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SECTION II : La résistance islamique contre l’occupation israélienne

A- Au niveau politique

Le succès militaire et combattant du « parti de Dieu » lui a assuré sa transformation d‘une milice en une force politique militaire et sociale légitime.

Ce processus est enclenché en 1990 et se confirme surtout à partir de 1996. Cette liba-nisation du Hezbollah, partie d‘une relecture de ses objectifs idéologiques s‘est aussitôt tra-duite dans sa nouvelle position au sein du jeu politique interne.

La transformation de ce parti à double allégeance iranienne et islamiste en un parti li-banais, s‘est manifestement opérée au niveau de son idéologie et de ses objectifs politiques.

Toutefois, tout acte ayant été effectué par ce parti, en porte la responsabilité.

De la part de son passé et ses revendications idéologiques mêmes, le Hezbollah passe-rait aisément pour un groupe armé idéologique, dont la lutte contre Israël semble être unique-ment guidée par des préceptes religieux et des dogmes théologiques.

A l‘origine, le Hezbollah avait pour principal objectif l‘instauration de la République islamique au Liban car l‘Etat libanais - selon lui - était perçu comme une création artificielle émanant du colonialisme. Mais les développements intervenus sur les scènes locales et régio-nales vont lui inciter à adapter une stratégie et une action à la nouvelle donne.

La révision à la baisse des objectifs du Hezbollah a entraîné son repositionnement sur la scène politique libanaise. Le rôle de la résistance nationale lui a été attribué par l‘Etat liba-nais et la Syrie.

La disparition du mot d‘ordre de « République islamique » du lexique officiel poli-tique du parti et l‘affirmation d‘un programme polipoli-tique coïncidant, dans nombre de ses grandes lignes, avec celui des partis de gauche et laïques, illustrent ce changement.1

En 1985, le Hezbollah précisa dans un message publié au public, les prises de position les plus importantes au sujet du djihad militaire et politique et les replaçaient dans la perspec-tive du parti. Cette lettre était divisée en quatre parties : identité du parti, combat, objectifs et un message pour les chrétiens.2

Dans ce message, le parti exprimait à la fois des objectifs politiques modérés tout en déployant le maximum d‘efforts pour mobiliser les Chiites autour d‘un programme islamique

1 P. Khalifeh « le Hezbollah entre pragmatique et idéologie », les Cahiers de l’Orient, quatrième trimestre 2001, n° 64, pp. 27 et 32.

2 Al-Safir, 25 février 1985, p. 2.

radical. Le parti de Dieu utilisa ensuite systématiquement cette technique, le message se diffé-renciant selon qu‘il s‘adressait au public ou à ses représentants politiques. L‘Islam constituait le fondement et l‘essence même du discours lorsque le parti s‘adressait aux fidèles et aux jeunes destinés à devenir des cadres combattants. Mais, les dirigeants adoptaient une approche moins religieuse et plus conciliante lorsqu‘ils ciblaient les partisans d‘une société pluraliste.

A la base, le Hezbollah ne reconnaît point la légitimité de l‘Etat d‘Israël ou de son éventuel droit à l‘existence. Par conséquent, il rejette toute forme de négociation avec Israël et revendique le droit de lutte jusqu‘à ce que « toute la Palestine et les territoires arabes oc-cupés soient libérés ».

En réalité, le deuxième volet de cet objectif semble constituer plus une position de principe qui, contrairement à d‘autres, ne peut être réfutée par un but réel que le Hezbollah s‘acharne de réaliser. Hassan Nasrallah déclare toujours que la résistance n‘est pas un jeu, ni une perte de temps mais, une vraie bataille sacrée…

Rappelons ici que les luttes anticoloniales et anti-impérialistes du Tiers Monde dans les années 50 et 60 étaient soutenues par l'URSS ou la Chine ou l'Égypte nassérienne ; cela n'enlevait rien à la réalité de l'insertion de ces mouvements dans leur société et la légitimité de leur lutte. La France, au lieu de mettre en cause son propre colonialisme, accusait l'Égypte d'être à l'origine de la rébellion algérienne et a même attaqué l'Égypte en 1956 aux côtés d'Israël et du Royaume-Uni. Les États-Unis ont fait de même au Vietnam, accusant l'URSS de financer et soutenir les combattants du Viêt-Cong. Tous ces mouvements de libération se sen-taient d'ailleurs solidaires entre eux et avec les mouvements de guérilla d'Amérique Latine, tout comme aujourd'hui, le Hamas et le Hezbollah ne peuvent que se sentir solidaires de la lutte similaire qu'ils mènent contre un même État qui occupe et colonise.1

Le Hezbollah aurait eu ainsi un objectif dual, la libération du Liban-sud et celle de la Palestine. Conscient de la situation globale de la région, le Hezbollah sera prêt dans le futur en cas de retrait israélien des fermes de Chebaa et d‘un arrangement de sécurité dans le cadre d‘un règlement global mettra fin, en tout état de cause, à toute option militaire.

