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SECTION IV : La différence entre le terrorisme et la résistance

B- Ses activités terroristes

Al-Qaïda est une structure souple et évolutive, qui agrège les initiatives terroristes à travers le monde. Elle pourrait exister sans Ben Laden, même si son successeur ne disposerait pas des finances de celui-ci ni de sa capacité à incarner la mobilisation salafiste à travers le monde1. Autrement dit, Ben Laden n‘a pas forcément le monopole de la décision sous pré-texte qu‘il incarne une cause pour ses partisans et ses adversaires, et plusieurs de ses succes-seurs paraissent pouvoir émerger au sein même d‘Al-Qaïda. Or, En dessous de ce niveau de direction se trouve un conseil consultatif religieux (Le Choura Majlis) auquel sont soumis quatre comités : militaire, religieux légal, financier et médiatique, étroitement compartimen-tés pour des raisons de sécurité. Al-Qaïda paraissait avoir largement évolué depuis sa créa-tion et ses effectifs semblaient s‘élever à 3000 voire 5000 hommes. Ses principaux camps afghans se trouvaient à Khost, Mahavia, Kaboul, Jalal abad, Kandahar, Tora Bora, Liza et près de la ville pakistanaise de Quêta.

Ainsi, Le programme politique de Ben Laden reprend-t-il celui de l‘organisation poli-tique salafiste, réorganisation des sociétés arabes autour du modèle islamiste d‘encadrement (des Émirats plutôt que des États au sens européen du terme) et d‘une influence théocratique coranique sur les sociétés contrôlées.

1 Voir notamment dans l‘annexe.

Au plan international, la vision de Ben Laden est syncrétique et opportuniste : à l‘exigence d‘un retrait des troupes américaines d‘Arabie Saoudite s‘associe celle, plus traditionnelle, de l‘effacement d‘Israël. Ce n‘est que lors du début des frappes sur l‘Afghanistan que Ben La-den a tenté de récupérer, dans sa rhétorique, le problème palestinien en tant que tel.

Al-Qaïda puise à distance, par la force de ses messages, pousse au terrorisme des musulmans qui, intégrés dans la vie quotidienne d'un pays occidental, vont en conséquence frapper. C‘est probablement le message le plus inquiétant transmis par le massacre de Madrid (attentat de 11 mars 2004). Les terroristes étaient des immigrés essentiellement Marocains, certains de la seconde génération ; sans oublier l‘attentat de Londres à l‘été 2005.

Tous ces facteurs conjugués – islamisme, haine de l'Occident, conflit israélo-arabe, attentats, représailles, menaces, immigration musulmane massive – conditionnent la politique extérieure de plusieurs pays européens. Il est réaliste de supposer que l'importance de l'immi-gration musulmane en France, en Allemagne et en Belgique explique au moins partiellement l'hostilité à la guerre en Irak affichée par ces pays. Ces derniers pouvaient redouter des atten-tats, voire des troubles intérieurs s'ils intervenaient dans ce conflit.

Preuve en est que l'Espagne de José Maria Aznar, allié privilégié de George Bush, a été du-rement atteinte le 11 mars, trois jours avant les élections législatives. Al-Qaïda ou ceux qui s'en réclament ont alors réussi une première, déjà analysée dans les facultés de sciences poli-tiques: renvoyer dans l'opposition, au profit de socialistes qui prônaient le désengagement d'Irak, un gouvernement conservateur porté par son miracle économique et favori de tous les sondages jusqu'au jour du massacre.

Comme ceux du 11 septembre 2001, les attentats islamistes de Madrid ont eu donc des con-séquences internationales immédiates et importantes.

Le terrorisme présente toujours dans le monde contemporain un caractère permanent qui a favorisé une véritable coopération interétatique touchant à la fois la police, le droit et la diplomatie. Cette coopération s‘est développée dans des cadres divers : au sein des institu-tions spécialisées des Nainstitu-tions Unies, puis aux Nainstitu-tions Unies elles-mêmes et enfin dans des enceintes plus limitées.

