica, 2011, p. 3.

726

A/2929, Chapitre V, §2, p. 17. M. BOSSUYT, Guide to the "travaux préparatoires" of the International Covenant on

Civil and Political Rights, M. Nijhoff, 1987, p. 51.

727 Le terme « garantir » (« ensure ») figurait d'ailleurs initialement seul dans le projet. L'ajout du terme « respecter » est issu d'une proposition française et libanaise de 1950 (E/CN/4/SR.194, §45, cité par M. NOWAK, U.N.Covenant

on Civil and Political Rights, CCPR Comentary, Engel, 2005, 2ème éd., p. 31).

728

Il a été convenu qu'elles pouvaient être adoptées postérieurement à l'engagement de l'État, et que « le paragraphe 2 était nécessaire parce qu'il était indispensable de laisser une certaine souplesse aux obligations que le Pacte impose

aux États » A/2929, Chapitre V, §8 p. 18.

729 L'insertion d'une clause relative à un « délai raisonnable » tout comme celles établissant un délai précis furent rejetées (N. RODLEY, « Article 2 – Engagement des États parties », in E. DECAUX (dir.), Le Pacte international

relatif aux droits civils et politiques, Commentaire article par article, Economica, 2011, p. 126). La mise en place de la procédure de contrôle sur rapport (article 49 devenu article 40 dans la version définitive) était censée alors

du fait que pour certains États « l'idée d'application progressive, implicite dans le paragraphe 2,

(…) était incompatible avec les droits civils et politiques »730. Cet article 2§2 avait donc, dans l'esprit de ses rédacteurs, pour objet de déterminer dans quelle mesure les États devaient mettre en œuvre le

traité au sein de leurs ordres juridiques internes731. Ils ne l'avaient donc pas conçu comme permettant

d'engager leur responsabilité pour violation d'un droit civil et politique du fait de leur inaction.

253. Quant à la Convention IADH732, les termes « respecter » et « garantir » de l'article

1§1 figuraient déjà tels quels dans le projet rédigé par la Commission interaméricaine733 et qui a

servi de base de discussion lors de la Conférence spécialisée interaméricaine sur les droits de l'homme, réunie du 7 au 22 novembre 1969 dans le but d'approuver et de signer une Convention sur

les droits de l'homme734. Ainsi, tout comme pour le PIDCP, le choix du terme « garantir » n'a pas

été discuté. Quant à l'article 2 dans sa forme actuelle, il n'avait pas d'équivalent dans le projet de la

Commission. Il était issu d'une proposition du Chili735 d'intégrer à la Convention interaméricaine

une disposition analogue à l'article 2§2 PIDCP736. Le Chili avait obtenu le soutien de la République

constituer un « moyen de prévenir les délais excessifs ainsi que tous les abus auxquels le paragraphe 2 pourrait

prêter » (A/2929, Chapitre V, §11 p. 19).

730

A/2929, Chapitre V, §10 p. 18. Les britanniques se sont notamment fondés sur cet argument à l'appui de leur proposition de supprimer l'article 2§2 (M. BOSSUYT, Guide to the "travaux préparatoires" of the International

Covenant on Civil and Political Rights, op. cit., p. 57). Cette proposition peut surprendre dans la mesure où une disposition analogue à l'article 2§2 figurait dans un projet britannique (« chacun des États est tenu par le droit

international de veiller à ce que : a) ses lois garantissent à tous les individus relevant de sa juridiction, qu'il s'agisse

de ressortissants,-d'étrangers ou d'apatrides, la jouissance de ces droits de l'homme et de ces libertés

fondamentales » E/CN.4/21, annexes B, p. 22) qui avait servi de base de discussion au comité de rédaction de la Commission des droits de l'homme, conjointement avec un projet de la Division des droits de l'homme du Secrétariat (E/CN.4/21, annexes A). Cette disposition était en effet vue comme pouvant être invoquée afin d'échapper aux obligations de respect et de garantie des droits, en justifiant la possibilité d'une application progressive des droits. Cet argument a également été mentionné du côté interaméricain afin de contester l'insertion d'une clause de ce type dans la Convention IADH (Cour IADH, Avis n° 7, 29 août 1986, Droit de rectification ou de réponse, A 7, opinion du juge R. E. Piza Escalante, §29).

731 Le Comité n'a cependant pas interprété cet article comme impliquant une obligation d'incorporation du Pacte en droit interne (Comité DH, Observation générale n° 31, 29 mars 20046( !  -  !  F / LE

732

OEA/Ser.K/XVI/1.2, p. 55, p. 145 et s.

733 Ibid., p. 14. Un premier projet avait auparavant été rédigé par le comité interaméricain de jurisconsultes à la suite de la demande qui lui en avait été faite en 1959 au cours de la « Quinta Reunión de Consulta de Ministros de Relaciones Exteriores ». Des projets avaient également été élaborés par le Chili et la Paraguay. Sur le processus d'élaboration de la Convention interaméricaine se reporter à S. GARCÍA RAMÍREZ, Los Derechos Humanos y la Jurisdicción

Interamericana, Ed. Instituto de Investigaciones Jurídicas, UNAM, 1a

ed., México, 2002, p. 57 et s.

