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Le développement de la notion du combattant

L‘extension de la notion de combattant est le point le plus marquant de l‘évolution de la codification internationale en la matière. La pratique des guerres passées et notamment celles qui remonte au XVIème Siècle ne faisait aucune distinction entre les belligérants réguliers ou irréguliers, « On ne faisait pas seulement la guerre aux soldats … on la faisait à la population toute entière ».1

Rousseau affirme que la guerre n‘est pas « une relation d‘homme à homme, mais une rela-tion d‘Etat à Etat, dans laquelle les particuliers ne sont ennemis qu‘accidentellement ». Il ajoute que « la fin de la guerre étant la destruction de l’ennemi, on a droit d’en tuer les dé-fenseurs tant qu’ils ont les armes à la main, mais sitôt qu’ils les posent et se rendent, cessant d’être ennemis ou instruments de l’ennemi, ils redeviennent simplement hommes et l’on n’a plus le droit sur leur vie ».2

Définissant la guerre comme étant « un état d’hostilité armée entre nations ou gouverne-ments souverains » (article 20), c‘est à la faveur de la guerre civile américaine (1861-1865), que le professeur F. Lieber élabora le texte, qui portera désormais son nom, sur les lois et

1 A. Mailler, « De la distinction des combattants et non combattants comme base du droit de guerre », Thèse, Paris, 1916, p. 50.

2 A. Zemmali, « Combattants et Prisonniers de guerre en droit islamique et humanitaire », Paris, Ed .Pedone, 1997, p.75.

tumes de la guerre aux forces armées des Etats-Unis. Il a distingué clairement entre combat-tants et non-combatcombat-tants ; « le citoyen non armé doit être épargné quant à sa personne, ses biens, son honneur autant que les exigences de la guerre le permettent ».1 Lieber admet le principe selon lequel « le citoyen non armé doit être épargné quant à sa personne, ses biens, son honneur autant que les exigences de la guerre le permettent. » (art.22)

S‘inspirant de la codification américaine, plusieurs tentatives ultérieures s‘accélèrent telles que la Convention de Genève du 22 août 1864 sur l‘amélioration du sort des militaires blessés dans les armées en campagne.2

Quelques années plus tard, le sujet de la résistance armée populaire contre l‘envahisseur et l‘occupation était le principal débat qui subsistait durant les discussions des conférences de Bruxelles de 1874 et de La Haye de 1899 et 1907. Le but c‘était de bien placer la raison et le droit au-dessus de la force.3 Avec la présentation du plan concernant la loi de la guerre ter-restre de la part du gouvernement russe, la conférence de Bruxelles avait déjà posé le pro-blème des Francs-tireurs, s‘inspirant de la guerre de 1870. La conférence s‘est divisée en deux parties : les grands Etats (la Prusse en tête) avaient insisté à forcer les civils des territoires occupés à se soumettre aux autorités d‘occupation et à ne jamais adopter la violence comme une méthode visant l‘expulsion des armées occupantes de leur sol national. Tandis que la par-tie des petits Etats avait appelé à ne jamais reconnaître les droits et les revendications des pays occupants à l‘égard des territoires occupés, tout en insistant sur le droit légal du peuple à se révolter contre les forces de l‘occupation, jusqu'à la date ultime de leur expulsion hors du sol national.4

1 Ibid., page 77.

2 J. B. Scott, Les conférences de la paix de La Haye de 1899 et de 1907, traduction française par A. de LA PRADELLE, Paris, éd. Pedone, 1987.

3 A. Mailler, précité, p. 50.

4 M. Majzoub, Al'kanoun al‘dawli al‘am (le droit international public) Beyrouth, éd. Majd, 1994.

Finalement, la conférence a réussi à surpasser plusieurs obstacles pour achever un com-promis concernant les règles de la Loi terrestre émanant des lois martiales prévalentes déjà dans le passé.

Lors de la conférence de La Haye en 1907, le débat a opposé de nouveau le camp « militariste » (grandes puissances) au camp « patriotique » (petits Etats) qui défendait l‘extension du statut de prisonnier de guerre aux combattants irréguliers. Le délégué britan-nique proposa d‘ajouter une disposition aux termes de laquelle on peut considérer les résis-tants comme belligérants illégaux.