L‘Amérique, l‘Europe, l‘Asie ont tous leurs terroristes, qu‘ils s‘appellent séparatistes basques ou corses, ou armée républicaine ou rouge. L‘État hébreu est, lui, à la tête du terro-risme. Sans l‘occupation de la Palestine, sans la création de cet État au milieu des pays arabes,

il n‘y aurait eu ni Hezbollah, ni Hamas, ni Djihad islamique, ni Intifada. La répression armée, comme opération de police intérieure et terrorisme d‘État, redevenait soudain une « guerre ».1

Ainsi, la lutte que se livrent Palestiniens et Israéliens n'est-elle pas à armes égales. La guerre israélienne prétend éradiquer le "terrorisme". Or elle ne fait que renforcer la volonté de résistance du peuple dans laquelle s'enracine ce "terrorisme". La guerre israélienne vient fier le "terrorisme" palestinien de la même manière que le "terrorisme" palestinien vient justi-fier la guerre israélienne.

"La guerre, selon la célèbre formule de Clausewitz, est une simple continuation de la politique par d'autres moyens."2 Et cela implique que les moyens de la guerre soient subor-donnés à sa fin politique, que le dessein politique dont la guerre résulte demeure la considéra-tion première qui dicte sa conduite. Or, à l'évidence, cette guerre n'est pas la continuaconsidéra-tion, mais l'interruption de la politique. 3

Toute lutte contre le terrorisme suppose l‘élimination de ses causes car la violence n‘engendre que la violence….4

Occupation et résistance, ces deux faits doivent être rangés selon les règlements du droit international public. Il est vrai que l‘occupation militaire est un fait fondé sur des rapports hostiles, mais le droit international a tenté de la prendre en considération tout en imposant une fin et des limites à son activité, afin d‘assurer l‘ordre public entre les États. La formule du Professeur Charles Rousseau semble la définir très nettement : « c’est un état de fait… mais cet état de fait n’est pas indifférent au regard du droit ».

1 J. Derrida, le Monde diplomatique, février 2004, p. 16.

2 C. V. Clauzewitz, de la guerre, édition abrégée et présentée par Gérard Chaliand, éd. Perrin, Paris, 1999.

3Certes, on peut comprendre que l'humiliation et le désespoir conduisent de jeunes Palestiniens à se convaincre que, face aux chars, aux avions et aux missiles qui outragent leur peuple au vu et au su du monde entier, mais dans la plus totale impunité, ils n'ont que leurs corps à offrir pour résister à l'inacceptable. On peut comprendre, et il serait aussi vain que présomptueux de se poser en donneur de leçon en brandissant des condamnations indi-gnées. Mais, quand tout a été dit, on ne peut pas justifier et on ne peut pas accepter. Car justifier et accepter, ce serait se résigner à ce que des filles et des garçons de vingt ans décident de mêler leur mort à celle d'autres filles et d'autres garçons qui portent en eux la même innocence tragique. www.mideastweb.org.

4 « En réalité, il apparaît de plus en plus que les États-Unis et Israël servent de polarisateurs à un regain de visées hégémoniques et autoritaires voire fascistes dans le monde, dont le Proche-Orient paye directement les frais ». G.

Corm, op.cit.

De même, la résistance envers l‘occupant tombe elle aussi sous l‘application du droit commun. Et pour être régulière, elle ne doit pas contrevenir ses lois. Les combattants ont ainsi un statut juridique reconnu par le droit international à certaines conditions. Ils constituent alors les combattants réguliers par opposition aux combattants irréguliers.

Il existe naturellement des liens ou des passerelles entre plusieurs activités relevant de la violence politique. Les domaines de chacune des sphères de ce type de violence (guérilla, subversion, insurrection, terrorisme…) peuvent se croiser, ou plutôt, se chevaucher dans cer-taines situations. L‘une peut emprunter à d‘autres. Certains traits peuvent être également communs avec ceux de la guerre conventionnelle. Les terroristes et les guérilleros utilisent souvent les mêmes tactiques – attentats à la bombe, prises d‘otages, assassinats – et le font pour influencer les comportements ordinaires et intimider l‘adversaire. En outre, les guérille-ros, tout comme les terroristes, ne portent pas d‘uniformes ni de signes permettant de les dis-tinguer des non combattants.