734 OEA/Ser.K/XVI/1.2, p. 2.

735 Ibid., p. 38.

736 « Les États parties au présent Pacte s'engagent à prendre, en accord avec leurs procédures constitutionnelles et avec

les dispositions du présent Pacte, les arrangements devant permettre l'adoption de telles mesures d'ordre législatif

Dominicaine737, du Guatemala738, de l'Équateur739, et des États-Unis740, et sa proposition, intégrée dans un premier temps à l'article 1§2741, était finalement devenue l'article 2 du projet final742.

254. Des clauses similaires aux articles 2§2 PIDCP et 2 CIADH se retrouvent dans

d'autres Conventions internationales et constituent un rappel du principe d'exécution de bonne foi des obligations conventionnelles. En tant que telles, elles peuvent donc être considérées comme « superfétatoires »743. Toutefois, pour les États qui ont milité pour leur insertion au sein de ces textes, elles visaient à permettre de « pallier l'absence de caractère d'applicabilité directe et

immédiate de certains droits inscrits au sein de la Convention »744. Cependant, elles pouvaient

également être interprétées comme indiquant que « l'accord n'est pas self-executing dans l'esprit

des signataires »745. Les États-Unis avaient proposé un amendement, finalement rejeté, afin d'ajouter

une clause explicite en ce sens au PIDCP746. En outre, lors de l'élaboration de la Convention IADH,

ils avaient clairement exprimé que l'article 2 CIADH appelait une telle interprétation de leur part747.

Or cette interprétation n'allait pas dans le sens de l'effectivité du texte. Elle empêchait en effet toute invocation des droits consacrés dans ces textes devant le juge national en l'absence de mesures nationales d'application.

255. En définitive, il ne ressortait d'aucune de ces deux interprétations initiales, que

cette clause pouvait générer dans le chef des individus un droit à exiger devant les organes

737 OEA/Ser.K/XVI/1.2, p. 55. 738 Ibid., p. 107. 739 Ibid., p. 145. 740 Ibid., p. 146. 741 OEA/Ser.K/XVI/1.2, p. 157. 742 OEA/Ser.K/XVI/1.2, p. 295. 743

P. DAILLIER, M. FORTEAU, A. PELLET, N. QUOC DINH, Droit international public, LGDJ, 8ème éd., 2009, p. 251. Dans le cadre interaméricain, l'ajout de cette clause a été critiqué, comme « superfétatoire voire dangereux » par rapport à l'article 1§1 jugé suffisant (L. BURGORGUE-LARSEN, A. QA30+ DE TORRES, Les grandes décisions

de la Cour interaméricaine des droits de l'homme, Bruylant, 2008, p. 281). Voir également Cour IADH, Avis n° 7, 29 août 1986, Droit de rectification ou de réponse, A 7, opinions des juges H. Gros Espiell, § 6 et s. et R. E. Piza Escalante, §23 et s.

744

L. BURGORGUE-LARSEN, A. QA30+ DE TORRES, Les grandes décisions de la Cour interaméricaine des

droits de l'homme, op. cit., p. 284.

745 P. DAILLIER, M. FORTEAU, A. PELLET, N. QUOC DINH, Droit international public, op. cit., p. 251.

746

Cet amendement précisait que « les dispositions du présent pacte ne prendront pas d'elles-mêmes effet comme loi

intérieure » (E/CN.4/224 ; E/CN.4/SR.125, p. 17 ; M. BOSSUYT, Guide to the "travaux préparatoires" of the

International Covenant on Civil and Political Rights, op. cit., p. 62).

internationaux une obligation d'action des États. Un tel constat s'impose également quant au choix du terme garantir. Il n’apparaît pas que les États avaient conçu ces dispositions autrement que s'adressant uniquement à eux mêmes. En les insérant dans ces deux textes, ils n'imaginaient sans doute pas qu'elles pourraient avoir un potentiel normatif et générer un droit subjectif à obtenir une action étatique. La localisation de ces dispositions au sein de leurs textes respectifs plaide également en ce sens. L'article 2 PIDCP se situe dans la deuxième partie, alors que les droits sont consacrés dans la troisième partie. Les articles 1§1 et 2 CIADH se trouvent dans le chapitre 1, intitulé « énumération des obligations », le chapitre 2 intitulé « des droits civils et politiques » énumérant ces derniers748.

Pourtant, sans égard aux intentions des États, ces deux types de disposition ont été exploités par les organes de contrôle afin de dégager des obligations d'action étatiques justiciables. Par leur formulation, ces dispositions étaient vouées à offrir un fondement textuel beaucoup plus solide aux obligations positives que dans le cadre européen. De plus, au sein de ces textes figurent des droits dont la formulation implique par elle-même des obligations positives textuelles.

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