Un compromis était réalisé autour de l‘article 2 alinéa 6 et de l‘article 1 de la quatrième Convention relative « aux lois et coutumes de la guerre sur terre » qui admettaient deux caté-gories de combattants irréguliers. L‘article 2 alinéa 6 concernait l‘hypothèse de la levée en masse de la population d‘un territoire non encore occupé qui, à l‘approche de l‘ennemi, prend spontanément les armes pour combattre les troupes d‘invasion sans avoir eu le temps de s‘organiser. La reconnaissance de leur qualité de belligérant était soumise à deux conditions de fond : l‘urgence et un territoire non entièrement occupé ; et à deux conditions de formes : le port ouvert d‘armes et le respect des lois et coutumes de la guerre.1

Quant à l‘article 1, il couvrait les milices et les corps de volontaires auxiliaires des forces régulières qui sont plus précisément les « corps francs ». Ces factions consistent en des indi-vidus qui participent délibérément aux opérations de guerre sans être membres d‘un corps, d‘une unité affiliée au sein des unités de l‘armée régulière.2

Cet article soumettait son application à quatre conditions impératives : une personne respon-sable à la tête du mouvement; le port d‘un signe distinctif fixe et reconnaisrespon-sable à distance; le port ouvert des armes; le respect des lois et coutumes de la guerre.

Les conditions nécessaires à l‘existence de la qualité de belligérant sont donc précisées par l‘article1 et 2 du Règlement annexe à la IVème Convention de La Haye de 1907 :

1 Charles Zorgbibe, La résistance à l‘occupant et le droit international, Revue de Défense Nationale, N°2 dé-cembre 1971, pp.1810-1824.

2 C. Zorgbibe, op.cit.1, p. 81.

- Article 1 : « Les lois, les droits et les devoirs de la guerre ne s‘appliquent pas seu-lement à l‘armée, mais encore aux milices et aux corps de volontaires réunissant les condi-tions suivantes :

D‘avoir à leur tête une personne responsable pour ses subordonnés, D‘avoir un signe distinctif fixe et reconnaissable à distance,

De porter les armes ouvertement,

De se conformer dans leurs opérations aux lois et coutumes de la guerre.

- Article 2 : « La population d‘un territoire non occupé qui, à l‘approche de l‘ennemi, prend spontanément les armes pour combattre les troupes d‘invasion, sans avoir eu le temps de s‘organiser, conformément à l‘article 1, sera considérée comme belligé-rante, si elle porte les armes ouvertement et si elle respecte les lois et coutumes de la guerre ».

Ainsi, le « droit de La Haye » précise-t-il les conditions selon lesquelles une personne peut avoir la qualité de combattant. Il régit également, dans une certaine mesure, les relations entre l‘occupant et la population du territoire occupé.

La plupart des doctrines vont se servir de l‘interprétation de ces deux articles pour refuser la qualité de belligérants aux populations. Celles-ci prennent les armes une fois l‘occupation effectuée et constituent des forces ne réunissant pas toutes les conditions énoncées dans l‘article 1.

Meyrowitz considère, dans le cas des volontaires, qu‘ils doivent être traités comme « des prisonniers de guerre, le moment où ils seront capturés par l’ennemi ».1

A côté de ces deux articles, une disposition très importante inclue dans le préambule de la convention de La Haye, plus connue sous le nom de « clause de Martens », affirmait la validi-té de la coutume et la possibilivalidi-té d‘adopter de nouvelles dispositions de droit international relatives aux conflits armés. Cette clause sera d‘ailleurs reprise par la troisième Convention de Genève de 1949 et par la résolution adoptée à la Conférence de Téhéran de 1968.

1 H. Meyrowitz, op.cit., p.888. Et chez le même auteur dans son article intitulé « Armistice et Résistance », déjà cité infra, p.270.

On considère que ces dispositions ont eu pour résultat d‘appuyer favorablement le droit de la résistance d‘un peuple contre son oppresseur ou son envahisseur. Cet état juridique régna jusqu'à 1949.

Autrefois, deux procédés étaient courants : la levée en masse et les Francs-tireurs. A la le-vée en masse, qui est la résistance spontanée de la population entière à l‘invasion étrangère, s‘est substituée une tactique plus subtile : les mouvements de résistance.

La Seconde Guerre mondiale avait posé la question de la qualité du belligérant des membres des mouvements de résistance. La période ou leur phénomène a connu son ampleur sous formations variées (maquisards, organisation ou réseau de résistance…) et dans les pays occupés par les armées de l‘Axe : France, Pologne, U.R.S.S., Yougoslavie, Grèce, Norvège et Italie. Ces mouvements ont pu conduire la guerre et ont constitué une force vitale contre l‘armée nazie occupante. Devant l‘action partisane de ces mouvements, le grand état-major allemand a fait exécuter comme « terroristes » les partisans, indépendamment du point de savoir s‘ils avaient observé ou non les règles de La Haye sur la qualité de belligérant.