Cependant, il existe d‘importantes différences entre ces deux types d‘action violente.

La guérilla tente de contrôler physiquement un territoire, même si c‘est uniquement pendant une période de temps. Or, la tactique terroriste n‘est pas de contrôler physiquement un terri-toire.

De tous temps, les États et peuples qui ont pris les armes ont affirmé qu‘ils le faisaient pour une juste cause. Selon Vattel (1714-1767) « la guerre ne peut être juste des deux côtés.

L‘un s‘attribue un droit, l‘autre le lui conteste ; l‘un se plaint d‘une injure, l‘autre nie de l‘avoir faite. Ce sont deux personnes qui disputent la vérité d‘une proposition. Il est impos-sible que les deux sentiments contraires soient vrais en même temps… »1

Au regard du droit international, une évolution a néanmoins pu être constatée. C‘est pour cette raison qu‘occupation et résistance s‘épanouissent également dans le droit de la guerre, dont certaines notions juridiques doivent être appliquées et respectées.

En revanche, la vieille notion du droit international est en plein accord avec la Charte des Nations Unies qui stipule dans son article 2, § 4, de ne pas « recourir à la menace ou à l’emploi de la force contre l’intégrité territoriale ou à l’indépendance politique de tout État… », Car le titre de souveraineté reste intact et l‘État occupé subsiste malgré l‘occupation.

1 www.icrc.org/ François Bugnion « Guerre juste, guerre d‘agression et droit international », RICR, septembre 2002, vol. 84, n° 847.

Il n'en reste pas moins cependant, qu'admettre qu'au nom de la lutte contre le terro-risme, on envahisse des pays, les mette sous blocus maritime, aérien et terrestre, terrorise leurs populations civiles par des bombardements aériens massifs, c'est accepter que le «monde civilisé» s'engouffre à nouveau dans une forme de barbarie que l'on croyait disparue.1 Sans donner une définition acceptable et cohérente à tous de l‘acte terroriste, il est impossible de condamner un État, un mouvement, etc.

Comme argumente W. Laqueur : « Le terrorisme est employé comme synonyme de rébellion, de batailles de rues, de lutte civile, d‘insurrection, de guérilla rurale, de coup d‘État et autres. L‘usage sans discernement du terme réussit, non seulement, à gonfler les statis-tiques, mais également, à rendre la compréhension du caractère spécifique du terrorisme et la façon d‘y faire face beaucoup plus complexe ».2

Le terme de terrorisme a toujours été utilisé par les puissances occupantes d‘un pays pour désigner les forces de résistance et de libération dudit pays : ce fut ce terme de terrorisme qu‘utilisa l‘occupant allemand pour qualifier la Résistance française, qui refusait la collabora-tion pétainiste.3 Ce fut ce même terme qu‘utilisèrent les gouvernements français pour qualifier les actions de résistance et de guerre menées par les combattants du FLN algérien pour con-quérir l‘indépendance de leur pays. Et plus loin dans le passé, le terme fut utilisé par les Au-trichiens contre les patriotes italiens, par les services du tsar contre les révolutionnaires russes…

Contrairement à la guerre conventionnelle et à la guérilla, le terrorisme n‘a pas de sta-tut légal selon la loi internationale. Pour cette raison, le terrorisme en tant que stratégie et les terroristes en tant que parti combattant ne peuvent espérer obtenir un statut légal.

La règle de la prohibition de l‘emploi de la force est une règle conventionnelle, inscrite dans la Charte des Nations Unies. Les évolutions de la vie internationale ont montré qu‘il se-rait objectivement nécessaire d‘admettre certaines actions unilatérales, lorsque les méca-nismes de sécurité collective n‘ont pu fonctionner surtout contre tout acte terroriste.

1 G. Corm, « Hezbollah et Israël au cœur du conflit », www.voltairenet.org

2 Laqueur W., The Terrorism Reader: A Historical Anthology, New York, éd. Meridian, 1978, p. 262.

3 Il y a une forte tendance de la part des politiques, des analystes et autres, de ne définir comme « terroristes » que les actes commis par des groupes s‘opposant à l‘agenda politique d‘un certain pays.