Comme le constate Giles Trendle dans son article « Hizbollah : politics behind the passion », le Hezbollah est en effet un parti dont les leaders étaient conscients de la nécessité

1 G. Corm, Hezbollah et Israël au cœur du conflit, sur www.voltairenet.org.

de dissocier les deux objectifs : « les leaders du Hezbollah semblent avoir avalé cette pilule amère qui consiste à accepter la réalité politique de l’arrêt des hostilités qui suivra la signa-ture d’un éventuel traité de paix ».1

Hassan Nasrallah confirmait l‘hypothèse de Trendle en affirmant que le parti de Dieu ne fera pas obstacle à la signature d‘un traité de paix.2

L‘acquisition de ce statut ne fut pas immédiate au regard de l‘ensemble de la société libanaise et de la classe politique. L‘abandon du slogan de l‘instauration de la république islamique et la reconnaissance des accords de Taêf ont certes joué le rôle de garantie du parti à propos des nouvelles intentions du parti. De même, la délimitation des objectifs du « parti de Dieu » par rapport à l‘occupation israélienne du Liban-Sud seul, a montré que le Hezbollah devenait bel et bien un parti libanais, c‘est-à-dire ayant des objectifs satisfaisant l‘intérêt na-tional du Liban. Et, « le parti de Dieu » a gagné sa grande popularité avec sa réussite électo-rale. Ainsi, on peut dire que la casuistique a réussi à prétendre la légitimité de Hezbollah, ce dernier qui est jugé déloyale et même démoniaque. Meyrowitz voit qu‘il faut avoir un accord tacite ou une relation réelle entre les mouvements de résistance et le gouvernement et il n‘y a aucune condition qui exige la reconnaissance. C‘est le statut qui a acquis le Hezbollah, en lui octroyant le statut du défenseur national du pays.

Le déclic se fera en 1993 et particulièrement en 1996, avec le lancement de l‘opération des « raisins de colère » et le massacre de Cana (un village du sud) qui chargera la perception que se faisait l‘opinion publique libanaise du Hezbollah et de l‘occupation israélienne du sud en général. Une relative unanimité se créera autour du Hezbollah qui sera perçu en tant que résistance légitime. Les négociations sur le cessez-le-feu permirent au Hezbollah et aux auto-rités libanaises d‘obtenir des avantages importants. Le gouvernement libanais jouissait, au sein du comité chargé du contrôle du cessez-le-feu, d‘un statut égal à celui des représentants de la France, des Etats-Unis, de la Syrie et d‘Israël. Ce document mentionné fréquemment sous le nom « d‘accord d‘avril », affirmait de manière explicite le droit du Parti de Dieu de poursuivre ses activités de résistance contre les Israéliens et les combattants de l‘Armée du

1 G. Trendle, Hizbullah: politics behind the passion, Middle East international, n° 524, 1996.

2 Hassan Nasrallah dans une interview « Peace requires departure of Palestinians », Middle East insight, vol 15, n° 1, 2000.

Sud-Liban dans la « zone de sécurité ». Les Etats-Unis, la France et Israël avaient ainsi un accord reconnaissant le droit du Hezbollah de résister à l‘occupation israélienne. Cet accord portait un coup sérieux à l‘étiquette terroriste dont le Parti de Dieu cherchait à se débarrasser.

Grâce à la reconnaissance internationale du rôle qu‘il jouait dans le Sud, le Hezbollah sem-blait bien placé pour poursuivre sa lutte armée, sans être accusé de se livrer à des activités terroristes.1

L‘ouverture à l‘ensemble de la société libanaise sera facilitée par le charisme d‘Hassan Nasrallah. Il s‘imposera comme le chef de la résistance plus que le leader d‘un parti poli-tique2.

Profitant de ce crédit de confiance, le Hezbollah créera fin 1997 les brigades libanaises pour la résistance contre l‘occupation israélienne, ouvrant aux autres confessions libanaises la participation à la lutte contre l‘ennemi.

Parallèlement, le Hezbollah bénéficiera de la pénétration progressive dans la cause du Sud-Liban au sein de l‘espace politique libanais à partir de 1996, et l‘arrivée du président li-banais Emile Lahoud scellera l‘alliance politique de la résistance et du pouvoir, par une coor-dination de l‘armée libanaise avec le Hezbollah.

Une complémentarité s‘établira graduellement entre l‘Etat libanais et le Hezbollah : le premier apportera une caution officielle à la résistance du second, tandis que la diplomatie libanaise s‘activera sur le plan international pour tenter d‘obtenir une reconnaissance de la légitimité de celle-ci. Sur le terrain, une coopération discrète mais efficace se mettra en place entre l‘armée libanaise et les militants de Hezbollah sur les plans militaire et policier.

Suite aux élections législatives de 2005, il dispose d‘un groupe de 28 députés dont 11 proviennent directement de ses rangs. Il dispose de trois portefeuilles ministériels, dont celui de l‘Énergie occupé par un de ses dirigeants. Enfin et surtout, le 8 juin 2006, il a conclu une alliance politique, dite « Document d‘entente », avec le Courant patriotique libre (CPL) du

1 J. Palmer Harik, Le Hezbollah, le nouveau visage du terrorisme, Via Medias éditions, traduit de l‘anglais, 2006, p. 179.

2 La mort de son fils, au cours d‘une opération militaire l‘accréditera d‘un mouvement de sympathie qui dépas-sera largement la communauté chiite.

général Michel Aoun. Document qui stipule que le désarmement de la branche militaire du Hezbollah devra être décidé dans le cadre d‘un « dialogue national ». Ce nouveau statut ren-forcera le Hezbollah tant au niveau interne qu‘externe.