En ce qui concerne les forces françaises de l‘intérieur (FFI), les autorités françaises et al-liées avaient estimé que leurs activités seraient légales au sens du Règlement de La Haye.

Alors que les autorités allemandes y voyaient une violation de la Convention d‘armistice et les traitaient comme bandits et déniaient leur statut comme combattants.1

Pour lutter contre la doctrine allemande, on cherchera à donner un statut juridique aux ré-sistants. C‘est ainsi que l‘ordonnance du 9 juin 1944, relative aux Forces Françaises de l‘Intérieur ou F.F.I. s‘appliqua « à l’ensemble des unités combattantes et à leurs services qui mènent la lutte contre l’ennemi sur le territoire métropolitain, dont l’organisation est recon-nue par le C.F.L.N. et qui ont à leur tête des chefs reconnus par le C.F.L.N. »

Quant aux partisans grecs et yougoslaves, le tribunal militaire américain, au cours de

« l’hostage Trial » avait estimé qu‘ils n‘avaient pas respecté le droit de la guerre puisqu‘ils n‘avaient pas satisfait à la condition de l‘article 1 relative au port d‘un signe distinctif et re-connaissable à distance.

Désormais, les conventions de La Haye étaient insuffisantes pour assurer une protection valable aux mouvements de résistance.

1 H. Meyrowitz, o.p.cit. p. 232.

D‘importantes améliorations ont été apportées par les Conventions de Genève de 1949, surtout l‘article 4 de la quatrième convention (relative au traitement des prisonniers de guerre) qui a concrétisé la clause de Martens en accordant un statut juridique et une protection inter-nationale, en octroyant aux membres des mouvements de résistance organisées à l‘intérieur des territoires occupés l‘accès au statut de prisonnier de guerre et en assimilant leur situation à celle des corps de volontaires, pourvu que ces mouvements remplissent les quatre conditions énumérées par l‘article 1 du Règlement de La Haye de 1907.1

Et pour tous ceux qui ne satisfaisaient pas aux conditions de l‘article 4 (A) 2, les conven-tions de 1949 ne prévoyaient que l‘application des règles humanitaires minimales de l‘article 3, commun aux quatre conventions de Genève.2

La Convention de Genève s‘étend aux personnes qui ne sont pas ressortissantes de la Partie du conflit au pouvoir de laquelle elles se trouvent, ainsi qu‘à la population des territoires oc-cupés, excepté les nationaux de l‘Etat occupant. Applicable donc, « en cas de conflit ou d‘occupation», même si celle-ci « ne rencontre aucune résistance ».3

En effet, la conférence diplomatique de Genève n‘a fait que constater que toute société de guerre doit être saisie par le droit.4

Cependant, la pratique des guerres récentes de libération que ce soit en Europe, en Afrique ou en Asie, a mis en évidence l‘inégalité de situation des parties en conflit en ce sens que, face aux armées régulières ennemies, le vaincu, n‘ayant pas la prépondérance technique de son adversaire, oppose une résistance organisée et souvent soutenue par la population civile. Il sera érigé à faire appel, pour compléter ses effectifs, à des éléments civils qui vont se mêler à la lutte. Le statut de leurs combattants quant au « jus ad bellum » est sans effet sur le « jus in bello » applicable. Cela signifie qu‘un manque de discipline militaire ainsi que des défauts

1 P. de La Pradelle, La Conférence diplomatique et les nouvelles Conventions de Genève du 12 août 1949, éd.

Pedone, Paris, 1951, p.50 et s.

2 Recueil des instruments internationaux, op.cit., p.750 et 751.

3 IV Convention, art. 2, al.2.

4 De La Pradelle, ibid. p.55.

d‘organisation régnèrent alors dans les corps de partisans. Et bien souvent, poussés par les sentiments et les sympathies des compatriotes et des organisations et gouvernements étran-gers, leur conduite paraît rigoureuse. Ce qui rend le théâtre de guerre plus étendu et augmente les possibilités de la guerre de guérilla.

Et même, il parait difficile de refuser le caractère de belligérant légitime aux partisans, sur-tout quand on observe « les formes de combat des armées régulières semblables à celle des partisans ou s’effectuent : l’emploi des petites unités militaires, des commandos, de la cavale-rie de l’air et la clandestinité. »

C‘est seulement à partir de l‘intégration de la guérilla dans le droit de la guerre que le bel-ligérant aurait, alors, l‘obligation de respecter les lois et les coutumes de la guerre. On peut ici parler du conflit vietnamien dominé par des opérations de guérilla dirigées contre les forces armées régulières de l‘ennemi. En petits groupes, ces guérilleros opèrent sans arborer un signe fixe et reconnaissable à distance et sans porter ouvertement les armes comme l‘exigent les Conventions de Genève de 1949, face à une armée adverse très mécanisée.1

Il paraît que, les guerres de libération s‘érigeaient en conflits armés internationaux durant ces dernières décennies. Elles ont impliqué un changement dans la situation des combattants de la guérilla. Ce qui est désormais consacré, par le Protocole I de 1977 additionnel aux quatre conventions de Genève, a donné de nouvelles conditions qui se conforment avec l‘évolution et l‘aboutissement du changement de la structure de la communauté internationale, et les tendances modernes et situations révélées de la naissance des Etats nouveaux.2

A la lumière de certaines formes de conflits contemporains, seules deux conditions peuvent être retenues : l‘organisation de type militaire et l‘observation des lois et coutumes de la guerre. Malgré le grand progrès atteint par le droit des conflits armés en 1949, d‘autres défis posés par les guerres de libération nationale et par certains conflits internes exigeaient des réponses adéquates que le droit existant n‘était pas de même à fournir.

1 En ce sens, à voir L‘article « Le droit de l‘occupation et la guérilla populaire » (quelques réflexions sur la résistance vietnamienne) in Annuaire français du droit international, 1967, p.180.

2 A. Zemmali, op. cit., p.229 .

La conférence diplomatique sur la réaffirmation et le développement du droit international humanitaire applicable dans les conflits armés pendant les années 1974 jusqu‘au 1977, a fini par adopter deux protocoles additionnels aux conventions de Genève du 12 août 1949, dont ils reflètent les revendications d‘une bonne partie des Etats du monde et proclame le désir inter-national d‘une grande protection pour les combattants et les victimes des conflits armés. Et afin d‘éviter à des résistants – auteurs d‘actions légitimes - d‘être jugés comme des criminels par l‘autorité occupante sous des appellations d‘apparence légale (terroristes, espions, traîtres, saboteurs…).

Le Protocole I constitue un instrument juridique relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux, alors que le Protocole II est relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux. Ils sont fondés sur des considérations humanitaires.

Néanmoins, l‘application du Protocole II ne pouvait avoir d‘effet sur le statut juridique des parties au conflit. Il énonce le principe selon lequel « la population civile et les personnes civiles jouissent d’une protection générale contre les dangers d’opérations militaires ». (Ar-ticle 13, part.1)

Le Protocole I, qui nous intéresse ici, a étendu le bénéfice des dispositions pertinentes du droit humanitaire aux non-combattants.

Correspondant au contenu des quatre Conventions, les nouvelles dispositions du Protocole I visent à mieux protéger les blessés, les malades et les naufragés et à assurer aux prisonniers des guerres des conflits le traitement adéquat. Il énonce dans son premier article:

« - Ce présent Protocole complète les Conventions de Genève du 12 août 1949 pour la protec-tion des victimes de la guerre.

- Le paragraphe précédent vise les conflits armés dans lesquels les peuples luttent contre la domination coloniale et l‘occupation étrangère et contre les régimes racistes dans l‘exercice du droit des peuples à disposer d‘eux-mêmes, consacré dans la Charte des Nations Unies et dans la Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats conformément à la Charte des Nations Unies. »1

1 Le Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I) Recueil des instruments internationaux, op. cit., L‘article 43 page

Ce protocole joint les préoccupations du « droit de La Haye (qualité de combattant) et celles du « droit de Genève » (statut de prisonnier de guerre).

De plus, il est nécessaire de signaler ici, que « le droit de Genève » a distingué comme on l‘a vu plus haut, entre les forces régulières et les forces irrégulières quant à leur droit au statut de prisonnier.

Mais, avec ce protocole, cette distinction est abolie, et il accorde le statut de combattant (et de prisonnier) à de nouvelles catégories de guerriers. Bref, les textes de 1977 définissent le statut de prisonnier par renvoi à celui du combattant.